Cologne, Allemagne, le vendredi 4 juin 1999
LE PRÉSIDENT - Mesdames et Messieurs, pour commencer je voudrais naturellement exprimer à la Présidence allemande, au Chancelier Schroeder, à tous ses collaborateurs, notre reconnaissance pour l'organisation d'un sommet qui a été un bon sommet. Un Sommet productif qui a mis sur les rails des réformes importantes pour l'avenir de l'Union européenne. Un sommet qui, par ailleurs, intervient à la fin d'une Présidence allemande qui a été, je n'hésite pas à utiliser le mot, très remarquable.
Elle a conclu l'agenda 2000, je dirais presque à l'étonnement de tous les experts car le dossier était très difficile. Elle l'a fait à la date prévue. Elle a fait face avec beaucoup d'autorité à la crise ouverte par la démission de la Commission et elle a lancé et fait approuver ici, à Cologne, un certain nombre de réformes importantes, sur la révision des institutions, sur l'Europe de la défense, sur le Pacte pour l'emploi, sur la Charte des droits fondamentaux, pour citer les points essentiels.
Alors, naturellement, ce Conseil européen a été dominé, il faut le dire aussi, par la crise du Kosovo. Nous l'avons dit hier, un pas important, peut-être un pas décisif, a été fait vers la paix. Après avoir entendu le rapport de notre représentant Martti Ahtisaari, auquel naturellement la France tient à rendre hommage et qui a parfaitement bien géré une négociation, enfin pas une négociation, plus exactement une action difficile, nous avons longuement évoqué les mesures concrètes qui devaient être très rapidement mises en oeuvre. Vérification du retrait de toutes les forces serbes, retrait vérifié qui conditionne l'arrêt des frappes. Adoption de la résolution du Conseil de sécurité, déploiement de la force internationale, organisation de l'administration provisoire, début de la reconstruction. Nous avons naturellement évoqué tous ces problèmes.
Tout ceci devra permettre le retour des réfugiés dans des conditions qui soient à la fois sûres et satisfaisantes. Nous devons aller vite. Nous devons néanmoins être extraordinairement vigilants tant que le processus n'aura pas pris une allure irréversible, c'est-à-dire tant que nous ne serons pas convaincus par les faits de la bonne foi des autorités serbes.
Il reste beaucoup à faire, mais dès maintenant quelques leçons apparaissent. Et, je crois que les autorités françaises peuvent le dire, elles qui ont pris dès le départ une position et n'ont jamais varié, nos démocraties, que l'ont décrit parfois comme des régimes faibles ou velléitaires, ont su prouver leur détermination, leur fermeté, leur solidarité lorsque les valeurs sur lesquelles elles sont fondées sont en jeu. Et, cela, c'est un événement qui compte dans l'histoire de l'Europe, dans l'histoire de nos pays. Milosevic avait cru pouvoir jouer sur nos divisions ou sur nos faiblesses : il a perdu.
Dans cette crise, la France a tenu son rang. Premier pays européen pour l'importance des forces engagées, elle a aussi pris une part déterminante dans la mise au point du règlement politique. Sa diplomatie a été particulièrement active et, je me permets de le dire, particulièrement intelligente. Et, aussi grâce aux Français qui de ce point de vue ont été exemplaires, elle a été particulièrement généreuse pour ce qui concerne l'aspect humanitaire, c'est-à-dire l'aide aux réfugiés.
La Russie a elle aussi apporté toute sa contribution à la solution de cette crise et je pense que c'est là quelque chose qui doit être souligné. La Russie n'était pas dans une situation très facile, compte tenu de l'histoire, compte tenu de la géographie, compte tenu des difficultés auxquelles elle est confrontée, compte tenu du moment politique, ou du moment de sa vie politique, où se trouvait cette crise. Elle a su apporter une impulsion déterminante au processus de paix.
La France a toujours pensé qu'il n'y aurait pas, en Europe en général et dans cette partie de l'Europe en particulier, de solution durable à des crises ou d'instauration durable de la paix sans la Russie. Et je souhaite que cette concertation avec la Russie puisse se prolonger, et que la Russie puisse, comme aujourd'hui, demain prendre toute sa part à l'élaboration des modalités d'application de la solution de paix et de l'accord de paix. En tous les cas, je tiens à rendre hommage à ses dirigeants, au Président, naturellement, au Gouvernement, à M. Tchernomyrdine, pour le rôle essentiel qu'ils ont pris dans la solution de ce problème, qui n'est pas encore tout à fait résolu, mais, enfin, qui est en bonne voie de solution.
