Palais de Hoftburg, Vienne, Autriche, le samedi 12 décembre 1998
Mesdames, Messieurs,
En commençant ce point de presse, chacun comprendra que j'exprime au nom du ministre des Affaires étrangères et de ses collaborateurs, au nom du Premier ministre et des siens, cela va de soi, et en mon nom personnel, toute la satisfaction que nous avons éprouvée ce matin lorsque nous avons appris la libération de notre compatriote Vincent Cochetel. Cela a été pour nous une grande joie, naturellement, et, j'en suis sûr, une joie partagée par tous les Français.
Nous venons de terminer ce sommet par la réunion traditionnelle avec les chefs d'Etat ou de Gouvernement des Etats candidats.
Ce sommet a été bien organisé, et nous avons tenu à remercier chaleureusement la présidence autrichienne. Il s'est essentiellement articulé autour de deux grands sujets : d'une part les problèmes économiques et sociaux, et d'autre part l'Agenda 2000.
Sur les problèmes économiques et sociaux, il s'est passé quelque chose. D'abord, nous sommes à la veille de la mise en oeuvre de l'euro. C'est un sujet dont on parle beaucoup et, peut-être parce que l'on en parle beaucoup, ne retient-il pas assez l'intention ? C'est une très grande réforme, c'est une racine forte et profonde que l'Europe ancre dans le terreau de la planète. Et les choses, demain, ne seront plus exactement les mêmes, les solidarités seront renforcées, et la paix sera renforcée également.
A la veille de cette grande réforme, il est satisfaisant, je peux le dire, de voir que des progrès importants ont été faits sur le plan de la réflexion sur, d'une part, la coordination des politiques économiques et d'autre part sur la prise de conscience de l'importance des problèmes sociaux, en général, du modèle social que l'Europe devrait incarner et donc d'abord forger, notamment en ce qui concerne les problèmes d'emploi, dans la période que nous connaissons.
Il y a une chose qui m'a impressionné. J'ai une certaine expérience des réunions internationales, européennes. C'est la première fois que je voyais consacrer une matinée tout entière à l'emploi, avec conviction, avec effort réel de recherche. Je ne dis pas que ça va modifier d'un seul coup la situation de l'emploi en Europe, je dis simplement qu'il doit être souligné qu'il s'agit là d'une évolution et d'une prise de conscience très importantes. Elle avait débuté il y a trois ans, avec les mémorandums français et de la Commission concernant le modèle social européen. Elle avait été fortement accélérée à Luxembourg par les décisions qui avaient été prises, beaucoup sous l'impulsion française d'ailleurs. Et aujourd'hui, eh bien, il est naturel de consacrer le tiers du temps de parole aux problèmes de l'emploi, ce qui est quelque chose de profondément nouveau. C'est une évolution culturelle importante pour l'Europe.
Il y a aujourd'hui, je crois qu'on peut le dire, une vraie ambition humaine dans l'Europe qui se construit. Et cette ambition sociale et humaine s'inscrit dans une démarche économique. Ce n'est pas simplement une invocation, c'est au sein d'une démarche économique que nous entendons développer cette préoccupation sociale, une démarche économique qui est fondée sur une stratégie pour la croissance, sur un encouragement à l'esprit d'entreprise, sur la maîtrise des déficits publics, sur la diminution des charges pesant sur le travail, bref, sur un certain nombre de principes qui permettent ou qui créent les conditions permettant de développer l'ambition humaine qui doit être celle des responsables de l'Europe de demain. C'est d'ailleurs ce qui a conduit l'Allemagne et la France, avec le soutien des autres pays, à proposer et à faire adopter un Pacte européen pour l'emploi, qui est significatif dans cette période. Pacte qui est en quelque sorte, vous le savez, le complément, le pendant du Pacte de stabilité et de croissance. Le Premier ministre a l'intention, je le sais, de vous en parler.
