Neustadt-Hambach, Allemagne, le mardi 27 février 2001
LE CHANCELIER - Mesdames et Messieurs, merci à vous tous de vous être trouvés ici, dans cette merveilleuse ville de Neustadt. Neustadt qui a été choisie parce que Jacques CHIRAC a passé trois mois de sa vie ici. Et, donc, c'était un tribut que nous voulions lui payer et nous avons également choisi Neustadt parce que cela nous donnait l'occasion de nous retrouver ce soir à Hambach.
Je n'ai pas besoin de vous raconter l'histoire de Hambach ni les traditions qui lui sont attachées. Je vous rappellerai simplement peut-être qu'en 1832, des étudiants allemands, français, polonais se sont retrouvés à Hambach pour témoigner de leur volonté démocratique et de leur souhait de voir l'Allemagne unie. Et je crois que c'est un des grands événements du XIXe siècle qu'il faut saluer.
Siècle qui, par ailleurs, a également été marqué par des affrontements très durs et par des guerres, et donc il faut saisir cette occasion pour rappeler cet événement. Le premier Président, Theodor HEUSS, disait que Hambach avait été le berceau de la démocratie. Alors, on n'est pas forcément d'accord avec cette formule très forte mais, néanmoins, c'est un lieu où la démocratie, où l'esprit républicain, où la devise de la Révolution française : liberté, égalité, fraternité, ont joué un très grand rôle. Et, donc, c'était un lieu idéal pour que le Président français, le Président polonais et le Chancelier allemand se parlent.
Alors, bien entendu, nous n'avons pas parlé de problèmes bilatéraux. Ce n'est pas le but de l'exercice. Mais, sans être tenus de prendre des décisions, comme c'est parfois le cas dans ce genre de sommets, nous avons pu mener un échange sur les perspectives qui s'ouvrent pour l'avenir européen.
Nous avons notamment parlé de la politique européenne de sécurité et de défense. Nous avons parlé de l'élargissement et nous avons parlé de la politique de l'est de l'Union européenne.
Sur la politique européenne de sécurité et de défense, nous sommes tous les trois tout à fait d'accord pour penser que cette politique doit être conçue comme un pilier supplémentaire destiné à venir étayer davantage et consolider l'OTAN, mais pas concurrent. La Pologne, membre de l'OTAN, prend part au débat et adhère aux résultats de ce débat. Cela va de soi.
Nous avons dans ce contexte également parlé de l'élargissement de l'OTAN. Les décisions prises à Washington, à l'époque, à savoir laisser la porte ouverte à d'autres membres, ont été rappelées et soulignées mais nous sommes d'accord pour dire qu'il faut mener un débat, notamment avec la Russie, sur ces questions sans que cela signifie qu'on lui donne un droit de veto, bien entendu. Mais il nous a semblé que ce débat attentif avec la Russie devait avoir lieu.
Nous avons également parlé de la NMD, comme on l'appelle volontiers en formule abrégée. Donc nous avons échangé nos vues sur le projet américain d'un bouclier antimissile national, international. Nous avons dit qu'il était important d'élaborer une position européenne commune, certes, mais, pour l'heure, ceci n'était pas encore possible, notamment parce que l'on ne sait pas encore exactement quelles sont les décisions américaines en la matière. Il y a encore beaucoup d'incertitudes, beaucoup de choses en suspens. Et, donc, cela n'a pas sens de semer de polémiques dans l'opinion publique, il vaut mieux nous concentrer sur la réflexion et attendre de voir les décisions.
Alors, la politique de l'Union à l'est. Là, c'est la relation de l'Union avec la Russie qui est bien entendu prépondérante. Nous sommes tombés d'accord pour dire qu'il fallait aider le Président POUTINE à faire progresser les réformes en Russie, notamment sur le plan économique. Nous nous sommes félicités que la présidence suédoise l'ait convié à se rendre au prochain sommet de l'Union à Stockholm. Ceci sera certainement l'occasion de parler de ce qu'on appelle la coopération stratégique entre l'Union européenne et la Russie. Sur cette question, encore, nous sommes d'accord pour dire que nous tenons à conforter la démocratisation et la reconstruction économique en Russie.
