Carcassonne, Aude, le jeudi 6 novembre 2003
LE PRÉSIDENT - Mesdames, Messieurs, d'abord merci de votre présence à toutes et à tous, Espagnols, Français ou d'autres nationalités qui ont bien voulu se déplacer pour notre XVIème Sommet.
Vous comprendrez que je remercie tout d'abord le maire de Carcassonne que je connais depuis longtemps c'est un ami et les autorités civiles et militaires du département qui ont fait de leur mieux pour accueillir le Président AZNAR et nos deux délégations.
Avant tout, je voudrais dire que j'ai appris, tout à l'heure, avec beaucoup de tristesse et de consternation l'accident d'hélicoptère « Gazelle » qui semble s'être pris dans une ligne à haute tension et qui s'est écrasé faisant quatre morts, personnels civils et militaires des armées. Je voudrais exprimer, au nom du Président AZNAR et en mon nom, aux familles, aux amis des victimes toute notre compassion et toute la tristesse que nous avons eue en apprenant cette nouvelle.
Nous avons eu notre XVIème Sommet et en le concluant, je disais à M. AZNAR et à sa délégation ce qui m'avait beaucoup frappé depuis huit ans. Ces huit ans ont été caractérisés par le bond en avant de l'Espagne dans tous les domaines : ceux du développement économique, du progrès social, de l'affirmation européenne et de la présence internationale. Or, j'ai été frappé par la nature des relations entre l'Espagne et la France : ce sont au fond des relations que peuvent avoir deux soeurs latines, deux soeurs avec tout ce que cela implique parfois d'irritabilité, mais tout ce que cela implique aussi de relations très profondes.
Lorsque l'on regarde les relations entre pays européens qui, avec la construction de l'Europe, se sont toutes renforcées, et du point de vue de la France, il y a en fait deux relations particulières : une relation avec l'Allemagne pour des raisons historiques et en raison d'une vision commune de l'avenir de l'Europe qui est une relation forte, et qui est une relation d'amis, d'amis intimes. D'autre part, il y a une relation en quelque sorte de soeurs entre l'Espagne et la France, quel que soit tel ou tel point de divergences qui ne masque pas les points très profonds de convergence et l'intimité croissante qui s'est développée entre nos deux pays dans beaucoup, beaucoup de domaines parmi les plus essentiels, qui vont de l'ordre public jusqu'à l'interconnexion électrique, en passant par la lutte pour l'environnement et la pollution maritime ou beaucoup d'autres sujets. Ils font qu'en particulier la France et l'Espagne sont l'une pour l'autre pratiquement le premier partenaire dans le monde.
Il y a donc quelque chose de très fort et de particulier. S'agissant de la France et parlant en son nom, je dirais qu'elle a, c'est vrai, deux relations très particulières avec deux Etats européens : l'Allemagne et l'Espagne qui sont quelque chose qui mérite d'être souligné.
Au cours de ces entretiens, nous avons évoqué tout ce que nous avons en commun : les points d'accord, c'est-à-dire 90% et les points de désaccord, c'est-à-dire le reste. Nous avons évoqué d'abord les problèmes européens. Sur ce point, nous avons beaucoup de convergence de vues et une divergence de vues qui concerne les propositions de la Convention concernant la majorité qualifiée. Sur le reste et pour l'essentiel, nous avons une grande convergence de vues et une vision commune de l'Europe de demain, une volonté de l'approcher ensemble.
Nous avons également évoqué les problèmes de la défense, de la politique européenne de défense pour constater une convergence de vues. Nous avons décidé d'approfondir avec nos collègues britannique, allemand, belge, luxembourgeois et maintenant grec, notre conception commune de la défense européenne impliquant, cela va de soi, un parfait respect de nos engagements à l'égard de l'OTAN.
Nous avons ensuite abordé les problèmes bilatéraux, pour d'abord constater l'approfondissement constant de notre relation sur le plan de la justice et de la police. Nos deux ministres de la Justice ont signé tout à l'heure, en notre présence, un nouveau document permettant des enquêtes communes. Nous avons là un élément très, très solide de coopération comme la France et l'Espagne n'en ont avec aucun autre pays.
