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Centre de presse - Hanoï, Vietnam, le vendredi 8 octobre 2004.
LE PRESIDENT - Mesdames, Messieurs,
Je voudrais d'abord exprimer aux autorités vietnamiennes ma gratitude et ma reconnaissance, d'abord pour l'accueil qu'elles ont bien voulu me réserver à l'occasion de cette
visite officielle, dont je garderai un souvenir fort et chaud. Et ensuite, pour la façon dont elles ont remarquablement organisé cette réunion de l'ASEM, qui a été bien préparée
et bien organisée par ceux qui en avaient la responsabilité, c'est-à-dire la Présidence vietnamienne.
Je voudrais également remercier la population de Hanoi, qui a été comme toujours dans ces cas-là, fortement perturbée par la présence et les conséquences des déplacements d'un grand nombre de Chefs d'Etat et de Gouvernement et d'un grand nombre de délégations et qui, tel que nous avons pu l'observer, l'a supporté avec beaucoup de gentillesse, beaucoup de dignité. Et je tiens à saluer cette sympathique réception, ce sympathique accueil qui nous a été réservé par les Hanoiens.
L'ASEM, chacun le sait, c'est le cadre privilégié du partenariat global, politique, économique, social, culturel entre l'Asie et l'Europe et, à ce titre, cela a une importance croissante avec l'élargissement de l'Europe et avec le progrès économique spectaculaire de l'Asie.
L'Asie représente aujourd'hui avec l'Europe 41% du Produit intérieur brut mondial et 55% des échanges commerciaux mondiaux. C'est dire l'importance des conséquences d'un dialogue et d'une harmonisation entre les actions des différents pays qui composent ces deux grands blocs.
Le sommet de Hanoi a montré que ce dialogue arrivait aujourd'hui à maturité. De nombreux points de convergence sont apparus et ont été développés entre l'Europe et l'Asie, notamment, en ce qui concerne le renforcement du multilatéralisme et de la prise en compte des défis globaux, en particulier le respect de la diversité culturelle. Ce sont des sujets, vous le savez, auxquels la France est particulièrement attachée.
Ce sommet a également été marqué par le premier élargissement de l'ASEM, avec les pays européens et trois nouveaux pays asiatiques.
Nos travaux de jeudi soir ont essentiellement porté sur les questions régionales. Ont été évoquées un certain nombre de situations, et tout particulièrement les situations de crises régionales, en particulier, la Birmanie et la péninsule coréenne.
Les travaux de ce matin ont été consacrés aux défis globaux, c'est-à-dire le terrorisme, la prolifération des armes de destruction massive, le crime transnational. Nous avons également longuement évoqué les menaces que font courir au monde les épidémies et la dégradation de l'environnement. De ce point de vue, de très intéressantes déclarations ont été faites, notamment par le Premier Ministre du Japon.
Nous avons également évoqué, dans ce cadre, l'organisation de la société internationale et donc le renforcement de l'ONU. J'ai dit comment la France voyait les modifications ou les évolutions nécessaires à l'ONU, sous réserve du rapport commandé par le Secrétaire Général, qui a été élaboré par un certain nombre de personnalités de premier plan qui feront des propositions. J'ai rappelé que cette réforme devait s'inscrire dans une perspective globale, ce qui supposait que soient pris en compte l'ensemble des facteurs favorisant le développement des crises, la pauvreté, la violation des droits de l'Homme, la répartition inégale des richesses, l'ignorance. En affirmant qu'il n'y aura pas de développement stable ou durable qui ne s'appuie sur une solution à ces problèmes, j'ai eu l'occasion d'intervenir cet après-midi sur ce point. La mondialisation est effectivement, chacun le sait, porteuse d'avantages, dans la mesure où elle est créatrice de richesses, mais elle est également dangereuse et ne peut être bénéficiaire qu'à condition d'être maîtrisée et humanisée.
