Palais de l'Elysée - Paris le lundi 16 octobre 1995 - 18 h 30
Monsieur le Président de l'Assemblée nationale française,
Madame et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
C'est, permettez-moi de le dire puisque nous sommes d'une certaine façon en famille, mes chers amis, et je prononce ce mot de tout coeur, c'est un honneur naturellement, mais c'est surtout un grand plaisir pour moi de vous accueillir aujourd'hui vous, les présidents des Assemblées parlementaires ayant le français en partage et de le faire grâce à l'initiative du président de l'Assemblée nationale française.
Parlementarisme et francophonie : deux idéaux qui vont, je crois, bien ensemble, parce qu'ils sont liés à l'idée de liberté.
Aussi, mon ami Philippe Séguin a-t-il pris une bonne initiative en conviant, un mois et demi avant le sommet de Cotonou, les présidents des Parlements de la communauté francophone à traiter ensemble le
thème de la solidarité et celui du développement durable. Notre VIe Sommet francophone ne pouvait pas, je crois, bénéficier d'un meilleur prélude que celui-ci, et je suis persuadé que vos travaux qui sont suivis avec attention contribueront très utilement à enrichir notre réflexion collective.
Déjà, le président en exercice de la session m'indiquait qu'un certain nombre des interventions qui ont été faites étaient particulièrement remarquables par leur niveau de connaissances, de compétence et de vision pour l'avenir.
La conviction francophone de Philippe Séguin n'est ni tiède ni récente. Ses origines personnelles, dans un pays où la langue française s'est mariée, d'une manière si remarquable, à une civilisation ancienne et à une culture prestigieuse, expliquent sans doute cet attachement profond qui chez lui est celui à la fois de l'intelligence et du coeur.
La francophonie n'est pas une convergence d'intérets. Ce n'est pas davantage une idéologie. Nos pays sont petits et grands, ils sont riches et pauvres. Nos choix politiques ne sont pas identiques. Mais par-delà cette diversité, la langue française est entre nous le symbole d'une véritable égalité. Et nous croyons à la portée universelle des valeurs que notre langue jadis a fait naître et qu'aujourd'hui elle défend.
Pourtant, comme l'affirmait le président Séguin l'an dernier, à l'occasion de la XXe session de l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française, je le cite : "peu de nos contemporains ont compris le véritable sens de la francophonie, qui est politique dans le sens fort de ce terme et qui à ce titre doit engager les peuples".
Il est vrai que certains ne perçoivent dans la francophonie que sa dimension culturelle. D'autres s'interrogent sur sa capacité de résistance à la tendance hégémonique d'une langue de communication internationale. D'autres encore se déclarent perplexes devant une communauté qui ne se caractérise pas d'abord par la puissance économique.
Eh bien disons-le franchement : ce que nous recherchons dans la construction francophone relève d'un autre ordre.
De la langue française, qui depuis longtemps n'est plus la propriété des Français, procède une certaine vision de l'homme et du monde. Le mot qui la caractérise le mieux, je crois, est le mot de fraternité.
Fraternité de nos histoires nationales, qui se sont croisées, séparées, heurtées et rapprochées de nouveau.
Fraternité de nos cultures, qui se sont melées et parfois réunies.
Fraternité de nos peuples, qui se sont parfois déchirés, mais qui, aujourd'hui, regardent ensemble leur avenir commun.
Les difficultés économiques de l'heure pourraient nous pousser à l'égoïsme national, les uns ou les autres. Et bien, la francophonie nous oblige à l'ouverture et au partage.
L'intolérance pourrait alimenter la tentation de l'uniformité. La langue française permet d'exprimer, comme nulle autre, l'éminente dignité de chaque personne et de chaque nation.
Mais la francophonie ne se nourrit pas seulement de principes, si élevés soient-ils. Notre communauté doit affirmer progressivement sa capacité à mener à bien des réalisations concrètes. Ce sera l'un des enjeux essentiels du sommet de Cotonou, dans quelques semaines, que de renforcer la crédibilité de notre coopération.
Je n'évoquerai pas ce soir les thèmes qui feront le coeur du sommet. Mais je dirai un mot du rôle que doit jouer, dans la construction francophone, l'institution parlementaire.
Sans l'initiative et le soutien des représentants élus de nos différents peuples, il ne saurait y avoir de francophonie politique. En témoigne le rôle essentiel qu'a joué depuis sa création, en 1967, l'Association internationale des parlementaires de langue française, devenue plus récemment l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française.
Au sein de l'AIPLF, nombreux sont les pionniers qui ont travaillé avec ardeur et avec efficacité pour que la francophonie s'affirme dans sa dimension politique. Je connais les liens chaleureux de fraternité qui se sont développés depuis quelque trente années entre les parlementaires francophones. Je sais le nombre des actions concrètes de coopération qui se sont développées à partir d'une relation personnelle nouée entre élus de pays différents.
Comme président, durant 16 années, de l'Association des maires et responsable des capitales et métropoles francophones, j'ai pu moi-meme mesurer à quel point la coopération francophone était le prolongement naturel et nécessaire des responsabilités que nous avions choisi d'assumer chacun dans notre pays.
Les responsables élus, et plus particulièrement les parlementaires, ont un rôle majeur dans le développement de la communauté francophone. Il vous appartient, Madame et Messieurs les présidents, de vous placer à la tete de ce combat, qui n'est assurément pas un combat d'arrière-garde.
Nous voulons une francophonie moderne et généreuse. Nous voulons une francophonie fraternelle.
La France, à vos côtés, est plus que jamais engagée dans cette belle et grande aventure.
Je vous remercie.
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