Enfin, l'Europe a fait tout de même preuve d'une cohésion dont il faut dire qu'elle est assez nouvelle. Du lancement de Rambouillet jusqu'à la mission du Président finlandais Ahtisaari, l'Europe a montré une vraie solidarité et un vrai dynamisme politique. La crise a peut-être un peu masqué cet aspect des choses, mais quand on prend le recul nécessaire pour porter un jugement, c'est ce que l'on observe, et c'est pourquoi on peut souligner que l'Europe doit aujourd'hui se doter des moyens de défense, à la mesure de ses responsabilités. Cette crise en apporte un témoignage supplémentaire.
Nous avons su faire l'euro, nous devons réussir l'Europe de la défense. Alors, voilà, après Saint-Malo et l'accord franco-britannique, après Toulouse et les initiatives germano-françaises, la leçon qu'ensemble nous avons tirée à Cologne en adoptant une importante déclaration sur la défense européenne. C'est un moment important de la construction d'une identité européenne de défense. Nous avons de ce point de vue décidé des mesures concrètes, transformation du corps européen en un corps de réaction rapide européen, et mise en place de nouvelles structures politiques et militaires au sein de l'Union européenne. Et nous avons annoncé le dépôt, dès les prochains jours, d'un plan d'action français, d'une contribution française à un plan d'action, pour que l'Europe avance vite et aille loin dans cette initiative européenne de défense.
La deuxième réforme, après la défense, concerne les institutions de l'Union européenne. Vous savez que pour nous, et nous l'avions manifesté avec nos amis belges et italiens, la réforme des institutions est un préalable indispensable à un élargissement que nous ne voulons pas reporter, bien entendu. Nous l'avions dit dès le départ, c'était une position très claire sur les trois domaines qui devaient faire l'objet de la réforme : la composition de la Commission, la pondération des voix au Conseil et l'extension de la majorité qualifiée. C'est exactement le mandat qui a été retenu par le Sommet de Cologne, par le Conseil européen, et un calendrier ambitieux a été fixé pour la future conférence intergouvernementale.
Troisième élément de réforme, le pacte européen pour l'emploi, dossier important du Conseil. Vous savez combien la France estime essentiel de renforcer la dimension humaine et sociale de l'Europe. Je rappelle régulièrement, de peur qu'on ne l'oublie, que j'ai déposé à ce sujet le premier mémorandum sur le modèle social européen en mars 1996. Les choses se sont naturellement beaucoup développées depuis. La France souhaitait que l'Europe franchisse une nouvelle étape. Après les lignes directrices pour l'emploi, il fallait se donner les moyens de mettre l'emploi au coeur des orientations de politique économique arrêtées au niveau de l'Union, parce que l'emploi c'est d'abord la croissance.
C'est ainsi que nous pourrons conjuguer le dynamisme économique nécessaire et un modèle social proprement européen et qui exprime notre vision du monde de l'homme, de notre culture, de notre vue de l'avenir. Et il faut pour cela, naturellement, mieux associer les partenaires sociaux aux décisions de l'Union relatives à la croissance et à l'emploi. Nous nous y sommes attachés au cours de ce Conseil. J'imagine que le Premier ministre en parlera plus longuement.
Nous avons obtenu que le projet de pacte soit enrichi sur plusieurs points mais surtout qu'il soit considéré non pas comme un élément final, mais comme une étape dans un processus qui doit continuer, naturellement, de se développer.
Défense européenne, réforme des institutions, développement du pacte pour l'emploi, charte des droits fondamentaux, il y a là, vous le voyez, du travail en perspective pour les prochaines présidences. C'est ce qu'a souligné, avec à la fois modestie et humour, le prochain Président à qui le Président Schroeder a passé les pouvoirs tout à l'heure, et ce calendrier avec les présidences finlandaise, portugaise et française montrent que notre présidence aura sans aucun doute une charge lourde à assumer. Elle s'y emploiera avec conviction et avec passion.
Nous avons enfin procédé à la nomination du Haut représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune, M. PESC. Il s'agit, vous le savez, de M. Javier Solana, qui est un européen convaincu, qui est le représentant d'un pays membre du corps européen, qui a été un élément actif qui a permis de développer l'idée d'initiative européenne de défense au sein de l'Alliance atlantique et qui réunit de toute évidence les compétences nécessaires pour assumer ce poste.
Nous avons nommé le secrétaire général du Conseil, que l'on appelle maintenant le secrétaire général adjoint, et qui est notre actuel représentant permanent à Bruxelles, M. Pierre de Boissieu.
