Quimper, Finistère, le vendredi 31 mai 1996
Mesdames, messieurs,
Merci à tous les journalistes régionaux, et puis merci une fois de plus aux journalistes parisiens qui m'ont accompagné dans ce voyage, dans l'un des plus beaux et des plus dynamiques départements de notre pays, tout à fait, me semble-t-il, caractéristique de l'esprit de conquête que j'espère voir triompher.
QUESTION - Monsieur le Président, vous avez confié à la délégation de pêcheurs ce midi, que vous alliez rencontrer le Commissaire européen à la Pêche, Madame BONINO. Qu'allez-vous lui dire concernant l'organisation commune des marchés des prix qui restent bas et également le renouvellement des outils ?
LE PRÉSIDENT - Oui, je souhaite rencontrer Madame BONINO, également Monsieur SANTER. Pour ne rien vous cacher, j'ai déjà eu l'occasion de le faire pour évoquer les problèmes que vous venez de citer. Mais de façon plus générale pour bien affirmer que la France entend rester un pays de producteurs et qu'elle n'entend pas suivre l'exemple de nos amis allemands, qui se sont spécialisés dans la transformation. Alors, à partir de cette affirmation, il y a toute une série de conséquences qui en découle. J'ai eu l'occasion d'en parler aujourd'hui avec les représentants du secteur de la pêche et je repars avec des idées tout à fait claires sur ce que nous devons obtenir dans le cadre de l'Union européenne.
QUESTION - Lors de votre séjour vous avez évoqué plusieurs fois la question de la Charte européenne des langues minoritaires et régionales. Est-ce que vous avez l'intention de la signer ?
LE PRÉSIDENT - Ce n'est pas moi qui ai évoqué la Charte. Elle a été évoquée devant moi par plusieurs personnalités du Finistère et notamment par le Vice-Président du Conseil général et député Monsieur COZAN qui, chacun le sait, a fait beaucoup dans ce domaine qui lui tient à coeur. J'ai indiqué, pour ma part, que j'avais toujours été favorable au maintien et au développement des langues régionales en tant qu'expression de culture. De même que je défends avec beaucoup d'énergie la francophonie et que j'appelle les hispanophones et lusophones ou ceux qui parlent d'autres grandes langues dans le monde, à s'associer pour lutter contre le risque que nous connaissons aujourd'hui, d'uniformisation culturelle au travers de l'évolution des techniques de la communication, des autoroutes de l'information, etc. Chaque culture est précieuse, et une culture s'exprime généralement au travers d'une langue. C'est la raison pour laquelle ces langues doivent être aussi considérées comme précieuses.
QUESTION - Vous avez reçu tout à l'heure les agriculteurs qui ont évoqué le problème de la crise bovine, puisque le département est particulièrement touché, ils ont l'air d'être pris à la gorge. Qu'est-ce qu'on peut leur proposer de concret ?
LE PRÉSIDENT - Les agriculteurs particulièrement ici, sont dynamiques et ils ont une caractéristique qu'il convient de souligner puisqu'ils sont créateurs d'emplois dans l'agriculture elle-même, (je ne parle pas de l'industrie agro-alimentaire) qui crée quelques 300 emplois par an, ici dans le Finistère. Ceci est un peu étonnant. On recrute dans les milieux urbains ou périurbains pour ramener des hommes ou des femmes travailler la terre. Cette agriculture soutient une industrie agro-alimentaire particulièrement performante, et se trouve confrontée à un certain nombre de problèmes, ce qui a toujours été le cas chez les paysans est vrai aussi pour les producteurs de légumes qui font l'objet de concurrence parfois déshonnête, notamment pour des raisons tenant aux fluctuations monétaires ou au coût de revient. C'est vrai pour ce qui concerne l'aviculture et c'est vrai pour ce qui concerne la viande bovine. S'agissant de la viande bovine les coûts ont considérablement baissé à la suite des conséquences de la crise de la vache folle, et des mesures ont déjà été prises pour compenser les conséquences pour les éleveurs qui méritent la solidarité nationale. D'autres mesures sont actuellement à l'étude, en concertation étroite avec les représentants des éleveurs, sur le plan national et naturellement sur le plan européen.
QUESTION - Monsieur le Président, vous avez animé plusieurs réunions très intéressantes durant ces 2 jours de voyage officiel. Ne regrettez-vous pas de ne pas en avoir organisée une à Brest sur les problèmes de défense nationale, à la veille du débat à l'Assemblée nationale sur ces problèmes ?
