- XVIIIème sommet franco-espagnol -
Palais de l'Elysée - Paris le jeudi 10 novembre 2005.
LE PRESIDENT - À l'issue de ce dix-huitième sommet, je voudrais tout d'abord avoir une pensée forte et amicale pour la Jordanie. Le terrorisme aveugle a frappé ce pays. En ces circonstances tragiques pour le peuple jordanien, peuple ami de la France, ami de l'Espagne, je voudrais dire aux habitants de la Jordanie, au Roi, à l'ensemble des dirigeants de ce pays notre solidarité dans l'épreuve. Nous condamnons, sans réserve, un attentat aussi odieux que rien ne justifie et nous le faisons de la façon la plus ferme qui soit. Plus que jamais nous affirmons notre détermination à lutter sans trêve, ni répit contre le terrorisme.
M. JOSE LUIS ZAPATERO - Je voudrais faire mienne la déclaration qui vient d'être faite par le Président de la République française. Nous condamnons de façon énergique, claire, ferme ces attentats perpétrés en Jordanie. Je voudrais exprimer la solidarité de l'Espagne vis-à-vis des familles des victimes et exprimer notre solidarité vis-à-vis du Gouvernement et du peuple jordanien. Aujourd'hui, nous avons à nouveau souligné notre volonté qui est celle de tous les pays démocratiques de poursuivre notre lutte active contre le terrorisme international qui ne fait que porter préjudice à toutes les sociétés en générant la souffrance, la destruction et la haine.
LE PRESIDENT - Un mot maintenant de compte-rendu de notre réunion : je veux dire d'abord le grand plaisir que nous avons, une fois de plus, à recevoir le Président ZAPATERO à Paris. C'est son cinquième voyage en France cette année. Je veux lui dire la plus cordiale des bienvenues ainsi qu'à l'ensemble des ses ministres et de sa délégation.
Il s'agit aujourd'hui du dix-huitième sommet franco-espagnol et je n'ai pas besoin de souligner, compte tenu des relations qui existent spontanément entre les deux grandes puissances européennes que sont l'Espagne et la France, que le climat de nos entretiens a été particulièrement chaleureux.
Nous avons évoqué un certain nombre de problèmes. D'abord le problème de l'immigration clandestine : nous avons tous été frappés par les incidents de Ceuta et de Melila. J'ai eu l'occasion, notamment à Hampton Court, de rappeler que, de notre point de vue et du point de vue espagnol, ce n'est pas un problème espagnol, ce n'est d'ailleurs pas un problème marocain, c'est un problème européen. C'est même un problème mondial en réalité. Alors il est nécessaire d'avoir une bonne coopération, notamment entre nos trois pays, avec le Maroc mais aussi avec l'Algérie, avec les pays riverains, pour essayer de mettre en œuvre des mesures sécuritaires suffisantes, en particulier le renforcement des contrôles et la conclusion d'Accords de réadmission avec les pays concernés.
Mais nous n'avons aucune illusion : ceci est nécessaire mais pas suffisant. C'est nécessaire, en particulier, pour lutter contre les trafic honteux qui se développent en ce qui concerne l'immigration clandestine, mais pas suffisant parce que cette immigration clandestine a aussi pour origine la désertification de l'Afrique, la démographie africaine et l'incapacité dans laquelle s'est trouvée la solidarité internationale d'apporter les moyens nécessaires qu'exigeait le développement.
Les gens qui émigrent sont des gens qui sont généralement dans l'obligation de le faire, parce qu'ils ne peuvent plus vivre là où ils sont, faute de moyens, faute de ressources, pour vivre eux-mêmes ou faire vivre leur famille. Quand on voit l'évolution de la démographie africaine, on se rend compte que c'est un problème fondamental qui se posera dans les vingt ou trente ans qui viennent et dont la solution ne peut évidemment pas être de nature sécuritaire et ne peut être que de nature de développement. Ce qui veux dire qu'il faut des moyens pour créer les infrastructures nécessaires, pour créer les structures concernant l'éducation, le travail, la santé dans ces pays qui, de surcroît -je le répète- compte tenu du réchauffement de la planète, ont tendance à se désertifier.