Voilà ce qui a été fait. Vous observerez que ce qui caractérise l'effort des Européens aujourd'hui, et en particulier des Français, notamment des responsables qui assument le destin de nos enfants et de nos petits enfants, c'est la volonté d'avoir ou de laisser aux générations futures une Europe, d'abord, qui soit plus présente dans le monde, une Europe qui soit plus exigeante pour elle-même, et qui en particulier, n'accepte pas les dérives de la nature de celles que l'on a vues au Kosovo, qui ne permette plus la répétition des choses épouvantables que l'on a pu observer au cours de ce siècle, beaucoup en raison de la faiblesse de nos démocraties et qui étaient des atteintes inacceptables, ignominieuses aux Droits de l'homme, l'idée que nous nous faisons de la dignité de la personne humaine.
Et donc une Europe plus morale, qui mette au coeur de ses comportements le respect d'un certain nombre de principes qui fondent une morale républicaine, pour ce qui concerne la France, une morale partagée pour ce qui concerne l'ensemble de l'Europe. Et aussi une Europe à la fois plus forte et plus concrète. C'est cela l'Europe que nous voulons léguer à nos enfants et je peux dire qu'ici, à Cologne, après d'autres pas, un pas non négligeable a été fait dans la direction de cette Europe-là.
LE PREMIER MINISTRE -
: Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, je partage les conclusions tirées pour ce sommet par le Président de la République. J'ajouterai quelques mots sur le Kosovo et je donnerai quelques précisions sur le pacte européen pour l'emploi. L'histoire retiendra peut-être que le 24 mars, devant l'échec et l'impasse du processus diplomatique, c'est lors d'un conseil européen à Berlin que les frappes ont commencé sur la Serbie et que le 3 juin, lors d'un autre conseil européen, s'est peut-être ouvert le chemin de la solution diplomatique et politique. Je pense moi aussi que nous devons saisir la chance de la paix. La stratégie dont nous avons fait le choix était la bonne, elle s'est montrée efficace et si les autorités de Belgrade respectent l'engagement qu'elles ont pris, et au niveau du pouvoir exécutif et au niveau du Parlement, de souscrire au document qui leur a été présenté par le Président Ahtisaari, je pense que nous pouvons dans les jours qui viennent déboucher sur une fin de ce conflit selon les valeurs, les conditions et les principes qui étaient les nôtres et qui sont ceux d'ailleurs de la communauté internationale. Alors nous allons, bien sûr, dans les jours qui viennent, nous attacher à vérifier que Belgrade respecte scrupuleusement les engagements pris.
En même temps, nous avons le sentiment qu'autant nous devons nous montrer exigeants sur le fond, c'est-à-dire sur les conditions mêmes d'un accord sur la crise du Kosovo, autant nous devons sans doute nous montrer attentifs dans la forme. Lorsqu'on est sur le point d'emporter une solution raisonnable, il n'est pas forcément nécessaire d'humilier. Et donc je pense qu'il faudra sans doute être animé par cet état d'esprit. Le Président l'a souligné avec force, l'Europe a pris ses responsabilités dans ce conflit. Elle l'a fait pour essayer de proposer une issue diplomatique par le processus de Rambouillet auquel Hubert Védrine, en particulier, a contribué. Elle l'a fait dans l'épisode guerrier. Elle a continué à le faire sur le terrain diplomatique et elle est prête à le faire sur le terrain de la reconstruction et de l'avenir des Balkans pour tous les peuples des Balkans. Car nous n'avons jamais combattu un peuple en Serbie mais un régime. Et c'est vrai, le Président l'a souligné également, que le soutien de l'opinion, la lucidité, le réalisme des Français ont été précieux. Moi, j'ai personnellement pris l'engagement, après avoir joint le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat, de me tenir à la disposition du Parlement pour nourrir le débat nécessaire. Et, j'espère que d'ici le début de la semaine, sans doute mardi, où ces échanges auront lieu, nous aurons pu concrétiser le processus qui s'est mis en place.
