Conférence de presse conjointe du Président de la République, du Chancelier d'Allemagne et du Premier ministre français lors des 74e Consultations franco-allemandes.

Conférence de presse conjointe de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, de M. Gerhard SCHROEDER, Chancelier de la République fédérale d'Allemagne et de M. Lionel JOSPIN, Premier ministre lors des 74e Consultations franco-allemandes.

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Palais de l'Élysée, le mardi 30 novembre 1999

LE PRÉSIDENT - Mesdames, Messieurs, je voudrais naturellement, et d'abord, dire notre joie d'accueillir aujourd'hui, à l'occasion de ce sommet franco-allemand, nos hôtes : le Chancelier, les ministres, leurs collaborateurs, pour une matinée de travail qui a été, comme d'habitude entre nous, intéressante et positive, dans le cadre d'une journée qui va connaître un moment fort, qui est le discours que le Chancelier va prononcer devant l'Assemblé nationale, cet après-midi. C'est la première fois qu'un Chancelier allemand parlera devant le parlement français et c'est un événement auquel les parlementaires sont extrêmement sensibles et, je n'en doute pas, l'opinion publique française également.

Depuis le dernier sommet, le sommet de Toulouse, les choses se sont normalement développées entre nous. Il y a eu la fusion DASA-Aérospatiale, qui a été un élément important de notre coopération industrielle. Il y a eu beaucoup de contacts, des contacts de plus en plus nombreux, à tous les niveaux, civils et militaires, notamment entre les ministres. Le Premier ministre et le Chancelier se sont rencontrés, moi-même, j'ai passé une soirée avec le Chancelier il y a encore quelques jours, à Berlin, d'ailleurs très agréable. Je veux simplement souligner par là l'intensité des contacts qui permettent de suivre en permanence tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés et de le faire dans des ambiances agréables, amicales et donc positives.

Notre travail a également été intense sur les grands problèmes internationaux, notamment le travail de nos ministres des Affaires étrangères et, sur ces grands problèmes internationaux, je pense notamment aux Balkans ou à notre réaction commune, qui s'exprimera d'ailleurs aujourd'hui par un communiqué très ferme, en ce qui concerne la Tchétchénie. Pour tout cela, nous avons des approches ou des réactions qui sont tout à fait identiques.

Nombreuses manifestations, également, au niveau de notre société civile, succès du forum de Metz qui a rassemblé des entreprises, des universités, des étudiants, succès du colloque, à Paris, sur la société européenne de l'information, volonté d'aller plus loin dans le domaine de ces contacts en ce qui concerne la société civile.

Un thème bilatéral important, qui a été évoqué et qui a fait l'objet d'une déclaration que vous aurez l'occasion de lire, est celui de la formation professionnelle. Nous avons la conviction qu'il y a un modèle franco-allemand qui peut devenir un modèle européen dans ce domaine si important pour l'avenir de la jeunesse, et aussi de l'emploi. Nous avons également évoqué un certain nombre de problèmes bilatéraux, et en particulier une meilleure coopération en ce qui concerne nos réseaux diplomatiques et consulaires.

Nous avons enfin évoqué, comme un thème du prochain sommet qui aura lieu au printemps à Mayence, le rapprochement des partenaires sociaux, patronat et syndicats et aussi, d'ailleurs, Chambres de commerce, allemands et français, pour les associer davantage à l'élaboration de nos politiques communes.

