Conférence de presse conjointe du Président de la République et des présidents du Nigéria, de la République arabe d'Egypte, du Sénégal, de la République algérienne démocratique et populaire et de la République de Zambie, Président en exercice de l'OUA à l'occasion de la réunion sur le NEPAD (Paris)

Conférence de presse conjointe de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, de M. Olusegun OBASANJO, Président de la République Fédérale du Nigéria, de M. Hosni MOUBARAK, Président de la République Arabe d'Égypte, de M. Abdoulaye WADE, Président de la République du Sénégal, de M. Abdelaziz BOUTEFLIKA, Président de la République Algérienne Démocratique et Populaire, et de M. Levy MWANAWASA, Président de la République de Zambie, Président en exercice de l'OUA, à l'occasion de la réunion sur le nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique.

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Palais de l'Élysée, le vendredi 8 février 2002



LE PRÉSIDENT - Mesdames, Messieurs, nous avons tenu cette réunion d'étape, dans le cadre de la préparation du sommet du G8 qui aura lieu au milieu de l'année au Canada, sur le nouveau partenariat qui est en train de se lier entre l'Afrique et les pays les plus développés. Ceci avec l'objectif de mettre en oeuvre un plan de développement de l'Afrique, qui soit un plan conçu, pensé par les Africains, assumé par les Africains et faisant l'objet d'un partenariat pour sa mise en oeuvre avec les pays qui ont les moyens d'apporter les financements nécessaires. Pays qui ont intérêt à le faire, d'abord pour des raisons morales que chacun comprend.

Il n'est pas acceptable, admissible, tolérable, dans le monde d'aujourd'hui, qu'on laisse se développer un système dans lequel il y a des pays de plus en plus riches et des pays qui restent sur le bord du chemin. Ce n'est pas moralement acceptable. Et pour dire les choses telles qu'elles sont, ce n'est pas non plus, pour les pays développés, économiquement et politiquement acceptable. D'abord parce que, sur le plan économique, les pays africains concernés représentent un potentiel de développement considérable, tant dans le domaine de la consommation que dans celui de leur apport dans des domaines très importants, concernant les matières premières, les productions de toutes natures, sans parler, naturellement, de leur apport culturel. Donc il y a aujourd'hui la nécessité de prendre conscience de l'impérieuse obligation de s'associer sur des bases modernes, chacun respectant l'autre.

Alors, dans ce contexte, nous avons fait ce rapport d'étape pour nous assurer qu'il n'y avait pas d'ambiguïté, que nous travaillions la main dans la main. Ceci nous a été clairement indiqué par les représentants des pays concernés, pour la France M. CAMDESSUS, qui a donc rapporté au nom de ses collègues et qui a souligné à quel point l'espoir, né notamment en Afrique, de ces initiatives de partenariat, mais aussi les difficultés qu'il faut encore surmonter, étaient l'un et l'autre considérables.

À ce point d'étape, participent les principaux chefs d'État concernés, je dis les principaux, nous n'avons pas fait un choix parmi les chefs d'État, ils sont tous venus pour des raisons d'équilibre, et vous avez aujourd'hui à la tribune ceux qui ont été à l'initiative, à l'origine de ce NEPAD, c'est-à-dire les Présidents BOUTEFLIKA, MOUBARAK, OBASANJO, et puis le Président WADE qui a eu l'initiative du plan OMEGA. À la suite de ça, l'Organisation de l'unité africaine a fusionné l'ensemble de ces plans pour faire un seul plan, d'où est sorti le NEPAD. Et je salue la présence du Président de la Zambie, Président en exercice l'Organisation de l'unité africaine. Donc cette réunion a fait apparaître une volonté claire de la part de l'ensemble des chefs d'État africains de soutenir une politique de développement qui, je le répète, ne peut sortir que du coeur et de l'esprit des Africains et qui exige le soutien des pays riches dont c'est, je le répète à nouveau, à la fois l'intérêt politique et surtout pour lesquels c'est une exigence morale.

