Conférence de presse conjointe du Président de la République, du Premier ministre et du Premier ministre du Royaume-Uni.

Conférence de presse conjointe de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, de M. Lionel JOSPIN et de M. Tony BLAIR, Premier ministre du Royaume-Uni.

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Saint-Malo, lle-et-Vilaine, le vendredi 4 décembre 1998

LE PRÉSIDENT - Mesdames, Messieurs, une chose est certaine, c'est que nous ne sommes plus du tout à l'époque où Jean BART fortifiait la ville pour empêcher les Anglais d'y pénétrer... L'ambiance qui a caractérisé nos entretiens, hier et aujourd'hui, à tous les niveaux, a été particulièrement chaleureuse et confiante. J'y vois pour ma part d'ailleurs un signe positif à l'égard de l'avenir, non seulement anglo-français, mais plus largement européen. Nous abordons les épreuves de l'année prochaine, du sommet de Vienne et de ce qui suivra, avec des difficultés à résoudre qui sont sérieuses, mais dans un climat qui me semble avoir rarement été aussi chaleureux.Voilà pour la note d'ambiance.

Avant d'évoquer rapidement ce que nous avons fait, je voudrais rendre hommage et apporter un soutien total à l'action conduite par Tony BLAIR en Irlande du Nord. Avec courage, avec ténacité, avec talent, Tony BLAIR veut enraciner la paix dans les esprits et dans les coeurs de tous les Irlandais du Nord, à travers une application scrupuleuse et dynamique des accords signés. Et toute l'Europe, je peux en porter témoignage, est à ses côtés dans cette action.

Pour ce qui concerne les principaux sujets de nos entretiens, nous avons évoqué d'abord, c'était un sujet substantiel de notre relation, les problèmes de politique extérieure, de sécurité et de défense.

S'agissant de la politique extérieure et de ce nouveau pas qui, après les pas précédents, va conduire l'Europe à de nouvelles initiatives en matière de politique étrangère et de sécurité, nous avons bien conscience que ce nouveau pas suppose une entente forte entre la Grande-Bretagne et la France. Deux pays qui font partie de ceux qui ont une grande et forte tradition, à la fois diplomatique et militaire. Sans une entente réelle entre nos deux pays, la politique extérieure et de sécurité commune pourrait se faire, mais elle ne serait pas vraiment ce que nous souhaitons, c'est-à-dire une politique efficace.

Alors nous entendons renforcer la coopération franco-britannique dans ce domaine de la politique étrangère et de sécurité. Nous avons demandé aux ministres compétents, c'est-à-dire les ministres des Affaires étrangères et de la Défense, de mettre en oeuvre le développement de notre relation. En matière de politique étrangère, cela concerne les ministres des Affaires étrangères bien entendu.

Nous avons évoqué les principaux problèmes du monde d'aujourd'hui, et notamment l'Afrique, plus précisément la crise de la région des Grands Lacs, en constatant que nous devions, de façon plus forte aujourd'hui peut-être que par le passé, nous mettre ensemble pour tenter de convaincre tous les protagonistes qu'une entente sur la cessation des hostilités, le cessez-le-feu, une conférence de paix est aujourd'hui nécessaire et d'ailleurs inévitable.

Nous sommes passés ensuite à la défense. L'Europe est un long chemin marqué par des étapes majeures, marché commun, marché unique, l'euro dans moins d'un mois. Et aujourd'hui, avec l'emploi, le prochain grand défi au moment de la mise en oeuvre du Traité d'Amsterdam, c'est l'affirmation de l'Union européenne sur la scène internationale, à travers une véritable politique étrangère et une défense que les Européens soient capables de mettre en oeuvre eux-mêmes, en tant que de besoin, dans le contexte d'ailleurs de leurs propres engagements.

Tel est le constat que j'avais dressé devant les Ambassadeurs de France, à la fin du mois d'août, constat qui avait été repris par le Premier ministre devant l'IHEDN. D'où notre satisfaction lorsque le Premier ministre britannique, à Pörtschach, vous vous en souviendrez, avait évoqué de façon très positive le rôle que l'Angleterre pouvait jouer dans la définition d'une politique européenne de défense. Et c’est sur les bases de cette déclaration de Pörtschach qu’aujourd’hui, à Saint-Malo, ensemble, nous avons voulu franchir un pas important.