Au cours du déjeuner, nous avons abordé l'avenir de l'ASEM et en particulier le débat sur élargissement ou pas ; l'approfondissement ou non. Je crois qu'il n'y a pas de contradiction entre ces deux orientations et qu'on peut très bien prendre en considération les éventuelles candidatures de nouveaux membres comme l'Inde, la Russie ou le Pakistan, et en même temps essayer de s'organiser pour approfondir le dialogue. De ce point de vue, la Présidente des Philippines a fait une proposition à laquelle la France souscrit bien volontiers, qui est l'organisation d'un petit secrétariat, simplement pour faciliter l'organisation de nos travaux et la suite qui doit leur être donnée. J'ai pour ma part proposé qu'en attendant d'avoir ce petit secrétariat, l'Ambassadeur à l'ONU de la puissance organisatrice, c'est-à-dire aujourd'hui du Vietnam, soit chargé par l'ensemble de l'organisation d'assurer l'information des différentes chancelleries concernées.
Nous avons cet après-midi évoqué les questions économiques et réaffirmé notre volonté de renforcer ce partenariat évident entre l'Europe et l'Asie. Il y a eu, de ce point de vue, de très intéressantes observations, notamment celles qui ont été présentées par M. LEE, le Premier ministre de Singapour. J'ai également appelé nos partenaires à approfondir la réflexion sur la création d'une enceinte politique de gouvernance économique, sociale et environnementale de la mondialisation, ce qui, je le crois, est indispensable en particulier au niveau de l'ONU.
Demain s'ouvrira la session consacrée à la diversité culturelle. Je ne pourrai malheureusement pas y assister, puisque je pars ce soir pour la Chine avec un certain nombre d'entre vous, d'ailleurs. Mais j'ai déjà eu l'occasion de faire connaître notre point de vue et qui ne peut être que répété. J'ai eu l'occasion d'en parler de façon approfondie dans les entretiens que j'ai eus avec le Président de la République du Vietnam, avec le Premier ministre et avec le Secrétaire général du Parti.
Voilà comment se sont passées les choses. En conclusion, je dirais que nous avons, me semble-t-il, franchi raisonnablement une nouvelle étape dans le renforcement du partenariat nécessaire entre l'Europe et l'Asie. Naturellement, beaucoup reste à faire et la France entend poursuivre son action au bénéfice de ce rapprochement, de cette harmonisation et de ce renforcement du partenariat entre l'Asie et l'Union européenne.
QUESTION - Monsieur le Président, il y a eu une explosion ce matin à l'Ambassade d'Indonésie à Paris. Est-ce que l'on pourrait avoir quelques phrases de votre part sur cette action criminelle ?
LE PRESIDENT - Je me suis entretenu tout à l'heure avec le représentant de l'Indonésie qui, compte tenu de la situation électorale dans ce pays, n'était pas le Chef d'Etat élu, mais le ministre des Affaires étrangères. J'ai été immédiatement tenu informé de cet accident. Il s'agit, semble-t-il, d'un acte criminel visant directement la représentation des intérêts indonésiens en France, cela c'est un fait. Et je condamne, vous l'imaginez, avec la plus grande fermeté cet acte d'autant qu'il a fait, je le rappelle, plusieurs blessés.
Le ministre de l'Intérieur français s'est immédiatement rendu sur place. Il a réuni ce matin la Commission de renseignement intérieur. L'enquête est en cours. A ce stade, l'origine et les auteurs de cet acte restent tout à fait inconnus et donc je ne saurais trop insister sur la prudence qu'il convient d'avoir dans les commentaires que l'on en fait. Je suis en tous les cas, aujourd'hui, à l'instant même, incapable de vous dire quelle est la nature des interprétations et des auteurs de cet attentat.
QUESTION - Monsieur le Président, pouvez-vous évaluer le rôle du Président du Vietnam au sein de l'ASEM 5 ? Et quelles sont vos analyses en ce qui concerne la situation économique du Vietnam, suite à votre visite d'Etat et suite à votre participation à l'ASEM 5 ?
LE PRESIDENT - Le Vietnam a, sans aucun doute, fait un progrès considérable dans tous les domaines. D'ailleurs, il suffit de se promener dans les rues ou de le survoler pour s'en rendre compte. Alors pourquoi ce progrès et comment ? Il se caractérise par une croissance forte, en tous les cas supérieure à 5 %, elle peut même atteindre 7 %. Donc une croissance forte. Deuxièmement, une stabilité politique. L'expérience nous prouve que c'est un élément essentiel du progrès économique. Troisièmement, une population jeune, extrêmement importante, puisque la moitié de la population au Vietnam a moins de 25 ans.