Au moment où, à Berlin, nous décidions des frappes, nous avons adopté l'Agenda 2000. Et au moment où, en Allemagne, ici même, revient l'espoir de la paix, nous avons adopté le Pacte européen pour l'emploi. C'est-à-dire que nous avançons du même pas à la fois sur les grands problèmes économiques et sociaux qui concernent l'Union européenne et face aux défis, aux confrontations militaires ou diplomatiques. Alors, en ce qui concerne ce Pacte européen pour l'emploi, après Luxembourg, Cologne va marquer une étape supplémentaire dans la prise de conscience que le problème de croissance et de lutte contre le chômage doivent être les premières priorités de l'Europe. C'est vrai qu'on peut dire que nous aurions souhaité aller plus loin dans un certain nombre de domaines. Nous avions proposé qu'on arrête un objectif chiffré de croissance de 3 % pour les prochaines années. Nous voulions insister sur des objectifs plus précis dans un certain nombre de domaines. Mais nous avons pris notre part du consensus en étant conscients que ce processus va se poursuivre et des rendez-vous ont été pris en particulier pour la présidence portugaise. Un certain nombre de décisions concrètes sont d'ores et déjà prises. L'association plus étroite de tous les acteurs économiques et sociaux au Pacte européen pour l'emploi. Les partenaires sociaux (syndicats, représentants des chefs d'entreprise) seront associés aux travaux des conseils ECOFIN et Affaires sociales, notamment lors de la préparation des grandes orientations de politique économique, les GOP, et les lignes directrices pour l'emploi, dont nous voulons d'ailleurs qu'elles soient préparées en cohérence. Par ailleurs, il y aura, au printemps 2000, une conférence au niveau des chefs d'État et de Gouvernement avec les partenaires sociaux européens, la banque centrale, la commission, peut-être des parlementaires. Et vous vous souviendrez que j'avais fait cette proposition il y a quelques mois.
Les travaux entamés pour lutter contre le dumping fiscal, et la concurrence déloyale en matière fiscale seront poursuivis et nous avons dit qu'ils devront être achevés pour Helsinki. L'Europe mettra l'accent sur le développement de l'innovation et des nouvelles technologies, comme nous le faisons d'ailleurs en France. A cette fin, par exemple, la capacité d'intervention de la Banque européenne d'investissements sera doublée. De nouveaux objectifs chiffrés et vérifiables seront définis à Helsinki quand nous adopterons les lignes directrices pour l'emploi pour l'an 2000. Des propositions en ce sens ont été demandées aujourd'hui à la Commission.
La proposition de directive permettant d'expérimenter un taux réduit de TVA sur les services à forte intensité de main d'oeuvre devra être adoptée rapidement.
En résumé donc, le Pacte enrichira la dynamique qui avait déjà été engagée notamment à l'initiative de la France, à Luxembourg et il faudra bien sûr l'approfondir dans l'avenir, je crois en particulier sur des engagements pour des objectifs de croissance. On le voit, le fait que les États-Unis connaissent une croissance plus forte que celle des pays européens a des conséquences sur différents plans, y compris monétaires. Et je crois que, fort de l'expérience du passé, ce qui s'est passé au cours des dix dernières années, voyant les taux de chômage dans les pays européens, il est indispensable que les gouvernements européens, nationalement mais aussi solidairement au plan européen, veuillent faire à nouveau de l'Europe une zone de croissance forte. C'est grâce à une croissance forte et, bien sûr, à une adaptation de notre économie au défi de la globalisation que nous résoudrons le mieux nos problèmes, y compris nos problèmes sociaux. Et donc c'est un point absolument central sur lequel le gouvernement français contribuera à insister auprès de ses partenaires européens. Voilà l'essentiel de ce que je voulais dire pour ne pas répéter ce que le Président de la République lui-même a décrit comme les conclusions de ce Conseil.
QUESTION -
Vu le fait que Milosevic ait été cité devant le tribunal de La Haye, est-ce que vous avez déjà une idée de comment on peut poursuivre cette histoire ?
LE PRÉSIDENT -
Je n'ai pas à avoir d'idées sur la façon dont la justice traitera ce dossier. Ce que je souhaite, c'est qu'elle le fasse dans des conditions qui dissuadent définitivement tous les apprentis dictateurs du monde de demain.
QUESTION -
Monsieur le Premier ministre, vous avez dit, il y a un instant, qu'il ne fallait pas sans doute humilier inutilement la Serbie. M. Blair semble-t-il a exprimé l'idée que la Serbie ne pouvait pas faire partie du concert des Nations aussi longtemps qu'elle sera dirigée par M. Milosevic, est-ce que c'est aussi un sentiment que M. le Président et vous-même partagez ?
LE PREMIER MINISTRE -
Moi, je pensais essentiellement à la façon dont seront réglés un certain nombre de problèmes. Vous savez que des premiers contacts ont été établis entre l'OTAN et les autorités serbes pour mettre en oeuvre les accords techniques militaires qui sont nécessaires au retrait des troupes, à l'arrivée sur le terrain, de la force de sécurité internationale, et nous avons une certaine expérience de ces choses, et nous pensons donc qu'il faut traiter ces problèmes dans le respect absolu des conditions que nous avons fixées et que M. Milosevic semble avoir acceptées, mais sans y rajouter dans la forme quoi que ce soit d'autre.
