Extraitdu point de presse de M. Jacques CHIRAC Président de la République àl'issue de la séance de travail des chefs d'Etat et de gouvernement duG7 (21.07.2000 - Okinawa - Japon)

Extrait du point de presse de M. Jacques CHIRAC Président de la République à l'issue de la séance de travail des chefs d'Etat et de gouvernement du G7 (21.07.2000 - Okinawa - Japon)

QUESTION - Deux questions concernant la Russie, Monsieur le Président. La première, concerne les dettes russes. Je voudrais connaître la position française à cet égard. Si M. POUTINE présente une demande de réduction de dette, un rééchelonnement, quelle serait votre réaction ? Deuxième question, je crois que vous n'avez pas encore rencontré M. POUTINE. Est-ce que vous allez le rencontrer à Okinawa ? Est-ce que vous allez avoir un entretien bilatéral ? Si tel n'était pas le cas, y a-t-il une intention politique derrière ?

LE PRESIDENT - Le Président POUTINE est arrivé ce soir. Vous évoquez la dette en disant qu'il va demander une réduction ou une annulation des dettes, et notamment de la dette soviétique. La vérité, c'est que nous ne le savons pas. Nous ne savons pas encore ce qu'il va demander. Donc, c'est sans aucun doute un des problèmes que nous évoquerons ce soir avec lui. Nous avons décidé ensemble que le pays qui est le créancier le plus important sur la Russie, et de loin, c'est-à-dire l'Allemagne, serait en quelque sorte le pays leader pour cette discussion.
Alors, plus largement, vous me dites : quelle est la position de la France ? Nous sommes nous, Français, depuis toujours, depuis très longtemps, très attachés à nos relations avec la Russie. Il y a à cela bien des raisons. D'abord nous respectons un peuple qui est un grand peuple, une grande nation qui a fortement marqué l'histoire et avec laquelle nous avons eu des relations parfois difficiles, mais toujours fortes, et que nous respectons.
Ensuite, naturellement, dans la période difficile que connaît actuellement la Russie, après être sortie de cette période glaciale qu'a été le communisme, il nous apparaît légitime d'avoir une solidarité avec la Russie. Nous sommes donc favorables à tout ce qui peut se traduire par une solidarité, notamment entre l'Union européenne et la Russie. Troisièmement, chacun comprend bien que, si la Russie n'est pas en Europe à proprement parler, la situation de la Russie est un élément essentiel à la stabilité et à la paix en Europe et qu'il est tout à fait important pour l'Europe d'avoir des bonnes relations avec un pays qui fasse les réformes démocratiques nécessaires, qui fasse les réformes économiques nécessaires et qui soit un pays naturellement pacifique. C'est très exactement le programme que le Président POUTINE a fait adopter récemment à la Douma et je souhaite que ce programme puisse être mis en oeuvre. Donc, voilà pour ce qui concerne la position de la France.
Lorsque le Président POUTINE a été élu, je lui ai fait savoir qu'il serait le bienvenu en France quand il le souhaiterait. Les circonstances ont fait qu'il n'a pas répondu à cette invitation, ce que je comprends et ce que je regrette. Dès qu'il y aura pour moi possibilité de le voir, j'en serai très heureux. Il m'avait fait savoir que l'on pourrait avoir un entretien ici. L'expérience que j'ai des sommets m'a démontré qu'il était très difficile de prévoir des entretiens bilatéraux sérieux à l'occasion d'un Sommet, très difficile pour des raisons matérielles. C'est la raison pour laquelle je lui avais fait dire qu'il me semblait que ce n'était pas l'endroit le mieux adapté à un sommet bilatéral. Donc, il n'est pas prévu.

QUESTION - Monsieur le Président, n'avez-vous pas malgré tout l'impression que M. POUTINE est en train de vous snober, si je puis dire, dans la mesure où il y a quelques contentieux et qu'il n'accepte pas la vision du gouvernement français sur sa façon de mener la guerre en Tchétchénie. Il y a eu entre temps la saisie du voilier russe aux fêtes nautiques de Brest, le Sedov, et puis il y a aussi une décision de justice française qui gèle les avoirs bancaires de l'Ambassade russe à Paris. Est-ce que vous pensez qu'il a pris ombrage de tout cela ?

LE PRESIDENT - Ne mélangeons pas les choses. S'agissant de la position que la France a prise en ce qui concerne la Tchétchénie, cela n'a jamais été une position agressive. C'était une position qui est simplement conforme à l'idée que nous nous faisons des Droits de l'Homme. Autrement dit, nous ne contestons pas du tout l'appartenance de la Tchétchénie à la Russie, naturellement. Et nous ne contestons pas non plus le droit pour un Etat de lutter contre le terrorisme. Nous avons néanmoins la conviction qu'un problème comme celui-là relève essentiellement d'une solution politique. Je ne dis pas que c'est facile de trouver une solution politique, mais ma conviction, c'est qu'il n'y a pas de solution militaire. C'est vrai que nous l'avons dit de la façon la plus claire et peut-être plus nettement que certains de nos partenaires. Alors, que cela ait pu contrarier le Président POUTINE, je peux parfaitement le comprendre. Mais il doit comprendre que c'était simplement la réflexion d'amis.
Alors, là-dessus, se sont greffées deux affaires, celle du Sedov et celle des moyens de l'Ambassade. Je voudrais dire que nous n'y sommes là pour rien du tout. La France est un Etat de droit. La justice est indépendante. Le Président de la République est même le gardien de l'indépendance de la justice. Nous sommes dans un système de séparation des pouvoirs. Je rappelle aussi qu'il s'agit là d'un différent strictement commercial auquel le gouvernement français et les autorités françaises sont totalement étrangers. Je comprends parfaitement l'irritation des autorités russes. Je suis désolé de cette affaire, notamment parce qu'elle affecte un certain nombre de jeunes Russes qui étaient invités en France. Mais, je le répète, nous n'avons aucun moyen d'intervention, sauf l'aide que peut apporter le ministère des Affaires étrangères. C'est d'ailleurs ce qu'il fait. L'aide et l'appui qu'il peut apporter pour la recherche d'une solution satisfaisante en assistant la Russie, comme d'ailleurs notre ministre des Affaires étrangères l'a écrit à son collègue russe.





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