En ce qui concerne l'élargissement, troisième sujet de nos entretiens, le Président français et moi-même avons dit à notre ami Aleksander KWASNIEVSKI que nous partons de l'hypothèse, de l'idée que la Pologne doit faire les efforts nécessaires et des efforts tels que, pour nous, la question de l'adhésion de la Pologne dans la première vague de l'élargissement ne se pose pour ainsi dire pas. Le Président polonais nous a dit que personne, en Pologne, ne songe à relâcher l'effort nécessaire pour adhérer à l'Europe, que personne ne croit qu'il n'y a plus rien à faire pour mériter l'adhésion.
Voilà quelle était la teneur de nos échanges. Nous avons eu des échanges très ouverts. Nous n'étions pas sous la contrainte d'un communiqué final. Voilà les résultats, en tout cas, la teneur des échanges que nous avons eus, que je tenais à vous transmettre. Je vais demander à mes amis de compléter mes propos.
LE PRÉSIDENT - Je voudrais d'abord remercier chaleureusement le Chancelier pour son accueil ici. C'était à la fois historiquement justifié et puis, sur le plan personnel, j'y ai vu une marque d'affection. Je voudrais remercier également le Président Kurt BECK, ministre-président, qui nous a accueillis avec beaucoup de gentillesse, le maire de Neustadt et la population de Neustadt qui nous a réservé un accueil extrêmement chaleureux à l'occasion de notre petite tournée dans la vieille ville qui est si belle.
Notre réunion à trois était particulièrement intéressante, au lendemain du traité de Nice. Certes, la Pologne, l'Allemagne et la France forment un noyau dur de l'Europe en construction mais, au lendemain des décisions qui permettent de prévoir concrètement l'élargissement, c'est tout à fait symbolique que nous ayons pu en parler tous les trois.
Et aussi bien l'Allemagne que la France ont exposé au Président polonais notre claire détermination commune à faire en sorte que l'élargissement se poursuive au rythme le plus rapide possible et aussi notre souci commun, compte tenu de la situation politique que je viens d'évoquer, de voir la Pologne se mettre en situation de pouvoir être parmi les premiers adhérents nouveaux après la première phase de l'élargissement.
Nous avons évoqué tous les autres sujets que vient de dire le Chancelier. Je ne reviendrai pas dessus parce que ce qu'il a exprimé correspond tout à fait à ce que je pense et j'ai d'ailleurs été relativement impressionné, bien que pas étonné, par la convergence de vues sur les sujets à la fois européens et internationaux entre le Président polonais, le Chancelier et moi-même, ce dont je me suis naturellement réjoui.
En conclusion et en clair, je trouve que ce qui caractérise cette séance de travail, c'est au fond une conviction commune pour ce qui concerne l'Europe de demain, une approche et une conviction communes. C'est très important et, je le répète, nous sommes tous les trois un élément essentiel de cette Europe.
M. KWASNIEVSKI - Merci beaucoup, Monsieur le Chancelier. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je tiens aussi à exprimer mes remerciements très chaleureux au Chancelier d'avoir organisé cette rencontre du Triangle de Weimar, ici, à Neustadt. Lieu historique qui nous a accueillis d'une façon si cordiale. Je tiens à remercier tous les habitants de Neustadt qui nous ont salués et je suis sous l'impression du grand nombre de Polonais qui sont présents à Neustadt et dans la région. Je peux dire sincèrement que je me sentais comme chez moi. Et après, grâce à l'ambiance qui a été créée par le Chancelier SCHROËDER, nous nous sentions comme chez nous, à la maison, et ce fut une discussion très sincère, non protocolaire.
Mesdames et Messieurs, nous avons parlé des questions fondamentales pour l'avenir de l'Europe, pour l'avenir de nos États. Cela est compréhensible. Cela est évident étant donné qu'aujourd'hui se sont rencontrés les chefs de trois États très importants. États qui constituent un centre approprié, un coeur de l'Europe : France, Allemagne et Pologne. C'est le lieu où non seulement habitent des millions de personnes mais qui, historiquement, a aidé à construire un bon avenir pour l'Europe, ou bien a été un lieu des plus grands drames, de guerres cruelles, sanglantes, de malheurs.