C'est en vérité, pratiquement un triplement de l'effort mondial de développement qu'exige cette situation. Nous ne l'obtiendrons jamais si nous le recherchons dans les contributions budgétaires des Etats riches. C'est la raison pour laquelle, dans le cadre d'une coopération que nous avons avec quelques pays -le Brésil, le Chili, l'Espagne, la France, l'Allemagne, l'Algérie, j'espère ne pas en oublier- nous avons devant l'ONU lancé l'idée de la nécessité d'élaborer des financements innovants nous permettant, en gros, de tripler l'aide publique au développement. C'est le minimum nécessaire si l'on veut éviter ces déplacements massifs de population qui seront inévitables en Afrique et ailleurs et si l'on veut avoir un minimum de cohérence avec les exigences morales et éthiques de notre temps. Nous sommes tout à fait d'accord sur ces problèmes, et nous militons ensemble pour des solutions adaptées à cette situation.
Nous avons ensuite évoqué le problème du dixième anniversaire du processus euro-méditerranéen de Barcelone, qui donnera lieu, dans quelques semaines, à une réunion des pays concernés à Barcelone. C'est un partenariat euro-méditerranéen qui est essentiel : essentiel pour la paix dans cette région, pour sa stabilité, pour la démocratie et pour le développement. Et donc nous en avons parlé : nous soutenons sans réserve l'initiative et l'effort de nos amis espagnols dans ce domaine euro-méditerranéen, notamment au moment où le nouveau budget européen va se faire et où les programmes MEDA et TACIS font faire place à l'initiative de voisinage, financièrement. Nous avons souligné à cet égard l'importance que nous attachons à ce que les équilibres ne soient pas rompus et à ce que les deux tiers de l'effort européen soient toujours consacrés à la région méditerranéenne, et un tiers à la région des pays de l'ex-Union soviétique.
Nous avons parlé des perspectives financières, bien entendu, pour souhaiter ensemble qu'un résultat positif intervienne à l'occasion du prochain sommet européen, qui aura lieu à Bruxelles les 15 et 16 décembre. Nous avons conscience de la difficulté du problème, mais aussi de la nécessité de le résoudre. Naturellement, j'ai parfaitement compris et approuvé la position espagnole, qui est une position difficile dans la mesure où, compte tenu de l'évolution économique, l'Espagne risque d'enregistrer une forte baisse, brutale et rapide, instantanée, sur ses fonds structurels et de cohésion, dans des conditions qui sont économiquement difficilement acceptables pour ce pays.
L'Espagne ne conteste pas que l'idée que ces fonds de cohésion doivent diminuer, mais conteste l'idée qu'il y ait une marche brutale qui s'impose d'un seul coup. Je le comprends parfaitement. J'ai fait valoir, par ailleurs, au Premier ministre espagnol, que la situation de la France n'était pas beaucoup plus facile, dans la mesure où, dans le paquet Juncker qui a été refusé à l'initiative de nos amis britanniques lors du dernier Conseil européen, la France avait déjà fait un effort considérable puisque, pratiquement, sur la période 2007-2013, elle se voit taxer d'un supplément de dépenses de 11 milliards d'euros par rapport à la période équivalente précédente. Elle ne peut donc pas aller au-delà de cet effort.
Nous en avons conclu qu'il fallait réexaminer les choses, notamment en ayant une meilleure appréciation du rôle chacun des Etats membres dans le cadre de la solidarité, c'est-à-dire la participation de chacun au coût de l'élargissement. Ce qui pose naturellement un problème de négociation avec nos amis britanniques.
Nous avons évoqué l'OMC pour considérer que nous souhaitions que la Commission respecte le mandat qui lui a été confié à l'unanimité, dans le cadre des négociations, notamment agricoles.