Mais je voudrais aussi insister sur un point qui n'a pas fait l'objet de développements importants aujourd'hui, mais qui m'est apparu comme étant également dans la conscience collective, c'est la nécessité de l'innovation, meilleur moyen, dans l'esprit de tous aujourd'hui, de soutenir une vraie dynamique de la croissance. Il faut petit à petit développer une culture du risque et une culture de l'innovation. Et dans cet esprit, nous avons notamment demandé que la Banque européenne d'investissement renforce son action vis-à-vis des entreprises en général, des petites et moyennes entreprises en particulier. Je note d'ailleurs au passage, parce que cela reflète aussi l'évolution des choses et du temps, que le programme mis en place à la demande française l'année dernière en faveur du capital-risque a donné de très bons résultats et qu'il faut donc le renforcer.
Deuxième aspect des choses, c'était l'Agenda 2000, aspect difficile puisque aussi bien, vous le savez, les intérêts des différentes nations qui composent l'Union ne sont évidemment pas convergents. Qu'est-ce que voulait ou qu'est-ce souhaite la France ? Après tout, nous sommes les mieux placés pour le dire. Nous souhaitons la reconnaissance de quelques principes : le maintien du plafond à 1,27 % du PNB pour les ressources propres, de façon à ne pas alimenter l'inflation, je veux dire l'inflation des dépenses, pas l'inflation monétaire, mais l'inflation de dépenses que nous pourrions ensuite avoir du mal à financer, nous Européens.
Deuxièmement, le principe de la stabilisation des dépenses en volume, qui est un autre aspect de la même préoccupation.
Le financement, bien sûr, pour des raisons de justice, par tous les Etats membres des conséquences de l'élargissement. On ne peut pas se mettre à l'abri de telle ou telle procédure pour éviter de participer aux conséquences financières de l'élargissement.
La recherche de solutions conformes à l'esprit et à l'acquis communautaires. C'est ce caractère conforme à l’esprit et à l’acquis communautaires qui nous fait condamner des méthodes comme celle du cofinancement de la politique agricole commune ou l’écrêtement qui, à un moment, avait été suggéré par les Allemands pour régler un problème que nous comprenons par ailleurs parfaitement et qui est le caractère qu’ils estiment excessif de leur contribution.
Autre principe, c’est aller dans le sens d’une plus grande équité des contributions brutes, ce qui nous fait plaider pour la généralisation de la ressource PNB.
Alors, naturellement, tout ceci n’a pas été retenu. C’est en réalité au prochain trimestre, avant la réunion de Bruxelles, et au semestre prochain, avant la réunion de Cologne, que tous ces sujets devront être abordés de façon concrète. La présidence a retenu dans ses conclusions quatre points d’accord à Quinze, ce qui n’est pas si négligeable : d’une part l’intention d’obtenir un accord politique en mars prochain, ce qui est un défi à relever, un grand défi, mais qui marque au moins une volonté qui consiste à dire ne repoussons pas indéfiniment des problèmes dont nous connaissons tous les éléments et qui ne se régleront pas parce qu’on les repoussera. Deuxièmement, une discussion globale sur tous les éléments clés de l’Agenda 2000. On ne peut pas admettre que certains estiment que n’est négociable que ce qui ne les concerne pas. Tout doit être considéré comme susceptible d’être discuté. C’est, également, la contribution de chaque Etat membre à l’accord global et, enfin, la volonté, je le répète, que tout puisse être discuté jusqu’au dernier moment.
Alors, deux dernières réflexions. D’une part nous avons rapidement approuvé l’initiative et le processus engagés par les Anglais et les Français à Saint-Malo sur le plan de la défense. Deuxième réflexion, le déjeuner avec les Onze, avec des temps de parole plus courts que d’habitude, des propos plus spontanés, moins lus qu’ils ne l’étaient dans les exercices précédents, ce qui montre que l’esprit de famille petit à petit se développe et que la relation amicale entre les représentants des États candidats et des États de l’Union se développe et se renforce.