Si je devais très brièvement parler de notre discussion, je voudrais dire que cet entretien a montré une convergence d'opinions en ce qui concerne les questions fondamentales : Europe, sécurité, élargissement de l'Union européenne, de l'OTAN, politique vis à vis de l'Europe de l'est. Je souligne cette convergence d'opinions.
Secundo : notre entretien a démontré que nous sommes, ensemble, optimistes en ce qui concerne l'Europe de demain, en ce qui concerne notre avenir. Nous croyons que nous pouvons assurer à notre continent, au monde, beaucoup plus de sécurité, beaucoup plus de paix, beaucoup plus de coopération, beaucoup plus de développement économique.
Et, tertio, notre entretien a démontré qu'il y a une détermination de la part des Français, de la part de l'Allemagne et de la Pologne. Chacun de nous a une tâche différente, la Pologne a la tâche d'entrer dans l'Union européenne, mais cette détermination est très caractéristique pour nos États, pour nos peuples, pour nos nations et pour nous-mêmes. Nous voulons construire une bonne perspective pour nos pays, pour nos États et pour l'Europe.
J'ajouterai encore, et j'accentuerai encore une fois ce que le Chancelier et le Président viennent de dire, et ce qui, du point de vue de la Pologne, est très important : après le Sommet de Nice, la voie pour l'élargissement est ouverte. Il y a une conviction de nos partenaires que la Pologne va bien se préparer à cette entrée dans l'Union européenne, que ses devoirs domestiques, elle va les faire le mieux possible. Nos partenaires ont exprimé aussi la conviction que nous serons dans le premier groupe qui entrera au sein de l'Union et que le délai tracé à Nice, c'est-à-dire la participation des nouveaux membres de l'Union européenne aux élections au Parlement européen en l'an 2004, est un délai très ambitieux, pas facile, mais un délai, une date, réels. C'est une information très importante que je tiens, d'ici, de Neustadt, à transmettre à l'opinion publique polonaise après mes entretiens avec le Président CHIRAC et le Chancelier SCHROËDER.
Je tiens à souligner une fois de plus que cette rencontre a démontré la convergence d'opinions, l'optimisme en ce qui concerne l'Europe de demain et la détermination de construire une telle Europe, notre Europe commune. Merci beaucoup de votre attention.
QUESTION - Monsieur le Président, Monsieur le Chancelier, vous avez parlé évidemment des questions fondamentales pour l'Europe. Il y a une question qui intéresse aussi, en ce moment, nos pays, aussi la Pologne peut-être, c'est l'agriculture. Monsieur le Président de la République française, est-ce que vous êtes pour une remise à plat de la politique agricole commune ? Et même question au Chancelier.
LE PRÉSIDENT - Je voudrais tout d'abord vous faire remarquer que la politique agricole commune a évolué au cours des dix ou quinze dernières années et qu'on a procédé à de nombreuses et importantes modifications, aménagements. Donc, il est bien évident que l'on doit en permanence, sur une politique de cette nature, l'adapter à l'évolution des choses et des hommes. D'ailleurs, vous aurez remarqué qu'au sommet de Berlin où nous avons arrêté les décisions pour ce qui concerne, notamment, l'agriculture, nous l'avons fait jusqu'en 2006. Alors, naturellement, nous considérons qu'aucune modification ne peut être apportée jusqu'en 2006 mais que, dès maintenant, nous devons commencer à réfléchir aux adaptations qui seront nécessaires au lendemain de cette échéance.
Je dis qu'on ne peut pas modifier les choses maintenant parce que les agriculteurs, les paysans, sont des entrepreneurs et qu'on ne peut pas changer les règles du jeu tous les deux ans, naturellement. Mais, en revanche, et en concertation étroite avec la profession sur le plan européen, il faut dès maintenant que nous réfléchissions aux adaptations qui s'imposeront à partir de cette échéance. Et, d'ailleurs, nous avons déjà décidé, nos amis allemands et nous-mêmes, de réfléchir et de discuter de ces sujets.