En ce qui concerne votre question, plus précisément, je ne sais pas ce qu'a déclaré Tony Blair, il n'a pas exprimé ce point de vue à l'intérieur du Conseil et je ne suis pas en mesure de commenter telle ou telle déclaration qu'il aurait faite. Ce que je pense, tout simplement, c'est que nous devons maintenant saisir la chance de la paix, nous devons indiquer que les pays européens sont prêts à offrir des perspectives pour le développement économique des Balkans, sans exclure aucun peuple, même s'il peut y avoir des priorités, des responsabilités différentes dans ce qui s'est passé, et c'est cela essentiellement qui doit nous animer. Pour le reste, le Président de la République s'est exprimé sur ce point, il y a une justice internationale qui est indépendante, elle l'a montré. Ces annonces n'ont pas semblé constitué un obstacle de plus, en tout cas la séquence chronologique telle qu'elle s'est déroulée ne semble pas le démontrer, mais je n'ai pas à cet égard à faire d'autres commentaires, nous assumons, chefs d'Etat et de Gouvernement, les responsabilités qui sont les nôtres. Pour retrouver la paix sur la base des conditions fixées par la communauté internationale et avec pour objectif que les réfugiés du Kosovo puisse retourner dans leur pays et y vivre dans un Kosovo pluraliste, démocratique où règne la paix civile, où les problèmes ne sont pas réglés par la violence, c'est cela notre responsabilité et par ailleurs le tribunal pénal international a les siennes, et je suis convaincu qu'il les exercera. Je pense que pour l'avenir, mais je n'ai pas à m'en mêler davantage, je pense que c'est le peuple serbe qui se saisira certainement de la question dans le cadre de la vie politique serbe, et tirera les bilans et les conséquences de ce qui s'est passé depuis deux mois et demi.
QUESTION -
Est-ce qu'à votre connaissance, sur le dossier du Kosovo, les militaires serbes et ceux de l'OTAN ont déjà pris rendez-vous ?
LE PRÉSIDENT -
Oui, ils ont déjà pris rendez-vous et je voudrais ajouter un mot. Sur le plan militaire, et bien entendu à la suite de la mission du Président Ahtisaari, on s'est interrogé, notamment entre nous ici à Cologne en particulier lors du dîner de travail que nous avons eu hier, sur les conséquences qu'il fallait en tirer en ce qui concerne les frappes, leur nature. Et nous avons été unanimes à considérer, naturellement, que les frappes ne pouvaient pas être interrompues tant que des retraits substantiels et avérés de forces serbes n'auraient pas été enregistrés au Kosovo. Néanmoins, nous avons été également unanimes à considérer que l'action militaire des alliés doit naturellement tenir compte de la situation politique nouvelle créée par l'acceptation de notre plan de paix par les autorités serbes, ce qui nous a conduit à faire connaître à l'OTAN et à ses dirigeants, mais aussi à nos amis américains, les conséquences que comportait en termes de frappes, selon nous, l'évolution politique. C'est-à-dire, en clair : limitation des frappes à des objectifs strictement militaires. Et je crois pouvoir dire que notre demande a été non seulement entendue mais acceptée, et que dorénavant les autorités de l'OTAN limiteront leurs frappes à des objectifs strictement militaires en attendant naturellement que les conditions pour une pause ou pour une suspension des frappes, conditions que j'ai rappelées tout à l'heure, soient remplies.
QUESTION -
D'abord une question pour Monsieur le Premier ministre. Comme vous venez de parler qu'il faut mettre fin à la concurrence fiscale déloyale. Ou en est-on avec le dossier " duty free ". Est-ce qu'on peut s'attendre à ce que cela se termine le 1er juillet. Et deuxième question pour le Président de la République : que pensez-vous des propos tenus par M. PRODI hier sur la réforme de la Commission et que pensez-vous surtout de la proposition de la demande de pouvoir virer certains commissaires ou certaines commissaires ?
LE PREMIER MINISTRE -
J'ai soulevé effectivement, au nom du Gouvernement et de la délégation française, cette question des " duty free ", la France ne mettant pas en cause d'ailleurs la directive de 1991 mais suggérant simplement pour des raisons d'emploi locales très importantes que le rétablissement des assises sur les tabacs et alcool se fasse progressivement. Et j'ai demandé que ces mesures puissent être prorogées d'un certain nombre de mois pour que les adaptations puissent être opérées. J'ai été appuyé par des pays aussi significatifs que la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Espagne. Mais dans la mesure où, pour revenir sur une directive qui a été adoptée, il faut l'unanimité sur une proposition de la Commission et dans la mesure où cette unanimité n'a pas pu être rassemblée à une unité près, je le regrette, nous n'avons pas pu obtenir ce que nous souhaitions et que nous étions plusieurs grands pays à souhaiter : non pas une contradiction avec la directive mais une période d'adaptation un peu plus longue sur certains des points qui la concerne.
