Palais de l'Élysée, le lundi 30 octobre 2000
LE PRÉSIDENT - Mesdames, Messieurs,
Ce troisième sommet entre l'Union européenne et la Russie a été en quelque sorte celui de la maturité. La maturité d'une relation désormais dense et bien établie.
Nous avons eu des échanges approfondis sur tous les sujets de la coopération Russie-Union européenne et vous en trouverez le résumé dans la déclaration conjointe que nous venons d'approuver ce matin et qui vous a été, ou qui va vous être, distribuée.
Nous avons également ouvert notre coopération à un nouveau sujet, qui est un sujet majeur puisqu'il s'agit des questions politiques et de sécurité en Europe.
Je souligne ce fait parce que cette évolution tient compte de l'intérêt évidemment commun de la Russie et de l'Union européenne pour ce qui concerne la sécurité du continent européen, du développement, élément nouveau, de la politique européenne de défense et, enfin, du processus de réformes engagé en Russie.
Nous avons décidé de mettre en place des consultations spécifiques sur ces sujets pour développer le dialogue sur les questions de sécurité et pour engager une coopération concrète dans la gestion des crises qui peuvent s'ouvrir. C'est un sujet que nous avions déjà évoqué lors de la réunion, sur le plan international, des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, à New York, au moment du Sommet du Millénium, et que nous confirmons aujourd'hui.
Au-delà, nous avons eu des échanges importants et riches sur tous les sujets. Nous avons fait le point des évolutions de l'Union européenne et de ses perspectives sur le plan économique, sur le plan politique, sur le plan de l'élargissement, sur le plan des réformes que cela implique. Et le Président POUTINE nous a exposé l'effort soutenu et déterminé de réformes engagé en Russie, l'Union européenne étant parfois, d'ailleurs, sur le plan technique, associée à ces réformes et étant tout à fait disposée à poursuivre ou à développer cette coopération.
Le Président POUTINE nous a également fait le point sur la situation dans le Caucase du nord. L'Union européenne est préoccupée par la situation, j'y reviendrai dans un instant.
S'agissant des relations Union européenne-Russie, nous avons évoqué le développement de notre partenariat stratégique, la coopération économique, l'investissement. On a porté une attention particulière à la coopération dans le domaine de la justice, de la lutte contre le fléau des temps modernes qui est la drogue, la criminalité organisée, le blanchiment de l'argent sale, le terrorisme, tout ces phénomènes d'ailleurs étant intimement liés et se finançant les uns les autres. Et nous avons marqué notre détermination à renforcer nos moyens de lutte contre ces différents fléaux du monde moderne.
Nous avons également, bien sûr, parlé de notre coopération dans le domaine de l'énergie, dans le domaine de l'environnement et dans le domaine de la sûreté nucléaire. Nous avons en particulier évoqué notre nécessaire coopération dans le cadre des efforts qui devraient, je l'espère, aboutir à un résultat positif lors de la conférence de La Haye, dans le contexte du processus de Kyoto.
Enfin, nous allons évoquer pendant le déjeuner de travail les problèmes internationaux, c'est-à-dire la question du Moyen-Orient, la question des Balkans, notamment, et j'aurai l'occasion d'indiquer au Président POUTINE quel est le degré de préparation du sommet de Zagreb entre l'Union européenne et les pays des Balkans occidentaux, réunion qui se tient, vous le savez, le 24 novembre prochain.
Bien entendu, je le dis tout de suite parce que je sais bien que la question nous sera immédiatement posée, nous avons, nous sommes convenus, comme c'est indiqué d'ailleurs dans le communiqué que vous allez recevoir, de la nécessité et de l'urgence de rechercher une solution politique, dans le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Fédération de Russie, pour ce qui concerne le problème de la Tchétchénie. C'est la première fois que l'Union européenne et la Russie s'accordent sur cette nécessité. Sur le fond, l'Union européenne a rappelé ses positions : respect de l'intégrité territoriale de la Fédération de Russie, condamnation du terrorisme, respect des engagements souscrits, notamment dans le cadre de l'OSCE et du Conseil de l'Europe, priorité de l'action humanitaire, nécessité et urgence d'une solution politique seule à même de permettre un règlement durable de cette difficile crise dans les conditions, je le rappelle, que j'évoquais à l'instant, c'est-à-dire dans le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Fédération de Russie.
