Lisbonne, Portugal, le lundi 2 décembre 1996
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Chefs d'Etat et de Gouvernement,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes rassemblés aujourd'hui, à l'invitation des autorités portugaises que je tiens à remercier chaleureusement pour l'accueil si efficace, si sympathique, qu'elles nous ont réservé. C'est un moment décisif pour l'organisation de la sécurité du continent européen.
Sept ans après la chute du mur de Berlin, une occasion historique est offerte d'effacer les derniers vestiges de l'ordre de Yalta et de reconstituer la famille européenne, autour des valeurs qui fondent notre civilisation.
C'est pourquoi l'élargissement à venir de l'Union européenne ou de l'OTAN doit s'inscrire dans un projet plus vaste, afin d'éviter que ne se créent de nouvelles lignes de fracture sur notre continent.
Parce qu'elle seule rassemble, à égalité de droits et de devoirs, l'ensemble des pays concernés par la sécurité de l'Europe, y compris les Etats-Unis et le Canada, l'OSCE est la seule organisation à pouvoir incarner la nécessaire dimension pan-européenne de sécurité.
C'est pourquoi nous devons aujourd'hui donner toute son ampleur au renforcement de l'OSCE.
Il nous faut d'abord prolonger et codifier les engagements pris lors de la signature de l'Acte final d'Helsinki et consolidés depuis. Ils ont joué un rôle important pour faire progresser la cause des Droits de l'homme et faire connaître, là où elles étaient bafouées, la démocratie et la liberté.
La page de la guerre froide est tournée, ces mêmes engagements peuvent et doivent être consacrés comme les principes fondateurs de la sécurité sur notre continent.
La déclaration sur la sécurité adoptée aujourd'hui constitue une première étape. Il est indispensable d'aller plus loin, de codifier ces principes dans un texte unique, et qui soit adopté par un acte solennel.
C'est pourquoi la France souhaite que la démarche engagée à Lisbonne trouve son aboutissement dans un Traité ou dans une Charte sur la sécurité européenne et qui soit conclue dans le cadre de l'OSCE.
L'OSCE doit également s'affirmer comme l'instrument naturel de la diplomatie préventive et de la consolidation de la paix sur notre continent.
En organisant les élections en Bosnie-Herzégovine, l'OSCE a montré qu'elle était capable d'assumer, dans des conditions difficiles, des missions essentielles au retour de la paix et de la démocratie. Elle aura un rôle important à jouer pour la mise en oeuvre du " plan de consolidation " dont les principes directeurs ont été adoptés à Paris le 14 novembre denier.
L'OSCE conduit d'autres missions difficiles, dans le Sud-Est de l'Europe, en Tchétchénie, en Asie centrale, ailleurs. Partout, elle s'efforce de réduire les tensions. Telle est également la mission du haut-commissaire aux minorités nationales, M. Max Van der Stoel, auquel je tiens ici à rendre un particulier hommage.
Pour permettre à notre Organisation d'assumer toutes ses responsabilités, il est indispensable de renforcer ses moyens d'action.
L'OSCE doit devenir une organisation de plein exercice, avec le statut juridique correspondant. Elle doit aussi, en tant qu'organisation régionale au titre de la Charte des Nations Unies, être en mesure d'autoriser des opérations de maintien de la paix, et elle doit disposer pour cela d'une certaine capacité d'expertise militaire.
Il nous faut enfin consacrer le rôle de l'OSCE comme cadre naturel des négociations sur le contrôle des armements et les mesures de confiance en Europe.
Dès sa création en 1975, la CSCE avait adopté un dispositif de mesures de confiance unique en son genre, qui a été depuis constamment amélioré. Le Traité sur les forces conventionnelles en Europe, puis plus récemment les accords de contrôle des armements en Bosnie-Herzégovine, ont été conclus sous son égide.
Il faut aller plus loin dans cette voie. Aujourd'hui même, les trente Etats parties au traité FCE ont adopté un document qui sera le mandat des négociations d'adaptation de ce traité. Il s'agit là d'une décision majeure, qui permettra aux discussions de s'ouvrir à Vienne dès janvier.
Le traité FCE est l'un des fondements de l'architecture de sécurité en Europe. Mais son économie actuelle date d'une époque révolue. La modernisation du Traité devra viser trois objectifs : effacer sa dimension de bloc à bloc ; permettre son ouverture à de nouveaux Etats ; renforcer, par une meilleure adéquation aux réalités d'aujourd'hui, la contribution qu'il apporte à la stabilité et à la sécurité sur notre continent.
Au-delà, c'est un nouveau progrès vers la maîtrise des armements qu'appelle l'évolution de l'Europe. En régionalisant le contrôle du désarmement et les mesures de confiance, mais aussi en donnant une cohérence d'ensemble à tous les efforts entrepris. Telle est en particulier la tâche du Forum de coopération en matière de sécurité.
La France souhaite notamment le lancement rapide de la négociation sur la stabilité régionale dans le Sud-Est de l'Europe, qui permettra de compléter et de conforter le régime de maîtrise des armements issu de l'accord de paix sur la Bosnie-Herzégovine.
Une OSCE dynamique, s'appuyant sur des normes précises, disposant de moyens renforcés, jouant pleinement son rôle pour la prévention et la gestion des crises, développant les instruments de contrôle des armements nécessaires en Europe : voilà l'organisation dont notre continent a besoin.
L'OSCE a été, aux heures sombres de la guerre froide, un instrument efficace pour dépasser la division des blocs.
Elle doit devenir aujourd'hui l'expression et la garante d'une Europe enfin réconciliée avec elle-même.
Oui, l'OSCE doit trouver sa place, toute sa place, dans l'architecture européenne de sécurité qu'il nous faut maintenant bâtir tous ensemble.
Je vous remercie.
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