Pékin, Chine, le lundi 23 octobre 2000
LE PRÉSIDENT - Mesdames, messieurs,
Ne nous voilà pas encore au terme, puisqu’il y a une réunion cet après-midi, mais presque au terme d’un processus qui a commencé à Séoul, avec l’ASEM, et qui s’est poursuivi, ici, avec le sommet Europe-Chine. Et nous voulions faire avec vous le point et répondre à telle ou telle question que vous voudriez nous poser.
Cette visite en Chine a été dominée par le sommet Europe-Chine, au lendemain, donc, de l’ASEM. Nous avons, ce matin, évoqué tous les problèmes, je dirais bilatéraux, entre l’Union européenne et la Chine. Un mot pour dire qu’incontestablement, nos partenaires asiatiques, à Séoul, et chinois, ici, ont marqué un intérêt probablement plus grand que celui qu’ils avaient marqué dans le passé, à la fois pour l’évolution de l’Europe et pour la nature des relations que cette évolution impliquait entre l’Asie ou la Chine et l’Europe, impressionnés par les trois grandes évolutions récentes de l’Union, s’agissant de la monnaie, s’agissant de l’élargissement et s’agissant de la création d’une Europe de la défense. Ce qui, dans leur esprit, fait apparaître une réalité qui est la construction d’un pôle européen qui, dans le monde multipolaire que nous souhaitons pour demain, devrait connaître une place éminente et qui, cela va de soi, représente pour l’Asie un intérêt croissant.
Ce matin, parmi les sujets traités, il y a eu nos échanges commerciaux et leur développement très rapide, mais aussi l’existence d’un déficit commercial important au détriment de l’Europe. Il y a eu l’adhésion de la Chine à l’OMC. Vous le savez, les consultations bilatérales sont terminées. Les consultations multilatérales à Genève sont en cours et nous sommes convenus de la nécessité de régler les derniers problèmes qui existent encore, de façon à ce que cette adhésion puisse avoir lieu dans les délais les plus bref possibles, c’est-à-dire dans les semaines à venir. Et le Commissaire européen, M. Pascal LAMY, qui est un de nos compatriotes, travaille en ce moment pour atteindre cet objectif.
Nous avons également évoqué, cela va de soi, les problèmes liés à la divergence de vues qui existe entre nos deux grands ensembles concernant les droits de l’Homme en général, les situations particulières, notamment, et, au-delà des situations particulières, des problèmes comme ceux du Tibet et également de l’Eglise, des catholiques, qui ont fait l’objet d’un entretien que j’ai eu hier, avec le Président JIANG Zemin. Il y a eu un geste spécial, dans la mesure où, cette année, c’est le ministre français des Affaires étrangères, en sa qualité de Président du Conseil des Ministres européens, accompagné de notre Haut représentant, M. SOLANA, chargé de la politique étrangère et de sécurité commune, et d’un de mes collaborateurs, mon conseiller diplomatique, qui a remis en main propre au Vice-ministre des Affaires étrangères compétent dans ce domaine, et présent ce matin, une liste des problèmes que nous considérons comme sérieux et devant faire l’objet d’un règlement particulier de la part des autorités chinoises, et notamment d’une liste comportant un certain nombre de noms de personnalités chinoises sur lesquelles nous souhaitions marquer notre inquiétude ou notre intérêt.
Enfin, pour ne retenir que quelques points essentiels, vous savez que la Chine a été tout de même très impressionnée par le très grave drame qui s’est déroulé à Douvres, lorsque l’on a découvert des immigrés clandestins, morts dans un camion, dans des conditions épouvantables et, à l’initiative de la Commission et de la Présidence, il a été décidé qu’une coopération active serait mise en oeuvre immédiatement pour permettre de lutter contre les auteurs de ces trafics sur les personnes humaines, qui sont absolument inacceptables et scandaleux, chacun, naturellement, le comprend bien.
Cet après-midi, nous allons parler des problèmes internationaux et des crises régionales. Et ensuite, nous terminerons par la conclusion des entretiens bilatéraux franco-chinois que nous avons commencés avec le Président chinois, avant hier et hier, à Yangzhou.