Alors, il faut donner une impulsion forte à ce processus, de façon à permettre, comme l'ont dit plusieurs des intervenants, à "l'avion NEPAD" de décoller. D'où, l'importance que nous attachons à la préparation de ce G8, d'où la constatation que le G8 au Canada doit être un point de départ et non pas un point d'arrivée, je dirais un point de décollage, pour conserver l'image aéronautique qui a été utilisée, et non pas, naturellement, un point d'atterrissage. Rien ne serait plus désastreux que d'arriver au G8 avec une motion qui donnerait quelques grandes perspectives et qui ne mettrait pas en oeuvre les moyens de les atteindre. Il faut qu'au G8 de Kananaskis, au Canada, nous ayons un point de départ, d'impulsion, pour cette initiative concertée. Dans cet esprit, d'ailleurs, j'ai fortement conseillé, amicalement suggéré à nos partenaires africains d'être très présents à Monterrey, qui sera une importante réunion, à la fin mars, sur le financement du développement, réunion internationale. Et je souhaite que, dans cette réunion internationale sur le financement du développement, l'Afrique soit massivement présente pour montrer que, par rapport à d'autres régions du monde, elle a pris un temps d'avance dans la conception d'un développement dynamique et partagé

Voilà les quelques observations initiales que je voulais faire à ce sujet, mais peut-être tel ou tel des Présidents qui sont à cette tribune, ou de ceux d'ailleurs qui sont au premier rang, voudra rajouter quelque chose.

LE PRÉSIDENT OBASANJO - Je voudrais profiter de cette occasion pour, en notre nom à tous, remercier le Président CHIRAC de l'occasion qu'il nous a donnée à tous d'être ici, tous ensemble, afin d'utiliser cette occasion, ce moment particulier pour délibérer de cette question importante. Et j'aimerais également souligner l'importance de ce dont nous parlons.

Le Président CHIRAC a souligné l'élément moralité. Moi, je souhaite souligner l'élément que j'appellerais sécurité commune et prospérité commune. Je crois, en effet, que la façon dont nous avons envisagé la sécurité et la prospérité avant les événements du 11 septembre nous amène maintenant à réaliser une autre réflexion, à revoir les choses.

La façon dont nous avons vu la prospérité, la sécurité, avant le 11 septembre, nous a amenés à penser que nous pouvions protéger nos frontières avec des armes, que l'insécurité se trouvait au-delà de nos frontières et qu'à partir du moment où l'on était armé, on avait donc toutes les réponses. À partir du moment où l'on sait que l'on a les matières premières, les composants et la possibilité de vendre ce que l'on produit, eh bien, la prospérité est assurée. Voilà ce que nous pensions. Et maintenant ? Après ce qui s'est produit ce jour effroyable, on voit que la sécurité peut ne pas être assurée même lorsque les éléments précédents sont réunis. Voilà donc une des raisons supplémentaires pour lesquelles je parle maintenant de sécurité, de prospérité commune.

Alors, si les personnes pensent sincèrement qu'elles ont été guidées justement et avec justesse dans leur vie pour ce qui a trait à leur niveau de vie, à leurs conditions de vie, elles ne feront rien. Mais la réduction de la pauvreté dans le monde tout entier est de la responsabilité de tous les dirigeants du monde, tous. C'est une responsabilité qui ne se limite pas aux pays où sévit la pauvreté de façon endémique. Il faut travailler avec les dirigeants des pays où la pauvreté existe à l'état endémique et il faut réduire et éliminer la pauvreté. Voilà pourquoi je parle de sécurité commune et de prospérité commune. C'est une des raisons pour lesquelles il nous faudrait oeuvrer ensemble dans ce processus.