Nous avons aussi eu une discussion approfondie sur le problème important qui est celui de la défense européenne. Je rappelle que la France et l'Allemagne sont à l'origine du projet de défense européenne. Elles en ont conçu l'idée, elles y ont, les premières, apporté une contribution concrète. Il s'agit toujours dans notre esprit de donner à l'Union européenne les moyens d'exister pleinement sur la scène internationale. Dans une dizaine de jours, le Conseil d'Helsinki devrait marquer une étape majeure du processus d'élaboration de cette défense commune. Il y aura des mesures concrètes, comme par exemple, probablement, la décision de confier - je dis probablement car la décision n'est pas encore prise - la décision de confier à l'Eurocorps la tête de la KFOR au Kosovo. Ce serait une étape importante dans ce processus que j'évoquais à l'instant. Pour la première fois, les Européens assumeraient la direction d'une opération de maintien de la paix majeure pour la stabilité européenne et ce serait l'aboutissement, d'ailleurs, d'une initiative franco-allemande que, vous vous en souviendrez peut-être, nous avions prise ensemble, à Toulouse. C'est également, dans la déclaration, le fait de mentionner d'autres contributions franco-allemandes concrètes, la poursuite du rapprochement de nos entreprises d'armement, la création d'un commandement européen du transport aérien qui devrait s'accompagner d'ailleurs du développement souhaitable, et dans des conditions qui restent encore à mettre au point, d'un avion de transport européen commun. C'est la contribution de capacités communes européennes en matière de renseignement.

Cette volonté devrait nous permettre, à Helsinki, de réaliser des progrès substantiels dans deux directions : d'une part fixer les objectifs de capacité militaire pour l'Union européenne et d'autre part mettre en place des structures militaires nécessaires au sein de l'Union européenne.

Enfin, nous avons évoqué bien entendu les problèmes qui seront évoqués à Helsinki au titre de l'élargissement et de la réforme des institutions. Je ne développerai pas ce point, puisque nous sommes dans ces deux domaines sur des positions tout à fait identiques et nous parlerons, comme en règle générale lorsqu'il s'agit de choses importantes, à Helsinki, sur ces points, d'une même voix.

Voilà ce que je peux vous dire sur nos entretiens de ce matin avant de donner la parole au Chancelier et au Premier ministre. Monsieur le Chancelier.

M. SCHROËDER - Merci beaucoup, Monsieur le Président. C'est pour moi un très grand honneur que de pouvoir prendre la parole devant l'Assemblée nationale et j'espère que je saurai répondre aux attentes suscitées par cet événement. Pour ce qui est du contenu aussi bien que pour ce qui est de la forme, les relations franco-allemandes sont des relations privilégiées et chaque rencontre est là pour le confirmer, qu'il s'agisse de la teneur des discussions ou de leur forme.

Je peux souligner ce que le Président vient de dire, nous avons des positions identiques ou très largement semblables pour ce qui est des dossiers européens et lorsque nos positions ne sont pas encore identiques, elles le seront d'ici le sommet d'Helsinki. Je veux parler de l'élargissement, du fait que nous dirons clairement que, d'ici l'année 2003, l'Europe des Quinze sera apte à l'élargissement. Et il appartiendra à ce moment-là aux candidats d'être, eux, aptes à l'adhésion. Nous n'aurons pas de disputes sur la question des dates et des calendriers. La même observation s'applique à la deuxième vague des pays candidats. Nous ne voulons pas faire de différenciations a priori. Ensuite, il faudra différencier les statuts au fil des négociations, c'est bien naturel. Là encore, nous avons une position commune. Le troisième domaine où il y a une position très largement commune, c'est celui de la politique étrangère et de sécurité commune. Le Président en a déjà parlé. Je soulignerai la validité de ses observations sans rien avoir à y ajouter. Je pense aussi que, pour ce qui est de la réforme institutionnelle, qui constitue en quelque sorte la contrepartie de l'agenda 2000 en ce qui concerne les candidatures ou adhésions, je pense que nous enregistrerons des progrès. Il y aura une conférence intergouvernementale préparatoire qui sera axée sur l'ensemble des thèmes clairement définis qui ont été élaborés à Cologne, et j'espère que cette réforme institutionnelle pourra être menée à bien car c'est une des conditions essentielles pour que l'Union européenne puisse accueillir de nouveaux membres. Il faudra que ce processus soit parachevé sous présidence française, l'année prochaine.