A été néanmoins évoquée, mais de façon qui n'est pas certaine puisque la Commission doit regarder cette question, la faculté de proroger le système jusqu'au mois d'octobre. Le Gouvernement français entend bien prendre des mesures nationales d'adaptation pour les entreprises dont la rentabilité pourrait être immédiatement compromise par l'application de ces mesures. Le Gouvernement présentera ces mesures le moment venu à la Commission si nous y sommes contraints.
LE PRÉSIDENT -
S'agissant de la réforme présentée par M. Prodi, elle ne nous était pas tout à fait étrangère puisque M. Prodi avait fait un tour d'Europe et que le Premier ministre et moi nous l'avions reçu pour un déjeuner de travail il y a trois ou quatre jours. Ce déjeuner avait précisément pour objet, de la part de M. Prodi, d'évoquer les grandes lignes de la réforme qu'il envisage. Je tiens à vous dire que nous sommes tout à fait favorables aux principes que propose M. Prodi et, pour ce qui concerne la responsabilité des Commissaires, nous y sommes également favorables. Je me permets de vous rappeler que la France a toujours été favorable au renforcement de l'autorité du Président de la Commission sur les commissaires. Donc c'est tout à fait logique.
QUESTION -
Deux questions. Je voudrais revenir encore sur la Serbie et le Kosovo. Je voudrais savoir s'il est envisageable que l'on puisse aider à la reconstruction de la Serbie si M. Milosevic reste au pouvoir. Deuxième question, sur l'Europe de la Défense. Je voudrais savoir, si vous estimez, et dans quelle mesure, que le conflit du Kosovo a joué un rôle dans la mise en chantier réelle d'une Europe de la Défense ?
LE PRÉSIDENT -
Pour ce qui concerne la reconstruction du Kosovo et de la Serbie qui implique également naturellement le Monténégro et la Voïvodine, tout à l'heure un de vos confrères du Point posait la question, après que le Premier ministre ait indiqué clairement qu'il n'avait jamais été, naturellement, dans nos intentions d'humilier ni les Serbes, ni la Serbie d'ailleurs, mais de combattre un régime qui devait l'être. Cela avait conduit votre confrère à demander, mais alors est-ce que l'on peut aider un pays qui est dirigé par Milosevic ?
Je voudrais tout de même rappeler qu'il y a un vieux principe qui a toujours été appliqué, qui est que les relations avec un pays sont conditionnées naturellement par la nature du régime de ce pays. Et il y a des pays avec lesquels il y a même un embargo international. Il est tout à fait légitime que l'on aide un pays à condition que celui-ci fasse l'effort nécessaire pour se doter d'institutions et d'un régime qui soient conformes aux exigences des Droits de l'homme. Cela vaut pour la Serbie comme pour les autres. Et donc, naturellement, tout dépend de ce que l'on appelle reconstruction. Mais une coopération avec la Serbie, qui est à notre avis souhaitable, avec un pays qui a vocation à entrer, en son temps naturellement, dans l'Europe, comme tous les pays de cette région, cela suppose bien entendu que nous puissions avoir des relations normales et pour cela que ce pays soit doté d'un régime démocratique.
En ce qui concerne la réflexion sur la nécessité d'avoir une défense européenne, elle avait commencé bien avant la crise du Kosovo.
QUESTION -
Monsieur le Président, la France a joué un rôle très positif dans le dossier difficile du Kosovo. Vous savez qu'il y a environ un million de déportés albanais, est-ce qu'il y a un plan d'urgence, car comme vous le savez, la plus grande partie du Kosovo est détruite et ces gens là n'ont même pas de documents puisqu'ils ont été confisqués par la police. Et avant l'hiver, est-ce qu'il y a un plan d'urgence de retour pour ces réfugiés ?
LE PRÉSIDENT -
D'abord, le retour des réfugiés suppose le rétablissement de la paix et de la confiance. Il faut que non seulement les réfugiés puissent rentrer chez eux, mais il faut également qu'ils souhaitent rentrer chez eux. C'est-à-dire qu'ils aient confiance, d'où l'importance que nous attachons aux modalités de déploiement d'une force internationale qui doit être harmonieusement composée, selon nous, par des pays qui appartiennent à l'OTAN, ou qui font partie de l'Alliance atlantique, mais aussi par d'autres pays au premier rang desquels, naturellement, la Russie qui doit avoir toute sa place. Mais il doit être un plan de déploiement qui ait pour caractéristique d'inspirer confiance aux réfugiés, sinon naturellement il n'y aura pas de retour.