LE PRÉSIDENT - Je voudrais citer le Président OBASANJO qui a été, avec le Président MBEKI et le Président BOUTEFLIKA, à l'origine du premier plan auquel s'est agrégé celui du Président WADE, avec le Président MOUBARAK d'ailleurs. Et, ce matin, en défendant avec beaucoup de passion la cause du développement de l'Afrique, il a cité, et j'y ai été très sensible, cette très belle réflexion du Mahatma GANDHI selon laquelle la pauvreté est la pire forme de la violence et de l'insécurité. Il a tout à fait raison. Je l'ai remercié d'avoir cité cette belle formule de GANDHI.

QUESTION - Vous avez parlé de donner une impulsion au développement en Afrique. Est-ce qu'il y a des domaines prioritaires qui ressortent pour donner cette impulsion ?

LE PRÉSIDENT - Les priorités, c'est, premièrement, un plan cohérent et, dans ce plan cohérent, comme l'a dit tout à l'heure le Président Abdoulaye WADE, une place importante pour ce qui concerne les infrastructures régionales, qui sont essentielles. Naturellement, c'est un plan qui traite les problèmes économiques et sociaux, cela va de soi, notamment bien entendu les problèmes liés à la maladie, comme le Président BOUTEFLIKA l'a dit tout à l'heure de façon très intéressante en dressant des perspectives générales, quand il a défini les modalités du plan.

La deuxième priorité, c'est que les opinions publiques et les gouvernements des pays développés, ceux du G8 et les autres qui, tout en n'appartenant pas au G8, participent à un effort de développement qui doit être plus important, soient conscients du fait que l'on ne peut plus attendre pour engager un processus de développement rapide de l'Afrique et que l'Afrique est aujourd'hui psychologiquement en mesure d'assumer sa part du plan de développement, c'est-à-dire sa conception et sa mise en oeuvre dans le cadre d'un partenariat avec les pays qui ont les moyens de soutenir cet effort.

QUESTION - Je voudrais vous poser la même question, à vous, Monsieur le Président CHIRAC, et à Monsieur le Président MOUBARAK. Monsieur CHIRAC, quelles sont les chances que le prochain sommet du G8 puisse adopter ce partenariat ? Monsieur MOUBARAK, pensez-vous sérieusement que ce nouveau partenariat sera adopté lors du sommet prochain ?

LE PRÉSIDENT - Je voudrais vous dire simplement qu'il y a une volonté très forte, moderne et ouverte, exprimée par les Africains, et cohérente. Il y a un avis ou une réaction positive et favorable exprimée publiquement et officiellement par les pays partenaires de ce partenariat de développement. Il y a une structure de travail qui comprend à la fois une organisation africaine et des hauts représentants des pays concernés, vous avez ici M. FOWLER, qui est le Haut représentant du Canada, au titre de la Présidence, vous avez M. CAMDESSUS pour ce qui concerne la France, vous avez Mme AMOS pour ce qui concerne l'Angleterre, qui mettent le meilleur d'eux-mêmes pour réaliser la synthèse de ces différentes forces positives. Et donc, je pense que l'on arrivera au G8, je l'ai dit tout à l'heure, avec la capacité non pas de clore l'exercice par une délibération positive et sympathique, s'ajoutant à toutes les précédentes, mais en mettant en oeuvre les moyens pour faire décoller l'avion, c'est à dire faire partir ce processus de partenariat.

Vous savez, pendant très longtemps, pour ma part, j'ai eu l'impression un peu de me battre dans le désert, pour ce qui concerne la coopération entre le G7 et l'Afrique, la nécessité de faire décoller l'Afrique. J'ai vu l'évidente bonne volonté et l'intelligence que mettait par ailleurs l'Afrique pour comprendre et résoudre ses problèmes. J'avais l'impression d'être un peu seul dans un monde où, je le voyais G7 après G7, depuis celui de Lyon, en 1996, l'intérêt pour ces choses avait l'air de fondre un peu comme neige au soleil. J'étais très profondément choqué quand, tant sur le plan humain, moral, que sur le plan de l'intelligence politique de la construction du monde de demain, je me suis battu. Et, pour la première fois, au sommet de Gênes, j'ai vu apparaître une lueur d'espoir.

