Conférence de presse du Président de la République à l'issue du 6e sommet Europe-Asie

Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République française, à l'issue du 6e sommet Europe-Asie

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Helsinki – Finlande, le lundi 11 septembre 2006

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LE PRESIDENT – Mesdames, Messieurs, on vient de terminer cette réunion de l'ASEM. Et je voudrais d'abord, évidemment, remercier la Présidente, le Premier ministre, et les autorités de Finlande, qui ont remarquablement organisé cette réunion. Et cela, c'est un avis partagé par tous.

Cette réunion avait un élément émotionnel particulier et fort en raison du cinquième anniversaire des événements du 11 septembre, qui ont été présents directement, ou indirectement, dans tous les esprits et dans beaucoup de réflexions. Notamment dans l'unanimité qui est ressortie de l'ensemble de nos discussions sur la nécessité de lutter contre le terrorisme de façon efficace. Nous avons eu une unanimité complète. L'unanimité aussi dans l'émotion qui s'est traduite dans un geste symbolique, c'est-à-dire une minute de silence. Pour avoir assisté dans ma vie à beaucoup de minutes de silence, j'ai trouvé que celle-ci, ouverte par le Premier ministre de Finlande, avait une densité particulière. C'était visible dans le comportement des hommes et des femmes qui représentaient leur pays à cette réunion. Chacun peut comprendre les raisons de cette émotion, de cet hommage. Je n'ai pas besoin de vous dire que je m'y suis associé avec le cœur. J'avais, d'ailleurs, écrit une lettre au Président Georges BUSH pour manifester l'émotion et la solidarité de la France à l'occasion de ce cinquième anniversaire.

L'ASEM a été fondée en 1996. Elle a le mérite d'être une enceinte privilégiée, une enceinte efficace d'échanges et de dialogue. J'ai vu, au fil des ans, que les liens qui s'étaient noués entre les pays, entre les dirigeants, et au-delà d'eux-mêmes, entre les peuples, s'étaient confortés. Incontestablement, l'intimité, le respect de l'autre, l'amitié, s'étaient renforcés.

Cette session a permis de manifester à nouveau ce lien fort entre l'Europe et l'Asie. Elle a permis des échanges de vues intéressants. Et elle a permis, enfin, que des relations bilatérales se nouent, se développent, se renforcent, ce qui a été le cas dans les entretiens que j'ai pu avoir avec un certain nombre de chefs d'Etat ou de gouvernement, du Vietnam, de la Chine, de l'Indonésie, de la Corée, de Singapour, de la Malaisie et de Thaïlande. Le tout dans un esprit de solidarité et de coopération que je tiens à souligner.

Ceci a été particulièrement bien exprimé, entre autre, par le Premier ministre du Portugal dans son intervention de ce matin. Une volonté d'aborder, ensemble, un certain nombre de défis, tels que les conflits dans le monde, la pauvreté et l'environnement. Ces trois sujets ont fait l'essentiel de nos débats, et notamment de nos débats de ce matin.

La journée de dimanche a été consacrée aux questions politiques et aux crises régionales. Nous avons évoqué l'approche multilatérale, qui nous est totalement commune, et la solidarité avec l'ONU.
Nous avons discuté de l'Iran pour, à l'unanimité, considérer que le dialogue était absolument nécessaire pour sortir des problèmes ou des difficultés actuels.
Nous avons évoqué la Corée du Nord, avec, je dois le dire, un très intéressant exposé du Président de la Corée du Sud et la volonté affirmée, à l'unanimité, d'une relance urgente du processus des Six.
Nous avons évoqué le problème de la paix et de la reconstruction au Liban, des questions liées au dialogue qu'il est nécessaire de rétablir entre Israël et les Palestiniens.
Enfin, nous avons évoqué la Birmanie pour rappeler, cela a été notamment mon cas, de façon ferme à son représentant -puisque vous savez que l'Europe n'a pas accepté que la Birmanie soit représentée par son chef d'Etat pour des raisons de principe-, et nous sommes plusieurs à l'avoir dit clairement, qu'il fallait obtenir, et c'était la responsabilité de l'Asie et de l'Europe, que ce pays évolue vers un respect plus affirmé des droits de l'Homme, notamment, par le retour à la démocratie, la libération de tous les prisonniers politiques et bien sûr celui de Madame AUNG SAN SUU KYI .

Aujourd'hui, nous avons discuté des questions économiques, écologiques et culturelles.

