Conférence de presse conjointe du Président de la République et du Premier ministre du Royaume-Uni à l'occasion du Sommet Franco-Britannique.

Conférence de presse conjointe de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, et de M. Tony BLAIR, Premier ministre du Royaume-Uni, à l'occasion du Sommet Franco-Britannique.

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Londres, Royaume Uni, le lundi 24 novembre 2003

M. BLAIR - Merci à chacun d’avoir pris la peine de nous rejoindre aujourd’hui pour la conférence de presse finale du Sommet franco-britannique. Je voudrais accueillir très chaleureusement le Président CHIRAC, le Premier ministre RAFFARIN et tous les ministres qui nous ont rejoint à Londres pour des entretiens très productifs et très intéressants. Notre Sommet est le dernier avant le début des célébrations du centenaire de l’Entente cordiale, l’année prochaine. Nous allons célébrer cet anniversaire de façon assez diverse et variée, cela va nous donner l’occasion de montrer la vigueur et la force de la relation entre nos deux pays. Il y aura un certain nombre de visites : par exemple, une visite d’Etat de la Reine à Paris et le Président se rendra en Grande-Bretagne lui aussi. Le Président a d’ailleurs eu la gentillesse d’inviter la Reine et le Premier ministre que je suis, à participer au 60ème anniversaire du débarquement au mois de juin, ce qui nous donnera une occasion supplémentaire de célébrer notre histoire commune et nos valeurs communes.

En quelques mots, je voudrais évoquer les sujets qui ont été abordés aujourd’hui. Je pense que les communiqués sur la défense, par exemple, et dans les autres domaines de coopération vous ont été distribués. Le premier sujet qui nous a occupé et, à cet égard, je souhaiterais remercier très chaleureusement le Président pour ce qu’il a dit, c’est le terrorisme. Je voudrais remercier le Président pour les sentiments de compassion et de solidarité qu’il a exprimés suite aux attentats d’Istanbul et suite au décès d’un certain nombre de victimes britanniques. Il nous semble qu’il nous faut absolument faire tout ce qui est possible, à tous les niveaux, pour lutter contre le terrorisme. Nous avons également parlé de l’Iran et du processus de paix.

Vous pourrez également lire dans la déclaration sur la défense que la coopération en matière de défense que nous avons lancée au Sommet de Saint-Malo, il y a cinq ans de cela, se poursuit. Nous allons continuer de travailler ensemble pour renforcer les capacités de l’Europe de la défense. Nous voulons également obtenir les résultats adéquats dans la conférence intergouvernementale pour pouvoir porter plus loin encore la défense européenne et faire qu’elle soit toujours en accord avec l’OTAN. Nous avons parlé, plus généralement, de la conférence intergouvernementale. Nous savons qu’il y a un certain nombre de sujets qui restent encore pendants et sur lesquels nous sommes en accord, en particulier en ce qui concerne la croissance économique. Par exemple, par les coopérations scientifiques et technologiques, nous sommes d’accord pour dire qu’il faut stimuler autant que possible la croissance économique en Europe, mais vous en verrez plus dans le communiqué. En ce qui concerne Kyoto et les changements climatiques, nous soutenons le protocole additionnel de Kyoto et nous espérons qu’un grand nombre de pays pourra le ratifier. Nous avons également décidé d’essayer d’aller de l’avant, d’aller au-delà de Kyoto, sachant qu’il y a un vrai besoin d’actions dans ce domaine.

Nous avons également parlé de notre engagement commun en Afrique ; nous avons salué les travaux de nos ministres des Affaires étrangères et du ministre allemand des Affaires étrangères par rapport à l’Iran, c’était sans aucun doute un exercice nécessaire pour améliorer la sécurité de notre monde actuel.

De même, je voudrais dans cette introduction faire mention de la coopération excellente que nous avons eue de la part des autorités françaises pour fermer le camp de Sangatte et pour traiter ensemble la question de l’immigration clandestine vers la Grande-Bretagne. Cela nous a permis de gérer cette situation de façon très différente et très efficace.