On a beaucoup critiqué le sommet de Gênes. Je ne ferai aucun commentaire là-dessus, naturellement. Comme toujours, on se fie davantage aux apparences qu'aux réalités. Le sommet de Gênes a été le premier sommet où on a reparlé, depuis très longtemps, de façon positive, responsable, du problème du développement en général et du développement de l'Afrique en particulier. Pour la première fois, à Gênes, on a invité les chefs d'État africains, ceux qui étaient porteurs de ce partenariat. Il y avait là le Président OBASANJO, le Président BOUTEFLIKA, le Président WADE, le Président MBEKI, naturellement. Le Président MOUBARAK n'avait pas pu venir. Et, pour la première fois, il y avait eu un dialogue dans une séance de travail importante entre le G7 et les principaux promoteurs du plan de partenariat pour le développement de l'Afrique. Et on a même été plus loin : pour la première fois, on a parlé sérieusement de l'aide au développement.

Cela faisait six ans qu'à chaque G7, j'étais le seul à évoquer ce problème, dans l'indifférence générale. Comme, en règle générale, j'avais de bonnes relations avec mes partenaires, on me laissait parler mais il ne se passait rien. Pour la première fois, à Gênes, on a pu parler, y compris avec le Président BUSH, du problème posé par la réduction tout à fait inexplicable et inacceptable de l'aide publique au développement. Donc, si vous voulez, à Gênes, il y a tout de même eu quelque chose qui s'est passé et c'est de là qu'est parti l'engagement que porte aujourd'hui Jean CHRÉTIEN, le Premier ministre du Canada, avec beaucoup de foi et beaucoup d'enthousiasme, l'engagement d'un vrai partenariat moderne pour l'Afrique, en sortant complètement des habitudes du passé. C'est la mobilisation des énergies, sous la responsabilité de ceux qui mobilisent les énergies.

LE PRÉSIDENT MOUBARAK - Concernant le principe qui dit que la pauvreté est la pire des formes de la violence, moi je dis que c'est la pire des formes du terrorisme. Et, par conséquent, les pays riches devraient encourager le développement véritable dans les pays africains et devraient alléger le poids de la dette de ces États ou utiliser ces dettes pour reconstruire les infrastructures dans ces pays. Sans compter l'aide directe sur le plan bilatéral ou autre. Si ces pays retardent encore leur aide et leur appui au développement des pays africains ou du continent africain, je suis sûr que la guerre contre le terrorisme deviendra une guerre internationale contre le terrorisme et aucun endroit ne sera à l'abri de ce terrorisme dans le monde. C'est là une réalité que devraient reconnaître, aujourd'hui, tous les pays industrialisés et développés.

QUESTION - Monsieur le Président, je m'adresse au Président CHIRAC pour dire que cette première réjouit de nombreux Africains, en tout cas surtout les populations. Et la question que je voudrais vous poser est de savoir jusqu'où ce projet ira. Puisque nous en avons vu tellement qui n'ont jamais abouti. Alors, aujourd'hui, on voudrait savoir : est-ce que cela pourrait permettre au moins une vraie intégration économique, sous-régionale, des pays africains du nord au sud, de l'est à l'ouest et au centre ? Est-ce que cela pourra réellement unir toutes nos économies africaines pour que le continent puisse se développer réellement et se prendre en charge ? Quelle est la garantie que vous apportez ?
La deuxième question : je m'adresse au Président WADE, du Sénégal. Monsieur le Président, vous vous êtes beaucoup battu pour que ce projet, donc, puisse naître. Comment est-ce que vous voyez en fait la coopération économique de vos voisins et des pays africains ?