S'agissant de l'économie, nous avons évoqué l'OMC. Nous avons pris acte du fait que l'échec était dû ou justifié par un certain mépris des intérêts des pays les plus pauvres par les pays émergeants ou riches, dans le cadre des échanges internationaux. La France, vous le savez, a longtemps affirmé que les intérêts des pays les plus pauvres devaient être pris en considération et que cela n'était pas le cas dans le cadre de l'OMC. Nous avons évoqué le problème de la mise en œuvre de zones de libre échange, le problème de l'accélération des travaux sur la propriété intellectuelle, les indications géographiques et donc la lutte contre la contrefaçon, qui est une des plaies de l'économie moderne.

Pour l'écologie, j'ai évoqué, et j'ai été suivi, la nécessité d'instituer, c'est une idée que la France défend depuis longtemps, une organisation des Nations Unies pour l'Environnement.

Nous avons évoqué Kyoto et l'après Kyoto. Sur ce point, nous avons été tout à fait unanime. Nous avons évoqué les problèmes liés à la solidarité. Je les ai notamment développés, ce matin, après l'intervention du Premier ministre portugais à laquelle je faisais allusion tout à l'heure. J'ai rappelé la nécessité de se mettre en situation de respecter les objectifs du Millénaire, ce qui n'est pas le cas actuellement. J'aurai l'occasion d'évoquer ces problèmes à nouveau lors de la réunion de l'Assemblée générale des Nations Unies dans quelques jours, à New York. Sur les mécanismes et la nécessité des financements innovants, j'ai une fois de plus rappelé, mais cette fois-ci j'ai été approuvé par tout le monde, dans ce forum restreint mais important, puisqu'il représente 40 % de la population du monde. J'ai souligné qu'il n'y avait pas de solution aux problèmes des équilibres du monde sans une lutte efficace contre le sous-développement, qu'il n'y avait pas de lutte efficace contre le sous-développement sans des moyens importants, et qui sont nécessaires –que j'ai, d'ailleurs, chiffrés à titre personnel. Il ne fallait pas compter uniquement, à cet égard, sur les efforts budgétaires des Etats car les Etats, au travers de leurs budgets, ne feront jamais les efforts nécessaires. C'est dans la nature des choses. Par conséquent, il faut trouver des financements innovants qui sont reliés directement, ou indirectement, à la création de richesses internationales, et au développement du commerce international.

Je vais, d'ailleurs, lancer à l'occasion de l'Assemblée générale des Nations Unies à New York, l'UNITAID afin de mettre en œuvre les financements innovants destinés à lutter contre la malaria, le sida et la tuberculose.

Nous avons également évoqué la culture en soulignant combien il était essentiel –je me suis permis de le faire avec force– de ratifier la convention de l'Unesco sur la diversité cultuelle, qui a été votée à la quasi unanimité à l'Unesco, par tous les membres présents aujourd'hui à Helsinki, et qui doit être ratifiée maintenant par les différentes procédures nationales de façon à pouvoir entrer en œuvre le plus rapidement possible.

Et puis enfin, pour l'avenir, nous avons adopté, à l'unanimité, sans aucune discussion, le soutien à cinq candidats nouveaux à l'ASEM : trois asiatiques, la Mongolie, l'Inde et le Pakistan et deux Européens, la Bulgarie et la Roumanie. Je me suis réjoui pour ma part de ces décisions.

Voila je vous ai rendu compte de ce qui avait caractérisé ce sommet sur le plan pratique, émotionnel et politique.

Je suis tout prêt à répondre à une ou deux questions.


QUESTION – Si vous le permettez, Monsieur le Président, j'aurais deux questions. Vous avez évoqué le 11 septembre, pourriez-vous nous dire quelle est la réalité de la menace terroriste en France aujourd'hui ? Est-elle plus importante, par exemple, qu'il y a un an ou deux, compte tenu de ce qui s'est passé au Liban ?
La deuxième question concerne l'Iran. Vous avez hier, lors d'un entretien avec M. ZAPATERO, qui a été diffusé sur les chaînes de télévision, déclaré que la situation au Liban pouvait rester stable encore quatre ou cinq mois et que tout dépendrait ensuite des négociations en cours avec l'Iran. Qu'entendiez-vous par là ? Vous faites un lien entre les négociations sur le nucléaire iranien et ce qui se passe sur le terrain ; pouvez-vous nous l'expliquer, s'il vous plait ?