Voilà, pour le résumer brièvement, l'objet de nos discussions de ce matin et avant de passer la parole au Président POUTINE, je vais d'abord la passer au Président PRODI.
M. PRODI - Très brièvement, pour souligner la discussion que nous avons eue sur l'énergie, c'est-à-dire la disposition à travailler ensemble pour le long terme dans tous les domaines de l'énergie, pétrole, gaz naturel, électricité. Avec le souci de la Russie de moderniser son système industriel et énergétique et, du côté de l'Union européenne, d'assurer l'approvisionnement énergétique à long terme.
Et, bien sûr, ce plan sera basé sur l'industrie privée, l'Union européenne est un facilitateur des investissements privés. Nous avons discuté avec la Russie des conditions indispensables pour l'égal traitement pour les investissements, pour travailler ensemble dans ce domaine aussi. Et un groupe de travail a été constitué pour approfondir ces questions et pour commencer tout de suite le travail technique.
Voilà pour les choses complémentaires à dire, pour les autres décisions politiques, je n'ai rien de différent à ajouter à ce qu'a dit le Président CHIRAC.
LE PRÉSIDENT - Merci. Monsieur le Président POUTINE.
M. POUTINE - Je suis reconnaissant au Président CHIRAC pour l'hospitalité offerte à la délégation russe à Paris.
Nous avons eu un échange de vues constructif et très fructueux. C'est un sommet du dialogue entre la Russie et l'Union européenne, un dialogue qui se fait en permanence et dans la continuité. Les contacts entre la Russie et l'Union européenne doivent être ouverts et transparents. Pour la première fois, nous avons parlé de manière très ouverte des problèmes de sécurité en Europe. Il faut que nos relations soient orientées vers la stabilisation des processus de sécurité.
Je vous annonce aussi que, mardi, il y aura le lancement d'une expédition spatiale avec trois cosmonautes, deux cosmonautes russes et un cosmonaute américain. Il est prévu de lancer un nouveau vol avec un cosmonaute français et cela se fera au moyen d'un lanceur russe Soyouz.
Nous avons parlé de la nécessité de notre coopération dans le domaine de l'énergie, non seulement dans le domaine de la fourniture de gaz et de pétrole, mais aussi de fourniture d'électricité. Et pour cela, il va falloir consentir des efforts importants du côté russe pour assurer la stabilisation de l'environnement législatif, pour assurer toutes les garanties possibles aux investisseurs européens. Mais la Russie est prête à contribuer à la sécurité à long terme des approvisionnements énergétiques de l'Europe.
Nous sommes prêts à discuter avec nos collègues des problèmes de sécurité européenne et de la situation qui survient dans des régions problématiques et difficiles telles que les Balkans. Nous avons donné une information à nos collègues sur les événements en cours dans le Caucase du nord. Nous prenons note des préoccupations de l'Europe sur ce problème et nous comprenons que les positions du Président CHIRAC et de l'Europe sont les plus justes possible, c'est-à-dire que la fin des problèmes inter-éthniques et inter-régionaux complexes, y compris au nord-Caucase, ne peut intervenir que par des procédures de règlement politique. Voilà tout ce que je voulais dire dans une introduction liminaire. S'il y a des questions, je serai prêt à y répondre.
QUESTION - Une question à vous trois. Dans quelle mesure la mise en place de ce que nous appelons le pont énergétique entre la Russie et l'Europe aura des répercussions sur les relations politiques entre l'Union européenne et la Russie ? Et si nous poursuivons dans ce sens, dans quelle mesure peut-on parler d'une convergence de l'attitude de la Russie et de l'Union européenne en particulier pour ce qui est des projets de défense antimissiles des États-Unis ?