M. SCHROËDER - Au plan national, nous avons déjà commencé à mettre en oeuvre les changements qui nous semblaient nécessaires. Mais, dans la mesure où bien entendu l'agriculture est un domaine commun d'importance en Europe, nous allons en parler avec nos collègues français. Vous savez peut-être que le Premier ministre français m'a adressé une lettre. Dans le troisième point de cette lettre, il dit exactement ce que vient de dire le Président, à savoir que la France et l'Allemagne doivent ensemble parler des modifications, du renouvellement nécessaire de la politique agricole commune. Alors, il y aura peut-être des nuances dans nos positions, quelques divergences, il ne faut pas se le cacher, mais nous sommes absolument résolus à mettre à profit la coopération franco-allemande pour que, tant au plan national qu'au plan européen, il y ait ce renouvellement de la politique agricole.
QUESTION - Monsieur le Président, n'êtes-vous pas déçu de l'attitude de vos partenaires européens au Conseil agricole à Bruxelles, qui ont tous refusé, et notamment l'Allemagne, toute aide supplémentaire aux éleveurs français ?
LE PRÉSIDENT - La déception n'est pas du tout le mot qui convient. Je regrette que des décisions n'aient pas pu être prises dans ce domaine. Et je le regrette tout simplement parce que ces décisions étaient légitimes. Mais, naturellement, ce n'est pas pour brimer la France que nos partenaires ont pris cette position, c'est pour une raison que, par ailleurs, je peux comprendre et qui tient au fait qu'il n'y avait plus de crédits disponibles dans l'enveloppe agricole pour des aides supplémentaires, des aides par ailleurs parfaitement justifiées par le caractère de sinistre qui a frappé l'agriculture européenne avec l'affaire de la vache folle, et tout particulièrement l'agriculture française en raison de son importance au sein de l'agriculture européenne.
Par conséquent, la position qui finalement a été adoptée sous le contrôle du commissaire FISCHLER et qui consiste à dire : dans ces circonstances et faute d'avoir de l'argent, eh bien, il appartiendra à chaque État membre d'apporter les soutiens justifiés nécessaires, me paraît une sage solution. J'étais tout à fait convaincu que nous arriverions à cette solution. Il y a encore quelques jours, lorsque j'avais été interrogé au Salon de l'Agriculture à Paris, j'avais dit qu'à mon avis, nous n'éviterions pas de faire des aides nationales, compte tenu de la situation financière du budget agricole de la Communauté. Mais, naturellement, dans mon esprit, ces aides nationales ne remettent pas en cause la structure de la politique agricole commune et elles doivent être prises au titre des dispositions particulières de l'article 87 pour faire face à des sinistres spéciaux, qui correspond à ces situations particulières. Autrement dit, ce sont des mesures qui, pour être nationales, restent parfaitement conformes à la politique agricole commune.
QUESTION - Est-ce qu'on a parlé de la demande allemande, à propos de la période transitoire de sept ans pour la main-d'oeuvre des pays candidats à l'Union européenne ?
M. KWASNIEVSKI - Nous n'avons pas parlé à ce propos de détails de ce genre, car ces détails seront discutés au cours des négociations. Le postulat qui a été aujourd'hui présenté aussi bien par le Chancelier que par moi-même est tel que nous cherchons des solutions qui devront être acceptées par les partenaires de ces négociations, d'une part l'Union européenne et d'autre part la Pologne. Et je pense qu'à l'heure actuelle, nous sommes dans la période où les groupes d'experts, aux échelons appropriés et gouvernementaux, parlent de toutes les questions relatives aux périodes transitoires, aussi bien celles que propose l'Union européenne que celles que propose l'Allemagne ou celles que propose la Pologne. Le climat des entretiens, des négociations est très bon et le diable, comme on le dit, est dans les détails. Mais ces détails, c'est le domaine du groupe de négociateurs.
QUESTION - Est-ce que vous avez parlé de la NMD ? Et puis, aujourd'hui, les footballeurs français et allemands ont un match à jouer, vous êtes de quel côté ?