Voilà, en gros, comment se présentent les choses. Le Président de la Commission va vous donner quelques informations complémentaires et ensuite nous répondrons à vos questions.
M. PRODI - Des informations complémentaires, à mon avis, importantes pour donner une vision complète de notre dialogue. C’est un dialogue tous azimuts. Nous avons discuté de l’euro et nous avons expliqué les problèmes, les perspectives. Le Premier Ministre a dit que la Chine ne vendra pas un seul euro.
Sur les Droits de l’Homme, sur le Pacte de l’ONU sur les droits économiques, sociaux et culturels, nous avons eu l’impression de l’espoir d’une ratification possible par l’Assemblée populaire nationale avant la fin de l’année.
Sur les droits civils et politiques, le Premier Ministre chinois a exprimé l’espoir que le gouvernement pourra le soumettre à l’Assemblée, pour ratification dans les plus brefs délais possibles.
Et nous avons aussi décidé de poursuivre la discussion sur l’accord de transport maritime et sur le traité de coopération, et dans d’autres domaines spécifiques, particuliers. Sur la coopération spécifique, il y aura, en 2001, un séminaire Union européenne-Chine sur l’économie de la connaissance, en 2002, la Conférence sur le système de l’information, au premier semestre de 2001, la Conférence sur l’énergie, à Pékin, et sera présent le Commissaire LOYOLA. Nous avons souligné tous les deux l’importance de la coopération dans le domaine de la science et de la technologie, de l’environnement. C’était l’initiative du côté chinois de souligner la coopération dans ce domaine.
Et sur les points de l’OMC, comme le Président CHIRAC l’a dit, il reste encore la conclusion de la phase multilatérale. L’Union est décidée à aider la Chine dans cette dernière étape. La phase multilatérale, ce n’est pas uniquement la Chine, c’est tous les pays candidats qui doivent passer par la phase multilatérale. Le but, c’est de mettre en oeuvre les engagements pris par les pays dans les négociations bilatérales.
Le Président ZHU a confirmé la volonté de surmonter les derniers obstacles et, en particulier, il a confirmé qu’il n’a pas l’intention de lâcher les engagements pris en matière d’accès au marché.
Nous avons discuté, aussi, d’un point particulier, de l’assurance et de la distribution, derniers sujets bilatéraux entre l’Union européenne et la Chine.
LE PRÉSIDENT - Avant de répondre à vos questions, je voudrais vous dire que l’émotion que vous avez tous ressentie, j’imagine, et que les autorités françaises ont partagée à la suite du grave accident intervenu à l’un de vos confrères à Ramallah, Jacques-Marie BOURGET, nous a conduits, bien entendu, à suivre cette affaire de près. Les dernières informations dont nous disposons, c’est que son transfert à Paris s’est fait dans de bonnes conditions et qu’il y a tout lieu d’espérer que les choses se passeront bien, même si la chose est sérieuse. Et je formule des voeux, bien entendu, pour qu’il puisse, le plus rapidement, reprendre son activité en matière d’information sur les théâtres d’opérations.
QUESTION - Monsieur le Président, vous l’avez dit vous-même, les deux thèmes dominants des rapports entre la France et la Chine, c’est, d’un coté, l’aspect économique, de l’autre, les droits de l’Homme, la volonté de la France et de l’Europe, de s’implanter sur le plan économique dans ce pays et de rappeler un certain nombre de principes concernant les Droits de l’Homme. Alors ma question est très simple : est-ce que cela ne relève pas de l’exercice impossible que de vouloir concilier, si vous me permettez l’expression, le « business » et la morale ?