Pour ce qui est des dossiers internationaux, la Tchétchénie bien sûr, les ministres des Affaires étrangères se sont mis d'accord sur une déclaration commune franco-allemande sur cette question. Le point central, bien naturellement, c'est que ce qui a été réalisé au sommet de l'OSCE à Istanbul ne doit pas rester lettre morte. Ce que nous attendons de la Russie, c'est que ces progrès soient traduits dans les faits. Ce qui a été dit à Istanbul sur le rôle du ministre norvégien des Affaires étrangères, Monsieur Vollbaeck, je voudrais également le souligner, est qu'il ne suffit pas qu'il soit reçu à Moscou, il faut également qu'il ait la possibilité de se rendre lui-même dans la région en question, afin de pouvoir nous donner une image très précise de ce qui se passe, et il faut qu'il puisse dire clairement sur place que la communauté des nations occidentales est désireuse de voir respecter les grands principes en Tchétchénie et de faire en sorte que la guerre soit terminée le plus tôt possible.

En ce qui concerne le rôle de la politique de l'éducation et de la formation, il y a eu des avancées très significatives ces derniers temps, et je voudrais là encore souligner que la France et l'Allemagne ont enregistré des progrès substantiels, notamment dans la lutte contre le chômage des jeunes, mais d'une façon générale également dans la lutte contre le chômage. Alors cette démarche ne peut être que progressive. Tout le monde en est bien conscient. Mais ces succès enregistrés sont significatifs et utiles pour les intéressés.

Ce que le Président a souligné me paraît extrêmement positif et je veux parler du thème du prochain sommet franco-allemand, le prochain thème bilatéral, qui est celui des relations sociales dans nos pays. Vous connaissez notre projet de pacte pour l'emploi où nous réunissons les grands acteurs sociaux, les pouvoirs publics, les syndicats, les salariés et les employeurs pour arriver à une démarche commune de lutte contre le chômage. Ce pacte pour l'emploi a été mis en place en Allemagne, nous y oeuvrons activement, et nous sommes tout à fait prêts à faire part de notre expérience, mais également à nous inspirer de l'expérience française dans la lutte contre le chômage des jeunes. Cela afin de pouvoir obtenir le modèle idéal qui corresponde à notre objectif, à savoir réduire de façon substantielle le chômage de masse. Chaque fois que nous pouvons apprendre quelque chose les uns des autres, il faut le faire. En tous cas, nous y sommes prêts et voilà pourquoi c'est à mon sens une bonne chose que ce thème soit le thème prioritaire du prochain sommet, pour ce qui est des dossiers bilatéraux.

Je le répète, Mesdames et Messieurs, des relations privilégiées sur la forme et sur le fond, ceci, je crois, apparaît clairement chaque fois que nous avons l'occasion de nous rencontrer.

LE PRÉSIDENT - Merci Monsieur le Chancelier, Monsieur le Premier ministre.

LE PREMIER MINISTRE - Monsieur le Président de la République, Monsieur le Chancelier. Vous avez marqué, Monsieur le Président, l'importance symbolique et politique de l'événement que représente l'expression du Chancelier devant l'Assemblée nationale française, à l'invitation de son Président Laurent FABIUS. Je serai très heureux d'être au banc du Gouvernement cet après midi pour écouter le Chancelier.

J'ai la même appréciation que vous sur ce sommet, qui est un bon sommet. Nous avons eu ensemble une approche dynamique et commune des questions européennes et notamment de la préparation du sommet d'Helsinki grâce notamment au travail des ministres, mais aussi aux contacts que nous avons pu avoir au cours des derniers mois et des dernières semaines, parce que dans le respect de nos cultures, de nos sensibilités, de nos traditions en matière de défense, nous préparons en commun, là aussi, le sommet d'Helsinki et parce que la déclaration qui a été adoptée sur l'éducation, la formation professionnelle, est une déclaration tout à fait importante. Je voudrais prolonger ce qu'a dit le Chancelier SCHROËDER. Nous sommes maintenant dans une situation où nous pouvons espérer raisonnablement que le chômage va diminuer dans nos pays. Il diminue en Allemagne, il diminue en France et il diminue, en France en particulier, régulièrement maintenant depuis 28 mois.