Nous avons également évoqué les problèmes économiques, non pas que nous ayons des divergences sur le plan économique, nous n'en avons aucune. Mais nous avons évoqué, en revanche, des problèmes de relations entre l'Espagne et la France au regard des transports, routes, autoroutes, interconnexions électriques, transport maritime, ferroviaire. De ce point de vue, nous avons constaté notre volonté commune de les développer. Cela va de soi, dans la mesure où c'est l'accompagnement indispensable du développement exceptionnel de nos relations économiques et de nos échanges. Ce développement des échanges suppose que l'on puisse transporter les personnes et les biens d'un côté à l'autre des Pyrénées.
Enfin, nous avons évoqué les problèmes internationaux : l'Iraq, naturellement, sur lequel nos engagements divergent et nous le savons et les autres sujets, notamment l'Iran, l'Afghanistan, le conflit israélo-palestinien sur lesquels nos analyses et nos conclusions sont, elles, tout à fait convergentes et de même nature.
Voilà, ce que nous avons fait aujourd'hui. Je vais laisser la parole au Président AZNAR avant de vous la donner.
M. AZNAR - Bonjour, à tous et, bien sûr, je vous remercie de votre présence. Je remercie tant les journalistes français qu'espagnols, toutes les personnes qui sont ici. Tout d'abord, je voudrais exprimer toute ma reconnaissance au Président CHIRAC, ainsi qu'à tous les membres du gouvernement français. Je les remercie de leur hospitalité chaleureuse. Encore une fois, cela a été un Sommet chaleureux, convivial, bien organisé. Je remercie également les autorités régionales et locales dont le concours a été très précieux pour faire de ce Sommet un moment très important dans les relations franco-espagnoles.
Je voudrais également vous dire que c'est le dernier Sommet franco-espagnol auquel je participe. Et il me semble qu'il est tout à fait judicieux et opportun, après huit ans, de faire un bilan des relations franco-espagnoles. Je veux dire que ces rapports franco-espagnols, dans tous les sens, ont connu un essor spectaculaire ; ce qui montre en effet la confiance extraordinaire et également l'intensité et la force de ces relations.
Pour ce qui concerne le partenariat économique et commercial, je disais à Monsieur CHIRAC que la France est le premier partenaire pour l'Espagne et que, maintenant, l'Espagne est le deuxième partenaire commercial pour la France, deuxième pour ce qui concerne les importations et troisième pour ce qui concerne les exportations.
Ceci montre quelle est la force de ce partenariat économique et commercial, ceci équivaut également à souligner la force de nos convergences politiques. Comme Monsieur CHIRAC l'a dit, il y a des susceptibilités familiales, il y a des divergences d'opinions sur certains points, comme cela arrive dans toutes les familles. Mais je voudrais également dire en ce qui concerne la coopération en matière policière, judiciaire, la lutte contre la criminalité organisée, l'immigration illégale et le trafic de drogue que cette coopération a atteint des niveaux extraordinaires de performance entre nos deux pays.
Nous aurons désormais des équipes d'enquêtes communes dans les deux pays après l'accord qui a été signé par les deux ministres de la Justice. Il s'agit d'un accord très important qui aurait été impensable il y a quelques années. Et le fait que nous puissions dire maintenant que l'on a renforcé les mécanismes et les moyens de lutte anti-terroriste en France est un élément extraordinairement favorable pour nous.
Nous avons également confirmé qu'avant la fin 2003, on va choisir un candidat et avoir le résultat de l'appel d'offres pour réaliser la liaison ferroviaire Figueras-Perpignan. Cette liaison ferroviaire est extraordinairement importante pour nous. Nous avons aussi parlé du calendrier des travaux d'infrastructures en 2004, notamment les interconnexions électriques.
Pour ce qui concerne les résultats, il s'agit donc d'un Sommet qui a été extraordinairement porteur. Mais il n'y a pas que cela. Il y a également l'expression de toute une politique qui a été développée pendant huit ans entre la France et l'Espagne et je crois que le bilan est extraordinairement positif.