LE PRÉSIDENT - Non, je ne crois pas que ce soit impossible. Je suis même persuadé que c’est non seulement possible, mais inévitable. C’est l’évolution du monde qui l’exige. Nous sortons d’un siècle et nous entrons dans un siècle où, de plus en plus, les problèmes d’éthique s’imposent. D’ailleurs, si nous regardons ce qui s’est passé au cours des trente ou quarante dernières années, on s’aperçoit que la libéralisation dans le monde entier des régimes politiques a été la grande marque, partout, de l’évolution des sociétés. Je ne prendrai qu’un exemple particulièrement probant, qui est celui de l’Amérique du Sud. Donc, je ne crois pas du tout qu’il y ait de contradiction. Si je prends le cas de la Chine, je voudrais noter quand même des évolutions. Nous avons maintenant un dialogue euro-chinois entre l’Union européenne et la Chine, régulier, qui se déroule tous les six mois, qui fait l’objet le cas échéant de contacts permanents. C’est quelque chose que nous n’aurions pas imaginé il y a encore quelques années et dans lequel tous les sujets des droits de l’Homme sont évoqués. Je ne dis pas que tout est résolu, naturellement, les choses n’évoluent pas à la vitesse de l’éclair. Mais elles s’améliorent. Deuxième exemple, en 97 et 98, la Chine a signé les deux Pactes de 66 de l’Organisation des Nations Unies, l’un sur les droits économiques, sociaux et culturels, l’autre sur les droits civils et politiques. C’était un pas très important que nous n’aurions pas imaginé, il y a seulement cinq ou six ans. Se pose, ensuite, le problème de la ratification. Nous avions pensé que cette ratification interviendrait plus rapidement. Lors de mon dernier voyage en Chine, je n’avais rien dit mais j’avais imaginé que cela pouvait se produire dans les quelques mois suivant mon séjour. Et puis les circonstances font que cela a été retardé. Je le regrette. Mais je crois que l’on peut dire aujourd’hui, à l’instant le Président de la Commission vient de le rappeler, qu’en tous les cas la ratification du premier de ces deux Pactes concernant les droits économiques, sociaux et culturels devrait intervenir avant la fin de l’année. Cela, c’est ce que j’ai retiré de mes conversations avec le Président JIANG Zemin, hier, et ce que nous avons retiré de nos conversations avec le Premier Ministre ZHU Rongji, aujourd’hui. Et celui-ci a même ajouté que la ratification du deuxième Pacte sur les droits civils et politiques devrait intervenir, également, rapidement. Donc, si vous voulez, les choses progressent. Je vous disais tout à l’heure que, pour la première fois, nous avions remis des listes, ce que l’on faisait d’habitude pour des raisons d’efficacité avec plus de discrétion, au niveau ministériel, à la fois européen et français. Ceci, également, est un signe. Alors, je ne dis pas que nous sommes encore loin de pouvoir marquer une satisfaction mais je ne peux pas dire qu’il y a une contradiction entre l’évolution économique et l’évolution politique, je ne le crois pas.
QUESTION - Monsieur le Président, est-ce que les dirigeants chinois vous ont demandé de revenir sur le contrat de livraison du satellite français à Taiwan ? Et, plus généralement, avez-vous été amené à développer la position française sur ce sujet. Est-ce que vous pouvez nous en parler ?
LE PRÉSIDENT - Bien sûr que je peux vous en parler. Le partenariat franco-chinois est un partenariat qui a une portée globale, politique et stratégique. Si bien que, lorsqu’il y a une difficulté, et, dans la vie des peuples, il y a toujours des difficultés, eh bien nous en discutons, et nous en discutons dans un esprit positif. C’est très exactement ce que nous avons fait dans le cas que vous évoquez. Et nous sommes convenus, le Président JIANG Zemin et moi-même, de faire en sorte que cette affaire ne soit pas un problème, ne soit en aucun cas un problème dans le développement de nos relations.
QUESTION - Plus précisément...
LE PRÉSIDENT - Il n’y aura pas de problème. Voilà ! Ce n’est pas un problème franco-chinois.
