Conférence de presse conjointe de M. Jacques CHIRAC Président de la République, de M. Massimo d'ALEMA Président du Conseil des ministres de la République italienne et de M. Lionel JOSPIN Premier ministre à l'issue des XIXe Consultations franco-italiennes (Neemes)

Conférence de presse conjointe de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, de M. Massimo d'ALEMA, Président du Conseil des ministres de la République Italienne, et de M. Lionel JOSPIN, Premier ministre, à l'issue des XIX consultations franco-italiennes.

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Nîmes - Gard, le vendredi 24 septembre 1999


LE PRÉSIDENT - Monsieur le Président du Conseil, Monsieur le Premier ministre, je voudrais tout d'abord remercier la ville de Nîmes, son maire, son équipe municipale, ses services, qui ont tout fait pour que le travail nous soit favorisé et favorable, pour nous accueillir dans une ville où tous les monuments nous rappellent notre héritage gallo-romain.

Nos consultations se sont déroulées dans un excellent climat. Je crois que l'on peut dire que rarement les relations entre l'Italie et la France ont été aussi bonnes et chaleureuses. Nous n'avons aucun contentieux et nous avons des convergences très fortes, notamment pour tout ce qui touche à l'avenir de l'Europe.

Au cours de ce sommet, nous avons atteint l'objectif que nous nous étions fixés, c'est à dire de dégager des perspectives d'action communes en vue du Conseil européen d'Helsinki, à la fin de l'année, et aussi pour l'année 2000, notamment dans le cadre de la préparation de la présidence française au deuxième semestre de l'année prochaine.

Nous avons évoqué les problèmes concernant la défense européenne. Nous avons affirmé les mêmes ambitions. Nous avons la volonté de travailler ensemble, avec des objectifs communs, de mettre en place des instances permanentes politiques et militaires à Bruxelles, chargées des questions de sécurité et de défense, notamment un comité politique et de sécurité qui devrait être mis en place le plus tôt possible et pour lequel nous avons décidé de travailler en commun, pour avoir une conception commune qui sera exprimée à Helsinki, comme il se doit. Nos experts vont mettre au point les modalités de cette expression. Nous avons également défini des capacités

militaires nécessaires pour assurer la crédibilité de notre démarche, ou, plus exactement, décidé de travailler à la définition de ces capacités et, enfin, de renforcer les forces multinationales européennes auxquelles l'Italie et la France participent, l'Eurofor et l'Euromarfor.

De même, des entretiens importants ont eut lieu, en particulier, entre le Président du Conseil italien et le Premier ministre français sur les problèmes de l'industrie de la défense, qui sont des problèmes essentiels aussi bien pour l'Italie que pour notre pays, et pour faire le point sur une coopération déjà dense. Je me réjouis que, notamment, le programme de frégates " Horizon " ait pu être confirmé.

Nous avons évoqué bien entendu le problème du Kosovo et nous avons tenu, le Premier ministre et moi-même, à souligner le caractère exemplaire de l'Italie pendant cette période de la guerre du Kosovo. L'Italie était en première ligne, avec le maximum de problèmes et de difficultés, et l'Italie a tenu avec une fermeté totale jusqu'à ce que la victoire soit enregistrée. Nous avons tenu à exprimer au Président du Conseil italien toute l'estime que nous avions pour ce comportement, parce que c'était difficile, beaucoup plus pour l'Italie que pour nous, notamment à faire comprendre à l'opinion publique.

Nous avons évoqué naturellement avec des sentiments communs, le Pacte de stabilité pour le sud-est de l'Europe.

Ensuite, nous avons parlé des problèmes des institutions. Vous savez que nous avons depuis longtemps la même position, puisque dès octobre 1997 nous avions indiqué que nous souhaitions une réforme des institutions sur les points qui n'avaient pas pu être traités à Amsterdam -les trois points que vous connaissez-, et que ceci devait être préalable à l'élargissement. Nous avons

naturellement confirmé et approfondi cette position sur les trois questions relatives à la composition de la commission, relative à la pondération des voix et relative aux secteurs où l'unanimité ou la majorité s'applique. Nous avons confirmé des analyses et des points de vue tout à fait convergents.

Nous avons également parlé de l'Organisation mondiale du commerce et des conversations qui vont s'ouvrir très bientôt, fin novembre, à Seattle, pour là aussi exprimer un point de vue commun sur deux points essentiels, notamment la défense de la diversité culturelle -ce qui n'est pas étonnant pour deux nations de vieille culture comme l'Italie et la France-, et sur le souhait d'avoir des règles commerciales qui intègrent un certain nombre d'exigences par ailleurs reconnues par la communauté mondiale, et qui touchent à la fois les normes sociales, la santé publique, la qualité, notamment, de l'alimentation et aussi des exigences environnementales.

