Le Bourget - Samedi 10 juin 1995.
Le beau et l'utile, l'esthétique et la performance, finissent toujours par se rejoindre lorsqu'ils convergent vers l'excellence.
C'est pourquoi j'ai éprouvé un vrai plaisir à visiter le Salon international de l'aéronautique et de l'espace du Bourget.
Les démonstrations en vol des appareils les plus prestigieux, effectuées par les pilotes les plus habiles, suscitent l'émerveillement technique, autant que l'émotion artistique.
Les pavillons, qui présentent les réalisations de l'ensemble des pays et des organisations qui œuvrent dans ces secteurs de haute technologie, permettent d'apprécier les fruits des travaux des chercheurs auxquels je tiens à rendre un hommage particulier.
Il est donc naturel que ce rendez-vous international réunisse tant de professionnels renommés et accueille, pendant une semaine, autant de visiteurs de tous âges et de toutes origines.
Cette réussite est à mettre au crédit des organisateurs de ce salon, que je remercie et auxquels j'adresse mes vœux de plein succès.
Nos entreprises illustrent de façon éclatante l'esprit de conquête qui a forgé notre identité nationale et donnera un visage à notre avenir. L'aéronautique, le spatial, c'est d'une certaine façon le rêve de chacun. Pour vaincre le chômage, pour donner à notre pays, à notre continent, de nouvelles ambitions et de nouvelles perspectives, quel plus beau domaine que celui de l'aéronautique et de l'espace ?
Oui, l'espace fait rêver. Et les industriels de l'espace et de l'aéronautique font des rêves une réalité. En même temps qu'ils repoussent les limites de nos conquêtes, ils rapprochent les hommes les uns des autres. Ils font reculer les barrières de la connaissance.
Au service de la planète tout entière, comme en témoigne le satellite Topex-Poséidon exploité en coopération franco-américaine avec le succès que l'on sait, la science spatiale est aussi orientée vers des coopérations internationales dans le domaine de l'environnement et l'étude de l'univers.
Mais pour la France, l'ouverture au monde passe pour une large part, par l'Europe, et l'Agence spatiale européenne.
Le succès d'Ariane, une nouvelle fois confirmé cette nuit par le lancement du satellite de télévision directe américain DBS est la démonstration parfaite de notre maîtrise des systèmes de lancement sans lesquels il n'y a pas d'autonomie possible.
Aujourd'hui ce sont les applications stratégiques et économiques de l'espace qui dépassent, elles aussi, le cadre des frontières nationales. Réalisés en coopération ou utilisés pour relier entre eux les différents points du globe, les satellites d'observation de la terre, de localisation et de télécommunication sont entrés dans notre univers quotidien. Ils ouvrent d'inestimables perspectives de développement.
La France a toujours été porteuse d'une ambition spatiale forte. Cette ambition, elle doit aujourd'hui la renouveler.
Il nous revient de lancer, et de proposer à nos partenaires, les futurs programmes civils et militaires qui dessineront les applications spatiales de demain. La coopération franco-allemande est au cœur de ce dispositif. Il faut beaucoup attendre des futurs programmes de l'Agence spatiale européenne qui seront définis, dans le cadre de la conférence qui se tiendra à Toulouse en octobre, mais aussi des projets de satellites d'observation militaires ou civils menés en coopération directe.
Je n'oublie pas, en effet, les grands pays spatiaux de l'Europe et du monde, avec lesquels les développements futurs seront à l'échelle de la planète tout entière, en particulier dans le cadre de la station spatiale internationale Alpha et de sa desserte, dont le contour doit être défini en fonction de nos intérêts technologiques et scientifiques.
L'Europe doit aussi être privilégiée dans nos choix aéronautiques. Sans la coopération européenne, l'industrie de notre continent aurait disparu depuis longtemps, faute d'une taille critique nécessaire dans un marché qui est mondial.
Je salue donc l'élargissement récent à British Aerospace de l'accord franco-italien entre Alenia et Aerospatiale sur les avions régionaux ATR.
Avions gros et moyens porteurs pour Airbus Industrie, avions régionaux pour le groupement ATR, avions d'affaires de Dassault-Aviation, ont connu un rythme de livraison élevé en 1994 et je m'en réjouis.