Certes, le chômage est beaucoup trop important, mais dans le même temps, les premières tensions apparaissent dans certains secteurs sur le marché du travail : chômage global trop fort, premier manque de salariés dans un certain nombre de secteurs. De ce fait, la formation professionnelle va jouer un rôle décisif dans les hautes qualifications, sur les nouveaux métiers des nouvelles technologies, pour être capable de former aussi vite que possible les techniciens, les ingénieurs, les cadres de haut niveau et dans les qualifications plus basses pour permettre le retour au travail de couches sociales, ou de couches qualifiées, qui en ont été exclues et vers qui les entreprises vont devoir se tourner à partir du moment où le chômage va diminuer. Donc, c'est une question cruciale et il est très important de noter que le choix que nous avions fait ensemble de ce thème n'était pas un choix académique mais était un choix qui touchait une question absolument essentielle aujourd'hui, et encore plus demain.

Nous avons constaté, je n'y reviens pas -vous l'avez évoqué Monsieur le Président, Monsieur le Chancelier-, notre bonne coopération au plan bilatéral dans toute une série de domaines, dans le domaine de l'éducation, de la formation, dans le domaine de la coopération en matière de transport et aussi dans des avancées industrielles. Cela m'amène à faire ma dernière observation, toujours en prolongeant ce qui a été dit à propos du thème du prochain sommet. Nous envisageons, même si nous ne l'avons pas arrêté formellement, comme l'a dit le Président de la République, de traiter comme thème particulier - puisque dans chaque sommet maintenant il y aura un thème particulier - la question des relations entre milieux économiques et partenaires sociaux français et allemands. Cela me paraît être une question tout à fait essentielle : d'abord d'un point de vue général, parce qu'il y a un certain modèle allemand de relations sociales que l'on a appelé souvent la "cogestion" et il y a une certaine approche française. Nous sommes convaincus que la qualité des relations sociales est un facteur de la compétitivité de nos entreprises. Donc, de façon globale, surtout à partir du moment où nous échangeons massivement les uns vers les autres, nous devons traiter ce thème. Mais il y a, en plus, un élément nouveau et une exigence concrète : nous venons, par la fusion d'Aérospatiale-Matra et de DASA, de créer une nouvelle entreprise qui va s'élargir à d'autres partenaires notamment espagnols, et qui peut s'ouvrir encore à d'autres. EADS va être une entreprise unique, intégrée, dans lequel le problème des relations sociales est un problème concret. Il y a des habitudes à DASA qui sont les habitudes allemandes, liées au modèle de cogestion et il y a des habitudes Aérospatiale-Matra, dans une seule entreprise. Il pourra y avoir, progressivement, un type unifié de relations sociales. Nous sommes maintenant confrontés, avec une telle entreprise, à un défi concret sur ce terrain. C'est pourquoi, je termine là-dessus, ce thème, là encore, n'est pas du tout un thème académique mais un thème extrêmement concret et qui montre la qualité de notre coopération.

QUESTION - Monsieur le Président, Monsieur le Chancelier, vous avez évoqué le sommet d'Helsinki, la semaine prochaine. Hier, à Bruxelles, le Conseil des ministres des Finances s'est soldé par un échec au sujet de la fiscalité sur l'épargne. M. EICHEL, le ministre des Finances allemand, a prononcé des mots assez durs pour l'attitude britannique. Est-ce que vous deux, vous compteZ faire pression sur Tony BLAIR, le Premier ministre, la semaine prochaine à Helsinki. Et est-ce que, Monsieur le Chancelier, vous partagez le point de vue de votre ministre des Finances selon lequel cela porte atteinte à l'euro ?

