Bruxelles - Belgique le vendredi 16 juin 2006.
Mesdames, Messieurs,
Nous venons donc de terminer ce Conseil sous présidence autrichienne. Ma première réflexion, vous l'imaginez et elle est sincère, sera pour exprimer mes félicitations à la Présidence autrichienne, et à l'ensemble de ses collaborateurs, à Vienne et à Bruxelles, qui ont conduit cette affaire avec beaucoup de délicatesse, beaucoup d'intelligence, beaucoup de finesse. Ce qui, au total, a permis d'entretenir un excellent climat à l'occasion de ce Conseil, je tiens à le souligner.
Sur ce qui a été fait, un peu dans le désordre parce qu'il y a eu des allers et retours, je soulignerai d'abord l'importance attachée par le Conseil au processus engagé à l'occasion du Sommet de Hampton Court, sous présidence britannique, avec une priorité donnée sur proposition française à l'Europe des projets, à une relance forte de l'Europe des ambitions, des réalisations. C'est-à-dire de solutions apportées à des problèmes concrets qui sont ceux auxquels sont confrontés nos concitoyens.
Dans cet esprit, nous avons progressé de façon substantielle vers un objectif qui était le nôtre, que la France avait souligné avec beaucoup de force, et qui était la capacité européenne de réponse en cas de crises internationales. C'était les propositions que nous avions faites dès le lendemain du tsunami, mais aussi au lendemain des tornades, des tremblements de terre qui, hélas, ont émaillé les deux dernières années. Il était indispensable que l'Union européenne, qui faisait des efforts, sans aucun doute, sur le plan financier, s'organise mieux pour répondre à ces situations. Cela a été un premier progrès.
Deuxièmement, nous avons eu, en particulier pendant tout le dîner d'hier soir, une discussion importante pour bien prendre conscience des problèmes d'immigration et des solutions qui
doivent leur être apportées. De ce point de vue, il a été souligné, notamment par moi mais aussi par d'autres, que d'une part, il ne fallait pas confondre intégrisme, immigration
et terrorisme, c'est un premier point. Ce sont des problèmes tout à fait différents. Deuxième point, qu'il fallait bien comprendre que l'immigration, et notamment
l'immigration d'origine africaine, avait pour origine une incapacité des pays d'origine à répondre aux besoins de la jeunesse, en particulier, ou des moins jeunes, des familles
pour vivre sur leurs propres terres, compte tenu de l'explosion démographique et des progrès de la diversification en Afrique. Par conséquent, la solution passe d'abord par le
développement. C'est à partir de là que l'on pourra appréhender, de façon sérieuse et efficace, les problèmes d'immigration.
Cette solution aux problèmes de développement, j'ai tenu à le souligner, ne peut se trouver que par des financements innovants dont nous avons donné l'exemple, avec les médicaments, pour les trois grandes pandémies. Mais ceci n'est qu'à titre expérimental. C'est, en réalité, un doublement, au minimum, de l'aide publique au développement qui doit être trouvé et qui ne peut l'être que par des financements innovants si l'on veut, au moins, tenir les engagements du Millénaire. C'est une question essentielle si l'on veut maîtriser les problèmes d'immigration.
Par ailleurs, il y a d'autres questions qui exigent la concertation, notamment des Européens. Nous avons souligné que le problème, hier, de Ceuta et Melilla, et, aujourd'hui, des Canaries, n'était pas un problème espagnol, ni un problème marocain, que c'était un problème européen. Parmi les solutions qui doivent être recherchées, il y a, incontestablement, une beaucoup plus grande sévérité dans la recherche de tous les trafics scandaleux qui se développement et qui doivent être réprimés avec beaucoup d'autorité.
Nous avons souligné, à ce titre, l'importance qu'il y avait à tenir, au niveau des ministres des Affaires étrangères, la prochaine conférence euro-africaine, qui a aura lieu à Rabat. Elle nous permettra de confronter nos points de vue pour élaborer un partenariat nécessaire entre les pays d'origine de l'immigration, les pays de transit, c'est-à-dire essentiellement le nord de l'Afrique, et les pays de destination, c'est-à-dire, pour une large part, les pays européens.
Nous avons également, dans le même esprit d'Europe des projets, d'Europe des résultats, souligné l'importance de la politique énergétique qui a été décidée par le dernier Conseil et qui se développe normalement, notamment pour assurer nos approvisionnements. Ce qui est capital, bien entendu, pour défendre notre compétitivité et pour lutter -ce qui, aujourd'hui, est considéré comme un problème majeur, en tous les cas, chez les Européens-, contre les conséquences du réchauffement climatique.