D’ailleurs, nous avons vu que les chiffres de l’immigration clandestine ont chuté de moitié au cours des mois qui viennent de s’écouler. Cela reflète, sans aucun doute, la coopération accrue qui s'est mise en place avec les autorités françaises.

Lorsque je regarde la situation des relations franco-britanniques d’il y a quelques années, on parlait de Sangatte, de la question du boeuf. On peut dire, sans aucun doute, que les choses se sont beaucoup améliorées grâce aux autorités françaises dans leur ensemble, grâce au Premier ministre, M. RAFFARIN, et à ses collaborateurs. Encore une fois, je voulais dire combien je suis heureux de vous recevoir ici et dire que nous aurons une occasion exceptionnelle de célébrer en fanfare le centenaire de l’Entente cordiale. Et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour le faire. Merci.

LE PRÉSIDENT - Tout d’abord, je voudrais exprimer des remerciements chaleureux au Premier ministre britannique, à Tony BLAIR, pour l’accueil très agréable qu’il a bien voulu nous réserver et, une fois de plus, lui dire combien nous avons été sensibles à cet accueil.

Je reviens un instant sur ce qu’il a dit pour exprimer une nouvelle fois l’horreur que nous ont inspirée les attentats d’Istanbul. Et j’ai indiqué au Premier ministre combien j’avais été frappé par la profonde émotion et la grande solidarité qui s’est spontanément exprimée dans l’opinion publique française à la suite de ces attentats. Une émotion et une solidarité qui a été parfaitement affirmée, révélée, par l’ensemble des médias. Il y a eu en France un mouvement incontestable et instantané du coeur et de l’esprit pour manifester l’indignation et la solidarité à la suite de ces attentats, solidarité à l’égard des Britanniques.

Dans un autre registre, j’ai exprimé au Premier ministre toutes mes très sincères félicitations et les très sincères félicitations de la France pour la brillante victoire à la coupe du monde de rugby. Et croyez bien, je tiens à le préciser, que c’est sans aucune réserve et avec beaucoup d’amitié que nous avons exprimé ces sentiments, reconnaissant ainsi l’indiscutable supériorité des Anglais dans ce domaine.

Troisième point, troisième réflexion, c’est l’Entente cordiale. Car je ne développerai pas longuement les autres sujets que le Premier ministre a parfaitement définis, et sur lesquels de très larges accords, même s’il persiste encore ici ou là tel ou tel désaccord, sont apparus et sont confirmés entre nos deux pays et nos deux gouvernements. L’Entente cordiale, cela a été, il y a cent ans, une grande initiative où la sagesse l’a emporté sur la passion. Il ne faut pas oublier le contexte car l’histoire aurait pu nous conduire aussi bien à la guerre entre l’Angleterre et la France, notamment pour des raisons liées aux affaires africaines. Et un certain nombre d’hommes et de femmes ont eu la sagesse d’écarter la guerre et de promouvoir l’entente. C’est un exemple qu’il convient d’avoir présent à l’esprit.

Cent ans après, dans un contexte évidemment différent, les mêmes conclusions peuvent être tirées. Aujourd’hui, l’Europe se crée. Elle s’élargit. C’est un effort considérable qui exige volonté, détermination, imagination. Un effort qui est justifié par quoi, au fond ? Eh bien, tout simplement par l’essentiel, dans le même esprit. Un effort pour que la démocratie et la paix s’enracinent dans l’Europe. C’est bien cela qui justifie l’élargissement. Le reste vient de surcroît. Les problèmes économiques, sociaux, les progrès que l’on peut attendre d’une plus grande cohérence dans notre développement commun, c’est de surcroît. L’essentiel, c’est bien d’enraciner la paix et la démocratie sur notre continent. Et de ce point de vue, avec l’élargissement plus encore qu’hier, le rôle, la place, l’importance de l’Angleterre est déterminante. On n’imagine pas une Europe dans laquelle l’Angleterre n’aurait pas une place éminente. Ce serait, en quelque sorte, une Europe amputée. Ce qui suppose, bien entendu, sans aucun esprit de leadership qui serait tout à fait contraire à notre conception de l’Europe, cela suppose que les liens, les relations entre un certain nombre de pays qui ont été parmi les fondateurs, et qui ont donc peut-être plus que d’autres, l’expérience, la passion, la foi, s’entendent.