Nous avons évoqué l'Europe sociale avec la proximité du prochain sommet, en mars, sous présidence portugaise sur les affaires sociales, avec la volonté de renforcer la dimension sociale de l'Europe et d'enrichir le Pacte européen pour l'emploi, qui existe maintenant mais qui doit être enrichi constamment. Mettre l'emploi au coeur des orientations économiques de l'Union, conjuguer le dynamisme économique avec un modèle social moderne et associer de plus en plus les partenaires sociaux aux décisions de l'Union Européenne, ce sont les points que nous avons étudiés et sur lesquels nous sommes tout à fait d'accord.

Enfin, nous avons naturellement parlé du transport dans les Alpes. Les deux ministres des transports ont fait un travail extrêmement important, des progrès ont été réalisés.

La tragédie du tunnel du Mont-Blanc, il y a six mois, a provoqué tout de même une vraie prise de conscience régionale, mais aussi nationale, dans nos deux pays. Cela a fait prendre conscience qu'il fallait repenser de façon à la fois globale et durable la politique des transports à travers les Alpes. Le sommet a fait progresser les choses. D'abord, nous sommes convenus d'accélérer la mise en oeuvre des décisions de la commission intergouvernementale des Alpes du sud pour permettre une réouverture aussi rapide que possible, en toute sécurité, du tunnel du Mont-Blanc.

Au-delà, nous avons décidé de proposer plusieurs mesures à nos partenaires européens afin de rééquilibrer les flux de transport dans les Alpes par un transfert de la route vers le rail. La France et l'Italie feront des propositions conjointes sur ce point au Conseil des ministres des transports de l'Union européenne.

Et, enfin, nous avons confirmé notre détermination commune de réaliser, comme convenu et dans les délais prévus, la liaison ferroviaire nouvelle Lyon-Turin. Et, à cette fin, nous avons décidé de finaliser les études nécessaires pour que les décisions de lancement du projet puissent être prises comme prévu lors du sommet franco-italien de l'an 2000.

Voilà un panorama de nos entretiens dont je tiens une fois encore à souligner le caractère particulièrement cordial. Et je donne la parole au Président du Conseil italien.

M. MASSIMO D'ALEMA - Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier ministre, chers amis, je souhaite me joindre à vous pour remercier la ville de Nîmes, son maire, toutes les autorités de cette ville pour l'accueil chaleureux et efficace qui nous a été réservé à cette occasion. Dans le même temps, je souhaite remercier Monsieur le Président Jacques CHIRAC et Monsieur Lionel JOSPIN pour leur accueil et leur hospitalité et l'esprit d'amitié qui a marqué nos entretiens.

Les relations de la France et de l'Italie sont d'excellentes relations. Il ne s'agit pas là uniquement de relations de bon voisinage. Il s'agit là de relations d'amitié qui se sont renforcées au cours des dernières années. Je me souviens de l'appui amical de la France à l'effort déployé par l'Italie pour être avec les autres pays européens à l'initiative de la monnaie européenne. Je me souviens que la France disait que, sans l'Italie, il aurait été très difficile de concevoir une monnaie unique européenne.

Mais également, plus récemment, plus proche de nous, nous avons partagé l'expérience du Kosovo. Il ne s'agit pas là uniquement d'une expérience difficile, mais nous avons partagé également les valeurs et les principes qui ont inspiré notre action et les efforts pour faire en sorte qu'il y ait une initiative politique au côté d'une initiative militaire pour une solution juste.

Donc, il y a une approche commune qui s'est manifestée lors de différentes circonstances et qui a été confirmée par ce sommet. Le centre de nos entretiens, comme l'a dit le Président CHIRAC, a été le thème de l'Europe, la possibilité concrète et la nécessité de faire avancer l'unité européenne, grâce à des institutions plus fortes, à même de décider, de prendre des décisions, grâce à des réformes, dans la mesure où nous avons déjà souhaité –je me souviens de la déclaration française, belge et italienne dans ce sens- un besoin de réforme, avec une Commission qui, au lendemain de la crise qui l'a secouée, se présente aujourd'hui plus forte, plus sûre sur la scène européenne.

Nous avons exprimé notre satisfaction pour le travail accompli jusqu'ici par Romano PRODI.