Je n'entre pas dans les autres problèmes qui ont été évoqués dans cet esprit, l'esprit d'Hampton Court, c'est-à-dire de progresser pour l'amélioration des conditions de vie de nos concitoyens.
Nous avons également longuement évoqué les problèmes institutionnels, sous deux aspects. Le premier est la suite donnée à la situation que nous connaissons : avec deux pays qui ont refusé le traité, avec quinze ou seize qui l'ont adopté et sept ou huit qui ont interrompu leur procédure de ratification. Comment répondre aux exigences de la modernisation de nos institutions, nécessaire dans le contexte de l'élargissement, en particulier, et le faire sur des bases nouvelles qui puissent être acceptées par tous.
Nous avons considéré que c'était une réflexion approfondie et nécessairement longue qui exigeait une prolongation du délai de réflexion que nous avons évoqué il y a quelques mois et qui permettra de dérouler une séquence dont le principe a été adopté par tout le monde. Une séquence, après une préparation par la présidence finlandaise, qui consistera à faire des propositions, au début ou dès que possible, sous présidence allemande, une séquence qui se terminera sous la présidence française, au 2ème semestre de 2008.
C'est sur cette séquence que devrait pouvoir s'élaborer une solution consensuelle sur les problèmes relatifs aux institutions. En attendant, comme vous le savez, la France avait beaucoup insisté et le principe en a été adopté, pour que, dans le cadre des traités existants, soient faites un certain nombre de réformes, prises un certain nombre d'initiatives permettant d'améliorer le fonctionnement des institutions, dans le cadre des traités actuels, c'est-à-dire sans rien changer au traité. Et ceci a été également adopté.
Nous le souhaitons dans le domaine d'une meilleure association des parlements nationaux, au titre de la mise en œuvre du principe de subsidiarité, au titre aussi de la prise en compte systématique, par la Commission et le Conseil, de l'impact social des décisions ou des propositions qu'ils sont amenées à faire. Enfin, dans le domaine de l'action extérieure, avec un renforcement de cette action, et dans le domaine de la sécurité et de la justice, pour lesquels nous avons également fait des propositions qui ont été considérées de façon très positive.
Nous avons enfin eu un débat que je me suis permis d'initier sur le problème de l'élargissement, c'est-à-dire sur la capacité d'absorption de l'Europe, en se fondant sur un principe, c'est que l'Europe est une nécessité pour implanter, enraciner la paix, la démocratie, le développement, la stabilité sur le territoire européen, le plus large possible, mais que, dans le même esprit, il faut qu'il y ait une capacité d'absorption par les Européens.
Cela suppose que soit appréciée d'une part, la capacité d'absorption politique, c'est-à-dire par les populations. Nous sommes en démocratie, il faut que d'une façon ou d'une autre, les peuples puissent dire s'ils sont d'accords pour des élargissements ou non. Capacité financière ensuite, car chacun sait que lorsqu'on élargit, on augmente la dépense, alors si l'on augmente la dépense il faut, soit augmenter la recette, c'est-à-dire le budget européen -donc il faut en avoir conscience-, soit remettre en cause les dépenses actuellement existantes des politiques communes, la politique de cohésion, la politique agricole ou d'autres. Et il faut également en avoir conscience pour ceux qui sont actuellement les vingt-sept ou les vingt-huit.
Il faut enfin avoir des institutions qui permettent aux systèmes de fonctionner et chacun sait qu'aujourd'hui, ces institutions, pour un nombre trop important de pays, ne sont pas adaptées. Donc il y a un problème à la fois financier, institutionnel et politique qui doit être apprécié. Je précise et j'ai précisé qu'il était hors de question pour nous de remettre en cause les critères de l'élargissement.
Nous sommes favorables au principe de l'élargissement. Ces critères, ce sont ceux qui ont été adoptés à Copenhague et qu'il n'y a pas lieu de changer. Il faut simplement qu'il y ait une appréciation dont la responsabilité revient, pour les propositions, à la Commission et qui ensuite, doit être soumise au Conseil pour savoir quelles sont les possibilités ou les conséquences d'éventuels élargissements ultérieurs.