Nous avons souligné l'importance et le dynamisme de nos relations bilatérales, la qualité exceptionnelle de notre coopération policière et judiciaire, qui s'est fortement accrue dans la période récente et qui est vraiment une coopération de confiance mutuelle qui la rend, bien entendu, très efficace pour la lutte contre le terrorisme, contre le trafic de drogue, contre le crime organisé.
Amélioration aussi des liaisons transpyrénéennes, dont nous avons longuement parlé, en comprenant parfaitement l'importance que cela revêtait, à la fois pour l'Espagne et pour la France.
Nous avons décidé la création d'un conseil franco-espagnol de défense et de sécurité, c'était un élément qui manquait à la coopération Allemagne-Angleterre-France-Espagne en ce qui concerne les questions de défense. Nous avons ce conseil avec les Allemands et avec les Anglais et nous devions être cohérents et avoir une action commune à quatre.
Nous avons décidé de coopérations dans le domaine de la recherche et de la science. J'ai approuvé le principe d'un fonds d'innovation et de convergence qui est proposé par l'Espagne dans le cadre de la rénovation de notre structure européenne. Nous avons également évoqué des coopérations beaucoup plus importantes sur le plan scientifique et technique, technologique. Je vous rappelle que la France est le premier partenaire de l'Espagne sur le plan scientifique, et je crois que la réciproque est à peu près exacte. Nous avons décidé de lancer des créations de pôles de compétitivité hispano-français et, de même, d'avoir une meilleure coopération entre nos grands équipements scientifiques et notamment sur le plan de nos universités et de nos centres scientifiques.
Nous avons décidé la création d'un Forum franco-espagnol de dialogue de la société civile et nous avons décidé de désigner les co-présidents de ce dialogue. Je laisserai le soin au Président ZAPATERO de dire quel sera le co-président espagnol, mais pour ce qui est du co-président français, ce sera le Président PROGLIO.
Nous avons évidemment évoqué l'actualité internationale, pour constater nos convergences totales de vues dans ces domaines. C'est vrai notamment pour le Proche-Orient, pour l'Irak, pour l'Iran. En ce qui concerne le Liban et la Syrie, nous nous sommes félicités de l'adoption à l'unanimité de la résolution 1636 qui, pour nous, avait une importance capitale. Nous avons affirmé notre volonté d'obtenir une coopération pleine et entière, sans réserve, sans ambiguïté de la Syrie à l'enquête internationale sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre, Rafic HARIRI.
Voilà les principaux éléments de nos entretiens. Je vais laisser au Président ZAPATERO le soin de donner sa version de notre compte-rendu.
M. JOSE LUIS ZAPATERO - Merci beaucoup Monsieur le Président. Je voudrais souligner tout d'abord que la France et l'Espagne vivent une période excellente dans leurs relations. L'atmosphère de nos sommets bilatéraux est cordiale, chaleureuse et c'est ce que nous constatons aujourd'hui.
Le Président CHIRAC disait, il y a un instant, que c'est la cinquième fois que je viens en France cette année, c'est vrai. Je dois vous dire que c'est chaque fois avec un sentiment de gratitude pour l'accueil qui m'est réservé et aussi pour le sentiment de proximité que je ressens entre nos deux pays.
Nous avons fait ce que nous pourrions appeler nos devoirs européens, nous avons parlé de nos relations bilatérales et nous avons également abordé la scène internationale.
Sur le plan européen, il y a trois questions essentielles et qui sont de la première urgence.
Tout d'abord, les perspectives financières. La France et l'Espagne sont d'accord sur le fait qu'il y a une nécessité politique et économique de trouver un accord au Conseil européen de décembre sur les perspectives financières. Il faut que cet accord soit juste et utile pour l'Union européenne. Et un accord juste suppose que l'effort de solidarité vis-à-vis des pays de l'élargissement, les pays qui ont un revenu par habitant inférieur à la moyenne européenne, que cet effort de solidarité soit réparti équitablement. L'Espagne est prête à faire un grand effort au titre de cette solidarité, mais nous pensons que cet effort doit être réparti équitablement. Et nous pensons que notre pays, pour conserver sa tendance à la croissance, à la création d'emplois et son développement a besoin de ces fonds européens et, en particulier, en ce qui concerne la recherche, le développement et l'innovation. Et je voudrais remercier le Président CHIRAC pour la compréhension dont il a fait preuve vis-à-vis de cette position du gouvernement espagnol.