Et la déclaration que nous avons adoptée en porte témoignage. Elle affirme quelques principes essentiels : le respect, naturellement, des engagements, de nos Alliances, cela va de soi, mais aussi le rôle du Conseil européen, le caractère purement intergouvernemental de la PESC -la PESC est une affaire intergouvernementale-, la nécessité d’une capacité autonome d’action, le recours à des moyens militaires européens dans l’OTAN ou hors de l’OTAN en cas de besoin, l’adaptation nécessaire de nos moyens militaires. Nous avons esquissé quelques voies concernant l’organisation, c’est-à-dire les organismes à mettre en place, et nous allons maintenant travailler avec tous nos partenaires, et d’abord avec l’Allemagne, mais également bien sûr avec nos partenaires, européens et américains.

Nous avons aussi évoqué les problèmes de l’Europe, naturellement. Nous sommes tout à fait favorables à la proposition du Chancelier SCHRÖDER de traiter à Cologne les problèmes de l’Agenda 2000. Nous sommes tombés d’accord sur le fait qu’il faut stabiliser les dépenses à Quinze, maintenir le plafond de 1,27%. Et sur le plan de la méthode, sur le fait qu'il fallait tout mettre sur la table et considérer que chacun devait apporter une contribution à un accord global et l’aborder donc dans cet esprit, qui est le contraire de l’esprit de conservation, qui est un esprit de mouvement, qui ne sera forcément pas facile, mais qui ne le sera pour personne si on veut arriver à un accord. Nous avons à nouveau rappelé au Premier ministre britannique l’importance que nous attachons au pacte européen pour l’emploi et au modèle social européen.

Concernant le système monétaire international, nos propositions sont très proches sur l’adaptation et la rénovation des institutions de Bretton Woods et notamment sur les moyens et la responsabilité du Fonds monétaire international, responsabilité qui doit devenir plus politique. J’ai également indiqué au Premier ministre britannique que, avec le Chancelier SCHRÖDER, nous avions pensé que dans ce domaine, lors du G7 qui se tiendra à Cologne, nous aurions à examiner les problèmes posés par la nécessaire humanisation de la mondialisation.

Voilà les principaux problèmes que nous avons évoqués ensemble. Nous l’avons fait, je le répète, dans un esprit que j’ai rarement connu aussi chaleureux et positif. Alors, je vais maintenant demander au Premier ministre britannique de nous donner son point de vue et j’imagine que le Premier ministre français aura également des choses à compléter.

M. BLAIR -

M. le Président et M. le Premier ministre, vous me permettrez de m’adresser tout d’abord au Maire et aux citoyens de Saint-Malo. Je voudrais vous dire tout simplement que c’était très bien organisé, cela s’est très bien passé, c’était un bon séjour et merci beaucoup.

Je voudrais également vous dire, M. le Président, que je me suis réjoui, non pas du fait d’avoir le sommet en soi, mais de l’esprit très chaleureux que vous nous avez manifesté, et de l’esprit général dans lequel ce sommet a été mené. Au nom du peuple de mon pays, je voudrais également vous remercier pour les paroles que vous avez eues à propos de l’Irlande du Nord, que nous avons beaucoup appréciées. Je crois que quelquefois on ne comprend pas à quel point le peuple de l’Irlande du Nord et du Royaume-Uni apprécie lorsque d’autres comprennent l’importance du processus en cours, c’est-à-dire essayer d’assurer la paix en Irlande du Nord.

S’agissant des sujets que nous avons discutés au cours de notre sommet, je voudrais tout d’abord souligner l’importance de la déclaration commune que nous avons faite sur la défense et sur la politique commune de défense et de sécurité. Les relations entre la Grande-Bretagne et la France dans ce domaine sont naturellement capitales. Lorsque j’ai lancé ce débat à Pörtschach, il s’agissait de la première fois où j’expliquais la position britannique, je me suis rendu compte immédiatement qu’il était très important que la France et la Grande-Bretagne se lancent dans ce processus en étroite coopération. Et je pense que c’est un pas important que cet accord et cette déclaration que nous avons faits aujourd’hui. Je crois qu’il est vital pour l’Europe d’avoir une force et une voix plus forte dans les affaires internationales. Et comme nous l’avons dit, ceci est tout à fait en conformité avec les alliances que nous avons, et surtout l’OTAN, l’Alliance atlantique. Mais je crois qu’il est important de bien définir certains principes clairement. Nous l’avons fait aujourd’hui, et je suis sûr que ceci fait partie de relations qui vont se développer plus avant à l’avenir, et je m’en réjouis beaucoup.