De ce point de vue, l’entente notamment, je dis bien notamment car cela n’exclut personne évidemment, petits, moyens ou grands pays, comme l’on dit aujourd’hui, l’entente entre l’Allemagne, l’Angleterre et la France doit être renforcée. Et pour renforcer une entente, il faut créer en permanence les conditions de la confiance. Certes, elle existe entre nos deux pays, mais la confiance ce n’est jamais suffisant, il faut toujours à la fois l’entretenir et la développer. C’est dans cet esprit que nous entendons bien, profitant de ces cérémonies et de ces manifestations, pour commémorer l’Entente cordiale, actualiser cet état d’esprit de l’Entente cordiale en essayant de faire de l’année 2004, l’année de la confiance cordiale entre l’Angleterre et la France. On peut le faire aujourd’hui.

Tout à l’heure, le Premier ministre a évoqué les problèmes concernant la défense, sur lesquels nous progressons sérieusement, par exemple par notre coopération en matière d’armement et plus généralement par notre vision commune de l’Europe de demain, de la réforme de ses institutions. Nous avons évoqué un certain nombre de problèmes. Certes, nous avons encore des divergences de vues sur l’Iraq. Elles sont, si j’ose dire, historiques dès le départ. Mais nous avons une approche tout à fait identique pour d’autres problèmes essentiels, celui du Moyen-Orient, je veux dire du conflit israélo-palestinien où la France soutient sans réserve les efforts de la Grande-Bretagne pour que la paix reprenne, progresse dans cette région du monde. C’est vrai aussi pour l’Iran où, ensemble, nous avons, par nos initiatives avec l’Allemagne, pris une initiative qui doit nous conduire, je l’espère, à régler un problème qui autrement aurait pu être délicat et dangereux.

C’est vrai en Afghanistan où nous travaillons la main dans la main. C’est vrai en Afrique où la coopération entre l’Angleterre et la France dans bien des domaines est une coopération exemplaire. Sur l’ensemble du territoire africain et, évidemment, là où il y a des crises. Ce qui d’ailleurs s’est manifesté matériellement par la présence britannique et l’appui britannique dans l’opération Artémis en Ituri. Il y a donc là, si vous le voulez, tout un ensemble de données qui justifient une confiance renforcée, renouvelée, cordiale, entre nos deux pays. Et c’est bien cela notre objectif, c’est ce qui a été en cause entre nous aujourd’hui. Je vous le dirais très franchement : tout à l’heure, je vais repartir à Paris heureux des entretiens que nous avons eus ici avec le Premier ministre britannique, ses ministres et ses collaborateurs et je l’en remercie à nouveau.

M. BLAIR - Merci Jacques, merci de l’expression des sentiments que je partage pleinement.

QUESTION - Il me semble qu’il y a eu un échange de cadeaux : Monsieur le Président, pourriez-vous nous dire si ce qui se passe en Iraq en particulier la définition d’une date pour le transfert de souveraineté vers aux Iraquiens, pourra permettre au Premier ministre de mieux expliquer à son fils Leo, pourquoi la Grande-Bretagne a participé à la guerre ?

LE PRÉSIDENT - C’est gentil d’avoir parlé de Leo, pour lequel, chacun sait que j’ai une grande affection, et j’ai été très sensible au fait que ce matin, avant de parler de tout autre chose, le Premier ministre m’a remis à titre personnel, une photo signée par Leo lui-même, à moi, dédicacée, ce qui m’a fait particulièrement plaisir. Naturellement, je ne saurais préjuger de ce que dira le Premier ministre à son fils le moment venu, ni d’ailleurs des questions que son fils lui posera.