Donc, avec une Europe qui se prépare à relever le défi de l'élargissement et qui ne veut pas décevoir les attentes des pays d'Europe centrale et orientale en ce qui concerne les attentes démocratiques. Donc, nous avons pensé qu'il était important d'arrêter un calendrier de nos propres engagements au sein de l'Union européenne. Un calendrier que l'Union européenne tient à respecter, notamment la réforme des institutions, pour se préparer à accueillir les pays candidats. Bien évidemment, en indiquant, en déterminant ce calendrier, nous donnons un rendez-vous à ces pays pour que, justement, ils se préparent à adhérer à l'Union européenne.

Nous avons également convenu que, suite à la première vague, au premier groupe de pays candidats, il va falloir passer à l'ouverture des négociations avec les autres pays sans différence aucune, donc, en entamant des négociations avec des pays comme la Roumanie, la Bulgarie dont l'intégration dans les institutions européennes et communautaires nous semble importante.

Nous avons également apprécié les différents développements positifs entre l'Union européenne et la Turquie. Comme vous le savez, l'Italie, à un moment difficile, s'est engagée à rétablir une relation amicale avec la Turquie. Nous accueillons favorablement l'idée que la Turquie puisse obtenir un statut de candidat, en encourageant les autorités de la Turquie à se rapprocher de l'Europe. Il sera important, en fait, qu'en ce qui concerne les Droits de l'Homme et les minorités, du chemin soit parcouru par ce pays.

Nous avons également parlé de la défense. Il est des aspects que nous souhaitons examiner pour parvenir à une proposition commune sur d'autres aspects importants. Nous sommes déjà en mesure de travailler ensemble. Nous souhaitons que la défense européenne soit quelque chose de sérieux, un sérieux sujet, que la politique étrangère et de défense de l'Europe représente véritablement un grand pas en avant, l'identité politique de l'Europe dont nous ressentons le besoin. De ce point de vue, nous reconnaissons un rôle primordial à la France. Il s'agit d'une grande puissance, un pays riche d'une grande tradition. L'Italie, néanmoins, a fait des choix dans le sens des réformes des forces armées, dans l'engagement croissant et constant non pas

seulement dans les Balkans, mais également dans le Timor oriental, pour témoigner également du fait que la défense des Droits de l'Homme est une valeur universelle et que cela ne s'applique pas dans certaines situations et pas dans d'autres.

Je veux souligner que l'Italie souhaite apporter sa contribution à la construction d'une défense européenne, non pas uniquement en tant qu'institution, mais au plan d'une capacité opérationnelle.

Nous avons également approfondi les thèmes de l'Europe sociale et de l'emploi. Nous souhaitons, là, une croissance. Nous admirons beaucoup la capacité de la France à se développer. Nous avons eu beaucoup de difficultés chez nous, en Italie, même si plus récemment il y a un mieux qui peut être constaté dans notre pays, tant au plan de la croissance économique que sur le plan d'une augmentation des emplois. Mais ces objectifs ne peuvent pas se limiter à l'application de politiques nationales. Il est nécessaire que l'Europe dans son ensemble puisse créer un contexte favorable à la croissance et que la Communauté s'engage dans ce sens, s'emploie à reprendre les programmes d'investissements européens qui ont fait l'objet de réflexions depuis l'époque du livre blanc de Jacques DELORS. Nous sommes persuadés que cela doit représenter un engagement commun, mais de façon encore plus concrète.

Nous avons également abordé un autre thème important qui est la lutte contre la concurrence fiscale déloyale. Il s'agit là d'un thème délicat, extrêmement important. La France souhaiterait parvenir à un accord dans ce domaine. Vous le savez, l'Italie est prête à lancer " le paquet Monti " en ce qui concerne la fiscalité européenne. Il s'agit là d'un sujet de convergence et d'engagement commun.

Nous avons beaucoup apprécié la proposition française afin de relancer l'initiative européenne sur le processus de Barcelone, compte tenu des derniers développements dans ce domaine. Le fait d'entamer un processus de pacification en Algérie, une Libye qui revient parmi le concert des pays du monde, les grands espoirs suscités après l'élection de BARAK pour poursuivre le processus de paix entre les Palestiniens et les Israéliens. L'Europe doit être l'interlocuteur actif de ce processus de paix. L'Europe pourra le faire. En relançant le processus de Barcelone, l'Europe, peut-être sous la présidence française, pourra apporter une impulsion dans ce sens.