Je me suis également félicité de l’intervention que vous avez faite sur l’ Afrique pour essayer de résoudre le conflit de la région des Grands Lacs, et je suis tout à fait d’accord avec les sentiments que vous avez exprimés. Nous en avons parlé et il faudrait avoir une coopération plus étroite, par exemple en Afrique. C’est quelque chose de très important.

Je me suis également félicité d’initiatives bilatérales fortes dans toute une série de questions, par exemple sur le bug de l’an 2000 et également les échanges culturels qui sont importants pour nos deux pays, la mise au point du village électronique, le dialogue de l’an 2000 entre les écoles françaises et britanniques que nous avons lancé au sommet de Londres et je me suis également félicité des travaux faits sur les PME par M. PIERRET et Lord SIMON. Je voudrais également attirer l’attention sur les accords dans le domaine des transports parce que je crois que c’est un domaine important de coopération entre nos deux pays et je suis également d’accord avec vous à propos de l’Agenda 2000, il est important de faire avancer ceci convenablement et d'essayer de parvenir à un accord.

Quant aux finances internationales, il y a une série d’initiatives. Nos deux pays se sont parlé à propos de la nécessité de stabiliser, de réformer le système financier international. Nous avons vu les difficultés récentes sur les marchés internationaux, mais nous voyons qu’il est très important de travailler en étroite liaison dans ce domaine et je suis très heureux de voir que ceci s’est également produit.

Nous avons expliqué également clairement les positions de nos pays à propos des " duty-free ", qu’il était vraiment nécessaire de dire qu’il y aura des difficultés par rapport au régime qui ferait suite au système de " duty-free " dans l’Union. Et enfin, je voudrais vous dire que nous avons vraiment beaucoup apprécié ce sommet, ce partenariat, cette coopération entre nos deux pays. La Grande-Bretagne est en train de créer de nouvelles relations en Europe, ceci est bien, bien pour la Grande-Bretagne et j’espère aussi pour l’Europe et je suis convaincu que c’est là que se trouve l’intérêt de mon pays pour l’avenir.

LE PRÉSIDENT -

Merci M. le Premier ministre. M. le Premier ministre ?

LE PREMIER MINISTRE -

M. le Président de la République, M. le Premier ministre, Mesdames, Messieurs. Dans le prolongement de ce qu’a dit le Président de la République et en écho à ce que vient d’exprimer Tony BLAIR, je voudrais dire que, au-delà du caractère extrêmement cordial, simple et naturel de ce sommet, après avoir vu les problèmes que nous avons traités, je suis plus convaincu encore que la relation franco-britannique est pour nous essentielle. Je ne répéterai pas ce que le Président de la République a dit à propos de la déclaration commune sur les problèmes de sécurité et de défense qui vient d’être adoptée. Nous sommes tous conscients que c’est un moment important, non seulement dans ce sommet, mais au-delà de ce sommet. Et je voudrais saluer le travail très précis qui a été fait par les collaborateurs, par les quatre ministres pour nous permettre d’aboutir à ce résultat. La Grande-Bretagne a bougé, nous-mêmes nous faisons mouvement mais je crois que c’est la perspective d’une Europe, s’impliquant vraiment dans les problèmes de défense et de sécurité, qui avance à travers un certain nombre d’actes dont celui-ci. Nous avons naturellement beaucoup parlé, et notamment dans les entretiens que j’ai eus avec le Premier ministre, nous avons beaucoup parlé d’Agenda 2000. La France a dit à ses partenaires espagnols finalement dans deux sommets récents, qu’elle pensait que rester immobile, piétiner, en restant sur ses positions ne servait à rien. Elle a pris au mot la déclaration du Chancelier allemand selon laquelle sous la présidence allemande ces problèmes devraient être réglés et donc nous avons proposé une démarche qui est de mettre tout sur la table, de regarder les espoirs, les craintes, les difficultés de chacun pour déboucher sur un compromis. C’est dans cet esprit désormais que nous travaillons et je crois que c’est bien compris par nos partenaires européens.