LE PRÉSIDENT - Merci, Monsieur. Je vous dirai, parce qu'il faut essayer d'être bref, il y a beaucoup de personnes qui ont des questions à poser, que l'intégration régionale est sans aucun doute une des voies qui doivent être empruntées. Et j'ai eu le sentiment que c'est bien celle que retenaient les participants à cette réunion. Le Président BONGO, notamment, notre doyen, a souligné l'importance de ce facteur. Et donc je laisse maintenant la parole au Président WADE pour répondre à la deuxième question.

LE PRÉSIDENT WADE - Vous me permettrez d'abord très, très brièvement de répondre par avance à des questions qui vont être posées. On va nous dire : combien vous avez obtenu du Président CHIRAC ? À ceux-là, je dis à l'avance que nous ne sommes pas venus demander et que nous ne sommes pas en train de faire le tour des chefs d'États du G8 pour tendre la main, ce n'est pas cela du tout.

Ensuite, l'originalité de ce plan, et je réponds directement à la question, c'est qu'il s'exerce au niveau régional. La base, c'est la région et non plus les États. Donc on a une base d'espace beaucoup plus large où on peut faire des industries qui puissent s'adresser à des marchés beaucoup plus larges.

Enfin, je voudrais dire que l'esprit qui a présidé, en tout cas, au plan Omega, qui est une composante de ce plan, il a été complété par le MAP, c'est que ce que nous sommes en train de faire est dans l'intérêt de l'économie mondiale et dans l'intérêt des pays développés. Une Afrique qui a énormément de ressources naturelles et humaines, développée, qui ne reçoit que 1% de l'investissement international, mondial, et qui ne représente plus que 1,74% du marché mondial, eh bien, cette Afrique-là, si elle se développe, elle devient vite un partenaire. L'économie mondiale en profite, tout le monde en profite. Et ce que nous proposons, justement, c'est ça. Certes, il y a une partie financement indiscutable mais il y a aussi les efforts que nous-mêmes nous allons faire. Et une des composantes essentielles du financement, parce que ce dialogue nous a permis d'aborder ces questions, c'est de faire jouer au secteur privé en Afrique le rôle qu'il a joué en Europe et aux États-Unis, des pays qui se sont développés par le secteur privé. Mais c'est à nous, Africains, de créer ces conditions. Le secteur privé viendra en Afrique si nous créons des conditions favorables. Je vous remercie.

QUESTION - Une question à M. le Président MOUBARAK. Je souhaiterais savoir si vous avez décidé des mesures concrètes pour sortir de la crise et du sous-développement en Afrique ?

LE PRÉSIDENT MOUBARAK - Le Président CHIRAC a parlé très clairement. Il y aura d'ailleurs d'autres réunions où l'on continuera à exprimer les idées de façon tout aussi claire qu'aujourd'hui.

QUESTION - J'avais deux petites questions. La première : nous avons pris acte de votre volonté de mettre en oeuvre un nouveau partenariat. Mais il y a eu tellement de conditionnalité par le passé, par rapport à l'aide au développement, par rapport aux investissements privés en Afrique, on se demande, nous, Africains, qu'est-ce que vous attendez prioritairement de nous aujourd'hui pour mettre en oeuvre ce nouveau partenariat ? C'est ma première question.
La deuxième, c'est une question qui n'a rien à voir avec ce pour quoi nous sommes là, c'est le football. Le Sénégal et le Cameroun vont se rencontrer pour la finale dans deux jours. Monsieur le Président CHIRAC, quelle est votre équipe favorite et quel est votre pronostic ?

LE PRÉSIDENT - Alors, je vais vous dire. Je ne peux pas avoir d'équipe favorite. Mais je peux avoir un sentiment, effectivement, à défaut d'une équipe favorite. Je vais vous le dire mais sous le sceau naturellement du secret. Nous sommes bien d'accord ? Que le meilleur gagne !