LE PRÉSIDENT - Nous avons décidé aujourd'hui, c'est vrai, d'engager un dialogue énergétique entre l'Union et la Russie. C'est conforme à l'intérêt de l'Union et à l'intérêt de la Russie. Pour l'Union, il s'agit de diversifier ses approvisionnements énergétiques à long terme, c'est-à-dire de maintenant jusqu'en 2020, et pour la Russie, qui est détentrice des plus grosses réserves de gaz du monde et qui est le troisième producteur de pétrole du monde, il s'agit de mettre, de façon moderne et efficace, en valeur son potentiel, et notamment de réhabiliter ses infrastructures de production et de transport d'hydrocarbures. Ce sont donc des enjeux importants.
Vous dites : est-ce que cela est de nature à changer les relations ? Non. Non, tout simplement parce que la Russie et l'Union européenne, laquelle Union à tendance à s'élargir, ont, par définition, la nécessité d'avoir de bonnes relations si l'on veut une Europe pacifique, démocratique et prospère. Il n'y aura pas d'Europe pacifique, démocratique et prospère s'il n'y a pas entre ces deux grandes composantes, l'Union européenne qui s'élargit et la Russie avec sa CEI, des relations de confiance, des relations de co-développement sur le moyen terme, sur le long terme. C'est évidemment une nécessité. On ne va pas retomber dans ce que nous avons connu, c'est-à-dire la division de notre continent et la guerre froide.
Dernier point que vous avez évoqué, celui de la lutte antimissiles. L'Union européenne et la Russie ont un point de vue identique puisque, vous le savez, nous avons condamné toute remise en cause du Traité ABM, considérant que cette remise en cause comportait un risque de prolifération très dangereux pour l'avenir. Par conséquent, nous souhaitons le maintien du Traité ABM. Nous avons d'ailleurs salué la décision prise récemment par le Président CLINTON de reporter toute remise en cause du Traité ABM à plus tard. Monsieur PRODI veut-il ajouter quelques chose ?
M. PRODI - Je veux simplement ajouter que nous nous sommes engagés dans la coopération sur l'énergie dans le cadre du partenariat stratégique décidé au sommet de Feira. Au sommet de Feira, nous avons adopté un programme de coopération large et, dans le domaine énergétique, c'est la réalisation de ce programme. Pour cette coopération dans le domaine énergétique, il faut qu'on mobilise les grands réseaux économiques. Nous avons aussi souligné la nécessité d'une protection juridique. Il faut coopérer dans ce domaine aussi.
M. POUTINE - La coopération dans le domaine énergétique est importante pour la Russie, qui est intéressée car il s'en suivra de nouveaux investissements dans notre économie. C'est important pour la Russie car cela diversifie le risque énergétique de l'Europe, cela permet aux citoyens de l'Europe nouvelle de conduire une politique énergétique, une politique de prix équilibrée, ce qui est essentiel. Cela ne change rien à la qualité des relations politiques qui existent entre nous mais, sans aucun doute, cela rapproche la Russie et l'Europe.
Pour la Russie, il s'agit d'un phénomène positif puisque, je ne crains pas de le dire, cela incitera, cela forcera la Russie à avoir recours à des procédures, à des normes démocratiques qui, en définitive, serviront le développement économique de notre pays. Voilà pourquoi c'est sans hésiter que nous allons participer à ce processus, sans l'accélérer d'une manière artificielle, en agissant d'une manière concertée, réfléchie, en faisant appel à nos experts, en réfléchissant à chaque décision.