Nous avons naturellement évoqué un certain nombre de questions bilatérales mais qui, souvent, s’inscrivent dans un contexte européen. Les hors taxes, un problème notamment pour des centaines et des centaines de milliers de personnes des milieux populaires et cela nous préoccupe et avec le Président de la République et le Premier ministre nous pensons que nous devrons, au niveau politique, évoquer cette question au sommet de Vienne. Nous avons naturellement parlé fiscalité. Alors je sais que cela provoque un vif débat dans certains média. Pas plus les Français que les Britanniques n’ont envie d’uniformisation fiscale. Pour nous harmonisation fiscale ne signifie pas uniformisation fiscale. Personne n’a envie que l’on choisisse pour lui, pour son pays, son impôt sur les sociétés ou son impôt sur le revenu. Non, ce dont il s’agit c’est d’abord de réduire les paradis fiscaux, qui posent non seulement des problèmes fiscaux mais parfois même d’autres problèmes. C’est d’éviter ce qu’on pourrait appeler de dumping fiscal, les distorsions de concurrence ou les pratiques fiscales discriminantes en quelque sorte ou compétitives. Et donc c’est dans cet esprit, en étant conscients que cela est de la responsabilité des gouvernements aujourd’hui que nous voulons travailler. Il s'agit d'éliminer des abus dans un espace qui va être non seulement commercialement unifié, mais qui va être monétairement unifié, il ne s'agit pas d'aller vers je ne sais quelle uniformisation fiscale.

J'ai évoqué les problèmes d'emploi, dans la perspective du sommet de Vienne avec le Premier ministre et nous avons affirmé notre volonté commune d'amplifier la démarche entamée à Luxembourg sur ce sujet et parmi d'autres points, nous avons aussi un peu évoqué les problèmes d'aéronautique. En tout cas je les ai évoqués, le Premier ministre y a fait écho. On nous dit qu'il pourrait y avoir une fusion d'entreprises. Nous nous l'accepterons comme un fait, si cela se réalise. On en parle depuis un certain temps. Dans cette hypothèse au lieu d'avoir deux interlocuteurs, nous en aurons un. Mais nous continuerons la discussion étant entendu que notre conception reste celle de l'équilibre entre les nations et les potentiels industriels qui avaient d'ailleurs été rappelés par le Président de la République, le Premier ministre britannique, le Chancelier allemand Helmut KOHL et moi-même dans une déclaration sur ce sujet, le 9 décembre qui visait à la construction d'une industrie européenne de l'aéronautique et peut être aussi de l'espace. Nous restons fidèles à cela et nous pensons que notre potentiel et notre expérience dans le domaine aéronautique restent incontournables. Donc nous aborderons l'étape suivante avec le même esprit de construire une industrie européenne sur la base de l'équilibre et une très grande confiance.

Voilà l'essentiel des points, si je m'efforce de les synthétiser sans être trop répétitif par rapport à ce qu'a dit le Président et le Premier ministre.

QUESTION -

M. le Premier ministre, le Président CHIRAC a dit pour les négociations sur l'Agenda 2000 : "Il faut tout mettre sur la table". Le chèque britannique devrait également être sur la table ? Vous êtes d'accord ?

M. BLAIR -

- Oui, je suis d'accord pour dire qu'il est important que nous parvenions à un accord sur l'Agenda 2000. Nous avons expliqué notre position très clairement à propos du rabais britannique et cela demeure notre position. Naturellement toute une série de choses seront débattues dans le cadre de l'Agenda 2000 et il est important d'essayer de trouver un accord là-dessus. Vous savez que ce rabais britannique est là pour une raison bien précise, qui demeure, et je crois que si nous abordions dans le bon esprit toute la négociation, à ce moment-là nous aurons un accord. Quant au fonds structurel et au fonds de cohésion, nous sommes en discussion. Il y aura des changements dans beaucoup de domaines, il faudra l'accepter, mais nous voulons bien nous assurer que ces changements sont justes, raisonnables, ouvriront la voie vers l'élargissement et ce, d'une manière telle que tous les pays puissent les accepter.