Ce que je veux dire, en revanche, c’est que la situation n’est pas facile, c’est vrai. Je crois que la nouvelle orientation que semblent adopter nos amis américains, c’est-à-dire une orientation vers un transfert de souveraineté et le transfert de responsabilités que cela implique, au peuple iraquien, cette nouvelle orientation me semble en toute hypothèse, la bonne.

Néanmoins, puisque vous me demandez mon sentiment, je trouve, pour dire la vérité, qu'elle me semble prévue sur une période de temps un peu longue et elle me semble relativement incomplète, dans la mesure où le rôle qui, à mon avis, doit être déterminant pour que les Iraquiens eux-mêmes l'acceptent moins mal, le rôle de l'ONU n'est pas précisé ou insuffisamment précisé. Donc je crois que nous sommes sur une voie positive mais encore insuffisante et incomplète. Voilà mon sentiment.

QUESTION - Il y aura donc la visite d'Etat à Londres et la visite de la Reine à Paris et vous aurez l'occasion de déguster les bons vins de Bordeaux et de Bourgogne à Buckingham Palace qui n'ont pas intéressé M. BUSH la semaine dernière. Mais ma question est la suivante : est-ce que vous croyez, Monsieur le Président, que les contribuables britanniques auront besoin de dépenser des millions de livres pour vous épargner d'entendre les appréciations de la population britannique, autant de millions qu'ils ont payés la semaine dernière pour isoler le Président américain de son environnement local ? Etant donné l'Entente cordiale et les événements en Iraq, peut-être espérez-vous que les appréciations de la population seront différentes ?

LE PRÉSIDENT - Je vous l'ai dit, je me réjouis beaucoup des différents échanges qui auront lieu, visite de la Reine, visite du Premier ministre et de la Reine, ma visite à l'occasion de cette entente cordiale. Quant à la façon dont elle sera organisée des deux côtés de la Manche, à Londres, à Paris et pour l'anniversaire du débarquement, chacun des deux gouvernements l'assumera, c'est sa responsabilité, c'est pour cela que des majorités les soutenant ont été élues de façon tout à fait démocratique. Je n'ai pas d'autres commentaires à faire sur ce point.

QUESTION - Pourriez-vous nous dire, Monsieur le Président, pourquoi il est si difficile que la France admette dans la Constitution européenne que l'OTAN a une, comment dire, prééminence en terme de défense européenne et pensez-vous également que les débats sur la défense européenne peuvent aplanir les divergences entre la France et la Grande-Bretagne que nous avons connues dans l'année qui vient de s'écouler ?

M. BLAIR - Si vous me le permettez, je voudrais faire un point sur ce qui a été fait sur l'Europe de la défense. Depuis le sommet de Saint-Malo, il y a cinq ans et demi, nous avons passé pas mal de temps à essayer de faire que l'OTAN et l'Union européenne définissent des modalités opérationnelles qui leur permettent de travailler ensemble, reconnaissant néanmoins que l'Europe de la défense est réelle aujourd'hui. L'Europe mène ainsi une opération en Macédoine, là où l'OTAN ne voulait pas s'impliquer. C'est essentiel, c'est quelque chose d'essentiel pour la paix dans les Balkans. Il y a eu une autre mission en Afrique sous la direction des autorités militaires françaises et pour moi, défenseur acharné des liens transatlantiques, il est tout à fait normal que là où l'OTAN n'est pas impliquée, l'Europe puisse agir et ait les moyens d'agir dans l'intérêt de l'Europe et du monde tout entier.

Je peux également vous dire que depuis le début de ce processus, on nous dit que c'est incohérent, incompatible avec l'OTAN. Je suis en complet désaccord : il est à mon avis essentiel de maintenir la relation transatlantique comme je pense l'avoir fait pendant mon mandat en tant que Premier ministre de Grande-Bretagne. Néanmoins, nous sommes d'avis que là où l'OTAN ne s'implique pas, l'Europe doit être en mesure d'agir, comme c'est le cas aujourd'hui, par exemple, en Macédoine. Je crois qu'il faut adopter une approche pratique, pragmatique pour régler ce problème et non pas être idéologue, ne pas créer de problèmes entre l'Europe et les Etats-Unis.