Nous avons également abordé des sujets d'importance bilatérale, notamment le thème des transports sur lequel je n'ai rien à ajouter, simplement pour dire que nous allons remplir nos obligations prises dans ce sens et que nous souhaitons qu'il y ait davantage de coopération entre les entreprises du rail dans nos deux pays. Nous souhaitons aussi accroître la coopération industrielle. Il est évident que les accords entre les entreprises ne dépendent pas des gouvernements. Mais nous avons également souligné le fait qu'il y a un regard, une attention politique à l'égard du processus d'intégration, à l'égard d'une synergie européenne dans le domaine de l'industrie de l'armement, de la recherche dans ce même domaine, pour apporter une teneur réelle au thème de la sécurité européenne, mais également dans d'autres domaines qui peuvent contribuer à améliorer la capacité concurrentielle de l'industrie européenne.

Il s'agit là d'une rencontre fructueuse qui a non seulement renforcé un climat d'amitié déjà existant, mais également a permis d'identifier un certain nombre de dossiers sur lesquels nous travaillerons ensemble pour parvenir à des résultats concrets.

Je vous remercie.

LE PRÉSIDENT - Merci, Monsieur le Président. Monsieur le Premier ministre.

LE PREMIER MINISTRE – Monsieur le Président de la République, Monsieur le Président du Conseil italien, comme le Président de la République, je suis heureux d'être en Languedoc-Roussillon, dans le Gard et dans cette ville de Nîmes où Alain CLARY et son équipe municipale nous accueillent.

Je suis très heureux d'y recevoir aussi, avec le Président, Massimo d'ALEMA qui a dû se sentir dans un environnement relativement familier quoique historiquement lointain.

Je pense qu'au cours des dernières années, comme Massimo d'ALEMA l'a souligné, la France et l'Italie qui sont historiquement très proches et géographiquement voisines, se sont encore rapprochées. C'est vrai que deux pays qui ont une vraie conscience de soi, qui ont une immense culture, qui ont un poids démographique comparable, une capacité économique forte et qui n'ont pas renoncé à avoir une vision du monde sont faits pour agir de concert au sein de l'Union européenne.

Nous l'avons mesuré en examinant un certain nombre de questions européennes. A cet égard, je voudrais dire qu'à l'aube du travail de la nouvelle commission, nous nous réjouissons, bien sûr, que ce soit Romano PRODI qui en assure la présidence. Nous l'avions souhaité, nous nous en réjouissons.

C'est vrai qu'aussi bien dans les moments d'épreuves, comme au Kosovo, que dans le travail quotidien de construction de l'Europe, nous sommes proches.

Nous avons abordé l'épreuve du Kosovo, sans certitudes, avec une grande attention au mouvement de nos opinions. C'était plus difficile pour l'Italie que pour nous-mêmes. Mais avec en même temps une conviction profonde que ce que nous faisions était juste et avec le souci d'essayer de trouver au-delà des armes, qui permettaient de créer la situation, le rapport de forces nécessaire, une issue politique et diplomatique dans le cadre de l'ONU.

Au plan européen, nos visions sont voisines sur plusieurs sujets tout à fait essentiels : la réforme institutionnelle dont le Président de la République a déjà parlé, l'élargissement de l'Union à propos duquel, nous avons, après une discussion, un peu clarifié une question qui est la question de date. Autant nous ne pensons pas qu'il soit réaliste et bon de dire : "il faudrait fixer une date pour l'adhésion pour les pays candidats", d'autant que nous avons toujours dit que chaque cas devrait être examiné sur ses mérites et que donc les pays -y compris ceux de la première vague- adhéreraient quand ils seraient prêts, autant la suggestion faite que nous, Européens de l'Union, nous nous fixions un calendrier, nous nous tenions prêts à partir d'un certain moment à les accueillir, nous est apparu comme une idée importante et utile, une bonne façon de présenter les choses. Cela justifiera d'autant plus d'ailleurs qu'on avance vite sur la question de la réforme institutionnelle. Car diriger correctement une Europe à dix-huit, à vingt, à vingt-cinq ou à plus sera un problème.