LE PRÉSIDENT - Il y a une divergence de vues connue entre, je dirai, la quasi-totalité des pays de l'Union européenne et la Grande-Bretagne sur le problème de la fiscalité de l'épargne. Ce n'est pas une nouvelle, c'est un fait. Alors, les ministres compétents recherchent les voies et les moyens pour essayer de rapprocher les points de vue. Pour le moment tel n'est pas le cas, et nous n'avons pas l'intention de faire, comme vous le dites, des pressions sur le Gouvernement britannique. Nous essayons de trouver avec lui une solution positive, mais je dois reconnaître que nous sommes pour le moment assez loin les uns des autres.

M. SCHROËDER - La position britannique s'explique difficilement. C'est une position qui empêche une position européenne commune qui est pourtant absolument indispensable, et cela c'est regrettable. Nous aurons cela à l'ordre du jour du sommet d'Helsinki. J'espère que, d'ici là, la position de la Grande-Bretagne aura évolué. Il ne s'agit pas de parler d'isolement ou de pression. Non, c'est plutôt de l'auto-isolement, parce que si vous avez 14 Etats- membres qui estiment que les propositions de la Commission devraient être réalisées, tout du moins l'un des deux modèles proposés, eh bien, à ce moment là, je pense que le 15e Etat-membre devrait réfléchir si, en refusant son accord, il ne s'isole pas lui-même, dès lors il ne s'agit pas de faire de tort à qui que ce soit, mais de faire tort à soi-même en rejetant une position que tous les autres jugent raisonnable. Moi-même, je trouve que cette attitude est regrettable. Mais cela ne saurait avoir pour conséquence de ne pas essayer une nouvelle fois à Helsinki de se mettre d'accord. Il faut que ce sujet soit traité à Helsinki, cela figure à l'ordre du jour. Il faut régler enfin cette question et j'espère que le Gouvernement britannique reconnaîtra la nécessité de cela.

QUESTION - A propros de l'euro, le moment n'est-il pas venu d'intervenir pour soutenir l'euro ? Deuxième question, quand les transports de déchets nucléaires de La Hague vers l'Allemagne vont-ils reprendre, avant ou après l'exposition 2000 à Hanovre, Monsieur SCHROËDER ?

M. SCHROËDER - Je crois qu'il ne faut pas accorder trop d'importance au rapport de cours entre l'euro et le dollar. Ces fluctuations ont toujours existé même lorsqu'il y avait encore les devises nationales dans la zone euro. Ces fluctuations ont toujours existé sans que ceci ne crée une grande émotion. Je crois que la capacité des économies des 11 membres de la zone euro, cette capacité est telle que la situation va se stabiliser. En tous cas, c'est là dessus que je mise, et je ne mise pas sur d'autres mesures à cet égard.

Deuxièmement, l'Allemagne sait que les déchets nucléaires qui se trouvent à La Hague doivent nous être retournés, nul ne saurait douter que nous soyons prêts à les accepter. Le Premier ministre attend de la part du Gouvernement fédéral que nous fixions une date précise. Si nous voulons respecter cette date, il faut que nous nous concertions avec les Länder qui sont maîtres du dispositif. Mais l'attente du Gouvernement français est fondée, il convient d'y donner suite et nous y donnerons suite.

LE PREMIER MINISTRE - Oui, sur le premier point, Monsieur le Président de la République, Monsieur le Chancelier, je crois qu'il convient de laisser à la Banque centrale européenne le rôle qui lui revient, d'agir. Nous ne pouvons éviter les commentaires publics à cet égard, même si les ministres de l'Economie et des finances des quinze, et en particulier de "l'euro, onze", parlent naturellement avec les représentants de la Banque centrale dans les réunions qu'ils ont ensemble. Sur le deuxième point, cette question, effectivement, du retour des déchets nucléaires a été évoquée par moi dans l'entretien que nous avons eu avec le Chancelier ce matin. Nous l'avons fait dans un esprit de compréhension des problèmes et des difficultés que chaque pays peut avoir à ce problème, des exigences aussi qui existent au plan international et bilatéral. Je viens d'entendre ce que vous a dit le Chancelier, nous en avons parlé ensemble et je pense que nous pourrons trouver, le moment venu, une solution.