Voilà quelques observations que je voulais faire.
LE PREMIER MINISTRE - Merci beaucoup Monsieur le Président. Mesdames, Messieurs, j’ai peu de chose à ajouter pour prolonger cette introduction. C’est vrai que l’Union européenne a tenu ses engagements. C’est-à-dire que la proposition que nous lui avions faite de réorienter la hiérarchie de ses objectifs en direction de l’emploi, et pour cela notamment de tenir à la fin de chaque année dans un sommet une partie essentielle des discussions et de les consacrer à l’emploi a été tenue. Donc l’exercice est en train véritablement de s’installer. Le conseil européen a permis donc de faire un premier bilan de ce qui avait été engagé à Luxembourg et ce bilan est dans l’ensemble satisfaisant. Et ce qui est intéressant, c’est que si j’en juge par l’expérience française cela commence à retentir y compris sur nos propres pratiques car même si le gouvernement a pris un certain nombre de décisions volontaristes en matières d’emploi, de croissance, des emploi jeunes et de diminution du temps de travail, nous avons été amenés au nom de nos propres engagements européens à faire des échanges par exemple beaucoup plus importants en ce qui concerne les chômeurs de longue durée ou les problèmes des jeunes, et à cet égard j’ai été heureux de constater que le plan emploi jeunes français a été considéré comme une des bonnes pratiques par la commission et c’est un encouragement. Nous voulons dans l’avenir être plus concret dans cette démarche, c’est le souci qui a été retenu de choisir des objectifs chiffrés communs, afin de mieux mesurer l’efficacité des politiques européennes en matière d’emploi. Nous voulons aussi que tout ce contenu soit plus exigeant et notamment, c’est sur la base d’indicateur de chômage ou d’activité ou d’emploi qui seront rendu véritablement comparables que la surveillance multilatérale que nous devons exercer sur chacune de nos politiques en matière d’emploi pourra se mettre en place et c’est un deuxième élément important. Nous avons insisté, et cette idée a été reprise, sur la nécessité d’articuler mieux les lignes directrices de l’emploi et les grandes orientations de politique économique, chaque année, en s’efforçant même d’aller vers l’intégration de ces deux exercices. Nous avons aussi évoqué, et c’était une idée qui était venue dans le sommet de Potsdam, c’est vrai, l’idée d’un Pacte européen pour l’emploi. Il ne s’agit pas là, tout d’un coup, d’inventer autre chose. Il s’agit bien de se situer dans la continuité de ce qui avait été décidé à Luxembourg et plusieurs de nos partenaires l’ont souhaité et nous l’ont dit, mais en même temps, à travers des objectifs contraignants et mesurables, nous voulons progresser dans deux directions en y insistant, plus d’harmonisation sociale par le dialogue social, d’abord, et ensuite une politique qui favorise la croissance européenne. Et c’est là où l’on voit que les politiques d’emploi et les politiques économiques doivent être articulées ensemble. A cet égard nous avons avancé plusieurs propositions : l’institution d’un salaire minimum dans chaque État membre, la formation tout au long de la vie et les problèmes d’organisation et de réduction du temps de travail, voilà un premier élément. Le deuxième élément qui m’a frappé dans ce sommet dont les conclusions d’ailleurs du conseil rendent compte c’est que vraiment on a l’impression que dans le sein du conseil Ecofin, le groupe Euro est devenu maintenant une réalité. Une réalité qui n’est plus l’objet de débats ou d’enjeux idéologiques que va-t-on faire avec cela parait tout à fait naturel à la veille de l’euro de le faire fonctionner, et le fait d’avoir régler les problèmes, enfin au niveau européen je m’entends, de représentation du groupe Euro, le fait que ce soit devenu maintenant un mécanisme familier est une deuxième avancée des derniers mois qui se sont déroulés. En ce qui concerne l’élargissement nous venons d’avoir juste la rencontre avec les candidats à l’adhésion. Moi je crois qu’il y a aussi quelque chose qui m’a frappé. Le Président a fait allusion au fait qu’il y avait des interventions plus brèves, plus spontanées, moins crispées. J’ai trouvé de la part des pays candidats à l’adhésion, comme s’ils avaient compris que ce processus reposait beaucoup sur eux, et ce qui m’a frappé c’était frappant notamment dans ce qu’a dit le chancelier allemand en temps qu’il était le futur Président de l’Union, c’est, je dirais, une forme de rapprochement ou de conciliation de l’approche politique de l’élargissement et de l’approche économique de l’élargissement. Et ce progrès vers le réalisme de l’examen des problèmes sans que la volonté politique soit en cause me parait aussi une conclusion favorable.