Nous avons beaucoup insisté sur la nécessité que l'Europe fonde son avenir immédiat sur le choix, sur le pari de la croissance et de la lutte contre le chômage. Toutes les bases sont réunies, taux d'intérêt faibles, inflation vaincue, retard de croissance accumulé qui font que nous avons des capacités, modernisation en cours de nos appareils productifs, donc les bases sont là pour la croissance. Il faut une volonté, il faut trouver des moyens. Je remercie bien sûr Massimo D'ALEMA du fait qu'il ait constaté que la France était dans une phase de croissance et de dynamisme. Il est vrai que c'est notre priorité essentielle. Et donc nous devrons trouver sans doute dans la séquence présidence portugaise, présidence française -car notre collègue Antonio GUTTERES a, je crois, la même conviction-, les moyens de donner un élan nouveau à cette dimension ainsi qu'à celle de la coordination économique que nous avons également examinée. Je n'évoquerai pas les problèmes de l'Europe, de la défense et de la sécurité dont le Président de la République a parlé.

En ce qui concerne les problèmes de l'OMC, c'est vrai que nous tenons à un monde régulé et nous tenons non seulement à défendre les intérêts européens dans cette confrontation, mais aussi à intégrer d'autres préoccupations qui ont été mentionnées. Sur l'harmonisation fiscale, je me réjouis que nous ayons des visions communes. Il ne s'agit pas, je le précise à l'intention des esprits les plus frileux -je parle d'un certain nombre de nos partenaires-, il ne s'agit pas d'uniformiser la fiscalité à l'échelle des quinze, il s'agit simplement de réduire la concurrence déloyale quand elle existe par les armes fiscales. Nous avons un espace commercial commun, nous allons avoir un espace monétaire commun, on nous demande d'adopter les mêmes normes, on nous demande de faire évoluer nos monopoles publics, il n'y a pas de raison que dans cet espace par contre on tolère des distorsions fiscales faites pour créer des distorsions de concurrence, et c'est cette dimension qui apparaît comme tout à fait importante.

Nous avons évoqué aussi le sommet de Tampere en Finlande qui sera la première réunion de chefs d'Etat et de Gouvernement sur l'espace de sécurité et de liberté pour les citoyens autour des thèmes de l'asile et de l'immigration, de la lutte contre la criminalité organisée et de l'espace judiciaire européen. En ce qui concerne la lutte contre la criminalité organisée où il y a des sujets d'actualité brûlants, on le sait, on a parlé des mouvements financiers, frauduleux ou anormaux, des phénomènes de mafia. Ce sont des questions extrêmement importantes et dangereuses pour nos Etats et pour nos sociétés. Il y a sûrement des décisions concrètes à prendre en ce qui concerne le secret bancaire en cas de procédure judiciaire, en ce qui concerne la capacité d'organiser la traçabilité de l'argent -vous voyez que les problèmes de traçabilité ne se posent pas que dans le domaine alimentaire ou agricole- et en se dotant aussi d'une capacité opérationnelle, donc c'est un domaine dans lequel le Gouvernement français agira avec force en vue du sommet de Tampere. Nous avons évoqué des questions de coopération industrielle et naturellement le rapprochement nouveau permis par les progrès faits dans le domaine des franchissements alpins. Le Président de la République a donné déjà un certain nombre d'indications sur le travail opéré par les deux ministres des transports et par les deux gouvernements dans ce domaine. Je pourrai y revenir si c'était nécessaire à l'occasion des questions, mais il est bien évident que nous voulons tirer toutes les conséquences de la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc, que l'objectif de la réouverture aussi vite que possible et normalement à l'automne 2000 est réaffirmée à l'occasion de ce sommet, avec un haut niveau de sécurité. D'autre part nous voulons, au plan bilatéral, en accélérant nos études et nos travaux des deux côtés de la frontière, car ce sera nécessaire des deux côtés de la frontière, et au plan communautaire, avec notamment ce dépôt d'un mémorandum par la France appuyé par l'Italie sur notamment la coordination du transport, le transport ferroviaire, nous voulons donner un nouvel élan à cette politique des transports au plan européen et à ces liaisons ferroviaires entre l'Italie et la France. Je crois que là est l'essentiel des points que je pouvais évoquer pour m'inscrire dans l'introduction du Président de la République et ajouter quelques points sur telle ou telle facette de nos relations.

LE PRÉSIDENT - Merci, Monsieur le Premier ministre.

QUESTION – Je voudrais savoir si dans le cadre d'une coopération industrielle vous avez abordé la question des alliances d'ENI avec la possibilité pour l'ENI de s'allier à Elf-Total-Fina, et si le Président du Conseil, Monsieur d'ALEMA, a eu des informations sur les positions des sociétés françaises vis-à-vis de l'OPA lancée par la Generali ?