D'autre part, il y a une ouverture importante sur l'extérieur dans le domaine de la coopération économique, financière. Cela se traduit par une coopération importante, notamment entre la France et le Vietnam. Elle s'est fortement développée depuis quelques années et les perspectives sont extrêmement positives. Nous avons longuement parlé de ces problèmes avec les autorités vietnamiennes dans la partie bilatérale de mon voyage. En clair, moi j'ai une très bonne impression de la situation au Vietnam sur le plan économique et social et je souhaite que la France puisse être associée, dans le cadre de cette concertation et dans le respect de nos intérêts mutuels, au développement, que je prévois important, du Vietnam et de son économie.
QUESTION - Monsieur le Président, pourriez-vous nous donner vos remarques sur l'organisation par le Vietnam du 5ème sommet Asie/Europe ?
LE PRESIDENT - Cette organisation a été excellente. La préparation a été très bien faite. Le déroulement a été parfait. Je ne peux que féliciter et remercier les autorités vietnamiennes pour le travail exceptionnel qu'elles ont fait pour ce sommet.
QUESTION - Monsieur le Président, vous avez eu des discussions avec les dirigeants d'un pays qui a connu une terrible guerre avec les Etats-Unis. Est-ce que, à un moment donné, dans vos discussions, ils ont évoqué avec vous l'idée que la guerre en Irak pourrait être un nouveau Vietnam pour les Américains ?
LE PRESIDENT - Je crois que pour le Vietnam, qui est un pays qui a connu beaucoup de guerres, d'agressions dans sa longue existence, la caractéristique psychologique, c'est une étonnante capacité de résistance, qui n'a jamais limité les efforts constants de progression vers le sud de ce pays. Je parle là des quatorze derniers siècles. Résistance toujours victorieuse et progression du nord vers le sud. Ce sont les deux constantes. Alors, dans la période contemporaine il y a eu les deux dernières guerres du Vietnam. Nous n'avons pas évoqué ce sujet. Le Vietnam me semble délibérément tourné vers l'avenir et s'il respecte son passé comme nous, ce n'est pas un sujet de différence. Je dois dire que pour ce qui concerne les relations entre la France et le Vietnam, vous avez vu qu'elles ont été excellentes malgré l'histoire qui n'a pas été toujours tendre entre nous. Donc, aucune remarque de cette nature n'a été faite par mes interlocuteurs vietnamiens. Cela ne me serait pas, pour tout dire, venu à l'idée.
QUESTION - Monsieur le Président, la question du terrorisme a été évoquée ce matin. Un autre attentat a eu lieu ce matin à Taba. Est-ce que vous craignez que ce genre d'attentats puisse aboutir à l'escalade de la violence au Proche-Orient ? Et si vous le permettez, une autre question qui est indirectement liée, vous avez toujours parlé d'une paix globale qui réactive le volet syro-libanais avec Israël. Actuellement, il y a des discussions au sein de l'ONU sur la résolution 1559. Vous allez évoquer cela avec les Chinois lors de votre visite qui commence ce soir ?
LE PRESIDENT - Sur le deuxième point, nous évoquerons tous les problèmes avec les Chinois. Nous aurons de longs entretiens. Ce sont des entretiens confiants et je vous rappelle que nous avons depuis longtemps une coopération constante au niveau de nos ambassadeurs à New York sur tout ce qui touche les discussions ou négociations internationales et tout ce qui peut intéresser nos deux pays. Nous sommes d'ailleurs dans cette concertation également en permanence en liaison avec la Russie et l'Allemagne.
Donc, nous évoquerons effectivement tous les sujets.
Pour ce qui concerne l'attentat terroriste de Taba, je n'ai pas besoin de vous dire que je suis consterné, une fois encore, par le caractère insoutenable de ces actes. J'ai d'ailleurs immédiatement écrit au Président égyptien et au Premier ministre israélien pour leur faire part, comme tout le monde, de mon émotion, et je n'ai pas besoin de le dire, de ma condamnation. Cela veut simplement dire que ce terrorisme que nous avons longuement évoqué ce matin n'épargne personne. Depuis deux ans, vous voyez que sur tous les continents, au moment où on ne les attend pas, il y a des attentats terroristes, ce qui exige une mobilisation aussi importante que possible de tous les moyens des pays civilisés -c'est-à-dire de pratiquement tous les pays- de tous les moyens nécessaires pour lutter contre ces terroristes. J'ai notamment souligné l'importance qu'il y avait à lutter de façon plus efficace contre les moyens de financement des organisations terroristes.