QUESTION - Monsieur le Président, qu'est-ce que vous allez faire pour le Proche-Orient, vous avez dit que vous aviez discuté du problème du Proche-Orient et vous avez rendu hommage aux efforts britanniques sur le processus de paix. Mais en fait, il ne se passe rien sur le processus de paix actuellement ?

Monsieur le Premier ministre, vous avez rencontré le Président BUSH. Avez-vous vraiment saisi quels étaient ses objectifs pour ce qui est de la Syrie ? Pensez-vous qu'il va mettre en oeuvre la nouvelle loi sur la Syrie ou pensez-vous qu'il ne va pas le faire et quelle est votre position sur la Syrie ? Pensez-vous qu'il est vraiment logique d'exercer une telle pression à l'heure actuelle sur la Syrie ?

M. BLAIR - Bien évidemment, la question de la Syrie est une question dont nous avons parlé avec les Américains, on en a parlé la semaine dernière, une décision sur cette loi doit être prise par le Président américain. Je n'en parlerai pas plus mais, comme vous le savez, nous avons des engagements vis-à-vis de la Syrie et nous avons essayé de faire en sorte qu'ils jouent un rôle aussi constructif et positif que possible au Moyen-Orient. Voilà précisément ce que nous souhaitons, nous souhaitons qu'ils le fassent sans appuyer des groupes qui entraînent des difficultés ou qui causent des actes terroristes, qui commettent des attentats terroristes dans la région. Nous faisons tout cela dans le cadre du processus de paix au Moyen-Orient et nous pensons qu'il faut travailler dans tous ces domaines.

LE PRÉSIDENT - D'abord sur la Syrie, nous souhaitons naturellement que la Syrie réintègre complètement sa place qui est importante au sein de la communauté internationale. Dans cet esprit, nous soutenons activement les négociations qui sont actuellement, je l'espère, en train de se terminer pour l'Accord d'association Union européenne-Syrie. J'espère, en tous les cas nous agissons dans toute la mesure du possible dans ce sens, que ces négociations pourront se terminer, que cet accord pourra être signé à Bruxelles avant la fin de l'année ou au début de l'année prochaine. Pour ce qui concerne plus généralement le processus de paix au Proche-Orient, je n'ai rien à ajouter à ce que vient de dire le Premier ministre. Nous pensons qu'il ne faut jamais désespérer, quelle que soit la difficulté des situations et nous avons bien conscience que la situation est difficile. Ce qui veut dire qu'aujourd'hui, dans le cadre existant, c'est-à-dire celui du Quartet, il faut à nouveau prendre des initiatives, peut-être par exemple par la réunion de la conférence internationale qui était prévue en début de la deuxième phase par la lettre de mission. De ce point de vue, je le répète, nous sommes tout à fait en phase et nous soutenons l'action de la Grande-Bretagne pour essayer de faciliter des initiatives tendant à permettre un début de discussion de paix autour d'une table, entre les protagonistes au Proche-Orient.

QUESTION - Est-ce que je pourrais reposer cette question au Président ? Est-ce que la primauté de l'OTAN pose un problème à la France et de manière générale, est-ce que je peux revenir à la Constitution européenne ? Pensez-vous, Messieurs, que c'est quelque chose qui est d'ores et déjà accepté et que, à priori, vous allez réussir à faire accepter par d'autres pays ?

M. BLAIR - Pour ce qui est de la Constitution, bien évidemment il est important que l'on trouve un accord et c'est précisément ce que nous essayons de faire. Nos positions ont été précisées très clairement, elles ont été redites à plusieurs reprises et nous allons essayer de faire en sorte que les choses fonctionnent. Pour ce qui est de l'OTAN, je laisserai le Président répondre mais je pense qu'il est important de bien voir que le moment est venu de dire que personne en Europe ne souhaite que la défense européenne se fasse au détriment de l'OTAN. L'OTAN va rester le coeur de notre système de défense. Il est important de bien voir, parce qu'il y a pas mal d'incompréhension à ce sujet, que la défense européenne s'applique à des tâches de maintien de la paix. C'est quelque chose que nous faisons d'ores et déjà à l'heure actuelle en Macédoine donc il est important de maintenir notre capacité pour le faire. Comme je vous le disais, il est très clair que les gens ne veulent absolument pas que cela entrave ou soit un bâton dans les roues de l'OTAN, absolument pas, bien au contraire.