LE PRÉSIDENT -

Je voudrais juste ajouter un mot à la suite de la réponse du Premier ministre. Si nous partons du principe "tout ce qui est à moi, est à moi, et tout ce qui est aux autres, est négociable", nous sommes sûrs d'aller à l'échec. Alors nous n'avons pas évoqué particulièrement tel ou tel sujet, le chèque britannique, le fonds de cohésion, l'agriculture etc, où chacun a des intérêts importants. Nous nous sommes simplement mis d'accord ainsi d'ailleurs qu'avec nos collègues allemands, espagnols et italiens et probablement bientôt avec tous les autres, sur le fait que nous acceptions de tout mettre sur la table et de tout discuter, ce qui ne veut pas dire que nous avons pris des engagements sur les résultats de cette discussion. Mais c'est une méthode, une ouverture d'esprit.

QUESTION -

M. le Premier ministre britannique, jusqu'à présent on n’a cessé de dire en Europe que la construction européenne repose sur l'axe franco-allemand. Est-ce qu'aujourd'hui, à tous les niveaux, vous avez envie d'entendre dire que cette construction européenne doit reposer sur un axe franco-germano-britannique ?

M. BLAIR -

- Je crois que ce qui serait raisonnable, c’est que tous, nous reconnaissions le fait qu'il y a des partenariats importants à des niveaux différents en Europe. C'est tout à fait normal. La relation franco-allemande est très forte et le demeurera. Nous, au Royaume-Uni, nous pensons que nous avons des relations fortes avec la France et d'ailleurs, ce sommet en est la preuve. Nous avons fait un pas en avant dans le domaine de la défense. Nous avons aussi d'excellentes relations avec l'Allemagne, et avec d'autres partenaires en Europe. Lorsque l'Europe sera proche, je crois que la totalité de ses relations devrait être examinée et non pas en essayant de voir des divisions ou de dire qu'il y a des types de relations différentes par ici qui vont déplacer telle autre relation. Je ne crois pas que ce soit de cela qu'il s'agit.

Personnellement, j’ai le sentiment que l’attitude différente de la Grande-Bretagne, plus engagée, plus constructive, aura un meilleur impact pour l’Europe dans son ensemble. Je parle des intérêts britanniques, mais je pense également que c’est de l’intérêt de l’Europe. Nous avons eu ce débat sur la défense, et nous avons vu que, lorsque le Royaume-Uni s’ouvre et s’engage, nous avons quelque chose à apporter, à faire une contribution avec la France dans cette question de sécurité, de politique générale, nous avons vraiment fait un pas en avant, et ceci pour essayer de résoudre un problème européen. J’espère que ce n’est pas de réponse trop diplomatique pour vous, mais je crois que nous pouvons vivre avec des relations différentes, et d’ailleurs c’est tout à fait normal. Ça va ?

LE PRÉSIDENT -

La relation franco-allemande est une relation essentielle, dans la mesure où elle est nécessaire à la construction de l’Europe. Pour autant elle n’est pas suffisante ou exclusive ; nous n’avons jamais dit cela. Et nous nous trouvons aujourd’hui au début d’une nouvelle période, caractérisée par deux points : le premier, c’est que nous passons à l’étape de politique étrangère et de sécurité commune, et il n’y aura pas de politique étrangère et de sécurité commune européenne si les deux principales puissances diplomatiques et militaires de l’Europe, enfin deux parmi les plus importantes puissances diplomatiques et militaires de l’Europe, ne se mettent pas d’accord ; et deuxième point, nous observons depuis quelque temps une ouverture plus grande de l’Angleterre, d’ailleurs au niveau de l’opinion publique comme au niveau des autorités, pour aborder les problèmes européens. Donc, la relation anglo-française et anglo-allemande ne peut évidemment que se renforcer aujourd’hui.

QUESTION -

M. BLAIR, j’ai cru comprendre qu’à la suite d’efforts par le vice-Premier ministre, M. PRESCOTT, et ses collègues français, que vous et le Premier ministre, M. JOSPIN, vous allez présenter au Sommet de Vienne l’idée de reporter la fin des ventes en " duty-free ". Alors quelles sont les perspectives ? Et une question d’ordre national : le chef conservateur de l’opposition perd des pairs à la Chambre des Lords, alors quels conseils pourriez-vous lui donner dans cette situation difficile, pour lui ? Président CHIRAC, est-ce que vous pourriez répondre à une question en anglais pour la télévision britannique, pour exprimer son importance à propos de la question de l’harmonisation fiscale dans l’Europe ?