Pour ce qui est du Traité ABM de 1972 et du maintien en vigueur de ses dispositions, la Russie estime qu'il s'agit là d'une pierre angulaire dans le système de sécurité internationale. Nous sommes bien sûr d'accord avec l'Europe, l'Europe qui ne fait en aucun cas le jeu de la Russie. Simplement, l'Europe, et la France en particulier, s'inspirent de leurs intérêts nationaux afin de maintenir un niveau de sécurité optimum dans le monde, afin de rester pour ainsi dire compétitives dans le monde, car on peut craindre que le démantèlement du Traité ABM et la mise en place de systèmes nationaux de défense antimissiles servent de prétexte à contourner les principes du droit international et de la concurrence, à mobiliser les technologies de pointe de sa propre économie, de son propre pays. Et l'opinion internationale ne doit pas omettre cet aspect des choses. J'ajouterai que la violation des dispositions du Traité ABM de 1972 entraînera un nouvel élan de la course aux armements.
QUESTION - Cette question est pour le Président POUTINE. Le Président CHIRAC vient de rappeler que, pour les Européens, seule une solution politique pouvait régler le problème de la Tchétchénie. Vous-même vous avez l'air d'accord dans ce que vous venez de nous dire. Mais, pour l'instant, la guerre et la répression continuent. Est-ce que vous ne continuez pas à privilégier l'option militaire ?
M. POUTINE - Ce n'est pas le cas, parce que la guerre, en fait, a cessé. Il n'y a plus d'actions militaires importantes en Tchétchénie, elles ont été arrêtées après que l'on ait brisé, anéanti la résistance organisée des terroristes. C'est la première chose que je voulais dire.
Deuxième chose : le conflit que nous observons, c'est un conflit qui se poursuit, en effet. Il a été provoqué, justement, par des fanatiques religieux et des fondamentalistes. Il a été provoqué à la suite, et je vous le rappelle, d'une attaque, qui n'avait nullement été justifiée, de bandes de terroristes sur la République voisine du Daguestan. Je dois souligner que le Daguestan est également une République musulmane qui a été victime de cette agression. Et, à ce propos, je voudrais poser la question à toute les personnes ici présentes : on nous refuse le droit à la légitime défense ? Cela serait absolument impensable. C'est la première chose que je voulais dire.
Deuxième chose : nous faisons tout pour faire la distinction entre les personnes qui étaient sincères et qui luttaient pour l'indépendance de la Tchétchenie et ceux qui, sans aucun doute, sont des terroristes, des criminels et des assassins. Aujourd'hui même, dans nos entretiens avec les dirigeants de l'Union européenne, j'ai dit que nous sommes d'accord effectivement pour mener le dialogue politique et je dois vous dire que la Russie mène ce dialogue. Je vous rappellerai que le chef de l'administration de la Tchétchénie est maintenant Akhmad KADYROV, qui est le mufti de Tchétchénie. C'est un homme qui, dans la première guerre de Tchétchénie, a lutté les armes à la main pour l'indépendance de la Tchétchénie. Il est maintenant chef de l'administration de la Tchétchénie. Si vous considérez que la Russie ne fait rien pour mettre en place un dialogue politique, vous refusez de voir l'évidence. C'est une erreur. Il faut voir la situation d'une manière objective, parce que si l'Europe ne fait pas une analyse juste de la situation, elle ne contribuera pas à la chose.
Il faut bien sûr élargir la base du dialogue politique avec toutes les forces en Tchétchénie, mais nous sommes contre le fait que l'on nous pousse à établir un contact avec des gens qui ont les mains dans le sang, des gens qui rançonnent, qui enlèvent des personnes, qui décapitent des gens, qui attaquent la population civile. Je veux attirer votre attention sur le fait que la possibilité même d'un dialogue avec ce type de personnes est pour nous inadmissible parce que le fait de se montrer prêts à un dialogue avec des gens de cette espèce ne sera pas conçu comme une tolérance ou une capacité politique de compréhension mais sera interprété comme une faiblesse, une faiblesse à exploiter, que l'on soit en Indonésie ou au Kosovo. Il faut que nous sachions mettre un terme à ce genre d'actions, il faut que nous sachions barrer la voie au fondamentalisme et à l'extrémisme religieux.
QUESTION - C'est une question qui s'adresse à tous les participants au sommet. Avez-vous envisagé, aujourd'hui, une éventuelle participation de l'Union européenne et de la Russie à la reconstruction de la Yougoslavie qui a souffert de l'agression ?