LE PRESIDENT – D'abord, la réalité de la menace terroriste en France. Personne ne peut répondre à cette question, hélas. Tout ce que nous savons c'est que beaucoup de pays, pour ne pas dire tous les pays, sont susceptibles d'être menacés par le terrorisme, ou d'être attaqués par des terroristes. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons maintenu, en France, notre système de sécurité, parce qu'on peut s'attendre à tout. Il faut être vigilants.

Je n'ai aucune information qui me permette de dire que ces menaces sont supérieures, inférieures, ou égales à celles qu'on a connues il y a trois mois, il y a deux mois ou hier. Si j'en avais, il va se soi que j'en tirerais toutes les conséquences nécessaires. Mais ce que je sais, c'est que tout le monde peut être menacé. Quand l'Angleterre a été prise à partie, quand la France d'ailleurs, il y a quelques années a été prise à partie, quand l'Espagne l'a été, personne ne l'avait prévu. Donc, il n'y a pas de raisons particulières de penser que nous avons des craintes, mais nous devons en avoir, par définition.

Ensuite, vous m'avez posé une question dans le détail de laquelle je ne rentrerai pas. Il s'agissait de propos que j'ai eu l'imprudence de prononcer, sans m'apercevoir qu'ils étaient purement et simplement volés, de propos échangés, en réalité, dans le cadre d'une réflexion commune entre le Premier ministre espagnol et moi-même. Nous réfléchissions tranquillement. Je n'avais pas imaginé un seul instant que ceci pût avoir une publicité, je le déplore et je ne fais pas de commentaires à ce sujet. Simplement, je m'en souviendrai. Parce qu'on n'a pas le droit d'utiliser sur des sujets qui peuvent avoir des conséquences sur la vie des hommes, et notamment des Français, de façon aussi légère, ce type de chose. Donc, je ne ferai pas de commentaires là-dessus.

Ceci étant, sur le Liban, vous le savez, nous sommes déterminés à avoir une politique de renforcement de la paix. C'est tout le sens de la politique que nous avons avec la FINUL et nous nous sommes beaucoup dépensés pour que cette FINUL puisse se déployer et dans de bonnes conditions d'intervention, dans le cadre des opérations de maintien de la paix. Nous nous dépensons pour que le Liban puisse retrouver toute son autorité politique, celle de son gouvernement, sur la totalité de son territoire, car il n'est pas d'Etat qui puisse accepter qu'une partie de son territoire lui échappe sur le plan de l'autorité, et aussi pour le redressement économique du Liban de façon à pouvoir commencer à réparer les conséquences économiques et sociales de la situation que nous avons connue, hélas, au Liban.


QUESTION - Je voulais revenir un instant, sur l'Iran, Monsieur le Président. L'Iran vient d'offrir de geler pendant deux mois son enrichissement d'uranium. Je voudrais savoir, à partir de là, comment voyez-vous le schéma pour les prochaines semaines, et si vous pensez que des sanctions sont inévitables comme le pensent apparemment les Etats-Unis ?


LE PRESIDENT – Je pense qu'en période de difficultés, il faut toujours sortir de celles-ci par le dialogue. Je souhaite donc que l'on sorte des difficultés que nous connaissons à ce sujet par le dialogue. Deuxièmement, je constate que ce dialogue est engagé, notamment par le biais de M. SOLANA qui a eu déjà deux entretiens avec son correspondant iranien, et qui doit en avoir, d'après ce que je crois savoir, très prochainement un troisième. Je souhaite que le dialogue réussisse.


QUESTION – On vient d'apprendre que le Fatah et le Hamas sont convenus de former un gouvernement d'union nationale. Croyez-vous que l'Union européenne devrait entamer le dialogue avec ce gouvernement et sous quelles conditions ?

LE PRESIDENT – J'ai compris que le Président de l'Autorité palestinienne, M. Mahmoud ABBAS, avait l'intention d'instituer un gouvernement de transition et je crois comprendre, aux dernières informations, que ce projet pourrait voir le jour. Je m'en réjouis et je pense qu'il est essentiel pour les Palestiniens de parler d'une seule voix, sous l'autorité du Président Mahmoud ABBAS.