Deuxième grand thème, l'immigration, autre question extrêmement importante et prioritaire sur l'ordre du jour européen. L'Europe doit s'engager davantage, doit être davantage chef de file sur les trois piliers essentiels de la politique d'immigration : tout d'abord coordonner l'effort aux frontières, deuxièmement, coordonner et encourager les accords de renvoi dans les pays d'origine, et enfin, troisième pilier, le développement.
De mon point de vue, cette augmentation des financements et des ressources pour les politiques de développement dont parlait le Président CHIRAC est essentielle et d'ailleurs l'Espagne a fait cet effort. Pour 2006, notre aide au développement atteint à 0,36% du PIB, nous avons augmenté de 40% notre aide au développement. Mais toute politique d'aide au développement doit pouvoir bénéficier d'une coordination de l'Union européenne, et en particulier vis-à-vis de l'Afrique. Il faut donc que cette aide au développement que produit l'Union européenne au titre de son propre financement, soit coordonnée avec les politiques d'aide au développement des pays membres de l'Union.
Cette coordination et l'augmentation de l'aide au développement peut produire les effets que nous attendons, c'est-à-dire qu'il y ait plus de perspectives en matière d'éducation, d'emploi, de santé pour les pays où, aujourd'hui, les populations doivent choisir entre vivre dans la misère ou essayer par tous les moyens et désespérément de franchir les frontières de l'Union européenne. Je voudrais donc remercier le Président CHIRAC et le gouvernement français qui nous ont appuyé pour augmenter les ressources destinées aux contrôles aux frontières pour les pays qui en ont la responsabilité principale, et je pense en particulier au Maroc.
En troisième lieu, j'aimerais aborder le sommet euro-méditerranéen qui aura lieu très prochainement à Barcelone et je voudrais remercier le Président CHIRAC pour son implication en la matière. Dix ans après le lancement de ce processus de Barcelone, l'Europe et la Méditerranée ont besoin l'une de l'autre. L'Europe a besoin de la Méditerranée parce que cela fait partie de son espace de sécurité et la Méditerranée a besoin de l'Europe parce que c'est, pour elle, un espace essentiel pour son développement économique. C'est pourquoi le Sommet de Barcelone aura une très grande importance sur la bonne gouvernance, la sécurité intérieure et la justice. Voilà donc les grands devoirs de l'Europe : immigration, perspectives financières, sommet euro-méditerranéen.
En ce qui concerne maintenant les relations bilatérales, comme je l'ai dit il y a un instant, elles sont excellentes et elles se développent dans de très nombreux domaines. Elles contribuent de façon tout à fait décisive aux progrès de nos deux pays. Le volume de nos relations commerciales mutuelles est énorme, nous avons un potentiel de croissance important pour ces échanges commerciaux et nous pensons que nous devons poursuivre nos efforts pour développer ces relations bilatérales.
Aujourd'hui, nous nous sommes concentrés sur trois éléments que je résumerai de la façon suivante : sécurité, progrès technologique et en troisième lieu, coopération culturelle.
Le premier de ces éléments s'est traduit par la création du Conseil franco-espagnol de défense et de sécurité. Il s'agit d'un pas en avant supplémentaire dans la construction de cet espace de défense européen et il est justifié par le nombre de projets partagés entre nos deux pays, tant bilatéralement et qu'avec d'autres pays européens, en ce qui concerne l'armement, le matériel de défense et de sécurité. Cela nous permettra d'harmoniser les formations, de faire des économies d'échelle en ce qui concerne la maintenance et la formation. Et ce sera surtout un nouvel élan donné à ce que représente la défense européenne.