M. BLAIR -

Vous savez, la BBC fait toujours de bonnes suggestions. En fait, je n’ai rien à dire à propos du Parti conservateur, sauf à dire (inaudible).

Quant au " duty-free ", nous ne sous-estimons pas les difficultés, ni l’un, ni l’autre. Vous savez qu’il faut l’unanimité pour changer cette situation, mais il y a un accord très fort ici sur le fait de dire qu’il serait bon que nous soulevions cette question de manière très ferme, parce que le régime qu’il faudrait suivre n’est pas satisfaisant. Vous savez que c’est une décision qui a été prise il y a quelque 7 ans, en 1991, ceci remonte à plusieurs années, mais maintenant nous approchons du changement et les gens voient que la disparition des " duty-free ", de la manière qui a été présentée, est quelque chose qui est préjudiciable et qu’il faut nous y opposer. La Grande-Bretagne, la France, et d’autres pays aussi, je pense, soulèveront cette question et ceci exprime que nous avons une volonté très ferme pour que cela change, mais nous ne sous-estimons pas les difficultés, parce que nous sommes limités par cette décision qui a été prise il y a quelque 7 ans, et du fait qu’il faut l’unanimité. Mais je crois qu’il serait bon de soulever cette question.

LE PRÉSIDENT -

Je répondrai à votre question en français et non pas en anglais et je vais vous dire pourquoi. D’abord, parce que mon anglais n’est pas très bon, et ensuite parce que le Premier ministre français a tout dit sur ce point, et que je ne pourrais que le répéter.

QUESTION -

M. le Président, il semblerait que le Dalaï-Lama ne soit pas invité à un déjeuner des Prix Nobel de la Paix prochainement lors du Cinquantenaire de l’anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. S’agit-il d’une omission délibérée, et si oui, pourquoi ?

LE PRÉSIDENT -

Bien entendu tous les Prix Nobel et les principales personnalités invitées à Paris sont invités à déjeuner à l’Elysée. S’agissant du Dalaï-Lama, chacun sait que j’entretiens avec lui, depuis très longtemps, un dialogue très confiant. Ce dialogue, je le conduis selon des modalités qui me paraissent, et qui lui paraissent, appropriées. Et j’ai interrogé le Dalaï-Lama pour savoir si, compte tenu de sa relation aujourd’hui avec Pékin, il souhaitait être présent ou non. Et j’attends sa réponse.

QUESTION -

On ne parle pas du nucléaire dans cet accord sur la défense, et quand pensez-vous que le moment sera venu d’introduire le thème de la coopération vraie et opérationnelle entre la Grande-Bretagne, la France pour ce qui concerne le nucléaire ?

M. BLAIR -

La déclaration que nous avons faite sur la défense est quelque chose de très clair et je crois que c’est exprimé clairement. Quant à la question nucléaire, la position de nos deux pays ne change pas. Il n’y a absolument aucun changement, la coopération existe, c’est une coopération qui est importante pour les deux pays, mais la déclaration sur la défense porte sur la façon dont nous allons façonner cette politique européenne de défense que nous recherchons.

QUESTION -

Pardon, je n’ai pas bien compris M. le Premier ministre, tout à l’heure vous disiez que vous n’étiez pas prêt à mettre la question du chèque britannique sur la table. Nous n’avons pas très bien compris ?

M. BLAIR -

Non, j’ai dis clairement que nous sommes pour ce chèque britannique, mais ce qui est important c’est d’avoir une discussion qui soit la plus ouverte et complète possible. Les autres pays voudront faire de même. Il y aura d’autres positions de la part des autres pays qui seront importantes, par exemple la position française sur le cofinancement. Il y a donc toute une série de choses à propos desquelles les pays auront une position claire. La position britannique sur le chèque n’a pas changé, mais comme l’a dit le Président ce qui est important c’est avoir une bonne discussion, une discussion constructive pour essayer de résoudre tous les problèmes liés à l’Agenda 2000. La position britannique sur le rabais, je crois, vous a été vraiment décrite à de très nombreuses reprises.