QUESTION - Monsieur le Président, deux questions rapides : après deux jours, quel est votre sentiment, est-ce que vous avez toujours l’impression que la Chine est à même de joindre l’OMC ? Sinon, pourquoi ? Ma deuxième question, est-ce que vous avez, dans le cadre de vos négociations et de vos conversations, évoqué le problème des sept licences supplémentaires des sociétés d’assurances européennes qui avaient été accordées par la Chine et qui, finalement, ont été retenues : est-ce que la partie chinoise vous a donné une explication pour celles qui ont été retenues et vous ont-elles dit quand les autres seront accordées ?
LE PRÉSIDENT - Premièrement, s’agissant de l’OMC, je crois pouvoir donner le sentiment du Président de la Commission, du Président PRODI, et le mien, en vous disant que oui, nous pensons que l’adhésion pourrait se faire avant la fin de l’année. Naturellement, il peut toujours y avoir une difficulté de dernière heure mais, enfin, c’est aujourd’hui notre sentiment. Je rappelle que, sur le plan bilatéral, il ne reste que le Mexique et la Suisse. Ces problèmes devraient être rapidement réglés. Et sur le plan multilatéral, le Commissaire LAMY pense être en mesure de finaliser cette négociation, de façon à ce que l’entrée à l’OMC puisse se faire cette année. S’agissant des sept licences, je vais vous dire mon sentiment : je pense qu’il y a eu, dans la partie chinoise, au niveau technique, des réserves mais que ces réserves devraient être levées par une impulsion politique. Et je pense que la partie chinoise comprendra qu’il s’agit d’un ensemble, que les engagements pris doivent être respectés, respectés dans les conditions initialement prévues et que, par conséquent, une impulsion politique, qui ne peut venir en réalité que du Premier Ministre, devrait permettre de régler ce problème. Je le pense.
QUESTION - Monsieur le Président, Monsieur le Président de la Commission, également, vous avez parlé de l’euro avec le Premier Ministre chinois : est-ce qu’il s’est montré préoccupé à propos du niveau, du faible niveau de l’euro et qu’en pensez-vous, vous-mêmes, vous deux ?
M. PRODI - Nous avons longuement conversé sur l’euro, parce que les Chinois ont toujours été intéressés par l’euro. Je rappelle que j’en ai parlé longuement, il y a deux ans, après le Président JIANG Zemin. Et, après la synthèse que j’ai faite, il a dit que la Chine ne vendra pas un seul euro. J’ai donc le sentiment qu’il a été très clair.
LE PRÉSIDENT - Je partage tout à fait le sentiment du Président. Je vous dis tout de suite que l’euro n’est pas un élément d’inquiétude pour nous et nous n’avons pas du tout eu le sentiment qu’il était un élément d’inquiétude pour le Premier Ministre chinois. Il a été, de ce point de vue, d’une très grande clarté, comme vient de le dire le Président PRODI.
QUESTION - Monsieur le Président, je reviens sur les relations France-Chine. Sans reposer la question de tout à l’heure, comment expliquez-vous cette propension des industriels français à vendre de temps en temps du matériel à Taiwan qui déplaît à Pékin ? Si vous permettez, une deuxième question qui n’est pas du tout sur le même sujet : Paris et Pékin sont en concurrence pour les Jeux Olympiques en 2008, est-ce un sujet sur lequel vous pouvez être neutre ?