LE PREMIER MINISTRE -
Le Président vient de rappeler, que ce à quoi nous travaillons en ce moment, est à réunir les conditions du retour des réfugiés. A partir du moment où cette perspective apparaît comme crédible, et plus elle va se concrétiser, plus nous aurons évidemment, immédiatement à commencer à travailler à un plan de retour des réfugiés. Et nous le ferons au plan international, sous l'égide des Nations Unies et avec le HCR, nous le ferons au plan européen, avec nos partenaires, et nous le ferons, bien sûr, au niveau de nos responsabilités nationales, puisque vous savez que la France a été un des pays qui a accordé l'aide la plus importante aux réfugiés kosovars.
Le problème précis que vous avez évoqué de ces hommes et de ces femmes qui ont été dépouillés de leurs papiers d'identité est un argument de plus, si cela était nécessaire, pour indiquer pourquoi il faudra une autorité administrative, une administration provisoire au Kosovo, notamment pour régler ce type de problème. Et tout ce qui exigera la reconstruction d'un monde dans lequel on puisse habiter, vivre, travailler et se nourrir.
LE PRÉSIDENT -
Et vous savez que j'ai proposé que l'Union européenne prenne une responsabilité importante, pas exclusive mais importante, dans la réhabilitation, la reconstruction, la mise en oeuvre d'un système politique démocratique au Kosovo.
QUESTION -
C'est une question à la fois pour M. le Président de la République et M. le Premier ministre. Si ces réfugiés qui sont en France souhaitent rester en France, est-ce qu'on leur facilitera une implantation en France ?
LE PRÉSIDENT -
Naturellement. Mais je me permets de vous signaler que la plupart d'entre eux sont venus volontairement, c'était d'ailleurs la condition mise par les autorités françaises pour les accepter. Nous avions refusé dès le départ l'idée que l'on pouvait établir des quotas et imposer des déplacements. Naturellement, ceux qui voudront rester en France resteront, mais je tiens à vous dire que beaucoup ont fait savoir que, dès qu'il leur serait possible, ils seraient heureux de revenir. Et nous les aiderons, cela va de soi, à revenir.
QUESTION -
Combien de soldats serbes pourront rentrer au Kosovo, dans une deuxième phase ? Qu'attendez-vous de M. Solana dans le poste de M. Pesc ?
LE PRÉSIDENT -
Sur le nombre de soldats serbes qui pourront revenir au titre de la souveraineté serbe sur la province autonome du Kosovo, cela c'est une modalité qui sera discutée au titre des modalités d'application de l'accord de paix, je ne peux donc pas vous donner de réponse sur ce point. Et, en plus, comme me le fait remarquer le ministre des Affaires étrangères, ce n'est pas forcément uniquement des soldats, cela peut être également des policiers ou des civils.
Deuxièmement, nous attendons de M. Solana qu'il exprime avec la compétence et l'intelligence que nous lui connaissons la vocation de l'Europe à affirmer une politique étrangère solidaire.
QUESTION -
Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, il y a une nouvelle grave crise alimentaire en Europe, en particulier en Belgique avec l'affaire du poulet qui s'étend à d'autres aliments. Est-ce qu'on ne peut pas craindre que cette crise s'étende à l'ensemble des pays européens comme cela a été le cas pour la vache folle, et que faudrait-il faire pour mettre un terme à ce type de crise ?
LE PRÉSIDENT -
J'ai tenu à souligner ce point à l'occasion du débat de ce matin. Ce n'était pas prévu à l'ordre du jour, mais néanmoins, avec l'accord de la Présidence allemande j'ai évoqué ce problème dans la mesure où il est de plus en plus angoissant pour nos compatriotes, qui sont touchés par une information immédiate dès qu'il se passe quelque chose et qui naturellement réagissent avec inquiétude. Alors, nous sommes de nouveau secoués par une alerte sanitaire. Comme pour la crise de la vache folle, les Etats membres de l'Union européenne doivent être naturellement solidaires et extrêmement réactifs pour éliminer les risques de traversée de frontières.
