Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la présentation des voeux aux Forces vives.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la présentation des voeux aux Forces vives

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Palais de l'Elysée, le jeudi 4 Janvier 1996

Monsieur le Premier Ministre,

Mesdames, Messieurs,

Votre présence traditionnelle, ici, où je suis heureux de vous accueillir, témoigne de la place des forces vives dans notre Nation. Depuis 1789, nous savons qu'on ne peut laisser l'individu seul face à l'Etat, que la force et la cohésion d'une société se jugent à l'aune de ses corps intermédiaires.

En 1995, la France n'a pas été épargnée par les épreuves. Les tensions internationales, les attentats terroristes, les mouvements sociaux ont, chacun dans des domaines très différents, appelé notre attention sur l'essentiel, c'est-à-dire sur l'homme. Mais cette année 1995 a été aussi une année positive, puisqu'elle a vu une France en paix s'engager sur la voie de la réforme.

Lorsqu'il y a réforme, les remous sont inévitables. Il n'est pas dans la nature de la nation française de vivre les réformes dans la passivité. On dit parfois que la France est incapable de se réformer. Cela est souvent écrit, je crois que c'est faux ! La France en est capable lorsqu'elle trouve un sens aux réformes qu'on lui propose ou qu'on lui demande. Quel peuple plus que le nôtre a été prompt à se remettre en cause, à faire don de son ardeur, de son argent, et même de son sang, lorsqu'il sentait que l'histoire exigeait de lui cet effort ?

Au vrai, la crise que nous venons de traverser n'est pas seulement une crise sociale limitée au service public incarné par les chemins de fer et le métro. C'est une crise qui a mis en lumière des inquiétudes, des angoisses face au chômage, face à des réformes trop longtemps différées. Elle a révélé une peur de l'avenir, l'avenir de nos enfants ; un doute quant à notre capacité à peser sur notre destin, des conservatismes forts.

Mais face à cette crise s'est aussi manifesté un esprit de responsabilité.

La France qui continuait de travailler - c'est-à-dire l'immense majorité des Français - a fait preuve d'une grande solidarité. Des millions de nos compatriotes se sont levés tôt le matin pour aller travailler. Les difficultés de la vie quotidienne ont, d'une certaine manière, rapproché les Français.

Il nous appartient maintenant de tirer les leçons de cette crise, comme on doit les tirer de chaque crise qui émaille, par définition, l'histoire d'une démocratie.

Derrière la crise, il y a un problème de choix de société. D'un côté celui d'une France frileuse, crispée sur ses inégalités, cloisonnée, condamnée, en quelque sorte, à l'amertume. De l'autre une France fidèle à elle-même, vivante, capable de se rénover, solidaire surtout et forte. Notre société doit se mettre en mouvement. Elle doit s'adapter. C'est cela, la vérité. C'est cela qu'il faut inlassablement expliquer aux Français.

Car il ne s'agit pas de réformer, bien sûr, pour le plaisir de la chose. Il s'agit de réformer pour assurer notre avenir. Il s'agit de changer pour sauvegarder. Réformer la protection sociale, pour sauvegarder l'existence de notre Sécurité sociale dont, je l'ai dit souvent, je me suis porté le gardien. Adapter notre secteur public, pour sauver le service public à la Française.

Il s'agit de réformer pour réduire la fracture sociale qui, depuis quelque temps, ne cesse de s'élargir, contrairement à tout ce qui est notre tradition, notre vocation. A l'origine de cette fracture, il y a bien entendu le chômage. C'est pourquoi la priorité c'est l'emploi. C'est lui qui doit inspirer toute politique, qu'il s'agisse de la réduction des déficits publics, de la lutte contre le chômage de longue durée, de la libération des capacités de création d'emplois de nos petites et moyennes entreprises et de nos artisans.

Réduire la fracture sociale, - le Premier ministre avec beaucoup de courage et de détermination l'a précisé récemment à juste titre - c'est aussi venir en aide aux plus démunis, à ceux qui sont en difficulté : c'est à cela qu'il faut penser en premier et ce sera l'objet de la loi d'orientation contre l'exclusion que le gouvernement va élaborer dans les prochains mois pour tenter de s'attaquer à la racine du mal. Ce sera l'objet du Programme national d'intégration urbaine qui sera présenté dans les prochaines semaines et comportera des initiatives fortes en faveur des quartiers en difficulté.

Tout cela n'est possible qu'avec une adhésion nationale, et donc avec un dialogue confiant entre gens responsables. Ce dialogue, il est à notre portée.

Voici l'année 1996. Qu'elle soit, je le souhaite, l'année du dialogue social !

La concertation, la négociation sont plus que jamais nécessaires. Nous devons réapprendre à nous parler et à nous écouter, en essayant de comprendre que les choses évoluent, et que nos idées et nos initiatives doivent aussi évoluer. Le dialogue social suppose des interlocuteurs solides et responsables : un Etat ouvert et attentif, des syndicats forts, des organisations professionnelles actives et imaginatives, des associations vigoureuses. Le Premier ministre présentera dans quelques jours au Conseil national de la vie associative toute une série de mesures pour conforter les associations et par là même favoriser l'emploi et tenter d'apporter des solutions positives à la réduction de la fracture sociale.

En 1996, il faudra donner un nouvel élan à la négociation collective. Les chantiers sont immenses : l'emploi, le temps de travail, les droits de la femme dans l'entreprise, pour ne citer que quelques chantiers possibles et nécessaires. Le bilan de l'année écoulée est d'ailleurs positif puisque les partenaires sociaux ont signé quatre accords nationaux interprofessionnels sur l'emploi, il faut le souligner. Nous soulignons toujours ce qui est négatif, s'il y a quelque chose de positif, il faut également le dire, mais c'est de mon point de vue, simplement, un premier pas dans la bonne direction, mais qui doit être suivi par d'autres.

Comme je l'ai déjà indiqué, je souhaite que l'année 1996 soit celle d'un engagement collectif et négocié pour l'aménagement et la réduction du temps de travail ainsi que pour l'embauche et l'insertion des jeunes, là encore entre autres choses essentielles.

Mesdames, Messieurs, j'ai peut-être été un peu long compte tenu des traditions, mais le moment le justifie, je vous souhaite à toutes et à tous, pour vous-même et pour les vôtres, une très bonne année. Et, je suis sûr de ne trahir la pensée de personne qu'ensemble, nous souhaitons une bonne année à la France.





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