QUESTION - Monsieur le Président, c'est la deuxième fois que vous effectuez une visite au Vietnam. Quelles sont vos impressions lors de cette deuxième visite d'Etat au Vietnam ? Est-ce que les impressions d'aujourd'hui sont différentes des impressions que vous avez eues lors de votre première visite au Vietnam ?
LE PRESIDENT - Oui, incontestablement, le Vietnam a toujours autant de beauté et de charme. Mais on voit qu'il s'agit aujourd'hui d'un pays en plein développement, et cela c'est évidemment assez impressionnant. Pour quelqu'un qui n'était pas venu depuis sept ans, la simple traversée d'Hanoi montre l'importance de ce développement, le survol du Vietnam également.
QUESTION - Les critères de concertation entre les pays européens et les pays asiatiques vous paraissent-il satisfaisants, suffisants quant aux conditions d'élargissement au sein de l'ASEM, et je pense évidemment aux libertés politiques des pays candidats ?
LE PRESIDENT - Vous savez, il y a deux approches de votre question, la première c'est de considérer qu'on ne discute avec personne qui ne nous donne pas toutes les garanties, intégrales et immédiates dans le domaine des libertés politiques. C'est la position du rejet, du "débrouillez-vous", qui conduit toujours aux pires résultats.
Il y a une deuxième approche qui est de convaincre de faire suffisamment pression et notamment collective pour pousser aux évolutions qui sont objectivement nécessaires au regard d'une certaine idée des droits de l'Homme, qui est la nôtre. C'est cette deuxième approche qui a été, à l'évidence, retenue à l'unanimité par tous les pays de l'ASEM, et je crois que c'est la bonne, bien entendu, même si je ne cache pas quelques critiques que je formule plus aisément d'ailleurs devant les représentants de ces pays et à huis clos, que sur les estrades.
QUESTION - Monsieur le Président, s'il devait y avoir des sanctions vis-à-vis des Birmans, il semblerait qu'il y ait des sociétés qui ne pourraient plus effectuer de transferts financiers, qui ne pourraient faire aucun commerce avec les Birmans. Qu'en serait-il alors des échanges commerciaux avec la Birmanie ?
LE PRESIDENT - J'espère qu'on n'en arrivera pas là, car les conséquences dans ces cas-là sont toujours assumées par les plus pauvres, toujours. Par conséquent, j'espère qu'on n'en arrivera pas là. Il y a sans aucun doute une pression très forte de l'ensemble des pays de l'ASEM pour essayer d'obtenir qu'un processus de réconciliation nationale soit le plus vite possible conduit à son terme par les autorités de ce pays. L'Union européenne dans ce domaine est tout à fait unanime et nous verrons quelles seront les mesures que nous prendrons. J'espère que nous n'aurons pas à en prendre de nouvelles, car je le répète, elles ne pourraient être assumées que par les plus pauvres.
QUESTION - Vous avez dit que vous parliez plutôt des droits de l'Homme à huis clos, je voudrais savoir si vous en avez parlé avec les dirigeants vietnamiens que vous avez rencontrés, sachant que de nombreuses organisations de défense des droits de l'Homme critiquent la situation ici ?
LE PRESIDENT - Quand je vais dans un pays où le problème se pose ou semble se poser, je prends soin de voir, ou plus exactement de faire voir par mes collaborateurs les plus éminents, l'ensemble des ONG concernées, cela a notamment été le cas pour le voyage que j'effectue en ce moment, de façon à recueillir leurs impressions et le cas échéant leurs demandes précises. A partir de là, ce sont des problèmes que j'évoque toujours avec nos partenaires et je ne le répète jamais sur les estrades, notamment lorsqu'il s'agit de cas particuliers qui ne pourraient qu'être mis en cause par une publicité totalement inutile. Mais cela ne m'empêche pas d'évoquer ces problèmes.
QUESTION - Monsieur le Président, vu la qualité des relations franco-vietnamiennes, peut-on imaginer une année de la France au Vietnam ou une année du Vietnam en France ?
LE PRESIDENT - J'y suis très favorable et nous allons organiser cela. Il faut toujours un peu de temps pour la préparation.