Sur les problèmes d’Agenda 2000, je n’ai rien à ajouter, même pour prolonger la réflexion à ce qu’a dit le Président de la République. Je crois simplement que nous avons peut-être par notre approche de ces questions, par les contacts bilatéraux que nous avons pu avoir à travers différents sommets ou à travers le travail de notre diplomatie, ministre des Affaires européennes ou ministres des Affaires étrangères, ministre de l’Economie et des Finances, nous avons peut-être remis dans une partie de négociations qui sera difficile, la France un peu au centre du jeu et cela je crois aussi que c’est une bonne chose.
Le Président avait commencé à parler de Vincent Cochetel, je ne peux pas moi ne pas finir en en disant un mot aussi. Comme lui, j’ai été extrêmement heureux d’apprendre ce que j’ai appris ce matin. Je voudrais dire tout simplement pour prolonger ce qu’a dit le Président, notre gratitude naturellement aux autorités russes, au Président, particulièrement au Premier ministre Primakov, qui s’est beaucoup investi ces derniers jours. Donc les remercier pour cet aboutissement, et je voudrais naturellement, au moment où notre compatriote est libéré, il a du maintenant déjà retrouvé sa famille à Genève, je voudrais dire la pensée qu’est la nôtre pour ceux qui restent encore otages et, naturellement aussi ce sentiment de compassion que nous éprouvons pour ceux qui malheureusement au cours des derniers jours ont été suppliciés.
QUESTION - A propos du Pacte pour l’emploi, j’ai quelques difficultés à comprendre en quoi ce Pacte pour l’emploi va apporter quelque chose par rapport aux lignes directrices. Parce que des objectifs chiffrés et précis c’est possible dans le cadre des lignes directrices. Donc j’aimerais savoir si le Pacte, c’est juste un nouvel emballage, pour rendre la chose plus jolie ou s'il y a véritablement un contenu. Et je crois qu’ici personne n’a très bien compris ce que vous vouliez exactement.
LE PRÉSIDENT - Ce n’est pas un contenu. D’ailleurs si cela devait être quelque chose, ce serait plutôt un contenant. C’est l’expression d’une volonté de mettre l’emploi au coeur de toutes nos réflexions.
LE PREMIER MINISTRE - Oui, mais ce dialogue a eu lieu au sein du conseil et un certain nombre de nos partenaires nous a dit : " Mais est-ce que c’ est quelque chose de nouveau puisque cette idée est venue du sommet franco-allemand et un peu de la suggestion de nos partenaires ou est-ce que cela s’inscrit bien dans la continuité de ce que nous avons engagé à Luxembourg ? " et nous avons confirmé qu’il s’agissait bien d’une continuité en même temps le fait de l’inscrire dans une formule qui a un caractère symbolique et affirmé, après tout il y a eu un Pacte de stabilité et de croissance, grâce à l’intervention à l’époque du Président Chirac. Le fait de décider deux grands pays l’Allemagne et la France de proposer un Pacte pour l’emploi, cela aussi a une certaine force symbolique, c’est la première chose. La deuxième chose, c’est qu’il y a la nécessité de passer des premières orientations à des engagements plus précis, objectifs quantifiés par exemple. Un mécanisme de surveillance multilatéral qui sera fondé sur la capacité à comparer les chiffres du chômage et les bases sur lesquelles on fonde le calcul du chômage dans les différents pays.