M. MASSIMO D'ALEMA - Non. Pour ce qui est du deuxième point, non, absolument pas. En effet, comme vous le savez fort bien, le gouvernement italien suit cette question avec un grand intérêt, bien entendu, mais avec un détachement et une neutralité totale comme cela est absolument approprié pour un défi qui a été lancé sur le marché. Cela a été décidé par le marché.

Pour ce qui est de l'autre point, nous avons confirmé que le gouvernement italien a suivi avec intérêt les entretiens qui ont été organisés entre l'ENI et la société française Elf, et que nous sommes prêts à évaluer la situation puisque, pour ce qui est de l'ENI nous sommes les principaux actionnaires de la société. Donc nous évaluerons si dans les conditions telles qu'elles sont aujourd'hui, et dans une perspective de fusion entre Total-Fina et Elf, il est possible de maintenir un dialogue, de rechercher une perspective commune entre l'ENI et la nouvelle société française.

Bien entendu, c'est un sujet qui nous intéresse. Il est prématuré d'en parler à l'heure actuelle, ne serait-ce que parce que dans l'avenir, les Français devront s'occuper de vraiment intégrer les deux sociétés en question, mais c'est un problème important et disons que c'est dans l'ordre des choses possibles. Ensuite, il faudra contrôler un certain nombre de points bien concrets concernant les différentes sociétés. Ce que nous voulions dire, c'est que d'un point de vue politique, le gouvernement n'est pas hostile à une perspective de ce type. Nous avons examiné avec intérêt la situation, envisageant par exemple une intégration au niveau des marchés, des activités, des perspectives. Et ce dialogue franco-italien dans le domaine de la politique énergétique est important. Il faut voir comment ce dialogue peut être poursuivi dans le cas de la nouvelle situation.

LE PREMIER MINISTRE – Merci, Monsieur le Président, nous avons effectivement évoqué un certain nombre de dossiers industriels, bilatéraux. Tout à l'heure, le Président de la République s'est félicité de la signature, au début septembre, du programme frégates " Horizon " qui sera très important parce qu'il va structurer sur le plan industriel et aussi opérationnel, par ses flux financiers. Nous avons évoqué d'autres secteurs. Et nous avons évoqué, puisque votre question portait là dessus, le dossier énergétique et le dossier pétrolier. A la fois, il s'agit de décisions qui sont prises par les entreprises qu'elles soient françaises ou italiennes, et en même temps, dans la mesure où il s'agit de secteurs très importants, où la question de l'indépendance énergétique peut être posée, et dans la mesure aussi où il peut y avoir des participations d'Etat dans certaines entreprises, c'est le cas dans ENI, ou bien des moyens juridiques qui appartiennent à l'Etat, nous ne pouvons pas être indifférents. Donc nous en avons parlé et une fusion est en train de s'opérer entre deux très grandes entreprises françaises. Par définition, il faut que cela se fasse, que cela se mette en place et qu'il y ait une certaine stabilisation du processus. Mais je répondrai comme Massimo d'ALEMA que d'un point de vue politique générale ou de politique industrielle, le gouvernement français ne voit pas avec hostilité l'idée que des discussions puissent avoir lieu avec une formidable entreprise comme l'ENI. Mais ce sont des choses qui peuvent être discutées d'abord par des contacts avec des entreprises, il faut voir aussi quelles peuvent être les conditions, les modalités. Donc il n'y a pas une attitude négative, bien au contraire, maintenant nous sommes au début d'un processus.

QUESTION – Vous pouvez nous donner plus de précisions sur le problème des transports, le tunnel du Mont Blanc et les liaisons ferroviaires ?

LE PREMIER MINISTRE – En ce qui concerne l'objectif d'une réouverture du tunnel il est réaffirmé que nous envisageons cette réouverture à l'automne 2000. La conduite des travaux de remise en état du tunnel et l'exploitation des parties françaises et italiennes de ce tunnel seront confiées à des structures communes franco-italiennes de façon à garantir un haut niveau de sécurité. Le fait que des structures aient été distinctes a pu jouer, disons, à partir du moment où l'accident s'est produit, dans la réactivité. Par ailleurs, il peut y avoir en ce moment des questions qui concernent la justice française et, potentiellement, la justice italienne, les experts, bon ! Donc ces choses là doivent être abordées avec prudence, doivent être maîtrisées. Nous n'avons pas l'intention de retarder les travaux. Donc il y a un certain nombre de problèmes dans lesquels les décisions de justice doivent être respectées et, en même temps, les experts doivent être, dans le respect de l'indépendance judiciaire, en mesure de dire ce qui est possible ou pas possible. Nous avons parlé de cela. Les deux ministres en ont parlé. Il faut s'efforcer d'arriver à des conclusions communes. Donc c'est un dossier qui est suivi avec esprit de responsabilité.