Je voudrais pour cela exprimer toute ma reconnaissance à Monsieur le Président CHIRAC car je sais qu'il a été lui-même le moteur personnel du renforcement de ces relations. Il en a donné deux exemples pour la France. Il y a un exemple tout à fait clair dans le cadre européen, il a parlé des relations entre la France et l'Allemagne et du partenariat entre la France et l'Espagne qui sont de nature différente.
Je voudrais donc rendre hommage au travail, à l'engagement personnel de Monsieur CHIRAC, de même qu'aux travaux des différentes équipes qu'il a mises en place en tant que Président de la République et qui l'ont secondé dans ses tâches.
Pour revenir à notre Sommet, je vous ai donné quelques exemples plus que satisfaisants quant à l'avancement de notre coopération en matière judiciaire, policière, en matière de mise en oeuvre d'équipements routiers, ferroviaires et d'interconnexions électriques.
Pour ce qui concerne les questions internationales déjà évoquées par Monsieur CHIRAC, je voudrais exprimer notre satisfaction dans ce domaine également et remercier de cette occasion qui nous a été donnée de collaborer. Je voudrais exprimer toute ma confiance pour ce qui concerne les relations franco-espagnoles à l'avenir. Merci beaucoup.
QUESTION - Monsieur CHIRAC, je voudrais savoir quel est votre avis sur le plan de souveraineté du président du gouvernement basque ? Il y a là un effet de revendications sur le territoire basque en France. Je voudrais également poser une question à M. AZNAR : quel est l'engagement que vous attendez de la France et de l'Union européenne pour faire face à ce plan basque ?
LE PRÉSIDENT - Je n'ai pas de réponse particulière à faire. C'est une affaire intérieure à l'Espagne et donc je me rallie et je soutiens l'avis qui sera exprimé par le Président AZNAR.
M. AZNAR - Comme vous n'êtes pas sans savoir, le gouvernement de la région autonome basque a, en effet, présenté une proposition de réforme de la Constitution. Il n'a pas suivi pour autant les circuits légaux. Il s'agirait tout simplement d'une proposition de sécession d'une partie du territoire espagnol, ce qui est impossible dans le cadre constitutionnel espagnol, ce n'est pas possible non plus dans le cadre légal de l'Union européenne et dans les principes du droit. Je pense donc qu'il n'y a aucune possibilité de la mettre en oeuvre et notre gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires sur le plan juridique et sur le plan politique en ce sens.
Bien entendu, il n'est pas nécessaire de dire que nous n'accepterons jamais de proposition qui vise à séparer, à faire sécession d'une partie de notre territoire. Même chose, d'ailleurs, je pense pour l'Union européenne, toute proposition de sécession d'une partie d'un territoire de l'Union ne pourrait jamais être acceptée. Et le vent va dans le sens contraire, si je peux me permettre de le dire. Si en plus, il s'agit de revendications sur des territoires d'autres Etats membres, je crois que l'on a abandonné toute logique, tout sens commun et cela ne vaut même pas la peine d'être commenté. Ce n'est pas sérieux. Ce n'est pas crédible du point de vue politique.
QUESTION - Deux questions à M. CHIRAC : je voudrais savoir, après ce que vient de dire le Président AZNAR qui a parlé de sécession, quel développement cela pourrait-il avoir et est-ce que cela pourrait créer un précédent pour un territoire comme la Corse ? Ensuite, je voudrais poser une question sur le Sahara. En effet, la France a adopté, a approuvé la résolution de Conseil de sécurité sur le plan BAKER, mais lors de votre dernier voyage au Maroc, vous avez dit, que vous alliez soutenir des revendications marocaines qui ne rejoignent pas du tout le plan BAKER. Pouvez-vous en dire quelques mots ?
LE PRÉSIDENT - Sur le premier point, je n'ai rien à ajouter à ce qu'a dit le Président AZNAR, je partage entièrement l'avis qu'il a exprimé. Sur le deuxième point, d'abord, je crois que s'est excessif de dire que la position actuelle est très éloignée du plan BAKER. Deuxièmement, je confirme que la France, comme elle le fait depuis longtemps, soutient autant que faire se peut la position du Maroc dans cette affaire.