QUESTION – Monsieur le Président, comme peut-être vous le savez, il y a eu beaucoup de discussions dans la presse de Finlande sur la déclaration qui vous est attribuée concernant la critique sur le gouvernement finlandais, sur la politique finlandaise. Avez-vous un commentaire à faire sur cela, est-ce que vous avez parlé ici avec M. TUOMIOJA ou avec M. VANHANEN sur la présidence finlandaise de l'Union européenne et sur la politique étrangère ?

LE PRESIDENT – Premièrement, la Présidence de la République française a fait instantanément un démenti total de ce propos et en a immédiatement informé les autorités finlandaises, le ministre des Affaires étrangères, le Premier ministre et la Présidente. Donc, cela ne supposait pas davantage de développement. En revanche, je voudrais simplement rappeler que pendant toute cette période où l'on a parlé du Liban, j'ai eu au moins, pendant un mois, cinq fois au téléphone le Premier ministre de Finlande, en partant du principe qu'il était Président de l'Union européenne, Président en exercice de l'Union européenne et que par conséquent, je ne souhaitais pas prendre la moindre initiative sans l'avoir préalablement consulté ou informé. Et donc, à cinq reprises, chaque fois que j'ai eu l'occasion de prendre une initiative, j'ai téléphoné au Premier ministre finlandais pour le consulter ou pour l'informer. Ce qui témoignait d'une relation particulièrement bonne entre la France et la Présidence finlandaise, relation qui, par ailleurs, allait tout à fait de soi. Donc, il s'agit là vraiment d'un incident n'ayant aucune portée.


QUESTION – Monsieur le Président, Nicolas SARKOZY est aujourd'hui en visite aux Etats-Unis pour rendre hommage aux victimes du 11 septembre, et le parti socialiste français, son porte-parole Julien DRAY, s'adresse à vous en disant qu'on craint qu'il y ait confusion des genres dans les mois qui viennent. M. SARKOZY est en visite officielle, mais utilise à des fins électorales des campagnes de photos avec des décideurs américains. Le parti socialiste se réserve le droit de saisir le Conseil constitutionnel et en appelle au Président de la République pour avoir une clarification. Alors je vous pose la question ?

LE PRESIDENT – Le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur qui allant aux Etats-Unis à cette époque, a été chargé par moi d'être le représentant de la France aux cérémonies du 11 septembre, puisqu'il s'y trouvait. A ma connaissance le ministre de l'Intérieur a fait le voyage sur un avion de ligne ordinaire, probablement d'Air France-KLM.


QUESTION – Monsieur le Président, sur le Liban, la déclaration finale de ce Sommet parle des contributions des membres asiatiques de l'ASEM à la FINUL au Liban. Pourriez-vous nous fournir quelques détails sur ces contributions, vu la responsabilité particulière de la France envers le Liban. On a entendu, par exemple, que la Chine veut faire une contribution importante, on a parlé de 1 000 soldats, est-ce que ce chiffre est correct ?

LE PRESIDENT – Je voudrais d'abord rendre hommage à l'Asie, à ses peuples, qu'ils soient musulmans ou non musulmans. Il était très important que le drame qu'a connu le Liban et qui exigeait une intervention militaire, c'est ce qu'avait prévu la résolution 1701, que cette action militaire soit représentative au maximum des populations qui peuvent être touchées par le problème libanais. Il y avait les Européens, cela allait de soi. Et dès que nous avons été assurés, je parle des Français, par le Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, que les modalités d'engagement et de fonctionnement de cette FINUL renforcée étaient compatibles avec les responsabilités qui consistaient à y envoyer des soldats français, nous avons pris une décision, et nous avons été suivis par l'ensemble de nos partenaires européens, avec l'Italie.

Nous avons souhaité qu'il y ait des représentants de l'Asie et pas seulement de l'Asie musulmane, de l'ensemble de l'Asie. C'est vrai que nous avons eu un certain nombre de contacts avec les représentants de ces pays pour les encourager à venir. Et le succès, je dois dire, est confirmé, puisque plusieurs pays ont déjà pris leur décision, je ne reviens pas sur la liste, vous les connaissez. Le Premier ministre chinois a effectivement annoncé hier, qu'au-delà des 240 soldats chinois qui sont déjà là, et qui s'occupent de déminage, il enverrait une contribution non négligeable, puisqu'on a évoqué un millier d'hommes au Liban. Je m'en réjouis. Il y a une solidarité donc, qui s'est manifestée clairement et dont l'ASEM peut être fière, puisqu'elle l'a fait solidairement.

Je vous remercie.





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