La nécessité de mieux lier les directives pour l’emploi et les grandes directives de politique économique, alors vous me direz c’était une virtualité dans les propositions différentes, oui, mais l’idée qu’il y a de ce Pacte impose que ces concrétisations effectivement nous les obtenions.
J’y ajoute ce que j’évoquais il y a un instant, la dimension d’un rôle accru croissant des partenaires sociaux. Je pense que c’est cela qui compose cet intitulé nouveau pour une démarche que nous avons engagée il y a un an. Donc, c’est à la fois un prolongement et je dirai une amplification et une marque symbolique aussi de ce que nous voulons faire autour de l’idée d’un Pacte. J’ai réuni dans le cadre de ce que l’on appelle le Comité Blanchard les partenaires sociaux, représentants du patronat, représentants des syndicats avec Martine Aubry avec Dominique Strauss-Kahn et avec Pierre Moscovici avant de partir pour bien marquer au niveau du Gouvernement cette volonté d’associer les partenaires sociaux à cette construction d’une politique de croissance et d’emploi. Voilà ce que l’on peut dire pour compléter nos premières interventions.
QUESTION - Toujours sur le même sujet, le mot vérifiable, contraignant plutôt a disparu du texte des conclusions alors qu’il était dans le texte franco-allemand. Est-ce que vous espérez que dans les six mois qui viennent et qui vous séparent de la rédaction de ce Pacte, ce terme qui est évidemment important a des chances de réapparaître ?
LE PREMIER MINISTRE - Il y a toujours des exercices de sémantique au moment où nous examinons les projets de conclusion, ce qui était le cas toute la matinée. Cela a été très sérieux et peut être qu’il y a certaines délégations, certains pays et nous en sommes qui ont une vision plus ferme de la nécessité d’avancer dans ce domaine et que d’autres souhaitent des formules un peu plus souples alors à ce moment là, on cherche des compromis, mais ce qui est important c’est le sens de la démarche et ce sens est clair.
LE PRÉSIDENT - J’ajoute, vous le verrez, que l’évolution se fera dans le sens que le Premier ministre vient d’indiquer. Je crois que c’est plus une question de forme, qui a conduit à la rédaction à laquelle vous faites allusion, qu’un problème de fond. Seul l’objectif restera le même.
QUESTION - Ma question est simple : concernant les pays de l'Est, quelles sont leurs questions, leurs préoccupations ? Est-ce que ce sont des préoccupations matérielles, financières ou des préoccupations d'ordre culturel ?
LE PRÉSIDENT - Je crois que la préoccupation des pays de l'Est, c'est avant tout de rejoindre la famille dont ils ont été brutalement séparés il y a cinquante ans.
QUESTION - Monsieur le Président, j'ai deux questions à vous poser concernant la libération de l'otage français. Que pensez-vous des efforts entrepris par le gouvernement russe pour arriver, justement, à obtenir la libération de cet otage ? Et pourriez-vous nous dire également quelques mots de l'entretien téléphonique que vous avez eu aujourd'hui avec le Président Eltsine ?
LE PRÉSIDENT - Je vous dirai que dans une situation extraordinairement difficile, comme l'a souligné tout à l'heure le Premier ministre, le gouvernement russe, le Président, le Premier ministre, les principaux responsables de la sécurité, ont tout fait depuis déjà un certain temps pour atteindre le résultat qui a pu être atteint cette nuit. Tout ce qu'ils pouvaient. Et, par conséquent, je m'associe pleinement aux sentiments de gratitude qui ont été exprimés tout à l'heure par le Premier ministre, sans aucune réserve.