Par ailleurs, il y a la question des franchissements. En ce qui concerne la future liaison ferroviaire Lyon-Turin, la volonté de nos deux gouvernements est de réaliser le plus rapidement possible ce projet. Le programme triennal d'études qui a été engagé en 1998 sera accéléré et complété de façon à disposer lors du prochain sommet franco-italien de tous les éléments de décision nécessaires. Et pour s'assurer le respect de cette échéance, les ministres des Transports sont convenus de se rencontrer au printemps prochain à Modane pour faire un point d'étape de façon à ce qu'au prochain sommet franco-italien nous soyons en mesure finalement de décider en tout cas c'est notre espoir et notre volonté du côté français et je crois qu'il y a cette volonté du côté italien. Sans attendre la réalisation de la ligne nouvelle entre Lyon et Turin, un programme d'action a été engagé dès 1997 pour améliorer d'ici 2001 les conditions d'acheminement des marchandises par la ligne existence Ambérieux-Turin. Nous nous félicitons du bon avancement de ce programme et nous nous sommes engagés, ici même, à pousser les entreprises concernées, le Réseau ferré de France, la SNCF, à remettre, avant la fin de l'année 1999, avant la fin de cette année, des propositions pour accroître significativement le trafic au-delà de 2001.

Enfin, comme je l'ai indiqué, la question des franchissements alpins dépasse le cadre bilatéral et appelle des réponses au plan communautaire, nous avons élaboré un mémorandum et les deux ministres ont constaté leur accord sur les principes et les mesures proposées : amélioration de la sécurité dans les tunnels, développement d'une politique des transports plus favorable au ferroviaire, gestion du transit routier coordonnée à l'échelle de l'arc alpin. Ce mémorandum fera l'objet d'une présentation au Conseil des Ministres du ministre des Transports par Jean-Claude GAYSSOT mais avec l'accord du ministre italien qui soutiendra ce mémorandum le 6 octobre prochain. Voilà les éléments plus précis que je peux vous donner. Le Gouvernement français, sur la partie française d'un certain nombre d'itinéraires prend toute une série de décisions de façon à accélérer et à améliorer la situation.

LE PRÉSIDENT - C'est une bonne chose, car c'est vraiment l'intérêt de la France, comme c'est, à mon avis, l'intérêt de l'Italie et de l'Europe, généralement.

QUESTION – Les agriculteurs ont voulu se faire entendre hier par certaines actions, dont certaines un peu violentes. Est-ce que vous en avez parlé, même s'il n'y a pas eu de bilatérale agricole lors de ce sommet, notamment en vue de la préparation de l'OMC fin novembre ?

LE PRÉSIDENT - S'agissant de la préparation de l'OMC, chacun sait que l'approche italienne et l'approche française, s'agissant de l'agriculture, ne sont pas obligatoirement dans tous les domaines les mêmes . Mais c'est un problème que nous n'avons pas évoqué, et qui n'a pas à l'être puisque ce n'est pas un problème dans la mesure où, à Berlin, l'Union européenne a arrêté une importante réforme de la politique agricole commune qui, aujourd'hui, est mise en oeuvre et qu'elle a décidée, à Berlin, que cette réforme était le socle indéformable de la position de l'Union européenne pour les négociations multilatérales de Seattle. Donc, il n'y a pas de problème vis-à-vis de ces négociations, nous avons une position unique qui a été définie à Berlin.

Vous évoquez certaines agressions qui ont été commises à Nîmes. Vous savez, je connais et je comprends les problèmes des paysans, des agriculteurs. Il faut qu'ils sachent qu'aujourd'hui leur cause est sympathique à l'opinion publique française. Nous l'avons bien vu à Pomacle, dans la grande manifestation à l'occasion de laquelle il y a eu cet accord général, qui était national, pour la défense des intérêts d'une certaine agriculture. Mais il faut savoir aussi, les agriculteurs doivent savoir aussi que la violence, que l'on ne peut que condamner, que pour ma part naturellement je condamne, la violence n‘est pas comprise. Et quand elle se manifeste, elle dessert, en réalité, les intérêts de ceux qui y ont recours. Et je souhaite -je sais que ce sentiment est partagé par les organisations syndicales et professionnelles agricoles-, que l'ensemble des paysans aient conscience du fait que la cause agricole est une cause nationale et qu'elle doit être traitée et respectée comme telle. Monsieur le Premier ministre.