M. KWASNIEVSKI - En ce qui concerne cette deuxième question, bien que je sois un ancien ministre des sports, je ne peux que vous dire que le meilleur gagne !
En ce qui concerne la NMD, nous avons consacré beaucoup d'attention à ce sujet. Je pense que cette question est importante dans les discussions entre les États-Unis et entre les partenaires de l'OTAN, mais aussi avec les autres partenaires tels que la Russie, la Chine. Il y aura des contacts avec la nouvelle administration américaine, avec le Président BUSH, certainement. Nous reviendrons sur ce sujet plusieurs fois. Mais je ne vous dirai rien de plus étant donné qu'avant tout, à propos de ce projet, il faut que nous nous entretenions dans des enceintes beaucoup plus closes et avec les États-Unis avant tout.
QUESTION - Ma question s'adresse à la fois au Chancelier SCHROËDER et au Président CHIRAC : pouvez-vous envisager des mesures de rapprochement des familles kurdes qui sont actuellement en France et qui cherchent à gagner l'Allemagne pour rejoindre précisément l'autre partie de leur famille ?
M. SCHROËDER - Il y a des règles claires en la matière, règles que nous ne pouvons pas modifier. Il n'y a pas de droit d'asile européen. Par contre, il y a un droit d'asile allemand qui est très clair sur un point. Quand il y a un pays où des demandeurs d'asile ont été accueillis, ils ne peuvent pas bénéficier du même droit d'asile en Allemagne. C'est la pratique réciproque et nous n'avons pas l'intention d'y déroger. Et cette histoire montre que nous devons travailler véritablement à l'harmonisation du droit d'asile européen. Pour le reste, la loi allemande est ce qu'elle est et nous n'avons pas à la modifier.
LE PRÉSIDENT - Sur ce point, puisque j'ai également été interrogé, je partage sans réserve l'avis exprimé par le Chancelier. Et j'ajoute que cela justifie une fois de plus la nécessité de renforcer la solidarité entre nos pays pour le contrôle des frontières. On peut le faire de façon parfaitement humaine et parfaitement conforme aux principes qui sont les nôtres et aux valeurs que nous défendons en commun. Cela implique également d'intensifier la mise en oeuvre d'une politique européenne d'aide au développement, qui devrait être d'ailleurs une politique mondiale, car c'est en réalité par ce biais que nous limiterons les demandes, ou les flux extérieurs, qui ne sont pas tous liés à des situations politiques particulières mais généralement à des situations économiques désastreuses. Donc, de ce point de vue, il y a une coopération entre la France et l'Allemagne qui est tout à fait sans réserve et je m'en réjouis.
QUESTION - Une question à M. KWASNIEVSKI. La crise de la vache folle montre qu'en cas de crise très grave, il faut que ce soit les États qui paient finalement les dépenses, on le voit pour le soutien aux agriculteurs. Est-ce que cela ne vous inquiète pas pour l'avenir, pour l'agriculture polonaise ? Une question à MM. CHIRAC et SCHROËDER. La crise de la vache folle vient d'Angleterre. Est-ce que le rabais britannique ne pourrait pas être remis en question, vu la manière dont l'Angleterre est un peu à l'origine de cette propagation de la maladie ?
M. KWASNIEVSKI - Je voudrais vous dire que nous traitons, nous considérons ce problème d'une façon très sérieuse. Nous vivons dans un monde qui est tellement lié que, si quelque chose de mauvais se passe à l'extérieur, à l'étranger, cela est aussi dangereux pour nous. Par conséquent, nous avons entrepris toutes les actions indispensables liées à l'examen des vaches, aux règlements qui doivent avoir lieu pour pouvoir nous préparer au cas où un tel danger nous menacerait. Nous coopérons avec l'Union européenne, nous coopérons avec tous nos partenaires européens dans ce domaine.