LE PRÉSIDENT - Sur la première question, que des industriels souhaitent vendre leurs produits est la chose la plus naturelle du monde et on ne saurait leur reprocher. Qu’il y ait, dans cette affaire de satellites vendus à Taiwan, une interprétation de la partie chinoise qui n’était pas la même que celle de l’industriel ne fait aucun doute. Mais je répète ce que je disais tout à l’heure à votre confrère, nous en avons parlé au fond. J’ai fait remarquer au Président Jiang ZEMIN que la décision administrative d’autoriser -je dis bien d’autoriser- l’exportation avait été prise par les autorités françaises en février 1999, conformément aux règles en vigueur chez nous, et de façon à la fois transparente et publique, et que ce n’est qu’un an plus tard que, par une lettre, le Président chinois, le Président Jiang ZEMIN, m’avait fait part de ses réserves, ce qui prouve tout de même qu’ils auraient pu s’en apercevoir un peu plus tôt. Alors, nous avons évoqué ce problème. Nous avons regardé les choses telles qu’elles se présentaient. J’ai fait valoir au Président chinois que la France n’avait, dans cette affaire, rien à se reprocher et nous sommes convenus, comme je le rappelais à votre confrère, c’est cela la conclusion importante, que ce problème n’était en rien, ne devait être en rien de nature à interférer dans nos relations entre la France et la Chine, sur le plan politique, économique ou culturel. En rien. Ce n’était pas un problème franco-chinois. Je ne vois pas ce que l’on peut dire de plus sur ce sujet. Vous me posez une méchante question sur les Jeux olympiques, car vous savez que la France avait exprimé, lorsque la question avait été posée entre l’Australie et la Chine, laquelle a perdu d’une seule voix, vous vous en souviendrez, qu’il lui semblait que c’était un geste à faire par le CIO en direction de la Chine et qu’il pouvait participer précisément à cette évolution des choses qu’évoquait tout à l’heure votre confrère et que c’était probablement une bonne idée. Le CIO en a jugé autrement, à une voix près, et du coup le problème se pose pour la prochaine fois. Or, il se trouve que la prochaine fois, dans la short list où il y a cinq villes, les experts, à qui je laisse l’entière responsabilité de cette affirmation, prétendent que celles qui ont le plus de chance, dans les cinq, sont Pékin et Paris. Alors, je souhaite beaucoup que Pékin obtienne ces Jeux et encore plus que Paris les obtienne.
M. PRODI - L’important est de participer, Monsieur le Président ...
LE PRÉSIDENT - Voilà !
QUESTION - A vous entendre, il y a beaucoup de progrès qui ont été réalisés dans les contacts, dans les promesses. En même temps, la Chine peut adhérer, donc, à l’OMC d’ici la fin de l’année. Quels sont les progrès qui doivent être faits ? Est-ce qu’il y a un calendrier ? Qu’est-ce qui reste, aujourd’hui, comme problème, notamment sur les Droits de l’Homme. Est-ce qu’on n’est pas dans des intentions qui font qu’on risque, en fait, de se retrouver dans d’autre sommet avec d’autres intentions ?
LE PRÉSIDENT - Voilà une question complexe. Il s’agit de l’OMC, il s’agit de négociations non pas entre pays mais entre zones d’échanges Les négociations de l’OMC n’intègrent pas les problèmes des Droits de l’Homme. Elles ne les ont jamais intégrés. Ce sont des négociations mondiales. Le pays candidat négociant, successivement, avec tous les autres pays membres de l’OMC, et les deux principales négociations ont eu lieu, naturellement, avec les Etats-Unis, c’est fini, avec l’Union européenne, et avec tous les autres pays, où c’est terminé, sauf, je vous l’ai dit tout à l’heure, avec le Mexique et la Suisse, où il y a encore quelques problèmes techniques qui vont être réglés. Donc ce problème sera terminé, je l’espère, à la fin de l’année lorsque ces problèmes techniques, dont celui qu’évoquait à l’instant votre confrère anglophone, seront réglés. Il n’y aura pas lieu de faire d’autres réunions, si ce n’est le suivi normal et les contentieux normaux qui peuvent ensuite, naturellement, naître d’un accord international. Pour ce qui concerne les Droits de l’Homme, je crois avoir répondu très précisément à votre confrère, et donc je ne vois pas ce que je peux ajouter de plus.
QUESTION - ... Ce sont des promesses, ce sont des intentions.
LE PRÉSIDENT - Je vous l’ai dit tout à l’heure, je ne voudrais pas me répéter chaque fois, ou indéfiniment. Je rappelle, je répète que le dialogue euro-chinois dans le domaine des Droits de l’Homme n’est pas une promesse. C’est une réalité qui permet de faire progresser les choses, dialogue qui n’était pas imaginable il y a peu de temps encore, que la signature des deux Pactes est une réalité qui n’a rien d’une promesse ou d’une intention, que leur ratification sera, je le pense, demain une réalité. Et je répète que les choses, effectivement, progressent même si nous souhaiterions qu’elles progressent plus rapidement.