Les produits modernes dont disposent nos industries sont les meilleurs garants de leur succès. Les avions Airbus A-330 et A-340, les ATR 42 et 72, les Falcon 900 et 2000, les nouveaux hélicoptères EC 135 d'Eurocopter que nous venons de voir en démonstration en vol sont autant d'exemples et aussi de gammes à décliner pour l'avenir.
La poursuite de cette politique ambitieuse de développement, touchant également les principaux équipements, est un impératif national et européen. Cela est vrai pour les moteurs, bien sûr, grâce à la position de la Snecma, qui fêtait hier son 50e anniversaire, mais aussi pour l'ensemble des équipements aéronautiques sans lesquels nos intégrateurs ne sauraient réussir.
Le secteur aéronautique vit dans un cadre international de vive concurrence, accentuée par les désordres monétaires. Certes, l'ouverture est une chance pour consolider la compétitivité de nos industries et, par là, les emplois qu'elle procure à des dizaines de milliers de personnes. Mais l'ouverture ne saurait être l'acceptation d'une guerre commerciale sans règles du jeu.
Il est nécessaire de réunir des conditions de change ordonnées et des taux qui reflètent la compétitivité réelle des principales puissances économiques. C'est pourquoi je suis très attaché à ce qu'une coopération monétaire renforcée s'établisse entre les grands pays industrialisés. C'est une question d'équité et d'efficacité.
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Ceci est également vrai pour nos industries de défense. J'ai déjà évoqué le secteur spatial. Dans le secteur aéronautique et les missiles, les enjeux sont aujourd'hui clairs :
- il faut constituer à l'échelle européenne des ensembles industriels de taille suffisante pour être compétitif. Un certain nombre d'accords ont été conclus récemment ou sont en cours de négociation, et je m'en réjouis.
- Il convient, parallèlement, de poursuivre une politique soutenue de développement des moyens modernes de notre défense. Le Rafale, dont nous venons de voir la brillante démonstration, en est un remarquable exemple, auquel ont contribué les grands industriels français. L'industrie française a su s'imposer au plan mondial par ses compétences technologiques. Elle doit continuer à figurer dans le peloton de tête : c'est une condition de notre souveraineté et un élément essentiel de la construction de l'Europe de la défense, dont l'actualité montre toute la nécessité.
Au-delà de ces enjeux techniques et stratégiques, le défi qui est lancé à ces industries est aujourd'hui économique, financier et social :
- défi économique, parce qu'il s'agit d'affronter une concurrence sévère. La compétitivité est une question de survie ;
- défi financier, parce que les nouveaux programmes s'inscrivent dans un contexte budgétaire difficile et qu'il nous faudra trouver les bons équilibres ;
- défi social enfin, parce que les industries de défense sont, dans de nombreux bassins, parmi les principaux employeurs, et qu'elles drainent un tissu très dense de PME performantes. Il s'agit, là aussi, de mettre en place une politique qui fasse vraiment de l'emploi la priorité.
La conduite d'une stratégie européenne déterminée est la seule façon de relever ces défis. Les études préliminaires de l'avion de transport futur, associant huit pays, en sont une illustration claire. Encore faut-il qu'elle soit payée de retour par une préférence européenne bien naturelle, ce qui doit être rappelé. Ainsi, une vraie politique européenne de défense pourra prendre appui sur une industrie de défense forte et exportatrice.
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L'aéronautique, l'espace, les industries de défense sont au service de l'homme. Un salon comme celui-ci, qui réunit, en un seul lieu ce que l'imagination et la rigueur des hommes peuvent produire de meilleur, vient nous le rappeler. Ce secteur a un avenir ouvert. Il suscite des emplois, il invente des métiers. Il nous oblige à nous dépasser.
Tels sont les enjeux et les perspectives de nos industries aéronautiques et spatiales, dont je tiens à saluer, en achevant cette visite, la compétence et la qualité internationalement reconnues. Je veillerai, dans le cadre des priorités que j'ai fixées pour la France, à ce qu'elles soient toujours plus compétitives et créatrices d'emplois.
Je vous remercie.
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