Jusqu'à présent, il n'y a pas eu de cas de vache folle en Pologne mais nous sommes très sensibilisés à ce problème, nous veillons à cela car c'est un problème de toute l'Europe. Et nous craignons, s'il s'avérait que cette psychose est de plus en plus grande, que cela pourrait avoir une influence sur certaines décisions à caractère politique ou économique qui sont prises à l'heure actuelle. Mais je pense qu'avec la coopération européenne, nous avons la chance aussi de nous sortir de ce problème car, certainement, c'est un problème qui occupe non seulement l'opinion publique de l'Union européenne mais qui intéresse aussi l'opinion publique polonaise. Je peux déclarer ma disposition à la coopération la plus poussée avec nos partenaires européens pour pouvoir surmonter cette situation en commun.
LE PRÉSIDENT - S'agissant de la remise en cause du rabais britannique, comme vous dites, et je vous laisse la responsabilité de l'appellation, pour dire la vérité, ce n'est pas tout à fait l'idée que nous nous faisons de la solidarité européenne. Surtout au moment où nos amis britanniques font face à une crise très importante en matière agricole, dans le domaine de la fièvre aphteuse. Et nous n'allons pas soulever de problèmes nouveaux particuliers.
QUESTION - Monsieur le Président KWASNIEVSKI, le gouvernement fédéral envisage l'instauration d'une période transitoire pour la libre-circulation des personnes. Est-ce que ce serait une solution dans d'autres domaines, aussi, afin de faciliter l'adhésion de la Pologne ?
M. KWASNIEVSKI - Il y a proposition de plusieurs périodes de transition, qui résultent d'une part des besoins polonais et de l'opinion polonaise, d'autre part de l'Union. À l'heure actuelle, nous vivons une période où nous commençons de parler de ces périodes transitoires d'une façon très détaillée.
Je suis convaincu que la liste de ces périodes transitoires va être abrégée d'une façon importante. Certainement, ce seront des périodes beaucoup plus courtes que celles qui sont proposées à l'heure actuelle. Je ne devrais pas faire quelque chose à la place des négociateurs, car les négociateurs doivent s'entretenir, échanger des remarques. Mais je suis convaincu que ces sept années de période transitoire pour le marché de travail en Allemagne, en ce qui concerne la main d'oeuvre polonaise, sont une période beaucoup trop longue. Mais nous allons nous entretenir à ce sujet.
Je comprends les arguments allemands et je pense que, dans un débat aussi sérieux, nous parviendrons à nous entendre. Je ne peux, pour ma part, que vous dire que je suis convaincu que la Pologne, au sein de l'Union européenne, va assurer un développement économique stable, sera un pays intéressant pour y travailler. Je ne m'attends pas à une grande vague de personnes qui vont quitter la Pologne pour aller travailler ailleurs. Mais, comme je vous l'ai dit, maintenant, nous sommes à l'étape des entretiens au sujet des détails. Et ces détails concernent aussi les périodes transitoires. Je pense que nous allons réussir à trouver des solutions raisonnables et satisfaisantes pour les deux parties.
QUESTION - Une question au Chancelier SCHROËDER à propos des restrictions de la main d'oeuvre. Le Président KWASNIEVSKI parlait de raccourcissement de cette période. Que pense le Chancelier ? Est-ce que l'Allemagne pourrait être plus souple à ce propos ?
M. SCHROËDER - Ce qu'a dit le Président, à savoir qu'il faut en parler, c'est vrai. On en parle. Deuxièmement, en ce qui concerne ces sept ans de transition, nous serons aussi souples que la situation le permet. Les sept ans dont j'ai parlé, dont je ne retire rien, ne sont pas sept années absolument incompressibles auxquelles on ne peut jamais rien changer.
Le pays adhérent aura le droit de demander la révision de cette période de transition. Les pays qui ne veulent pas maintenir une telle période de transition parce qu'ils ne sont pas d'accord, parce qu'ils souhaitent pouvoir accueillir une main d'oeuvre polonaise seront libres de le faire. Donc, il ne s'agit pas d'une période transitoire inamovible de sept ans. Nous avons dit que nous souhaitons une période de sept ans avec la possibilité pour le pays adhérent de demander une révision de cette clause transitoire et la possibilité pour les autres pays membres de l'Union de ne pas l'appliquer.