QUESTION - Dans vos discussions sur l'économie mondiale, qu'avez-vous à dire sur le prix du pétrole qui a atteint 53 dollars hier, et avez-vous continué vos discussions avec les Chinois sur les liens yuan et dollar ?
LE PRESIDENT - Sur le prix du pétrole, je ne vais pas faire de commentaires, je me suis prononcé dix fois sur les inquiétudes que nous avons dans ce domaine et sur une certaine impuissance, il faut bien le reconnaître, à intervenir. Sur la parité du yuan, c'est un problème qui concerne les autorités chinoises et sur lequel je n'ai pas de commentaire, surtout public, à faire.
QUESTION - Dans votre intervention à l'ASEM, vous avez souligné la répartition déséquilibrée des richesses mondiales, mais nous avons pu constater que, sur l'arène internationale, le pouvoir de parole des pays pauvres reste toujours largement inférieur à celui des pays riches. Monsieur le Président, quel sont le rôle et l'impact de l'ASEM, et quelle sera l'action de la France pour remédier à cette injustice ? Ma deuxième question : l'Ambassadeur de France à Hanoi a plusieurs fois souligné que la France va continuer à renforcer sa coopération et son soutien au Vietnam. Est-ce exact ?
LE PRESIDENT - D'abord, l'Ambassadeur a dit que la France ne pouvait que renforcer sa coopération avec le Vietnam, et c'est vrai, je ne peux que le confirmer. D'ailleurs, si ce n'était pas vrai, il ne l'aurait pas dit.
S'agissant de la répartition des richesses, c'est un sujet que j'ai évoqué cet après-midi. Il y a un certain nombre de bons esprits, s'appuyant sur des raisonnements économiques indiscutables, qui considèrent que le libéralisme et la mondialisation sont les clés de tous les progrès, et que par conséquent ces clés doivent être totalement utilisées, et qu'il n'y a pas, à ce sujet, de réserves ou de précautions à prendre. Je suis tout à fait partisan d'une économie libérale et de marché et de la mondialisation, pour une raison simple, c'est que la mondialisation facilite les échanges et les échanges sont créateurs de richesses.
Mais, quand on regarde les résultats, on voit bien le côté positif, l'actif en quelque sorte du bilan, mais on a tendance parfois à sous-estimer le passif. Le passif, c'est que, certes, les pays riches s'enrichissent et ont tendance d'ailleurs à distribuer cette richesse mieux que par le passé, mais les pays pauvres, je ne dirais pas qu'ils s'appauvrissent, ce n'est pas vrai, mais ils stagnent. Par conséquent, la différence s'accroît, et dans un monde médiatisé comme il l'est, où chacun sait ce qui se passe ailleurs, cela a des conséquences morales et politiques extrêmement fortes, dont je pense qu'on sous-estime l'importance.
Alors, il peut y avoir des politiques de correction, et on a dit, il y a quatre ans, dans un grand élan de générosité à l'ONU, on va fixer des objectifs que l'on a appelés les objectifs du millénaire. Les objectifs du millénaire, c'est la réduction de la pauvreté, en gros de moitié en quinze ans. On ne peut qu'y souscrire. Seulement, il apparaît aujourd'hui, alors que l'on va avoir franchi le premier tiers de la période de référence, qu'on n'a pas fait de progrès, qu'il n'y a strictement aucune espèce de chance qu'on atteigne les objectifs du millénaire, aucune. Quand on s'interroge, on entend très fort la voix de ceux qui sont riches, on n'entend pas beaucoup la voix de ceux qui sont pauvres. Eh bien, c'est peut-être en train de changer.
Nous étions, il y a quelques jours à New York, à la veille de l'Assemblée générale de l'ONU, pour une réunion sur ce sujet, fondée sur la constatation que nous n'avions aucune chance d'atteindre les objectifs du millénaire, que nous n'avions aucune chance d'augmenter, ou de doubler et il faudrait même presque tripler, la contribution budgétaire des Etats au titre de l'aide au développement. Il y avait donc un seul moyen de répondre aux problèmes posés, c'était de créer une recette nouvelle et permanente. Il était évident que l'une des justifications et l'un des effets bénéfiques de la mondialisation, était la création de richesses qu'elle produisait, eh bien, on pouvait très bien imaginer de taxer cette création de richesses. Une taxe modeste, dont les modalités peuvent être par ailleurs définies et étudiées, rapportant tout l'argent nécessaire, et au-delà, aux objectifs du millénaire.