QUESTION - Ma question est adressée à tous les deux : cette semaine, les Nations Unies ont quitté l'Iraq, enfin, temporairement en tout cas, le CICR, l'Espagne retire une partie de ses diplomates. Et le Pentagone a fait savoir qu'il envisageait de retirer un quart de ses effectifs, avant le printemps. Est-ce que vous ne pensez pas que l'on est arrivé aujourd'hui à une période charnière pour l'Iraq ?
M. AZNAR - Je dois dire que l'Espagne est présente en Iraq et que nous avons l'intention de continuer à être présents en Iraq, que pour ce qui concerne nos représentants diplomatiques, tant pour ce qui concerne la présence d'experts qui travaillent à la reconstruction de l'Iraq et également, les forces militaires qui sont déployées pour garantir la sécurité, la liberté, la stabilité du pays. Il n'y a donc nullement d'ordre ou d'intention de retrait, que se soient de personnels diplomatiques ou que se soient d'experts ou encore de personnels militaires. Il y a tout simplement une décision du gouvernement espagnol de regrouper tous les personnels civils qui se trouvent maintenant à Bagdad sur un seul site, dans un seul immeuble, pour des questions de sécurité. Et, entre temps, bien entendu, on prend toutes les mesures nécessaires. C'est tout ce que je peux dire.
Par ailleurs, mon souhait est toujours le même et je l'ai exprimé depuis le début. A savoir que dans les délais les plus brefs, l'Iraq soit souverain, soit un pays souverain, démocratique, qui ait la pleine décision de ses ressources et qui puisse être intégré à la communauté internationale et en faire partie d'une façon tout à fait normale. Pour cela, il faudra, bien entendu, retransférer l'autorité, la souveraineté aux autorités iraquiennes le plus rapidement possible. C'est mon souhait et nous nous y employons. Mais quant à l'engagement espagnol, il reste tout à fait valable comme il l'a toujours été et vous le savez bien.
LE PRÉSIDENT - Je voudrais simplement, puisque j'ai été également questionné, dire que nous avons une situation, des Espagnols et des Français aujourd'hui différente, en raison des positions prises au moment de la guerre en Iraq. Mais nous avons le même objectif : c'est celui que vient d'évoquer, à l'instant, le Président AZNAR. Nous sommes pour arriver le plus vite possible et le mieux possible à un retour à la souveraineté du peuple iraquien, à un système démocratique aussi, ce qui veut dire une Constitution et des élections et à la remise aux Iraquiens de la disposition de l'ensemble de leurs moyens et de leurs ressources. Et plus vite cela se fera, à mon avis, mieux cela vaudra. Nous ne sommes pas sur la même position, mais nous avons les mêmes objectifs.
QUESTION - Monsieur le Président, la confiance des Français dans le Gouvernement semble atteindre des débats un peu inquiétants, on a même senti la semaine dernière une crise interne entre le Premier ministre et un de ses ministres importants, au point qu'un hebdomadaire s'interroge sur l'avenir de votre Premier ministre et se demande si cela ne serait pas la fin···Est-ce que vous êtes déçu par l'action du Gouvernement ? Et est-ce que vous envisageriez sa fin ?
LE PRÉSIDENT - Je vais vous dire, ne croyez jamais tout ce qui est écrit dans la presse.
QUESTION - Vous avez évoqué les questions européennes, alors je voudrais savoir quelle est votre opinion sur le rapport de la Commission européenne sur l'élargissement qui a été publié hier, notamment sur les deux pays qui sont encore en voie de négociations ?
M. AZNAR - Le rapport de la Commission parle tout simplement de l'état de la situation des pays candidats. Il s'agit donc des dix pays qui vont maintenant adhérer à l'Union, très très prochainement. Et ils se trouvent à des étapes différentes. C'est tout à faire normal, des étapes différentes pour ce qui concerne, en quelque sorte, le rapprochement au patrimoine européen et donc ils sont plus ou moins proches de l'Union. Mais la Commission, quoi qu'il en soit, est convaincue que ce qui n'est pas encore fait, tout ce qui manque pour être tout à fait proche de l'acquis communautaire, sera fait prochainement et moi, j'en suis également convaincu. L'élargissement, bien entendu, c'est une entreprise de grande envergure. Ce n'est nullement facile et c'est tout à fait normal qu'il y ait quelques dérèglements par-ci par-là. Pour ce qui concerne maintenant les autres pays qui sont en train de négocier, notamment la Bulgarie et la Roumanie, la position espagnole et la position française, je crois, sont tout à fait convergentes. Nous souhaitons que la Bulgarie et la Roumanie puissent entrer le plus rapidement possible, dans les délais prévus, qu'ils soient partenaires de l'Union. Nous espérons qu'ils puissent faire ce parcours de la façon la plus avantageuse et rapide possible.