LE PRÉSIDENT - Je partage tout à fait ce que vient de dire Tony Blair. Je voudrais vous dire, cher Monsieur, que la France n'a pas de problème avec l'OTAN. Nous avons notre statut qui est ce qu'il est, nous avons été totalement impliqués dans toutes les modifications qui sont intervenues récemment. Lorsqu'il s'est agi de créer la NATO Response Force, on nous a demandé d'être présents et nous l'avons été. Nous sommes même le premier contributeur ! Donc la France n'a pas de problème avec l'OTAN, aucun problème, à partir du moment où on la respecte, elle n'a aucun problème. Notre conception de la défense européenne, c'est une conception qui ne saurait en aucun cas être en contradiction avec l'OTAN, je tiens à ce que cela soit clair. Ni les Allemands, ni les Français ne souhaitent de près ou de loin prendre une initiative quelconque qui soit en contradiction avec l'OTAN qui, comme l'a dit le Premier ministre à l'instant, est le coeur de notre système de défense, on ne va pas attaquer son coeur. Donc il n'y a, de ce point de vue, aucun problème.

En revanche, nous considérons qu'il y a des opérations qui peuvent être conduites, on a parlé de la Macédoine, on aurait pu parler de L'Ituri, de même des Balkans. Il y a des opérations qui ont besoin de pouvoir être conduites. Une opération, pour être conduite, il faut qu'elle ait été préparée, conçue, et ensuite qu'elle soit commandée. Alors vous direz, nous avons pour cela des états-majors nationaux, c'est exact mais ce que nous voudrions, c'est une défense aussi efficace que possible. Nous voudrions donc qu'il y ait une organisation, une harmonisation, pas de double emploi. Donc, ce que nous proposons, et ce que nous discutons actuellement avec nos amis britanniques, c'est un système qui soit totalement cohérent avec l'OTAN, qui ne soit pas susceptible de près ou de loin d'apporter une difficulté quelconque ou un affaiblissement à fortiori quelconque de l'OTAN mais qui donne un surplus d'efficacité et de personnalité à l'Union européenne.

QUESTION - Monsieur le Président, vous parlez justement de rendre cette force européenne très capable, très efficace. Pour être efficace a-t-elle donc besoin, au-delà de la théorie, d'un siège pratique, d'un siège ponctuel et où voulez-vous qu'il se trouve ? Est-ce qu'à ce moment-là cette force, ces états-majors devraient informer l'OTAN auparavant de leurs opérations ?

Et j'ai une question à votre endroit M. BLAIR. Vous avez dit que vous étiez d'accord, en théorie, avec cette force de réaction rapide. Mais est-ce que, côté britannique, la question du siège pose problème, et pensez-vous que cette force de réaction rapide devra informer l'OTAN avant d'agir ?

M. BLAIR - Tout d'abord, pour ce qui est de la façon dont la force de défense européenne fonctionnerait, eh bien à l'heure actuelle, les choses fonctionnent de façon particulièrement transparente et cela ne pose aucun problème vis-à-vis de l'OTAN. Ce qui est important, c'est de bien voir quel est le concept. Le concept est le suivant : si l'OTAN ne souhaite pas s'engager, eh bien à ce moment-là, l'Europe a une capacité d'agir. Sinon, à ce moment-là, dès lors qu'il y aurait un problème dans les Balkans ou en Macédoine, eh bien, on serait complètement paralysés. Avec tous les points chauds qui existent dans le monde, il est donc important de disposer de cette capacité.