En ce qui concerne ce que nous attendons de l'Afrique, ce n'est pas dans ces termes que doit se poser le problème. Le problème, aujourd'hui, c'est que si l'on veut véritablement faire décoller ce processus, il faut qu'il y ait une vraie adhésion, politique, psychologique, et donc il faut que se réunissent à la fois une volonté déterminée exprimée par les Africains, ce qui est en train de se finaliser, et une volonté déterminée des bailleurs de fonds pour le développement de l'Afrique. Le tout sur un pied où chacun assume ses propres responsabilités. Les bailleurs de fonds, bien entendu, ont le droit de savoir ce qui va être fait, dans quel contexte c'est fait, et, quand il s'agit de fonds privés, quelles sont les garanties qu'ils ont de ne pas être maltraités. Et du côté africain, c'est leur capacité à donner ces garanties et à initier eux-mêmes les modalités de ce développement.

QUESTION - Monsieur le Président BOUTEFLIKA, à l'occasion de votre entretien avec M. CHIRAC et avec vos homologues africains, que pensez-vous du NEPAD et que pensez-vous que le sommet du G8 pourrait apporter au NEPAD ?

LE PRÉSIDENT BOUTEFLIKA - Je ne sais pas si j'ai bien saisi votre question, Madame, mais ce que je pourrais dire d'emblée, c'est que je rends hommage à l'initiative de notre frère Monsieur le Président CHIRAC. Je souhaiterais dire que le Président CHIRAC a bien fait les choses. Il s'est toujours intéressé au continent africain. Il l'a affirmé au Caire, à Yaoundé et chaque fois qu'il a eu l'occasion de le faire, à Gênes notamment, où un consensus a été atteint pour ce qui est de l'aide apportée par les Huit au continent africain. Depuis le Sommet de Gênes, il y a eu diverses initiatives qui ont été prises et auxquelles il faut rendre hommage.

Quant à aujourd'hui, eh bien, nous avons écouté des interventions qui ont enrichi le débat, qui ont élargi les horizons et qui annoncent les prochaines étapes. Une étape prochaine va réunir les Africains au Sénégal. Il y a une autre rencontre qui est donc la réunion de Monterrey. Nous souhaitons que le continent africain y soit véritablement représenté, que l'Afrique mette tout son poids lors de cette réunion à Monterrey. Nous espérons que, lors de la réunion de Monterrey, l'Afrique reprendra sa position face à l'Amérique latine par exemple. Il ne faudrait pas que le continent africain soit marginalisé.

J'espère, Madame, que vous êtes satisfaite de ma réponse. En tout cas, je vous ai livré mon point de vue sur ce que j'ai entendu dans la bouche de mes homologues et, je répète, je n'ai pas tout à fait saisi le sens de votre question, Madame.

LE PRÉSIDENT - Le Président BOUTEFLIKA a eu un rôle essentiel dans l'élaboration du NEPAD, dés le départ, avec le Président MBEKI, le Président OBASANJO. Et tout de suite après, le Président MOUBARAK les a rejoints. Un rôle essentiel dès l'origine. Et sa contribution a été une contribution très importante. Et, deuxièmement, à Gênes, j'ai encore dans l'esprit, lors du dîner de travail qui a suivi la réunion de travail et qui était aussi une réunion de travail, j'ai encore dans l'esprit son intervention sur ce sujet, naturellement, qui était tout à fait, tout à fait remarquable. Et j'avais à côté de moi, à table, j'avais à côté de moi le Président George BUSH. Et pendant l'intervention du Président BOUTEFLIKA, deux ou trois fois, il m'a dit : "He's right, he's right". Je me suis dit : il faut être vraiment convaincant pour impressionner le Président BUSH sur le plan de l'aide au développement aux pays pauvresà

QUESTION - Monsieur le Président, vous avez parlé d'impulsion, de Monterrey et de moyens mais vous n'ignorez pas que, pour l'instant, Monterrey est plutôt parti pour accoucher, comme on dit, d'eau tiède, voire d'eau de boudin.