QUESTION - Je voudrais vous poser plusieurs questions. La première, quelle appréciation feriez-vous des relations franco-chinoises ? Estimez-vous qu’il existe des difficultés entre nos deux pays, quelles sont-elles à votre avis ? Deuxièmement, on a dit que l’Europe aiderait la Chine à terminer au plus tôt les dernières négociations, je voudrais savoir quelles mesures concrètes vous allez prendre pour aider la Chine à clore ces négociations ?
LE PRÉSIDENT - Pour ce qui concerne la deuxième question, c’est-à-dire l’aide à la Chine pour clore les négociations de l’OMC, la Chine n’a pas besoin d’aide. La Chine assume ses responsabilités. Elle défend ses intérêts. Il s’agit d’une négociation, et je répète que cette négociation s’achève. Elle est conduite côté européen par la Commission, et plus particulièrement par le Commissaire, M. LAMY, et côté chinois par l’autorité compétente qui est un Ministre, sous le contrôle et, je le pense maintenant, sous l’impulsion du Premier Ministre. Donc je pense qu’il n’y aura pas de difficultés pour conclure. Mais, il ne s’agit pas là d’aider la Chine. Il s’agit de clore une négociation où chacun légitimement défend ses intérêts avant de conclure pour le plus grand bénéfice des deux parties. S’agissant des difficultés entre la Chine et la France, pour dire la vérité, je n’en vois pas de particulières. Nous avons des sommets bilatéraux tous les ans. Nos relations se déroulent en permanence. A l’occasion des sommets, et cela a été le cas cette fois-ci, nous avons d’abord la possibilité de faire des consultations politiques sur les problèmes stratégiques qui concernent directement la Chine et la France, qui sont toutes les deux membres permanents du Conseil de sécurité. Tous les problèmes qui touchent au désarmement, et notamment à l’éventuelle mise en cause du Traité ABM, du Traité de lutte antimissile, les problèmes du monde multipolaire, la situation en Corée, les crises régionales, comme celle des Balkans ou celle du Moyen-Orient. Sur tous ces sujets, en règle générale, la Chine et la France ont des approches communes et des points de vue communs qui se traduisent d’ailleurs par des votes communs au Conseil de sécurité des Nations Unies. Alors, nous avons également une conviction commune qui est de renforcer le lien entre l’Asie et l’Europe, je l’ai dit tout à l’heure. Ces discussions sont l’objet, je le répète une fois de plus, de faire le point soit avec l’Europe, soit avec la France, mais dans le même esprit et de la même façon, et conjointement, pour ce qui concerne les problèmes des Droits de l’Homme. Je vous ai dit que nous espérions que nous repartions d’ici avec le sentiment qu’un pas important serait franchi rapidement par la ratification par l’Assemblée nationale populaire dont le Comité permanent a été saisi du premier Pacte, et probablement, dans la foulée, du deuxième. Nous avons naturellement une approche de nos différents problèmes bilatéraux, notamment des problèmes économiques. Nous faisons progresser notre coopération économique avec, probablement pour la France, des liens nouveaux, des bonnes nouvelles qui interviendront dans les semaines prochaines, comme cela a été le cas, ce matin, pour Michelin. Mais là, il ne faut pas s’y tromper, nous gagnons un certain nombre de grands marchés en Chine, non pas pour des raisons politiques, mais parce que nos industriels font des propositions qui sont financièrement et techniquement les meilleures. C’est cela naturellement qui intéresse la Chine. Et puis, chaque fois, nous donnons une impulsion nouvelle à nos relations culturelles. Cette fois-ci, nous avons décidé que nous ferions en 2003 une grande année de la Chine en France et ensuite, l’année suivante, une grande année de la France en Chine, ce qui est un acte culturel fort. J’espère que ce sera un grand succès.
QUESTION - Je comprends bien que, par souci d’efficacité, vous ne rendiez pas publique, bien sûr, la liste des dissidents que vous avez remise au Gouvernement chinois ...