Enfin, j'ai tenu à rendre un hommage particulier qui je dois le dire, a été salué par la plupart, pour ne pas dire par tous nos collègues, à l'action du Haut Représentant, le Secrétaire Général, Monsieur Javier SOLANA, pour l'action importante, déterminante que, depuis quelques années, il a, sur le plan de la responsabilité en matière de politique étrangère. C'est vrai pour ce qu'il a fait au Moyen-Orient, dans les Balkans, en Afrique et, notamment, au Darfour. Et puis, tout récemment, en étant le porte-parole de l'Europe élargie aux Etats-Unis, à la Russie et à la Chine pour les négociations, les discussions concernant le problème des relations avec l'Iran dans le domaine nucléaire. Cette action qui est de sa responsabilité a été incontestablement une action positive et solide pour l'Europe, qui donne à l'Europe toute sa place en matière de politique étrangère. J'ai tenu à le souligner et j'ai été, je dois le dire, tout à fait approuvé.
Voila ce qu'il s'est passé à l'occasion de ce Conseil et je suis tout prêt à rentrer dans tel ou tel détail supplémentaire, si vous le souhaitez.
QUESTION - Monsieur le Président, pensez-vous que, maintenant, les règles pour l'élargissement sont plus strictes qu'avant ? Maintenant que l'on va avoir ces rapports sur la capacité d'absorption ? Et êtes-vous d'accord avec M. JUNCKER, si la Turquie n'ouvre pas ses ports, on doit arrêter toutes les négociations cette année ?
LE PRESIDENT - Premièrement, les délibérations et les décisions qui ont été prises aujourd'hui n'ont pas durci ou même transformé les conditions, je vous l'ai dit tout à l'heure, de l'entrée, de l'élargissement. Je vous ai dit ce qu'étaient les conditions d'absorption, cela ne concerne pas du tout les critères, qui restent les critères de Copenhague et qui ne changent pas. Donc, sur ce point, il n'y a aucun doute sur le fait que rien n'ait changé dans le principe. Chacun doit prendre conscience, que c'est un contrat à deux, un élargissement. C'est naturellement la volonté d'un pays candidat, mais c'est aussi la volonté d'assumer les responsabilités que cela implique de la part des autres, c'est-à-dire, de l'ensemble de l'Union. Donc, il n'y a pas d'inquiétude de ce point de vue.
Ensuite, en règle générale, je suis toujours d'accord avec M. Jean-Claude JUNCKER, mais je n'ai pas entendu ou lu ce qu'il a dit sur la Turquie. Il me parait évident que la Turquie, dont on a ouvert un chapitre de négociations, devra respecter les engagements qu'elle a pris, notamment pour ce qui concerne la possibilité, pour les marchandises venant de Chypre, de se rendre dans les ports turcs. Il est évident que, si elle ne remplit pas ces conditions, elle mettra en cause, elle-même, sa capacité de poursuivre le processus d'élargissement.
QUESTION - Monsieur le Président, n'êtes-vous pas d'accord avec l'argument qu'il n'est pas pratique d'avoir deux sièges différents pour le Parlement
européen ? A quelles conditions la France acceptera-t-elle que l'on déplace le tout définitivement à Bruxelles ?
Et que pensez-vous du fait que le Premier ministre hollandais soutient publiquement la pétition en faveur du siège à Bruxelles ?
LE PRESIDENT - Premièrement, ces deux questions sont liées. Je vous rappelle que les règles du jeu doivent être respectées. Le siège à Strasbourg du Parlement, ce n'est pas la volonté du Parlement, du Premier ministre hollandais, ou de n'importe qui, c'est dans le Traité, c'est une question qui relève du Traité. Par conséquent, si l'on veut changer le siège du Parlement, à ce moment là, il faut changer le Traité, avec toute la procédure que cela implique. Le reste ce sont des bavardages, plus ou moins orientés et donc, je n'en tiens, pour ma part, aucun compte.
Alors, je dois dire que je n'ai pas entendu le Premier ministre hollandais, pour qui j'ai beaucoup d'amitié et beaucoup d'estime, que je connais bien, exprimer ce point de vue à la table du Conseil. Il n'a pas parlé du siège du Parlement et donc je ne lui ai pas répondu. La question n'a pas été posée et elle n'a pas été posée pour une raison simple, c'est qu'elle ne se pose pas. Ce n'est pas le Parlement, ce ne sont pas les Etats, ce ne sont pas les hommes qui décident dans ce domaine, c'est le Traité.