Je tiens à rendre hommage à la coopération du Gouvernement belge, et je l'ai dit ce matin. Et je tiens à féliciter la Commission qui a su faire diligence et qui a pris dès avant hier les décisions qui s'imposaient sous l'égide du Comité vétérinaire permanent. Il n'en reste pas moins que nous avons un problème de plus en plus aigu et, je le répète, de plus en plus stressant pour les européens, notamment parce qu'on ne cesse de souligner des perspectives nouvelles et a priori inquiétantes pour les gens : ce sont les organismes génétiquement modifiés, l'arrivée éventuelle de viande aux hormones. Tout cela inquiète à juste titre. On ne sait pas toujours exactement pourquoi, mais on s'inquiète. Donc, il appartient sans aucun doute à l'Union européenne, comme naturellement à chacun des Etats qui la compose, mais à l'Union européenne, de prendre conscience de ce problème, de faire un effort important pour assurer la fiabilité de tout ce qui est consommé, la sécurité des personnes, et faire en sorte que le suivi et le contrôle soit considérés comme absolument prioritaires.
Enfin, s'assurer que toute nouveauté, quelle qu'en soit la nature, celles que j'ai citées ou d'autres, fasse l'objet du principe de sécurité, c'est-à-dire que si l'on n'est pas absolument certain que cela ne comporte aucun risque, il ne faut pas accepter la mise à la disposition des consommateurs de ces produits.
LE PREMIER MINISTRE -
Il y a un point commun je pense, entre l'encéphalopathie spongiforme bovine, la maladie dite de la vache folle et cette contamination de graisses alimentaires par la dioxine qui est celui des conditions dans lesquelles trop souvent on produit des biens alimentaires aujourd'hui. Et que cela concerne la production agricole ou que cela concerne davantage encore le secteur agro-alimentaire, deux secteurs qui sont tout à fait importants pour l'économie de notre pays et qui contribuent massivement à nos exportations. Mais qu'il s'agisse de l'une ou de l'autre, il faut veiller davantage aux conditions dans lesquelles on produit des biens alimentaires et aussi à la qualité des types de produits que l'on vise.
C'est pourquoi, vous comprendrez que le Gouvernement français insiste sur une certaine conception de l'agriculture qui certes doit être compétitive, doit être efficace mais ne doit pas être excessivement productiviste et ne doit pas être fondée sur des méthodes ou sur des " inputs " qui peuvent être dangereux et peuvent affecter soit la qualité des produits au sens des exigences normales des consommateurs ou même davantage, affecter la qualité sanitaire de ces produits et donc affecter la santé des consommateurs.
Il y a quand même un rapport, il faut commencer à le dire, sinon on se heurtera à nouveau à ce genre de problèmes, entre une certaine conception de la production et les risques sanitaires ou simplement même les risques alimentaires. Donc, il va falloir quand même travailler avec la profession agricole qui est elle même extrêmement sensible et plus encore avec certains secteurs de la production agroalimentaire sur ces questions. Parce que sinon on mène deux politiques qui sont contradictoires.
En l'espèce, heureusement et c'est peut-être le point qui peut distinguer les deux affaires, je ne pense pas qu'on puisse mettre sur le même plan les conséquences de la maladie de la vache folle et les conséquences de ces consommations affectées par la dioxine car il semble bien qu'il faudrait avoir consommé chaque jour pendant une longue période des poulets par exemple nourris avec des ingrédients contaminés pour que les conséquences sanitaires soient graves mais en tout cas, vous le savez le gouvernement français, le ministre de l'Agriculture l'a rappelé à l'Assemblée nationale récemment, le ministre de l'Economie et des Finances, le Ministre de la Santé, le ministre de l'Agriculture y travaillent ensemble, le Gouvernement français prend toutes les mesures dès qu'il a été informé de façon claire pour rechercher les entreprises ou les produits qui pourraient être contaminés et nous sommes en train de faire le point sur la trace de la présence de dioxine.
Je pense que les mesures pour préserver la consommation des Français sont prises et seront prises encore avec efficacité.
QUESTION -
Monsieur le Président, les conclusions de ce Sommet parlent du renforcement du rapport contractuel entre l'Union européenne et les pays balkaniques en vue de leur adhésion future. Quelles implications, quelle influence aura ce processus sur le processus de l'élargissement qui est déjà en cours ?
LE PRÉSIDENT -
Cela ne change naturellement rien au processus d'élargissement. Celui-ci se déroule normalement, et vous comprenez bien que les pays des Balkans sont, hélas, encore dans une situation qui leur permet d'espérer d'être un jour, c'est leur vocation, européens, mais qui exigera des efforts longs pour atteindre cet objectif. Il n'y a donc pas de conséquences, bien entendu sur l'élargissement.
Je vous remercie.
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