Deuxième point, comme je le disais, le progrès technologique. Nous avons signé un accord qui revêt une très grande valeur, à mes yeux. C'est un accord pour une collaboration des grandes entités de recherche scientifique dans nos deux pays, dans des domaines d'avenir tels que la micro et la nanotechnologie, la fusion thermonucléaire et d'autres domaines tels que la biomédecine. Ce sont les domaines de pointe dans la recherche pour continuer à produire de l'innovation, à améliorer la productivité et la compétitivité de nos pays.
Et en troisième lieu, nous avons décidé de créer le Forum franco-espagnol pour la société civile. Un forum qui a pour objectif de rendre encore plus étroits les liens entre nos deux pays, entre nos deux sociétés. Il s'agit d'un forum qui a une vocation essentiellement sociale et citoyenne. Il comprendra des personnalités du monde de la culture, de l'économie et le co-président, du côté espagnol, de ce forum sera Narciz SERRA, comme vous le savez, ex-ministre de la Défense et, en son temps, vice-Premier ministre du Gouvernement espagnol. Nous avons l'objectif d'accroître l'intérêt des étudiants pour la langue française en Espagne et de la langue espagnole en France. Ce qui est essentiel pour les relations entre nos deux pays. Et c'est pourquoi nos ministres de l'Education et de la Science vont travailler sur cette question . Ils vont organiser un séminaire portant spécifiquement sur ce point parce que nous souhaitons que le français ait un plus grand rôle possible en Espagne et nous souhaitons que l'espagnol continue à être beaucoup étudié en France. Pour résumer : des propositions concrètes sur le plan européen. Un pas important en avant, sur le plan bilatéral en matière de sécurité, de progrès technologiques, d'éducation et sur le plan culturel. Donc un bilan très positif.
En ce qui concerne, maintenant, les questions internationales, vous savez que la France et l'Espagne ont des positions tout à fait proches, similaires. Nous parions sur un ordre international, un ordre mondial, l'intégration croissante des organisations supranationales telles que l'Union européenne et des autres organisations régionales et nous partageons un objectif commun qui est de renforcer les Nations Unies en tant qu'organe central pour la sécurité, la stabilité, les relations entre les pays, les peuples et les cultures et pour la lutte contre la faim et la pauvreté. Les Nations Unies doivent continuer à jouer ce rôle central.
Je vous remercie.
LE PRESIDENT - Avant de passer aux questions, je voudrais dire un mot, parce que nous l'avons évoqué, le Président ZAPATERO et moi, et chacun le comprendra, sur les violences urbaines en France.
Je voudrais d'abord dire que, face aux violences urbaines, il y a, chacun le comprendra, un préalable. Il y a un préalable qui est le rétablissement de l'ordre public et le respect de la loi. J'ai pris, dans ce domaine, toutes les mesures nécessaires, après avoir consulté, bien entendu, le Premier ministre et le Gouvernement, toutes les mesures qui s'imposaient. Et je voudrais, à cette occasion, ayant donné aux forces de sécurité les moyens dont elles avaient besoin, rendre un hommage particulier au professionnalisme et au sang froid des forces républicaines de sécurité. Je salue, dans le même esprit, nos pompiers, nos magistrats, les maires et élus municipaux, les travailleurs sociaux qui se sont mobilisés avec beaucoup d'intelligence, avec beaucoup de volonté, de détermination pour faire face à ces mouvements et à ces violences.
Cette mobilisation doit se poursuivre et je voudrais appeler chacun au respect de sa propre responsabilité, ceci notamment concernant les parents des trop nombreux mineurs qui, trop souvent d'ailleurs poussés en avant par leurs aînés, ont participé à ces violences urbaines. Nous sommes donc dans le temps de l'action, de l'action pour rétablir l'ordre public et c'est ma priorité.