Maintenant, pour ce qui est de toutes ces autres questions, il est important pour ce qui est des détails pratiques, de faire en sorte que ce dont nous disposons soit quelque chose de pratique qui n'entrave pas l'OTAN. C'est de cela dont il s'agit et il y a cinq ans et demi, nous en avons déjà parlé à Saint-Malo. Si on ne s'était pas mis d'accord à Saint-Malo, cela aurait voulu dire qu'on aurait rien, absolument rien pu faire. Et depuis Saint-Malo, nous avons fait le Kosovo avec l'OTAN ; nous avons fait l'Afghanistan par le biais des Nations Unies et dans une coalition. Nous venons de faire l'Iraq, quelles que soient nos divergences, nous avons fait cela avec les Etats-Unis. Nous avons fait la Sierra Leone seuls de notre côté. Je mentionne cela simplement non pas pour vous dire tous les conflits militaires auxquels nous avons participé mais pour essayer de vous expliquer qu'il ne fait aucun doute que l'Alliance atlantique va rester un pilier de notre défense. Et il est tout à fait normal que nous soyons en mesure d'agir dès lors que l'OTAN ne souhaite pas agir. Toutes les autres questions sont des détails mineurs qui pourront être réglés dans la pratique.

Je trouve que ce qui a été le plus difficile au cours de ces quelques dernières années, c'est de faire comprendre aux gens qu'il n'y a pas d'alternative entre, d'un côté, nos relations transatlantiques et notre position centrale en Europe. Tout pays intelligent au 21ème siècle souhaiterait maintenir et entretenir ces deux liens parce que ces deux liens sont importants. C'est précisément ce que nous allons continuer à faire à l'avenir. Dès lors qu'il s'agit de peaufiner les détails sur la défense européenne, eh bien je dis aux gens : "penchez-vous vraiment sur la question pour essayer de voir ce qui se fait et l'OTAN est particulièrement compétente en la matière, c'est clair".

LE PRÉSIDENT - Vous savez, vous avez soulevé un ou deux points de détails qui ont naturellement leur importance. Nous trouverons un accord avec nos amis britanniques, cela ne fait aucun doute, pour une raison simple que j'évoquais tout à l'heure au début de mon propos : entre partenaires, quand on se méfie, alors on a toutes les chances d'échouer. Quand on a confiance, on trouve une solution et nous sommes aujourd'hui déterminés à manifester notre confiance et à écarter la méfiance. C'est ce qui me permet de vous dire que nous aurons une solution.

QUESTION - Monsieur le Premier ministre, une question sur l'Irlande du Nord. Il semble que les partis opposés à l'accord soit en assez forte position pendant la campagne en Irlande du Nord. Pensez-vous que l'Assemblée et le gouvernement pourront être établis ?

M. BLAIR - Je crois que l'élection en Irlande du Nord va être un moment très important, un tournant dans la vie politique nord-irlandaise. Je ne suis pas en mesure de prendre de nouvelles décisions, je ne peux pas renégocier les accords, je ne peux pas réécrire les textes qui ont déjà été acceptés. C'est donc au peuple d'Irlande du Nord de décider par lui-même. C'est aux électeurs nord-irlandais de dire si, aujourd'hui, l'Irlande du Nord est un lieu plus agréable, si la situation est meilleure qu'elle ne l'était il y a cinq, six ou dix ans. C'est sur cette base-là que les électeurs vont devoir s'exprimer. Chacun doit jouer son rôle pleinement et j'espère que les citoyens d'Irlande du Nord se souviendront que, malgré les frustrations, malgré les difficultés, malgré les différences, la situation actuelle est bien meilleure qu'elle ne l'était il y a quelques années. Cela n'est le cas que parce que des hommes courageux ont pris la peine de venir ensemble, de négocier ensemble et c'est pourquoi j'incite les électeurs d'Irlande du Nord à venir, à voter, à exprimer leur choix à cet égard plutôt que de rester chez eux. Et j'espère qu'on se tournera vers l'avenir plus que vers le passé mais c'est aux citoyens de décider eux-mêmes. Merci à chacun.





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