QUESTION -

Est-ce que ce renforcement de la politique européenne de défense peut dire qu’à long terme les 4 membres de l’Union européenne neutres ne pourront pas conserver leur position de neutralité ?

M. BLAIR -

C’est à eux de résoudre la question. Ce sont des Etats souverains indépendants, mais je crois que pour chacun de ces pays, ce sont des pays qui ont des relations très étroites avec des alliances militaires. Ce sont des décisions qui ne nous appartiennent pas, nous ne pouvons pas les prendre à la place d’autres pays. Et j’espère vivement que lorsque la défense européenne avancera, nous allons tous nous rapprocher les uns des autres. Mais comme je vous l’ai dit on ne peut pas gérer la souveraineté d’autres pays.

LE PRÉSIDENT -

Je suis d’accord avec ce que vient de dire le Premier ministre britannique.

QUESTION -

Je voudrais poser une question au Président CHIRAC. Étant donné le langage très chaleureux que vous avez eu pour ce sommet, comment comparez-vous ce sommet au sommet avec John MAJOR à Bordeaux. Est-ce que ce sommet ci a été un plus grand succès ?

LE PRÉSIDENT -

Je ne ferai pas de comparaison, parce que si j’en faisais, je craindrais que de mauvais esprits, encore qu’il n’y en a certainement pas ici, en tirent des conclusions différentes des miennes. Alors je vous dirai que le sommet de Bordeaux avait été très sympathique, on avait notamment très bien dîné dans un petit restaurant de Bordeaux, et que le sommet d’aujourd’hui a également été très réussi ; et le Premier ministre m’a confié qu’il avait également beaucoup apprécié le dîner d’hier soir.

QUESTION -

Sans être pompeux, je voudrais savoir si le Premier ministre britannique pourrait nous dire dans quelle mesure ce premier pas est historique sur la voie vers une politique de défense et de coopération commune. Est-ce que c’est vraiment tangible, est ce que cela veut dire que nous n’allons pas courir pour demander de l’aide aux États-Unis, est-ce que nous allons pouvoir traiter vraiment les problèmes dans notre arrière cour ? Dans quelle mesure est-ce que c’est tangible, est-ce que c’est vraiment si historique que ça ?

M. BLAIR -

Oui, je crois que c’est un accord tout historique, comme nous l’avons dit. Ceci est tout à fait en conformité avec nos arrangements et nos obligations en vertu de l’OTAN et aussi les relations que nous avons avec les États-Unis mais les deux peuvent aller de pair.

Il est important d’avoir les capacités ainsi que le leadership politique en Europe pour pouvoir assumer ses responsabilités, surtout dans des circonstances où pour telle ou telle raison les États-Unis ne veulent pas s’engager. Lorsque, par exemple au Kosovo, nous avons une situation où en toute franchise nous n’avons pas pu agir comme je l’aurais souhaité pour l’Europe, je crois que ceci souligne la nécessité de coopérer et de travailler ensemble. Et dans une Europe qui se rapproche avec un marché unique, une monnaie unique, je crois que ceci se justifie tout à fait sans diminuer les autres relations atlantiques, les États-Unis, l’OTAN. Ceci est un début. Ce n’est pas un débat qui est court, c’est un début et je crois que c’est tout à fait bien que la Grande-Bretagne s’ouvre à de nouvelles relations. Comme l’a dit le Président tout à l’heure, pour la Grande-Bretagne et la France, avec notre histoire, notre proche coopération et nos intérêts mutuels, je crois que ceci se justifie tout à fait pour nous deux, et aussi avec d’autres partenaires pour s’engager dans ce débat et pour faire avancer les choses. Alors, voilà la signification de la déclaration d’aujourd’hui.

QUESTION -

M. BLAIR, pour poursuivre, comment expliquez-vous que pour une petite opération de faible importance il y a quelques mois en Albanie, la Grande-Bretagne, votre pays donc avec d’autres comme l’Allemagne, ait refusé que l’UEO mène l’opération, du coup c’est l’Italie qui avait dû la faire ?