Deuxièmement, le Président Eltsine m'a téléphoné ce matin pour m'annoncer cette nouvelle. Mon entretien avec lui a été surtout l'expression de ma reconnaissance pour ce qui a été fait, de même d'ailleurs que le Premier ministre s'en est entretenu avec M. Primakov.
QUESTION - Je voudrais savoir si vous avez eu l'occasion de discuter du dossier de l'aéronautique européenne et, notamment, du dossier Airbus avec vos partenaires ?
LE PRÉSIDENT - Non, ce n'était pas à l'ordre du jour et nous n'en avons donc pas parlé.
LE PREMIER MINISTRE - Mais nous en avions parlé dans les sommets bilatéraux.
QUESTION - Au sujet de l'élargissement, vous avez cité le Chancelier Schröder, en disant qu'il y avait une certaine conciliation entre l'approche politique et l'approche économique. Qu'est-ce cela peut vouloir dire en termes d'échéance, de date de l'accession des premiers pays. Est-ce que vous pensez que dans cette déclaration du millénaire qui va être établie à Helsinki, lors du sommet européen d'Helsinki, une date pourrait être formulée pour les premiers pays entrant dans l'Union ?
LE PRÉSIDENT - Honnêtement, non. Je crois que cela ne serait pas raisonnable de le dire aujourd'hui. Il y a, aujourd'hui, au sein des Quinze de l'Union une volonté clairement affirmée de tout faire pour que l'adhésion soit le plus rapide possible, en fonction de la situation de chacun des Etats candidats. Mais cela pose un problème économique, et d'ailleurs je ne crois pas que ce soit l'intérêt des Etats candidats d'entrer trop vite, car, à ce moment-là, le choc et les conséquences économiques, et donc sociales, risqueraient d'être excessifs. Donc, on ne peut pas encore citer de date. Enfin, c'est tout de même dans les tout prochains temps.
LE PREMIER MINISTRE - Je voudrais préciser que quelques uns d'entre eux, assez peu nombreux d'ailleurs, aujourd'hui, ont évoqué ces problèmes de date, mais que, au fond, un des progrès réalisés dans leur prise de conscience peut-être, à travers le début des négociations, était que leur responsabilité dans la capacité d'avancer vite dans le processus d'adhésion, était aussi grande que la nôtre. Et je crois que c'est le progrès de cette prise de conscience qui me parait importante. Si bien qu'en fait la plupart d'entre eux , en tout cas ce matin, ont cessé de raisonner en termes de date immédiate.
LE PRÉSIDENT - Vous savez, c'est notre intérêt à tous que, d'une part l'élargissement se fasse le plus vite possible, mais d'autre part qu'il se fasse le mieux possible. Cela suppose un effort de la part des Quinze. Mais cela suppose aussi, et parallèlement, un effort de la part de chacun des pays candidats.
QUESTION - Pourquoi un éventuel report de la décision concernant les "duty-free" ? Comment l'expliquez-vous ?
LE PRÉSIDENT - Pour des raisons sociales essentiellement. Nous ne contestons pas le principe, dans le cadre d'un marché unique, d'une décision qui a été prise il y a sept ou huit ans. Mais nous constatons aujourd'hui que les conséquences sociales ne sont pas maîtrisées et qu'il y aurait, notamment en termes d'emploi, des conséquences très négatives que ne compensent pas les avantages de l'harmonisation. C'est la raison pour laquelle la France a demandé, s'est associée à la demande formulée par l'Angleterre, par l'Allemagne et par d'autres, de nous donner un délai de préparation et de demander à la Commission de prévoir un certain nombre de mesures d'accompagnement permettant de franchir cette étape.