Nous nous sommes donc réunis à quelques uns, on n'était pas très nombreux au départ, il y avait le Président du Brésil, celui du Chili, le Premier Ministre espagnol qui nous a rejoint après son élection, et moi. Et nous avons fait un rapport, une proposition. Nous avons essayé d'associer tout le monde et nous avons fait une déclaration. Je dois dire que notre bonne surprise a été de constater que plus de 110 pays, le jour même où nous avons distribué notre déclaration, l'avaient signée.
Cela a un sens, aujourd'hui. Beaucoup de pays sont volontaires pour un effort, quelques pays sont indifférents et un tout petit nombre de pays y sont hostiles pour des raisons de principe. On pouvait imaginer que, si notre déclaration avait recueilli quinze, vingt ou trente signatures, elle aurait fait partie de cette cohorte de v ux pieux qui caractérisent les réunions internationales. Mais il y a 110 pays, et je crois qu'il y en a d'autres qui ont signé depuis. Cela veut dire un vrai courant international, une vraie prise de conscience, et cela, on ne peut pas l'ignorer, aucun pays ne pourra demain totalement ignorer ce qui a été engagé. Voilà pourquoi je suis un peu moins pessimiste. Vous me parliez de l'ASEM, je dois vous dire qu'elle a approuvé cette démarche à l'unanimité.
QUESTION - Avez-vous évoqué la question de la levée de l'embargo sur les ventes d'armes à la Chine et, auquel cas, quelle réaction avez-vous enregistrée de la part de vos partenaires européens et asiatiques ?
LE PRESIDENT - La France est favorable à la levée de l'embargo. Pourquoi ? Simplement parce que c'est une situation qui date d'il y a quinze ans, qui n'a plus aucun sens dans la Chine d'aujourd'hui et qui, de surcroît, n'a quasiment pas de conséquences, puisqu'il s'agit de l'embargo sur les armes létales et la Chine naturellement n'a pas l'intention d'en importer. Elle produit tout ce dont elle a besoin. Quant aux autres types d'armement, sensibles, modernes, et dangereux, ils obéissent à des règles nationales et internationales qui continuent, quoi qu'il arrive, à s'appliquer, qu'il y ait ou non embargo. Donc, cet embargo, à mes yeux, est une espèce de méfiance inutile et désobligeante à l'égard de ce très grand pays qu'est la Chine. C'est la raison qui conduit la France à souhaiter la levée de l'embargo. La grande majorité des pays européens sont sur cette même ligne et s'orientent vers cette solution, qui pourra être adoptée, enfin, je l'espère, en début d'année prochaine. C'est notre objectif. J'ai observé avec satisfaction que, me semble-t-il, nos partenaires japonais n'y font pas d'objection particulière.
QUESTION - Monsieur le Président, dans votre voyage, vous traversez deux pays à forte croissance, le Vietnam puis la Chine. Certains voient souvent ces deux pays comme des concurrents, on les redoute à cause des délocalisations. Vous placez ce voyage sous le signe du partenariat. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus ? Ne faut-il pas les craindre ?
LE PRESIDENT - Cela, c'est une réaction de frilosité irresponsable qui est de moins en moins celle des Français. L'importance de ces marchés fait qu'une part importante de la croissance économique mondiale se développera chez eux. Alors, ou bien nous y serons, ou nous n'y serons pas. Si nous y sommes, nous en tirerons le profit et le bénéfice. Aucune des entreprises qui investit sur ces marchés n'a fait ou ne fera la moindre délocalisation.
C'est un autre problème. Celui des délocalisations nous préoccupe beaucoup, mais il a d'autres raisons, il n'est pas, au contraire, lié à la participation des intérêts économiques français pour ce qui concerne la France dans les pays en grand développement.
Enfin, je souhaite dire à Madame Wangari MAATHAI, qui est, comme vous le savez, fondatrice d'une importante ONG de soutien à la forêt. Elle est d'origine kenyane, elle est, je crois, actuellement secrétaire d'Etat à l'environnement au Kenya. En tous les cas, pour avoir eu l'occasion de la connaître et d'apprécier son action, je me réjouis de cette nomination.
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