QUESTION - Sur la Constitution, on voit bien que, depuis un an de réflexion, on n'a pas franchement avancé et c'est toujours bloqué entre ceux qui ne
veulent pas l'enterrer et ceux qui estiment qu'il faut continuer. Qu'est-ce qui vous laisse penser que, pendant un ou deux ans de réflexion supplémentaire, les choses pourraient se
débloquer ?
LE PRESIDENT - Une raison simple, c'est qu'il n'y a pas, dans les sociétés humaines, de blocage permanent, il y a toujours une solution aux problèmes. J'ai une assez longue expérience de l'Europe et j'ai toujours vu l'Europe progresser de crises en crises, dénoncées, à l'époque, comme définitives et qui, tout naturellement, trouvaient leur sortie. La page était tournée et on préparait la crise suivante. Cela a toujours été comme cela et ne croyez pas que cela va changer, c'est dans la nature des choses, c'est dans la nature d'un sentiment complexe généré par un certain nombre d'Etats qui veulent se mettre tous ensemble d'accord.
Mais, de même que la crise est inhérente au système, la sortie de crise est également inhérente au système. Il faut donc se donner le temps de la réflexion. Nous avons un
problème simple, les institutions ne fonctionnent pas comme il est souhaitable. Des solutions avaient été proposées, elles n'ont pas été retenues par certains pays s'exprimant par
voie de référendum, c'est comme cela. Ce qui est choquant, ce n'est pas le fait que les Français ou les Néerlandais aient refusé, ce qui est choquant, c'est la campagne de certains
qui ont fait campagne pour le "non" en expliquant qu'il y avait un plan B. Alors qu'en tous les cas, pour ceux qui avaient exercé des fonctions importantes, souvent au sein des
gouvernements, ils savaient très bien qu'ils mentaient. Et c'est très mal de mentir aux Français, surtout dans une campagne électorale.
Ils mentaient parce qu'il n'y avait pas de plan B, naturellement.
Alors, à partir de cette constatation, il faut une réflexion beaucoup plus approfondie et plus longue. Cette réflexion sera finalement déterminée par tout le monde, bien sûr, mais il y aura des moteurs inévitables. Que certains pays soient plus importants que d'autres, ce n'est pas du tout dans l'état d'esprit mais parce que c'est dans la nature des choses. L'Allemagne va commencer. Il est certain que la position que prendra l'Allemagne, lors de sa prochaine présidence, après la Finlande, sera importante et contribuera à mettre le train sur les rails. Et qu'ensuite, il faudra attendre la présidence française, au deuxième semestre de 2008. Je dirais probablement, pour conclure, que c'est ce qui est le plus vraisemblable. Mais ne croyez pas qu'il s'agit là de quelque chose de dramatique.
Pendant ce temps, parce qu'on a toujours une grande capacité à s'autoflageller, on a une Europe qui continue à travailler. Je ne vais pas entrer dans les détails, vous les connaissez. La réforme des institutions est en panne. On en sortira avec le délai de réflexion nécessaire mais, pendant ce temps, l'Europe continue d'avancer : on a un budget, on prend toutes sortes d'initiatives, on a l'Europe des projets. Donc, il n'y pas lieu de s'inquiéter pour l'avenir de l'Europe.
QUESTION - Monsieur le Président, vous nous avez parlé de la politique énergétique européenne. Il y avait une idée dans l'air qui paraissait assez bonne, qui était celle de la fusion Suez/Gaz de France. On a l'impression, pour le moment, que la situation est un peu comme celle de la Constitution, c'est-à-dire que c'est une crise. Alors, comment voyez-vous la sortie de crise dans cette affaire ?
LE PRESIDENT - D'abord, je n'aime pas l'abus du mot crise. Aujourd'hui, rien ne se passe qui ne soit immédiatement qualifié de crise. Cela fait partie
de la présentation générale des choses. Dans cette affaire, le fait est que la sécurité énergétique est un enjeu essentiel pour la France et, d'ailleurs, pour l'Europe, nous en
avons parlé, notamment pour notre approvisionnement en gaz naturel. C'est un enjeu essentiel pour notre pays. Il y a ce problème.
Il y a aussi le sort des 60 000 salariés de Suez en France, qui sont directement concernés par l'eau ou l'assainissement et qui sont, évidemment, inquiets à l'idée des conséquences qui pourraient être celles d'une OPA, notamment hostile, sur leur devenir et qu'on peut naturellement les comprendre. Donc, on a un deuxième aspect fort de ce problème.