LE PRÉSIDENT - Je le regretterais, si je n'avais pas décidé de venir dans 2 semaines à Brest, c'est-à-dire le 14 juin, et j'aurai à ce moment-là l'occasion de rencontrer, je l'ai annoncé, je l'ai dit, les représentants des travailleurs de la direction des constructions navales. Je n'ai pas besoin de vous dire l'importance que j'attache à ce sujet, et ma volonté de faire en sorte à la fois que les restructurations se fassent dans les conditions normales et conformes à la dignité des travailleurs et d'autre part nous permettent de conserver, même restructurée, une industrie performante dans le domaine des armements, en général, dans le domaine naval, en particulier.
QUESTION - C'est une question qui va nous entraîner un petit peu plus loin, Monsieur le Président, à propos des élections en Israël, l'élection de Monsieur NETANYAHOU. Est-ce que vous pensez que ce résultat fait courir un risque au processus de paix ?
LE PRÉSIDENT - Je voudrais d'abord rendre hommage à Shimon PERES et à l'action admirable, courageuse qu'il a conduite pour instaurer la paix au Proche-Orient, et lui rendant cet hommage mérité, je voudrais y associer naturellement M. RABIN avec lequel il a conduit cette action. Alors je salue, bien entendu, amicalement Monsieur NETANYAHOU, le nouveau Premier ministre, que je connais. J'ai entendu ce qu'il a dit hier, au sujet de la poursuite du processus de paix, du renforcement entre Israël et les pays arabes avec lesquels Israël a des relations, sur le maintien des accords d'Oslo aussi. Par conséquent, je souhaite que le nouveau Premier ministre et le nouveau gouvernement, la nouvelle majorité en place en Israël, conformément au mandat que le peuple israélien lui a démocratiquement transmis, poursuivent le processus de paix - ce dont je ne doute pas - et puissent arriver dans les meilleurs délais, à la fois à une solution pour le statut final des territoires et pour la paix, d'une part avec la Syrie et d'autre part avec le Liban. Je ne suis pas du tout inquiet sur la volonté des hommes de paix en Israël.
QUESTION - Monsieur le Président, pendant votre séjour ici dans le Finistère, vous avez appris, nous avons appris, la confirmation de l'assassinat des moines trappistes en Algérie. Jusqu'ici vous n'aviez eu que l'occasion, je crois, de vous exprimer sous forme de communiqué. Est-ce que nous pouvons avoir une réaction de vous à la confirmation de cette nouvelle ?
LE PRÉSIDENT - Hélas, elle était attendue. Elle ne peut que provoquer l'horreur, chez tous les êtres humains dignes de ce nom, c'est d'ailleurs ce qui s'est passé, et vous avez pu voir l'unanimité, de ceux qui croient en Dieu et de ceux qui n'y croient pas, pour condamner une telle barbarie. Je souhaite que ces hommes, ces martyrs, aient trouvé la paix dans le cadre de leur idéal.
QUESTION - Monsieur le Président, excusez-moi d'arriver sur un sujet un peu trivial après celui qui vient d'être abordé, mais quand allez-vous nommer le successeur de M. Hirsch au Conseil supérieur de l'audiovisuel ? Il y a une place qui est vacante et après l'événement d'aujourd'hui, cette place vacante pèse un poids lourd.
LE PRÉSIDENT - Ecoutez, je crois que cette nomination ne peut intervenir qu'à compter du 1er juin. Elle interviendra donc le moment venu. Pour ce qui concerne la décision qui a été prise et à laquelle vous faites allusion, je n'ai pas naturellement d'autre commentaire à faire que celui qui a été fait par le Gouvernement. Je voudrais simplement saisir cette occasion pour réaffirmer mon profond attachement au service public de l'audiovisuel.
QUESTION - Monsieur le Président, dans une lettre adressée à Pierre MAUROY et à Michel ROCARD, vous avez souhaité que le dossier corse soit traité par les hommes politiques d'une façon exempte de polémique et dans un esprit de responsabilité. Je voudrais d'abord savoir si vous avez adressé la même lettre à Jacques TOUBON, et je voudrais savoir si vous avez le sentiment que les lois de la République sont respectées de la même façon dans les deux départements corses que dans les autres départements français ?
LE PRÉSIDENT - Non, bien entendu, et nous devons tendre à ce que cela devienne le cas naturellement. Il n'y a pas sur le territoire de la République de zones acceptables de non-droit. Le Gouvernement vient de prendre la décision de créer en Corse une zone franche, je pense que c'est de nature à répondre aux problèmes de développement économique de l'île. J'espère que cela permettra en tous les cas d'assumer un meilleur développement sur le plan économique, à partir de quoi je souhaite que les problèmes politiques se décrispent.
Je vous remercie.
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