LE PRÉSIDENT - Sur l'euro, au-delà de ce que vient de dire, à juste titre, le Premier ministre sur le rôle de la Banque centrale européenne, je voudrais vous dire que l'euro est fondé sur la première puissance économique du monde et, en plus, une puissance qui aujourd'hui se porte bien. Il n'y a donc pas lieu d'avoir le moindre doute ou la moindre inquiétude sur l'euro, qui garde une marge d'appréciation importante. C'est la raison pour laquelle je peux vous dire qu'en France, et ailleurs bien entendu, nous avons toute confiance dans l'euro.

QUESTION - J'aurais voulu juste savoir si la question de la candidature de Turquie a été abordée pendant vos conversations ?

LE PRÉSIDENT - La question de la candidature de la Turquie est un sujet qui naturellement, a été abordé entre nous. D'ailleurs, entre l'Allemagne et la France il n'y a pas de divergence de vues sur ce sujet. Mais c'est un sujet qui est abordé depuis deux mois dans toutes les réunions bilatérales ou multilatérales européennes car tous, nous espérons très vivement qu'un accord définitif pourra être pris à Helsinki de telle sorte que, lors de la réunion d'Helsinki, la Turquie se voit attribuer le statut de candidat. Je l'espère, le Chancelier l'espère, nous l'espérons tous, pour dire la vérité.

QUESTION - Je vais revenir sur la question de l'éducation parce que c'était un peu le sujet du jour. Mais, finalement, on arrive à une déclaration qui est quand même assez opaque dans sa formulation, et je vous demande si finalement cela ne reflète pas une difficulté, sur ce genre de thèmes, à travailler ensemble entre les deux administrations. Alors, est-ce que vous pourriez préciser un petit peu le message que vous voulez adresser un peu au corps enseignant, à tous ceux qui s'occupent de formation professionnelle, parce que je dois dire que je n'arrive pas très bien à le saisir.

LE PREMIER MINISTRE - Je ne peux pas croire qu'Henri de BRESSON, du Monde, devant un texte, puisse conclure à son opacité. L'acuité de son regard et la capacité de ses analyses l'amènent, je crois, à comprendre que derrière des formulations qui sont assez générales, se retrouvent des engagements extrêmement précis et concrets, ou des programmes de coopération. C'est là un document de trois pages. Il a le statut d'une déclaration des chefs d'Etat et de Gouvernement, il est donc forcément général. Mais si, par exemple, on s'efforçait de vous décrire le colloque qui a eu lieu à Metz il y a très peu de temps, qui a rassemblé des entreprises françaises et allemandes, des universités, des structures consacrées à la formation professionnelle, vous pourriez alors mesurer à quel point, derrière presque chacun des intitulés de cette déclaration, on trouve un travail précis qui est engagé. Et quand on sait, par exemple, que 85 entreprises, dont la plupart de tout premier ordre, 110 établissements supérieurs, près de 5000 personnes, ont participé à ces journées, à ce forum franco-allemand, réunissant entreprises, universités, étudiants, à Metz, les 29 et 30 octobre derniers, quand on sait que cela a été l'occasion pour des centaines d'étudiants d'avoir des entretiens individuels avec des entreprises par exemple, y compris pour préparer des embauches, quand on voit à quel point le rapprochement des filières de formation supérieure franco-allemandes s'opèrent, comment nous passons à la vitesse supérieure avec la mise en place de l'université franco-allemande, et je ne prends là qu'un exemple, on comprend qu'il y a en réalité, derrière cette déclaration de caractère général ou plutôt de caractère synthétique et qui donne un certain nombre d'intitulés, toute une série de coopérations concrètes. Simplement, nous ne voulions pas vous transmettre un document de 50 pages. Je crois que c'est ça, peut-être, la réponse à votre question. Et, si alors vous voulez creuser de plus près telle ou telle dimension, naturellement les ministères compétents au plan français ou au plan allemand, et particulièrement ceux qui conduisent ces coopérations, sont à votre disposition.