M. BLAIR -

Manifestement, nous voulons jouer un rôle dans ce domaine. Mais pour vous corriger, je voudrais vous dire que nous avons vraiment essayé de faire en sorte que nous assumions nos responsabilités dans ce domaine également. Alors, si vous voyez la Bosnie, le Kosovo, la Macédoine, l’ Albanie, nous essayons de travailler ensemble de manière différente. Et le but de cet accord aujourd’hui, c’est de traduire ceci dans les faits de manière plus claire, et je crois que c’est tout à fait possible.

LE PRÉSIDENT -

Je voudrais ajouter qu’il y a trois ans, lorsque nous nous sommes trouvés dans une situation très difficile en Bosnie, c’est l’engagement anglo-français, avec la Force de réaction rapide mise sur pied immédiatement, qui a permis de redresser la situation et d’ouvrir la voie de la paix. C’était une décision qui était purement prise par l’Angleterre et par la France.

Je prends un autre exemple : on vient juste de parler du Kosovo, la situation y est difficile, chacun le sait, on a décidé de mettre des observateurs de l’OSCE, il fallait tout de même qu’il y ait une force qui puisse, le cas échéant, les protéger. C’est une force créée entre la France, l’Angleterre, l’Allemagne et peut-être un ou deux autres pays qui s’installera là-bas, qui est en train de s’installer là-bas. C’est une force faite entre nous, qui d’ailleurs travaille la main dans la main et dans le cadre général de l’OTAN. Donc, il faut être pragmatique et aussi efficace que possible.

QUESTION -

M. Le Premier ministre, dans la discussion sur les finances internationales, vous avez appris la baisse du taux d’intérêt en Europe hier. Est-ce que c’est une menace pour la livre, l’emploi au Royaume-Uni ? Alors, s’agissant de William HAGUE, est-ce que vous pensez que c’est la fin de sa bataille à la Chambre des Lords ?

M. BLAIR -

Je ne pense pas être habilité à faire des commentaires sur ce dernier point, probablement William HAGUE non plus. Donc, je ne peux pas répondre à cette question.

Quant à cette baisse des taux d’intérêt en Europe, nous nous en félicitons. C’est bien pour la croissance en Europe, par conséquent c’est bien pour la Grande-Bretagne également. Nous avons une position que nous avons expliquée, l’indépendance de la Banque d’Angleterre. C’est une position qui demeure, mais je crois qu’il est important de souligner sans arrêt que, pour la Grande-Bretagne, réussite, succès en Europe, ceci est vital pour notre industrie et pour l’emploi chez nous aussi. Le fait que l’Europe se porte bien ne va pas être mauvais pour nous, c’est bon pour nous. Donc la croissance, l’emploi en Europe, tout ceci est très bien pour nous.

LE PRÉSIDENT -

Le Premier ministre a quelque chose à préciser.

LE PREMIER MINISTRE -

Oui; simplement pour dire que c’est une bonne décision qui a été prise par les deux banques centrales, que cette décision a été prise librement, et en toute indépendance, que je ne crois pas qu’il soit utile pour les responsables politiques, qui ont pourtant dans le domaine de la politique économique et dans un champ plus vaste que celui des banques centrales, des responsabilités éminentes, qu’il soit utile que ces responsables interpellent les banquiers centraux, ne le faisons pas. Par contre, je crois qu’il est nécessaire qu’il y ait un dialogue qui soit conduit entre eux, et généralement pas sur la place publique, c’est ce que nous faisons. Et quand des décisions sont prises, eh bien, devons-nous les accepter, mais celles qui viennent d’être prises, je crois, sont de bonnes décisions compte tenu de ce que sont, disons, la certitude, le caractère assez balancé des perspectives économiques. On a besoin de consolider.

LE PRÉSIDENT -

Voilà, je vous remercie. Je donnerai une précision avant de lever séance : le Maire de Saint-Malo, qui nous a très bien reçus, et qu’après Tony BLAIR je remercie aussi au nom du gouvernement et en mon nom personnel, m’a indiqué qu’actuellement chaque année, uniquement par bateau, sur les excellents bateaux de Brittany Ferries, il venait à Saint-Malo un million d’Anglais pacifiques. Un million ! C’est tout de même là-aussi un lien extrêmement fort.

Je vous remercie.





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