LE PRÉSIDENT - Certes.
QUESTION - Mais, est-ce que vous pourriez nous dire d’abord sur quels critères elle est établie ?
LE PRÉSIDENT - Vous avez répondu à votre question par votre première appréciation. Dans cette affaire, nous pouvons rechercher deux objectifs. Le premier, c’est l’efficacité. Le deuxième, c’est le paraître. Alors, notre action n’est pas fondée sur le paraître. Nous essayons d’être efficaces et cela suppose un minimum de discrétion. Je n’ai donc aucun commentaire à faire sur ces listes.
QUESTION - Deux questions, si je peux me permettre. Sur l’OMC, est-ce que dans vos discussions, aujourd’hui, quelque chose va mener à être plus confiant que les négociations de Genève puissent reprendre en novembre ? Et, deuxièmement, est-ce que vous avez des réserves sur la manière dont la Grande-Bretagne et l’Allemagne ont annoncé l’établissement de leurs relations diplomatiques ? Est-ce que vous auriez souhaité qu’elles avancent dans cette direction avec peut-être plus de doigté, avec plus de coordination ?
M. PRODI - Il y a un véritable effort pour mobiliser les groupes techniques pour arriver à l’heure à l’échéance. Voilà la réponse. Maintenant, concernant la deuxième question, bien sûr, personnellement, je pense qu’il était utile et qu’il est important d’avoir une coordination dans notre action politique, même si cette reconnaissance est l’action de la reconnaissance d’un Etat par un Etat. En ce qui concerne les échanges de vues, on s’aperçoit que la force de l’Europe augmente et que l’efficacité de notre action est démultipliée.
LE PRÉSIDENT - Sur le deuxième point, je vais tout de même donner le point de vue français. La Troïka va en Corée du nord au mois de novembre. C’était d’ailleurs prévu avant le Sommet de Séoul. Le problème de la coordination, car ce qui est important, c’est de savoir comment matériellement ces choses vont se faire, le problème de la coordination de nos actions, en ce qui concerne ces relations diplomatiques, sera évoqué, à l’initiative de M. VEDRINE, en sa qualité de Président du Conseil des Affaires générales, en novembre, pour qu’il y ait une concertation, au moins que les choses se fassent normalement pour ce qui concerne leur exécution.
QUESTION - Je reviens juste un instant sur les Droits de l’Homme, justement. Est-ce que vous avez eu l’occasion à ce sujet de mentionner l’attribution du prix Nobel de Littérature à M. GAO Xingjian qui est réfugié, comme chacun le sait, en France ?
LE PRÉSIDENT - J’ai eu l’occasion de le faire, y compris en public, hier, lors de l’intervention que j’ai faite devant la communauté française. Avec le Président Jiang ZEMIN, j’ai eu aussi l’occasion de le faire. Vous savez d’ailleurs que a presse chinoise en a parlé. M. GAO n’est pas un dissident. Il vit en France, ce n’est pas un dissident. En tous les cas, moi, je me suis beaucoup réjoui de cette attribution qui rend hommage à la synthèse entre la réflexion traditionnelle et si riche de la Chine avec la pensée la plus contemporaine de l’Europe. Je voudrais simplement, en terminant, vous remercier. Et ce remerciement n’est pas tout à fait de pure forme. Je sais que les voyages officiels ne sont, en général, pas faciles pour les journalistes, pour l’ensemble de ceux qui écoutent, qui filment, qui photographient, etc... J’ai cru comprendre que ce voyage avait été particulièrement lourd pour vous tous et pour vous toutes. Je sais que cela exigeait de votre part beaucoup de patience et de compréhension. Alors, je voulais simplement vous dire que, même si nous sommes forcément, de ce côté de la barrière, un peu loin des préoccupations et problèmes concrets auxquels vous êtes directement confrontés, pour autant cela ne nous échappe pas. Et je voulais vous dire ma reconnaissance pour ce que vous avez fait, notre reconnaissance pour ce que vous avez fait à l’occasion de ce voyage.
Je vous remercie.
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