Enfin, il y a, bien entendu, les garanties qui doivent être données sur leur sort aux salariés de Gaz de France. Je pense à leur statut, au principe même du maintien d'un service public auquel nous sommes profondément attachés, c'est dans notre tradition nationale, et aussi sur les tarifs pour ce qui concerne les consommateurs.
Il y a, aujourd'hui, dans ce contexte difficile, un projet sur la table qui est la fusion Suez/Gaz de France. C'est un projet qui a été proposé par les entreprises et qui est travaillé de manière approfondie par le Gouvernement. Ceci en concertation étroite d'une part, avec les organisations syndicales de travailleurs salariés et d'autre part, avec le Parlement. Le Gouvernement avance sur ce projet qui est d'intérêt majeur. C'est sur la base de cette volonté de dialogue et d'action qu'il va arrêter, dans les prochains jours, son calendrier parlementaire.
QUESTION - M. PRODI a dit qu'il vous a amené, quand il était à Paris, une proposition amicale sur ENEL/Gaz de France/Suez. Est-ce que vous avez eu le temps de réfléchir sur ce projet et d'apporter une réponse ? Et ce que vous avez à dire sur l'article du Monde qui dit que le projet GDF/Suez a été reporté ? Deuxième question, sur EADS, l'AMF a dit qu'elle enquêtait sur les actions d'EADS : est-ce que vous pouvez nous dire si vous avez toujours confiance dans la gestion de la société ? Et pour régler le problème de l'A380, est-ce que le gouvernement français est prêt à apporter l'aide de l'État ?
LE PRESIDENT - Premièrement, j'ai eu, tout récemment, avec M. PRODI, des entretiens extrêmement chaleureux. Nous nous connaissons depuis très longtemps. Nous avons réciproquement de l'estime et de l'amitié et naturellement, ses propos ne pouvaient être qu'aimables.
M. PRODI ne m'a fait aucune proposition amiable en matière industrielle. Ce n'était ni son rôle, ni le mien. Je connaissais parfaitement le problème. Je l'ai évoqué à l'instant, je n'y reviendrai pas. Ce que je souhaite, en tous les cas, dans l'état d'esprit, c'est que nous prenions toujours avec l'Italie le maximum d'initiatives nous permettant de constituer des grands groupes de nature européenne ou mondiale, entre la France et l'Italie, chaque fois que c'est possible et, naturellement, de façon amicale.
Vous m'avez interrogé sur EADS : je voudrais, tout d'abord, vous dire qu'EADS et AIRBUS, c'est un très grand projet, c'est un très grand succès européen. Il y a des retards de l'A380, il ne faut rien exagérer sur un problème aussi complexe et aussi technique. On peut très bien imaginer qu'il y ait des retards. Naturellement, il va valoir résoudre les problèmes techniques qu'impliquent ces retards. Je vous rappelle que l'A380 a déjà plus de 400 heures de vol et que les premiers seront livrés dès cette année.
Par conséquent, je n'ai pas d'inquiétude pour l'A380 et pour les conditions techniques des solutions qui seront apportées à ces problèmes. Face à ces difficultés, je sais très bien que l'entreprise est entièrement mobilisée et à juste titre, pour surmonter ces problèmes et ces difficultés. Je lui fais toute confiance et je n'ai pas d'autres commentaires à faire sur un sujet de cette nature.
Enfin, sur le journal "Le Monde" qui annoncerait je ne sais quoi, je ne saurais trop vous mettre en garde contre les conclusions tirées hâtivement de la presse en général. Tout cela pour dire que l'information en question était dépourvue de fondement.
QUESTION - Je voudrais revenir sur la Constitution, sur la séquence de sortie de crise, puisque cela n'en est pas une. Je voudrais être certain de bien la comprendre. Il va y avoir une renégociation du Traité constitutionnel et est-ce que cette renégociation du Traité constitutionnel débouchera sur un nouveau texte qui sera soumis à un référendum, disons, au premier semestre 2009, est-ce que c'est cela votre sortie de crise possible ?
LE PRESIDENT - Monsieur QUATREMER, vous suivez depuis suffisamment longtemps les problèmes européens pour imaginer qu'il n'y a pas de réponse simple à une question de cette nature. Si on a prolongé le délai de réflexion, c'est précisément que l'on voulait réfléchir davantage, cela ne vous a pas échappé. Et si l'on voulait réfléchir davantage, c'est précisément parce que nous n'avions pas de solution de sortie que l'on puisse immédiatement évoquer.