LE PREMIER MINISTRE - Pour compléter sur ce sujet qui touche à des problèmes très concrets, nous avons souhaité nous-mêmes, après les Britanniques et avec les Allemands et d'autres délégations que ce problème soit soulevé ici. Nous l'avons voulu. Nous savons bien qu'une décision a été prise à l'unanimité, en 1991, il y a sept ans. Moi j’ai constaté que le travail d’adaptation qui aurait du être fait en particulier par les entreprises n’a pas été fait. On peut le regretter. On devrait sans doute utiliser ces délais pour faire cette adaptation, mais cela n’a pas été prévu, et quand j’avais été à Bruxelles pour une visite de travail à la Commission, j’avais dit d’ailleurs que lorsqu’on prend des décisions qui vont avoir des conséquences cinq ou sept ans après, il serait bon sans doute que la Commission et les États membres décident aussi de prévoir des échéanciers, des mesures d’accompagnement, parce que sinon on risquait, comme dans ce domaine de se trouver au moment de l’échéance sans que personne n’ait bougé. Alors nous avons souhaité soulever ce problème, y compris parce que les conséquences sociales locales mais très fortes peuvent résulter de cette suppression des duty free, des hors taxes, nous n’ignorons pas que pour que la décision soit en quelque sorte rapportée il faut une décision à l’unanimité et donc les chances de l’obtenir ne sont pas absolues, d’autant que la Commission tient à faire respecter l’engagement, la décision qui avait été prise il y a quelques années, néanmoins, par la force de nos interventions, nous avons fait que le problème ici soit soulevé et qu’il soit demandé au conseil Ecofin et à la Commission d’examiner les conséquences de cette décision, notamment en terme d’emploi, et examine éventuellement la possibilité de report ou de dérogation. Nous ne pouvons pas dire que ce résultat est obtenu, il était très important néanmoins que cette question ici soit soulevée et nous l’avons fait.
QUESTION - Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, je voudrais vous poser une question sur un sujet qui intéresse beaucoup les Anglais en ce moment. C’est la fiscalité. Le Premier ministre M. Blair nous a déclaré que vous étiez entièrement d’accord avec lui, que le chapitre était clos, qu’il n’y aurait plus d’harmonisation, qu’il s’agissait simplement de régler un petit problème de concurrence déloyale et que, surtout, sur la fiscalité sur les entreprises il n’y aurait plus rien. Est-ce que vous êtes d’accord, puisque votre ministre des Finances dit plus ou moins le contraire ?
LE PRÉSIDENT - Non, le ministre des Finances n’a pas du tout dit le contraire. Le gouvernement français, moi-même, nous avons dit clairement, notamment à Saint-Malo, avec le Premier ministre britannique, que ce n’était pas l’uniformisation, que par conséquent la campagne qui avait eu lieu en Angleterre sur ce thème était dépourvue de fondement. Et c’est ce qui a été confirmé aujourd’hui.
LE PREMIER MINISTRE - Il ne s’agit en rien d’unifier les fiscalités, il s’agit très clairement de lutter contre les pratiques discriminatoires et qui peuvent provoquer des distorsions de concurrence. Je crois que sur cette vision nous sommes d’accord et nous avons même obtenu dans les conclusions sur les propositions de la France que le groupe de travail, qui travaille notamment sur les problèmes de code de bonne conduite, conclu ses travaux au plus tard pour le conseil européen d’Helsinki.
QUESTION - Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier ministre. A propos de l’Agenda 2000, à Saint-Malo il a été dit que tous les problèmes devaient être mis sur la table. Est-ce que le concept a fait des progrès ici, et est-ce qu’à votre avis il suffira des trois mois qui vont s’écouler avant le prochain Conseil à Bruxelles pour régler ces questions. Quelles sont les chances de succès que vous donnez à ce Conseil de Bruxelles à ce sujet ?