LE PREMIER MINISTRE – Oui, Monsieur le Président, pour donner quelques informations supplémentaires. Naturellement nous comprenons que des agriculteurs, dans une situation difficile, souhaitent saisir l'occasion d'un sommet pour se faire entendre. Je crois que les agriculteurs de ce département, je m'en suis informé, ont eu le souci de le faire dans des conditions qui étaient compatibles aussi avec le respect que nous devons à nos hôtes. Il semble qu'un petit groupe extérieur à ce département soit responsable non pas du saccage du Carrefour, mais de la destruction d'un certain nombre de rayons à l'entrée, parce que les forces de sécurité sont arrivées assez vite pour qu'ils ne puissent pas prolonger et là, sur ce terrain, je n'ai rien à ajouter à ce qu'a dit le Président de la République.

Alors, nous savons que le marché des fruits et légumes, pour parler un instant du fond et pas simplement des formes, aussi importantes qu'elles soient et je m'associe à ce qu'a dit le Président de la République, nous savons que le marché des fruits et légumes connaît des difficultés cette année : abondance de la production liée à un climat favorable, mais ce climat favorable devient défavorable à certains égards : surproduction, concurrence à l'exportation plus vive, c'est vrai, une certaine pratique de la distribution qui fait une pression forte sur les prix et vous savez que c'est un problème que le Gouvernement traite et aussi peut-être l'insuffisante organisation économique des producteurs. Alors, mardi dernier, Jean GLAVANY, le ministre de l'Agriculture et Marylise LEBRANCHU, la secrétaire d'Etat aux petites et moyennes Entreprises, à l'Artisanat et à la Consommation ont justement réuni l'ensemble de la filière des producteurs et la grande distribution pour mettre à plat l'ensemble des relations commerciales entre les agriculteurs et la distribution avec comme objectif une répartition plus juste de la valeur ajoutée entre tous les secteurs. Et nous rechercherons des solutions plus opérationnelles et au-delà des contacts noués, des réunions filière par filière que le Gouvernement va organiser dans les semaines qui viennent. Vous le savez, je l'ai annoncé, des décisions seront arrêtées aux assises de la distribution au mois de mars. De façon plus actuelle, il se trouve que Jean GLAVANY, le ministre de l'Agriculture a reçu, hier, l'ensemble des responsables nationaux des filières fruits et légumes pour leur présenter les mesures que le Gouvernement entend prendre à court terme pour soutenir ce secteur. Du coup les responsables nationaux, au lieu d'être à Nîmes, étaient à Paris. Des moyens significatifs ont été débloqués pour mieux réguler les marchés. La mise en oeuvre de ces aides se fera au plus près du terrain dans chaque département. Je peux vous dire qu'au total c'est un plan d'urgence de 450 millions de francs qui a été présenté hier aux professionnels. Il y a donc une volonté de traiter ce problème dans son actualité et une volonté de le traiter aussi dans ces éléments structurels en associant à ces réflexions et à des propositions, la production, la distribution, et, naturellement parce que c'est leur mission, les pouvoirs publics.

QUESTION – Je voudrais poser cette question à la fois à M. JOSPIN et à M. d'ALEMA. Dans une intervention récente, M. Rolf DAHRENDORF a dit que le problème de la gauche européenne au gouvernement est lié à la capacité de cette gauche au pouvoir de convaincre son propre électorat, qu'il est absolument nécessaire, d'un point de vue progressif, de réformer l'Etat providence, le " welfare state ". Est-ce que vous avez abordé la question de la réforme des assurances sociales, qui est une question qui se pose aux deux gouvernements français et italien ?

LE PREMIER MINISTRE – Naturellement on ne sait jamais ce que se disent deux responsables politiques quand ils se rencontrent. Ils sont susceptibles de parler de tout. Mais je pense qu'il y a d'autres instances que ce sommet franco-italien et que cette conférence de presse pour aborder les problèmes de la gauche européenne.

M. MASSIMO D'ALEMA - Je suis tout à fait d'accord. En tous les cas nous n'avons absolument pas parlé des retraites, par exemple. Mais nous sommes, effectivement, tout près d'un certain nombre d'occasions très importantes où nous pourrons parler de ces problèmes de la gauche et nous pourrons donc aborder les questions du professeur Rolf DAHRENDORF, à cette occasion. Pour moi, c'est un professeur, un Lord, même, d'ailleurs.

LE PRÉSIDENT - Je vous remercie.





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