LE PRÉSIDENT - Nous traiterons ce sujet pendant le déjeuner. Nous avons déjà, chacun de notre côté, la Russie pour ce qui la concerne, l'Union pour ce qui la concerne, indiqué au Président Kostunica que notre aide lui était acquise, selon des modalités qui restent naturellement à déterminer. L'Europe a d'ailleurs fait une aide d'urgence immédiate à la République fédérale de Yougoslavie.
QUESTION - Est-ce qu'il a été question du tracé du nouveau gazoduc qui, selon le souhait de la Russie, ne devrait pas passer par le territoire de l'Ukraine ? En général, est-ce que l'Union européenne est favorable à cette option, à ce que ce gazoduc ne passe pas par l'Ukraine, et pour quelle raison ?
LE PRÉSIDENT - C'est un sujet qui n'a pas été évoqué. Nous n'en avons pas parlé.
M. PRODI - Il faut ajouter que la semaine prochaine je vais visiter l'Ukraine, à l'occasion d'une visite officielle de la Commission, mais le problème sera discuté en toute amitié parce qu'il n'y pas de contradiction sur ce point. Nous avons des relations bien fortes, bien amicales avec l'Ukraine et nous avons bien l'intention de les maintenir et de les renforcer.
M. POUTINE - Deux mots. Récemment, j'ai rencontré M. KOUTCHMA, le Président ukrainien, et nous nous sommes entendus sur les modalités qui nous permettraient de résoudre d'éventuelles contradictions pour ce qui est du transport du gaz.
Nos projets d'extension de la coopération énergétique qui existe avec l'Europe étant ce qu'ils sont, même si nos relations avec l'Ukraine étaient complètement normalisées, le tronçon ukrainien serait de toute façon insuffisant et nous aurions besoin d'au moins deux gazoducs de plus afin d'être à la hauteur des obligations que nous pourrions contracter face à l'Europe, face à l'Union européenne.
Puisque vous représentez la presse polonaise, laissez-moi vous dire que si ce gazoduc passait par le territoire polonais, la Pologne, rien que pour le transit de ce gaz, percevrait annuellement un milliard de dollars. Un milliard de dollars qui tombent du ciel, pensez y.
QUESTION - Monsieur POUTINE, vous avez dit que vous êtes pour un engagement accru de la Russie au Proche-Orient, de quelle manière allez-vous le faire ? Et pour le Président CHIRAC, comment est-ce que vous pouvez bouger avec l'Europe pour régler cette situation, qui est vraiment terrible, dans les territoires occupés ?
M. POUTINE - La première chose que je voudrais dire, c'est que nous nous félicitons de tous les efforts qui sont entrepris pour arriver à un règlement de la question du Proche-Orient, y compris les efforts déployés par le Président CLINTON à Charm El Cheikh. Maintenant, on donne des appréciations différentes des résultats de Charm El Cheikh, mais nous pensons que Charm El Cheikh était une démarche juste. Le fait même que cela ait eu lieu c'était déjà quelque chose de positif. À en juger par les suites de cette rencontre de Charm El Cheikh, il faut bien sûr tirer les conclusions qui s'imposent. Je pense que l'amélioration de la qualité des fonctions d'intermédiaires passe par un élargissement de ces intermédiaires, de façon à pouvoir agir sur les différentes forces qui sont dans la région. Ces forces qui pourraient jouer un rôle, ce serait la Russie et, sans aucun doute, une autre de ces forces pourrait être l'Union européenne.
Donc, dans la partie que nous allons encore examiner, celle des problèmes internationaux, nous allons proposer à l'Union européenne de développer notre contribution commune au règlement du problème du Proche-Orient.
LE PRÉSIDENT - Je partage tout à fait le sentiment que vient d'exprimer le Président de la Fédération de Russie et l'Europe a apporté sa contribution, notamment à Charm El Cheikh, par son représentant pour la politique étrangère et de sécurité, M. Javier SOLANA, qui a eu une action sans aucun doute très utile.