LE PRÉSIDENT - Exactement la même position.
QUESTION - Dans la mesure où vous avez tous les deux souligné la confiance réciproque entre les deux pays, quel rôle vous attribuez-vous, si je puis m'exprimer ainsi, pour essayer de débloquer le différend sur le projet de Constitution européenne et notamment la question de la majorité qualifiée ? Est-ce que c'est quelque chose que vous allez laisser jusqu'au débat final, au Sommet de Bruxelles ?
M. AZNAR - Comme vous le savez, j'aime tellement la France, que je suis amoureux de Nice. Donc, puisque je suis amoureux du Traité de Nice, je crois que l'apport que nous avons tous apporté à Nice était très intéressant, très avantageux pour l'avenir de l'Europe. En effet, nous sommes parvenus à un accord ; il s'agissait non seulement d'un accord à quinze mais d'un accord à vingt-sept. Or, nous avons présenté cet accord comme l'aboutissement des réformes institutionnelles pour pouvoir franchir ce pas historique. Bien entendu, il peut y avoir des avis différents, mais je pense qu'à Nice, il y avait un consensus qui n'existe pas aujourd'hui autour de la Convention pour ce qui concerne le paquet institutionnel. Je pense que le respect de l'acquis communautaire, le respect des mandats qui ont été donnés et des engagements qui ont été pris est un élément important qui aurait pu être pris en compte.
On aurait pu parvenir à un accord tout à fait utile si l'on n'oubliait pas les engagements de Nice. Je dis cela, bien entendu, avec beaucoup de respect pour tous les avis contraires, mais je crois que Nice était un parcours avantageux, c'était un bon choix, une bonne décision européenne. J'ai donc été tout à fait en faveur et je suis toujours en faveur de cette décision. J'espère que nous pourrons trouver une bonne solution -si c'est Nice, c'est encore mieux-, donc quelque chose qui nous permette de mettre en oeuvre les dispositions du Traité institutionnel. Comme vous le savez, j'ai eu, en partie, une éducation française et vous voyez là quel est mon degré d'enthousiasme pour la France.
LE PRÉSIDENT - Je voudrais simplement rajouter, puisque la question était, je crois, adressée à nous deux, que nous avons là un point de divergence dans notre approche entre l'Espagne et la France. Je vous l'ai dit tout à l'heure, il n'y en a pas beaucoup, ç'en est un. Eh bien, nous allons laisser la discussion se développer, nous allons laisser la Présidence, ce qui est sa vocation, faire son travail qui consiste à essayer d'élaborer un accord qui puisse être consensuel. Et puis nous verrons, au terme de ce travail, quelle est la position définitive que nous prendrons. Nous ne pouvons pas aller plus loin aujourd'hui. Je le répète, c'est un point de divergence entre l'Espagne et la France. Ce n'est pas un point qui est de nature à mettre en cause la solidité et la réalité de nos relations, naturellement.
M. AZNAR - Si vous le permettez encore, je crois qu'il suffit de voir, de rappeler le niveau de convergence européenne entre la France et l'Espagne, je crois que l'on pourrait dire que l'on a été d'accord 95 % des fois. ll y a quelques divergences, comme l'a dit Monsieur CHIRAC, mais enfin, soyons confiants.
LE PRÉSIDENT - Cela a permis, notamment, de progresser dans le domaine économique et notamment de ne pas mettre en pièce la politique agricole commune, entre autres choses bien nombreuses. Je voudrais le dire.