Alors, cela ne doit pas nous empêcher de comprendre qu'il y a un problème et que ce problème s'analyse en terme simple qui est celui de l'égalité des chances, du respect de la personne, de toute personne dans la République. Et il faudra, bien entendu, tirer, le moment venu et l'ordre rétabli, toutes les conséquences de cette crise et le faire avec beaucoup de courage et de lucidité.
L'exigence, c'est de répondre de manière forte et rapide aux problèmes indiscutables qui se posent à beaucoup d'habitants des quartiers déshérités dans l'environnement de nos villes.
Je voudrais tout de même rappeler qu'une action importante, je dirais, considérable, notamment sur le plan financier et sur le plan de l'intelligence des principes mis en œuvre, a été engagée pour répondre à ces problèmes. C'est vrai, notamment en ce qui concerne les zones franches, le plan de rénovation urbaine, le plan de cohésion sociale qui ont mobilisé des sommes considérables et qui sont actuellement en train d'être mis en vigueur, la haute Autorité de Lutte contre les Discriminations qui est un dispositif essentiel pour affirmer clairement le respect que l'on doit à toute personne, toutes les mesures qui ont été, tout récemment, annoncées par le Premier ministre, qui vont dans le même sens. Bref, un effort important a été engagé depuis trois ans. Avant aussi, mais notamment depuis trois ans.
Alors, probablement cela n'a-t-il pas été assez vite et faut-il accélérer, intensifier cette action et c'est ce que j'ai demandé, bien entendu, au gouvernement de faire. Parce qu'en effet, quelles que soient nos origines, nous sommes tous des enfants de la République et nous pouvons tous prétendre aux mêmes droits, tout en acceptant, bien entendu, les mêmes devoirs.
Chacun a le droit au respect et à l'égalité des chances et tout le monde n'a pas conscience aujourd'hui que ce respect et cette égalité des chances lui soient acquis. Là aussi, il faut faire ce qu'il faut. Nous sommes encore, je le répète, dans la période de rétablissement, dans le préalable de rétablissement de l'état de droit, de la sécurité. Mais j'aurai l'occasion, le temps venu, de vous faire part de mes réflexions sur l'ensemble du problème. Mais la priorité pour moi, c'est d'abord le rétablissement de l'ordre public.
Voilà quelques réflexions que je voulais faire, à cette occasion, après en avoir parlé avec le Président ZAPATERO.
QUESTION - Bonjour, j'aimerais savoir, suite à ce qu'a dit le Président ZAPATERO, -il a dit qu'il remercie la France de son soutien pour le Maroc, notamment en matière de contrôle des frontières-, si au-delà de cela, vous avez des possibilités de coopération sur le terrain par l'envoi de conseillers, de moyens techniques particuliers ? Et j'aimerais demander au Président ZAPATERO, compte tenu de l'importance de ce conseil de défense et de sécurité, pourquoi le ministre de la Défense espagnol n'est pas présent alors qu'on avait annoncé sa présence ?
M. JOSE LUIS ZAPATERO - Pour ce qui est de votre première question, comme vous le savez, lors du dernier Conseil européen informel, j'ai fait une proposition sur ce qui est une action plus décisive en matière d'immigration, en matière de contrôle des frontières et de coopération avec les pays qui comme le Maroc qui ont une partie des responsabilités et qui pâtissent également de cette immigration illégale. Cette proposition va être concrétisée lors du Conseil européen de décembre et, à l'évidence, cela suppose un effort maximum de coopération, de collaboration avec le Maroc en matière de contrôle des frontières.
Il s'agit là d'une mission qui, comme je l'avais déjà dit souvent, est le fruit de la collaboration entre les gouvernements espagnol et marocain. J'aurai l'occasion de revenir sur ce point avec le Roi du Maroc, le 16 novembre prochain, à Rabat.
Pour ce qui est de la deuxième question, il y a une raison personnelle à l'absence du Ministre de la défense qui a fait qu'il n'a pas pu participer à la présente réunion. Mais nous devons respecter son droit à la vie privée.