M. SCHROËDER - Je dirai qu'il y a trois éléments centraux. Tout d'abord, il faut comparer les différentes structures. Les schémas qui sont les plus efficaces pour combattre le chômage des jeunes sont ceux qui doivent être repris et mis en oeuvre. La lutte contre le chômage des jeunes, la qualification, la formation, ce sont là de plus en plus des thématiques européennes. Ensuite, je pense que, dans ce processus, nous sommes tout à fait bien inspirés de faire participer les entreprises. Et je voudrais souligner ce que le Premier ministre a dit, nous ne pouvons pas simplement limiter l'action au rôle de l'Etat dans ses possibilités de formation, nous sommes tributaires des entreprises pour accroître les possibilités et les potentiels de formation.

Enfin, le troisième et dernier point qu'il ne faut pas oublier, nous avons constaté, et nous avons décidé, que nous voulons donner la possibilité aux jeunes, en France et en Allemagne, de bénéficier d'une formation dans l'autre pays. L'internationalisation de l'expérience que l'on obtient ainsi est un atout sur des marchés de l'emploi de plus en plus difficiles et de plus en plus exigeants. Je crois que ce sont là trois points qui justifient pleinement cette démarche, qui justifient que cette démarche soit poursuivie. Au demeurant, il n'y a pas de différence dans l'interprétation de ce document entre moi-même et le Premier ministre.

LE PRÉSIDENT - Juste une observation. Il y a très peu de temps encore, nous entendions souvent dire : ah ! L'Allemagne a un système de formation qui est meilleur que le nôtre, il faudrait essayer de voir si on ne pourrait pas l'imiter, notamment la formation en alternance etc. Aujourd'hui, des travaux ont été faits, des contacts réalisés. Le colloque de Metz a été effectivement un grand succès. Le Chancelier dit : il faut qu'il y ait une convergence entre nos efforts et il faut que nous puissions nous inspirer de nos résultats. C'est déjà formidable ! Alors je ne parle pas ensuite du caractère concret des choses, qui a été souligné par le Premier ministre. Mais rien que le principe de dire : voilà, nos deux pays aujourd'hui travaillent ensemble sur les problèmes de formation pour aborder ensemble les problèmes de l'adaptation de la jeunesse au monde de demain, c'est formidable ! Ce n'est pas croire que c'est du détail.

LE PREMIER MINISTRE - Si vous m'y autorisez, Monsieur le Président, pour répondre peut-être au désir d'une idée un peu générale ou un peu forte. Il me semble que l'Allemagne et la France, dans leur système de formation professionnelle, ont fait un mouvement l'un vers l'autre, ou l'une vers l'autre. La force du système allemand était son caractère concret pratique enraciné dans l'entreprise et je crois que nos amis allemands ont constaté que le problème d'une certaine formation générale était un problème qui devait être également traité mieux. La formation française, notamment dans l'Education nationale, était plus abstraite, plus théorique, et je crois que nous, par l'utilisation systématique de l'alternance, nous sommes en train de faire ce mouvement vers un enseignement plus pratique et davantage fondé sur une insertion dans le monde de l'entreprise. Et donc je crois qu'on peut dire qu'à travers ces multiples coopérations, c'est peut-être aussi deux philosophies qui se rapprochent et qui peuvent faire, comme l'évoquait je crois le Président tout à l'heure, une sorte de modèle franco-allemand, chacun gardant en même temps sa caractéristique qui peut être utilement présenté dans le débat à quinze.

QUESTION - Est-ce que vous avez parlé des négociations de l'OMC qui commencent aujourd'hui à Seattle, et est-ce que vous avez trouvé une solution pour la succession de M. CAMDESSUS à la tête du FMI ?

LE PRÉSIDENT - En ce qui concerne les discussions qui s'ouvrent à Seattle, nous en avons naturellement parlé, mais rapidement, puisque, comme vous le savez, il y a un mandat commun qui a été arrêté par les Quinze et qui a été donné à la Commission, qui va donc parler au nom des Quinze, par la bouche du Commissaire compétent, M. Pascal LAMY, en qui nous avons naturellement tous toute confiance pour défendre les intérêts de l'Union européenne. Donc, il n'y a pas de divergence de vues entre nous sur ces problèmes. Des discussions ont déjà eu lieu.