QUESTION - C'est une question pour M. AZNAR. Je pense que vous avez dit que l'on avait renforcé les dispositifs et les moyens en personnels français en matière de lutte anti-terroriste. Pourriez-vous préciser de quoi s'agit-il, de quel renforcement s'agit-il et est-ce que vous êtes satisfaits, est-ce que l'Espagne est satisfaite si tant est qu'il y avait des demandes de la part de l'Espagne ?
M. AZNAR - Pour ce qui concerne la lutte anti-terroriste, je crois que la discrétion est un principe essentiel. Les ministres de l'Intérieur en ont déjà dit quelques mots : il y aura, en effet, un accroissement pour ce qui est des moyens en personnels du gouvernement français. Je crois également pour la Gendarmerie, notamment et pour la police chargée de la lutte anti-terroriste, il y aura donc un renforcement notamment pour lutter contre le terrorisme basque. Il s'agit d'un élément très très important. Il y a également un accord qui me paraît particulièrement important et porteur, il s'agit donc de la création des équipes d'enquêtes communes en France et en Espagne. Il s'agit d'équipes qui sont pilotées sur le plan judiciaire qui nous permettront de faire des travaux que nous n'avions pas encore pu mener à bien. La collaboration est très étroite.
Ce que je viens de vous dire en est une illustration claire quant à, disons, toutes les propositions qui pourraient mettre en danger l'intégrité ou la stabilité de nos Etats. Ce sera toujours une préoccupation commune et des réponses communes. Il y aura donc un renforcement des moyens en matériel et en personnels. Sur le plan politique, nous sommes tout à fait en convergence pour les réponses à donner aux activités terroristes et, bien entendu, également pour la lutte contre tout ce qui pourrait se prévaloir du terrorisme pour atteindre des fins politiques.
QUESTION - Monsieur AZNAR m'excusera, mais c'est pour Monsieur CHIRAC. Nous venons de connaître le plan de solidarité à l'égard des personnes âgées en France et ce plan comprend notamment la suppression d'un jour férié, probablement le jour de la Pentecôte. Pensez-vous que cette innovation est de nature à résorber le problème du financement des personnes âgées ?
LE PRÉSIDENT - Ce n'est pas un problème qui intéresse directement nos amis espagnols, mais ils me permettront néanmoins de dire un mot de réponse. Les défis que posent actuellement en France, d'une part, le handicap et, d'autre part, le vieillissement, devaient être relevés. Et pour ce faire, il fallait une vraie réforme. Ce n'est pas simplement une petite amélioration ici ou là. C'est ici une vraie réforme pour prendre en compte ce que nous devons soit aux personnes handicapées, soit aux personnes touchées par la vieillesse et, à ce titre, dépendantes d'une façon ou d'une autre et qui sont en réalité nos pères, nos grand-pères, nos arrière-grand-pères, des hommes, des femmes à qui nous devons la solidarité. Ils ne bénéficient pas aujourd'hui du niveau qu'il est légitime de trouver dans une nation riche comme les nations européennes en général, ou la France en particulier.
Alors, grâce à cette réforme de grande ampleur qui a été annoncée aujourd'hui par le gouvernement, de nouveaux droits, c'est cela qui est l'essentiel, répondront concrètement à des situations humaines difficiles que connaissent de nombreuses personnes ou de nombreuses familles.
Ce qui veut dire que par cette réforme, aujourd'hui, une pierre importante est ajoutée à notre système de protection sociale, un complément important à notre système de protection sociale. Le droit à la compensation du handicap est créé. C'était une ambition légitime, exprimée par les uns ou les autres, mais qui, jusqu'ici, n'avait pas été mise en oeuvre. Ce qui maintenant est fait. Et une nouvelle branche de protection sociale va se mettre en place. Donc, une très grande réforme.
Alors, c'est également une réforme novatrice en ce qu'elle associe la garantie nationale de l'égalité des droits et une gestion personnalisée et de proximité. Pour son financement, elle mobilisera à la fois le travail et le capital dans un indispensable effort national de solidarité. A ce titre, je crois qu'un pas important est fait par le gouvernement, grâce à une réforme qui a été longuement étudiée, approfondie, mise au point et qui a été aujourd'hui effectivement annoncée par le Premier ministre, ce dont je me réjouis.
Je vous remercie.
|