Nous encourageons, naturellement, tous les efforts pour aller vers la modération. Nous appelons les deux parties à cette modération, à la reprise du dialogue, au retour inéluctable au processus de paix. Et je pense, comme le Président POUTINE, que, dans ces crises, le maximum de bonnes volontés doit être mobilisé et que tout le monde a quelque chose à apporter, ne serait-ce qu'un morceau de son coeur, et que sur ce point les initiatives qui pourraient être prises par la Russie, par l'Europe, compte tenu de leurs propres relations, de leurs propres influences dans cette région, ne peuvent être que positives. Et je souhaite qu'elles se développent.
QUESTION - Vous avez souhaité que les relations Russie-Union européenne puissent prendre un caractère d'intégration. Qu'est-ce que vous entendez exactement par caractère d'intégration ? Est-ce que la Russie est destinée dans un lointain avenir à être candidate à l'entrée dans l'Union européenne ?
M. POUTINE - S'il y a un malentendu, eh bien, c'est l'interprète qui est l'aiguilleur. Considérons que c'était l'interprète qui est le fautif de ce malentendu.
Lorsque j'ai parlé de ce processus entre la Russie et l'Europe, je voulais dire que, dès aujourd'hui, les échanges commerciaux entre la Russie et l'Union européenne représentent 35 % de notre chiffre d'affaires et si l'on ajoute les pays candidats, cela fera 51 % de nos échanges.
Nous aurions aimé que, dans ce processus d'élargissement de l'Union européenne, les relations traditionnelles entre la Russie et les pays candidats ne souffrent pas, mais bien au contraire qu'elles s'améliorent, la coopération devenant encore plus intense entre nous et l'Union européenne.
Nous ne posons pas actuellement la question de l'adhésion de la Russie. Les circonstances sont nombreuses qui font que cette décision n'est pas encore mûre. La Russie s'est toujours sentie, se sent toujours une partie organique de l'Europe. Tout à l'heure le Président CHIRAC nous a dit qu'il considérait que l'Europe s'étend de l'Atlantique jusqu'à l'Oural et au delà. Lui répondant, je lui ai dit que c'était une vision très exacte des choses, que l'Europe aurait intérêt à voir tout ce qui se passe au-delà de l'Oural. Il s'agit d'une perspective historique. Actuellement, la Russie, du point de vue politique, économique et culturel, se considère comme une partie organique de la grande Europe.
QUESTION - Dans ce dialogue sur la coopération énergétique, est-ce que la question des risques environnementaux est aussi évoquée ? Et plus particulièrement pour le Président POUTINE, est-ce que la Russie est prête à participer à une étude internationale sur l'impact écologique de la construction du port pétrolier de Primorski ?
M. POUTINE - En effet, c'est une question qui a été discutée. Les problèmes qui inquiètent l'Union européenne comptent aussi cet aspect-là et la Russie a l'intention de collaborer dans toutes les orientations avec l'Union européenne. Nous avons parlé de différents problèmes de cet ordre, nous n'avons pas parlé en particulier de Primorski mais nous savons que c'est une question qui inquiète nos voisins du nord de l'Europe. Et je peux vous dire que nous allons mettre en oeuvre ces plans de la manière la plus sérieuse qui soit. Je peux dire que la construction de ce port pétrolier de Primorski, dans la région de Leningrad, est de l'intérêt de l'Union européenne dans son ensemble. Mais, naturellement, à condition que toutes les règles de respect de l'environnement, qui sont des règles européennes, soient respectées.
Votre collègue a parlé du gazoduc qui passerait éventuellement par la Pologne. Nous sommes en train aussi d'envisager un tel projet avec la Finlande. Il faut dire que la Finlande impose des conditions d'ailleurs beaucoup plus favorables au tracé d'un gazoduc par la Finlande. De toute façon, ces projets ne seront jamais mis en place sans une expertise écologique très fine de tous les paramètres.
LE PRÉSIDENT - Je vous remercie.
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