Donc, la première étape c'est un approfondissement de la réflexion et nous avons tout naturellement confié, après la présidence finlandaise, à la présidence allemande de faire une réflexion approfondie, sans préjugé, sans dire on va faire ceci, on va faire cela, ce qui serait d'une extrême légèreté et ce qui prendrait immédiatement à rebrousse poil les autres.
Donc, on réfléchit de façon sereine et calme. Cette réflexion se poursuivra forcément et, à mon avis, pendant les deux années qui viennent. Et on aboutira à un résultat -en réalité tout le monde en est conscient- qu'au terme d'une séquence qui, je le répète, commençant par la présidence allemande, se terminera par la présidence française. C'est à ce moment là que l'on pourra dessiner les contours d'une solution. Alors, est-ce que cela sera un autre Traité, par un autre Traité, quelle procédure pour y arriver, cela c'est impossible à dire aujourd'hui, ce serait irresponsable de l'imaginer.
QUESTION - Monsieur le Président, est-ce que l'on a trouvé un mécanisme d'aide aux Palestiniens, à cinq semaines du référendum, notamment pour le paiement des salaires des 165 000 fonctionnaires palestiniens ?
LE PRESIDENT - Premièrement, je ne vous étonnerais pas en vous disant que je le souhaite. Vous connaissez la position de la France : nous estimons qu'il serait tout à fait inadmissible, immoral et politiquement très contestable de faire payer au peuple palestinien les conséquences de ses choix politiques, démocratiques. Par conséquent, la France soutient le principe de la poursuite de l'aide aux Palestiniens dans tous les domaines, y compris tout le paiement des salaires des fonctionnaires qui représentent la vie ou la survie de, au total, un million de personnes, ce qui est considérable et des gens qui ne sont pas payés depuis trois ou quatre mois. Voyez ce que cela peut engendrer comme frustration, éventuellement comme colère, et, en tous les cas, comme injustice.
Dans le cadre de ce qu'a indiqué le Quartet, sous l'impulsion notamment de la Commissaire compétente, Madame WALDNER, l'Union européenne a beaucoup progressé notamment depuis deux jours et à l'occasion de ce Conseil. Je pense, sans pouvoir encore le dire de façon définitive car ce n'est pas encore définitivement décidé, qu'un progrès important, dans l'esprit de ce qu'a défini le Quartet est fait grâce notamment à l'action de la Commission. Des décisions positives vont pouvoir être prises concernant l'aide en général et particulièrement aux fonctionnaires, notamment pour ce qui touche au domaine de la santé.
QUESTION - Monsieur le Président, vous nous avez dit que vous aviez initié un débat sur l'élargissement, les capacités d'absorption. Pourquoi ne pas avoir initié ce débat par exemple en 1999, à Helsinki, avant de donner le feu vert à la Turquie ? Est-ce que c'est le "non" des Français au référendum qui vous a fait modifier votre point de vue sur l'élargissement de l'Europe ?
LE PRESIDENT - D'abord, chaque chose vient en son temps. Nous avons dit, il y a un certain temps, que notre système devait être apprécié en fonction de ses institutions, notamment de ses capacités financières, de ses réactions politiques avant de décider de l'élargissement.
J'avais d'ailleurs précisé que je ne remettais en aucun cas en cause les critères, c'est-à-dire que je n'imposais absolument pas de nouvelles conditions pour l'entrée. Je demandais simplement que l'on prenne conscience des conséquences, de part et d'autre, de telles décisions.
Il a fallu un certain temps, notamment pour convaincre l'ensemble de nos partenaires. Pour dire la vérité, un certain nombre de nos partenaires n'étaient pas favorables à cette réflexion parce qu'ils craignaient que l'on remette en cause les critères, pour les durcir, ce qui n'avait jamais été ma proposition mais ils le craignaient. Ils craignaient que, dans le cadre de la discussion, on ait un changement de critères ou des critères nouveaux ou un durcissement des critères actuels.
Or, beaucoup avaient dans l'esprit notamment le problème des Balkans. Par conséquent, ils étaient un peu réservés. Il a donc fallu convaincre d'abord, que nous n'avions pas d'arrières pensées négatives à l'égard de quiconque, que nous avions simplement un souci de bonne gestion qui devait être apprécié par la Commission et ensuite approuvé par le Conseil.
Je vous remercie.
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