LE PRÉSIDENT - Moi, je suis un optimiste de nature. Je ne pars jamais dans une conférence en me disant : "on va accoucher d'eau tiède". Parce que si on part dans cet esprit, alors, naturellement, ce n'est pas la peine d'y aller.

QUESTION - Ma question s'adresse à la fois au Président CHIRAC et à M. BOUTEFLIKA. Que répondez-vous, Monsieur le Président, à ceux qui vous disent que cette réunion a des relents de relations France-Afrique assez mouvementées, puisque c'est vous qui parrainez à nouveau ce partenariat. Cela a un côté ancien temps. M. BOUTEFLIKA peut être aussi choqué, lui qui pendant des années a conspué ces relations.

LE PRÉSIDENT - Voilà une question compliquée. Je vais vous dire une chose. Je peux vous dire une chose. C'est que moi, j'ai toujours eu à l'égard de l'Afrique un sentiment, je dirai, de nature fraternelle et que je n'ai pas changé. Je ne sais pas si le Président BOUTEFLIKA veut ajouter quelque chose.

LE PRÉSIDENT BOUTEFLIKA - Si, Madame, vous faites allusion au caractère passionnel des relations algéro-françaises, je voudrais vous dire que qui aime bien châtie bien, d'un côté comme de l'autre. Et par voie de conséquence, je voudrais dire que ce caractère passionnel dans les relations entre l'Algérie et la France est un gage supplémentaire du fait que ces deux pays ont des intérêts communs, ont un destin commun, ont des liens historiques communs, des liens culturels communs et bientôt des liens matériels et économiques communs et importants.

Vous avez parlé aussi à BOUTEFLIKA en tant que représentant du groupe africain. Je souhaiterais vous dire que, n'en déplaise à mon ami le Président CHIRAC, je crois que je pourrais paraphraser Amin MAALOUF, en disant que ça n'est pas excessif de parler de CHIRAC en disant "CHIRAC l'Africain". Cela n'est pas du tout excessif, pour une raison très simple. Beaucoup de dirigeants français se sont occupés d'affaires africaines. Très peu se sont occupés avec autant de désintéressement, de générosité et de persévérance de la coopération franco-africaine et afro-internationale comme le Président CHIRAC.

LE PRÉSIDENT - Monsieur, vous n'aviez pas fini votre question, tout à l'heure ?

QUESTION - Oui. Vous nous avez expliqué en quoi la France a toujours été moteur, notamment au niveau du G7 et du G8, en matière d'APD, précisément, pour mettre toutes les chances du côté du développement, en particulier de l'Afrique. Est-ce que, dès avant Monterrey, la France ne devrait pas montrer l'exemple en s'engageant à nouveau, mais de façon très concrète et très réelle, sur le fameux objectif du 0,7%, de la priorité donnée aux populations des pays pauvres et d'un désendettement véritable ?

LE PRÉSIDENT - Vous avez raison de soulever ce problème. Je crois qu'il est moralement et politiquement indispensable que soit réaffiché de façon claire l'objectif des 0,7% de la part de tous les pays industrialisés. Actuellement, il n'y a que cinq pays qui font le 0,7%. C'est cinq pays petits, dont le Luxembourg et je lui rends hommage, ainsi qu'au Danemark, à la Norvège, je crois, et à deux autres pays mais qui ne sont pas très importants sur le plan de l'ensemble, de la quotité. Je crois qu'il faut absolument rejoindre cet objectif. Et, pour ma part, c'est un de mes soucis.

QUESTION - Je voudrais adresser cette question au Président MWANAWASA, en tant que Président de l'OUA. Quel rôle l'OUA va-t-elle jouer afin que ce programme soit couronné de succès ?

PRÉSIDENT MWANAWASA - L'OUA a accepté le NEPAD, considérant que c'est le seul véritable moteur possible pour le développement de l'Afrique. Nous l'avons donc adopté au même titre qu'un programme de l'OUA. Nous lui donnons le plus d'engagements possibles et nous engageons tous les États membres à soutenir cette initiative.





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