Donc, il s'agit bien d'une approche raisonnable, souple, adaptée aux situations particulières des États membres. Voilà, je ne crois pas qu'il y ait quoi que ce soit à ajouter.
QUESTION - Monsieur le Chancelier, comment voyez-vous l'opinion publique allemande en ce qui concerne l'élargissement, notamment à la Pologne ? Les contraintes qui existent dans l'opinion publique, comment peut-on les apaiser ?
M. SCHROËDER - Alors, aucun doute en ce qui concerne la Pologne. L'opinion publique est tout à fait favorable à son adhésion. Toutes les enquêtes sociologiques et autres montrent qu'à plus des deux tiers, les Allemands sont d'accord avec la voie dans laquelle on s'est engagé.
Deuxièmement, si l'on veut que la légitimité de l'élargissement soit ancrée dans toute la population et pas seulement auprès des élites, si on veut que le peuple tout entier y adhère, il faut justement rassurer les gens en leur montrant que les périodes de transition seront maniées de façon flexible.
Il faut d'une part renforcer la légitimité au plan national, parce qu'il faut apaiser les craintes qu'ont les zones frontalières. Il ne faut pas jouer avec ces craintes, bien entendu, alors qu'on l'a fait dans le passé. C'est à cela que servent les périodes de transition.
Et par ailleurs, comme l'a dit le Président KWASNIEVSKI, la Pologne a un taux de croissance élevé. C'est un pays qui est intéressant au plan technologique, de plus en plus. La Pologne devra voir si, justement, pour elle aussi, ces périodes de transition ne protègeront pas la Pologne de la fuite des cerveaux, le fameux "brain drain" et que ces spécialistes polonais quittent leur pays pour être mieux rémunérés ailleurs alors que leur pays, leur patrie, a besoin d'eux.
Ces périodes de transition en matière de libre circulation peuvent être intéressantes pour les deux pays, pour tous les pays. C'est intéressant pour légitimer l'élargissement dans les pays d'accueil mais cela peut être également très intéressant pour le pays de départ. On ne peut pas voir les choses uniquement de façon unilatérale comme d'aucuns le pensent.
QUESTION - Monsieur le Chancelier, Monsieur le Président, avez-vous un pronostic pour ce soir ? Après tout, c'est un match amical. Comment allez-vous faire ? Avez-vous une télévision dans la grande salle à manger du Château ? Il y a une mi-temps. Comment allez-vous faire et quel est votre pronostic ?
M. SCHROËDER - Je ne crois pas qu'on aura une télévision parce qu'on a quand même l'intention de bavarder, plutôt, ensemble et l'hospitalité du Palatinat telle qu'elle s'est manifestée d'ailleurs dans la population, et mes collègues s'en sont réjouis avec beaucoup d'émotion, cette hospitalité, nous voulons la prolonger ce soir et proposer la gastronomie de la région à nos amis.
Je ne voudrais pas faire de pronostic mais, avec tout le respect que je dois au Président de la République, au cours des dernières années, vraiment, l'équipe de football française a tout gagné ce que l'on pouvait gagner. Alors, c'est peut-être notre temps maintenant, quand même. Non, on ne va pas nous laisser gagner par compassion, bien entendu, mais parce que Rudi VÖLLER, l'entraîneur, je crois, a su motiver ses troupes et donc j'imagine qu'on pourrait gagner. De justesse. De justesse, mais quand même gagner.
Ceci dit, le Président m'a dit : il y a de l'espoir parce que DJORKAEFF ne peut pas jouer. Alors, c'est peut-être une bonne nouvelle pour nous.
LE PRÉSIDENT - Je reconnais bien volontiers que l'équipe d'Allemagne a fait une remontée spectaculaire, notamment sous l'impulsion d'un très bon entraîneur. Mais, néanmoins, je ne ferai pas de pronostic. Je ne ferai pas de pronostic parce que je ne veux pas être désobligeant.
M. KWASNIEVSKI - Je tiens à dire qu'une chose est sûre aujourd'hui, la Pologne, certainement, ne va pas perdre.
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