LE PRÉSIDENT - Mon cher Monsieur, j’ai une longue expérience de ce genre de réunions, qui fait que je ne fais plus du tout de prévisions. Le concept tout sur la table est un concept, je crois qu’on peut le dire aujourd’hui, admis par tout le monde. Et c’était d’ailleurs une proposition française, pour faire prendre conscience du fait que si chacun ne faisait pas un effort, nous n’avions aucune chance de réussir. Donc le concept est admis.
Alors, du concept à la réalité, il y a naturellement une certaine distance. Est-ce que les trois mois qui viennent suffiront ? Dans un contexte de période électorale pour les élections européennes, ce n’est pas évident. Mais il y a tout du moins une volonté politique qui s’est aujourd’hui exprimée et qui est notamment très forte chez nos amis allemands qui assument la présidence. Et nous ferons tout pour ce qui nous concerne pour soutenir les efforts de la présidence allemande pour arriver à Bruxelles, et en tous les cas à Cologne, à un résultat positif.
QUESTION - Deux petites questions tout à fait différentes. Pour poursuivre sur l’Agenda 2000, est ce que la France est prête à mettre le cofinancement sur la table ? Et l’autre question concerne la défense : est ce qu’il y a une procédure de suivi qui a été prévue pour essayer de faire avancer ce que les Britanniques et les Français ont décidé à Saint-Malo ?
LE PRÉSIDENT - Alors, s’agissant de l’Agenda 2000, du cofinancement de la politique agricole, j’ai indiqué tout à l’heure que la France, au nom des principes, indépendamment d’autres considérations, ne considérait pas que cela puisse être une solution. Elle considère que ça ne peut pas être une solution dans la mesure où ce n’est conforme ni à l’esprit ni à l’acquis communautaires. Il y a d’autres moyens, probablement, de modifier des choses qui pourraient devoir l’être dans ce domaine, mais pas le cofinancement. Telle est notre position dans cette discussion.
Quant à la défense, il y a eu un texte commun franco-britannique, il y a eu un examen par l’ensemble de nos partenaires, et notamment au niveau des ministres des Affaires étrangères, de ces propositions qui ont été bien accueillies. Aucune décision n’a été prise aujourd’hui, si ce n’est un avis favorable à l’ensemble de la démarche franco-britannique qui devrait tout naturellement s’accélérer et se terminer avant le sommet de l’OTAN à Washington qui aura lieu dans quelques mois. Cela suppose bien entendu dès maintenant une discussion avec nos amis américains. Voilà la progression.
QUESTION - Pour rentrer dans le vif du sujet pour l’Agenda 2000, est ce qu’un sommet extraordinaire supplémentaire serait nécessaire ?
LE PRÉSIDENT - Il y en a déjà un, celui de Bruxelles. Normalement le sommet doit avoir lieu à Cologne au mois de juin. Cela, c’est la procédure normale. Mais déjà la présidence allemande a décidé qu’il y aurait un sommet supplémentaire qui aura lieu au mois de mars à Bruxelles.
Monsieur le Premier ministre.
LE PREMIER MINISTRE - Sur un autre point pour indiquer que sur un sujet que vous aviez évoqué à Pörtschach qui nous tient à coeur sur lequel le Gouvernement français et la ministre de la Jeunesse et des Sports se sont mobilisés c’est-à-dire la lutte contre le dopage, nous avons pu faire prendre en compte les préoccupations françaises dans ce domaine au titre du sport alinéa 96 et donc le Conseil européen a manifesté sa préoccupation face à l’ampleur de ce fléau et invité les états-membres à examiner avec la Commission, avec les instances sportives internationales, les mesures qui pourraient être prises pour intensifier la lutte contre ce fléau, notamment par une meilleure coordination des mesures nationales existantes. Je crois que c’est un pas en avant dans un domaine qui nous préoccupe et qui légitimement préoccupe les opinions publiques.
LE PRÉSIDENT - Voilà, au nom du gouvernement et en mon nom personnel, vous me le permettrez, je vous souhaite à tous un bon Noël et une bonne Année.
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