Quant à la succession de M. CAMDESSUS, nous n'avons pas encore évoqué ce problème, nous l'évoquerons au moment où il se posera réellement.

QUESTION - Monsieur le Président, vous nous faisiez part récemment, à Istanbul, des conversations que vous avez eues avec le Chancelier SCHROËDER et le Président Boris ELTSINE en ce qui concerne la Tchétchénie. Il y a eu un certain nombre de documents qui ont été signés par la partie russe lors de ce sommet. Or, depuis dix jours, M. ELTSINE ne s'est pas fait beaucoup entendre, il est même hospitalisé, M. POUTINE a eu des déclarations très très dures sur ce dossier. M. IVANOV a refusé hier à M. VOLLEBAEK toute possibilité de médiation de l'OSCE et, depuis dix jours, les combats sur le terrain ne se sont pas arrêtés, c'est même plutôt le contraire. N'estimez-vous pas qu'il y a là de la part des Russes une attitude singulière qui frise la provocation ?

LE PRÉSIDENT - Je l'ai dit au sommet de l'OSCE à Istanbul et je le répète aujourd'hui : l'offensive en cours en Tchétchénie est une erreur tragique pour l'ensemble de la région. Les conséquences humainement dramatiques des bombardements et les très nombreuses victimes qu'ils provoquent sont tout à fait inacceptables. C'est la position de la France, c'est la position de l'Allemagne et les deux ministres des Affaires étrangères, M. FISCHER et M. VEDRINE, ont fait approuver par le sommet un communiqué commun qui reprend cette position. Les moyens militaires employés ne permettront pas d'aboutir à une solution stable et durable, d'où notre demande que soit engagée la désescalade et recherchée une solution politique qui est seule à même de permettre d'arrêter les combats et de reprendre le dialogue.

Alors, lors du Sommet d'Istanbul, à la suite du travail réalisé par les cinq ministres des Affaires étrangères, dont le ministre allemand et le ministre français, avec l'américain, le russe et l'anglais, un accord est intervenu, lequel comportait d'une part l'affirmation que la solution ne pouvait être que politique, et, d'autre part, que l'OSCE pourrait envoyer une mission, c'est-à-dire son Président, à Moscou et en Tchétchénie, c'est-à-dire à Grozny, et ceci dans les délais les plus brefs possibles. Nous avons constaté que le Président de l'OSCE a été reçu à Moscou mais n'a pas pu se déplacer en Tchétchénie. Nous le déplorons et nous l'indiquons très clairement dans un communiqué qui va vous être remis tout à l'heure. Nous condamnons cette situation.

M. SCHROËDER - Je n'ai rien à ajouter.

QUESTION - Je voudrais savoir où va vous mener le voyage que vous devez faire, qui nous a été annoncé, en Afrique, avec le Chancelier SCHROËDER ? Si vous iriez en Afrique du nord ou en Afrique noire. Quel est le but de ce voyage commun, s'il a bien lieu ?

LE PRÉSIDENT - Nous avons arrêté le principe, sans arrêter la date, d'un voyage en Afrique. Il s'agit de l'Afrique au sud du Sahara dans notre esprit. Nous n'avons pas encore arrêté la destination ni la date. L'objectif, c'est de marquer qu'il y a un intérêt commun franco-allemand pour les problèmes africains, qu'il s'agisse des crises que connaît ce continent ou qu'il s'agisse du développement qui doit être le sien et auquel nous entendons participer, qu'il s'agisse donc de l'amitié que nous lui portons ou de la coopération que nous voulons développer avec lui. C'est la marque d'un intérêt commun franco-allemand qui sera ainsi affirmé pour ce qui concerne l'Afrique.

M. SCHROËDER - C'est ainsi.





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