QUESTION - Comment vivez-vous les critiques à répétition sur votre quasi silence ou votre extrême discrétion sur la crise des banlieues ? Deuxièmement, est-ce que vous approuvez la proposition du Ministre de l'Intérieur concernant le renvoi potentiel des ressortissants étrangers dans leur pays en cas de faute, de délits dans les banlieues ?
LE PRESIDENT - Sur la première question, je vous ai répondu tout à l'heure, en vous disant qu'il y a le temps du rétablissement de l'ordre, qui était pour moi une priorité absolue -et j'ai tenu à consacrer la totalité de mes efforts à cet objectif, qui n'est pas encore atteint- et le temps de la réflexion que je consacrerai notamment à dire à nos compatriotes quel est mon sentiment sur cette crise et les moyens d'y remédier.
Sur la deuxième question, je vous dirai d'une façon très très simple qu'il y a une loi en France et que cette loi doit être respectée. Il faut respecter la loi, toute la loi.
QUESTION - Je voudrais poser une question au Président espagnol, et savoir si son gouvernement craint que ne se produisent en Espagne les événements qui ont actuellement lieu en France et si on prend des mesures préventives pour essayer de l'éviter ? Merci.
M. JOSE LUIS ZAPATERO - Je souhaiterais apporter mon analyse sur les événements actuels en France et condamner fermement tout type de violence. La violence ne fait que générer des effets négatifs, cela ne peut être la réponse à aucune situation, tout type de violence. Et donc, comme le disait fort à propos Monsieur le Président CHIRAC, l'obligation est de maintenir et de respecter les lois car c'est ce qui donne tout son sens à l'état de droit.
A partir de ce moment là, toutes les politiques sociales et toutes les politiques d'intégration qui seront menées seront, sans aucun doute, très positives. Mais, avant tout, tolérance zéro vis-à-vis de la violence. Les politiques actives en matière sociale, c'est la tâche et l'obligation des forces de sécurité de l'Etat. Donc, nous, dans notre pays, on est toujours attentif et prêt à lutter contre tout type d'actions qui violent la loi. Pas nécessairement pour suivre l'exemple de la France, mais nos forces de l'ordre ont une formation particulière pour prévenir tout acte de violence.
QUESTION – Messieurs les Présidents, vous avez parlé de lancer un appel tous les deux pour la coopération de la Syrie avec le rapport international de M. MEHLIS. Or ce matin, le Président syrien a fait un discours qui n'indiquait pas du tout cette coopération. Il a fait un discours de critique du gouvernement libanais, un discours où il refuse à M. MEHLIS d'envoyer les six responsables syriens demandés par le juge MEHLIS. Donc, tout indiquait la non coopération. Quelle va être l'attitude de la France, des Etats-Unis, de l'Espagne qui va recevoir le ministre des Affaires étrangères syrien à Barcelone ? Qu'est-ce qui va suivre et qu'est-ce qui va se passer au Liban ? Est-ce que la déstabilisation du Liban par la Syrie est la prochaine étape ?
LE PRESIDENT – Si véritablement le Président syrien persiste à ne pas vouloir ni écouter, ni comprendre le Conseil de sécurité de l'ONU qui s'est prononcé à l'unanimité pour exiger une totale coopération de la Syrie à l'égard de la Commission Mehlis, s'il persiste à ne pas vouloir écouter et à ne pas vouloir comprendre, alors il faudra bien passer à un autre stade qui est celui des sanctions. Car ce n'est pas concevable, admissible, acceptable pour la communauté internationale qui s'est prononcée, je le répète, à l'unanimité, que la Syrie refuse de coopérer.
M. JOSE LUIS ZAPATERO - J'ajouterai que la Syrie se doit de coopérer avec les Nations Unies. Elle doit respecter les droits de la communauté internationale. C'est la seule voie possible que la Syrie doit adopter face à l'enquête en cours. Elle doit apporter sa collaboration à cette enquête. Et donc, l'Espagne maintient cette position et appuie le Conseil de sécurité.
LE PRESIDENT – Je vous remercie.
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