Palais de l'Élysée, le vendredi 12 juillet 1996
Monsieur le Maire de Paris,
Mesdames et Messieurs les Maires,
Permettez-moi de vous dire combien je suis heureux de vous accueillir dans ce Palais de l'Elysée. C'est, pour moi, une grande joie que de retrouver tant de visages amis, à l'occasion de ce premier colloque réunissant à Paris, à l'initiative de son Maire, mon ami Jean TIBERI, les responsables des Capitales membres du MERCOSUR et de l'Union Européenne.
Je me réjouis de cette rencontre qui contribuera à tisser, entre l'Europe et l'Amérique Latine, ces liens d'amitié, de solidarité et d'étroite coopération dont nos deux ensembles ont désormais besoin. Elle s'inscrit parfaitement dans mon ambition de donner un nouvel élan aux relations entre la France et l'Amérique latine.
Aujourd'hui, l'Amérique Latine se trouve à son tour résolument engagée dans ce vaste mouvement d'intégration régionale dont tant de pays ressentent la nécessité.
Notre monde, libéré des affrontements idéologiques d'hier, voit se multiplier les projets de coopération régionale. En Amérique du Nord, c'est l'ALENA. En Asie-pacifique, les Etats de la région se retrouvent au sein de l'ASEAN et de l'APEC. L'Union Européenne envisage de s'élargir à l'est, afin de réaliser l'unité de notre continent. C'est ce même chemin qu'emprunte aujourd'hui l'Amérique Latine au sein du MERCOSUR.
Dans toutes ces régions, pour tous ces pays, l'intégration régionale est source de progrès.
Progrès politiques et humains, lorsque, comme ce fut le cas pour l'Union Européenne et le MERCOSUR, la coopération régionale s'appuie sur un idéal démocratique et une véritable solidarité entre Etats-membres.
Progrès économiques aussi. Ainsi, le MERCOSUR, constitue d'ores et déjà la zone commerciale la plus dynamique d'Amérique Latine et le 4ème ensemble économique du monde par sa production intérieure. L'association récente de la Bolivie et du Chili, celle peut-être, demain, du Vénézuela et de la Colombie, renforceront encore la puissance de cet ensemble. A bien des égards, les performances des pays du "Cône sud" égalent celles des pays émergents du Sud-Est asiatique.
Oui, partout se dessinent de nouveaux espaces de paix, de solidarité et de prospérité qui seront aussi les grands acteurs politiques, économiques et culturels du monde de demain.
Parmi ces grands ensembles, le MERCOSUR et l'Union Européenne avaient naturellement vocation à se rencontrer, à dialoguer, à s'ouvrir l'un à l'autre.
Bien sûr, nos deux ensembles en sont à un moment différent de leur construction. Leurs histoires respectives diffèrent et partant, leurs ambitions et leurs itinéraires.
L'Union Européenne avance sur la voie de la monnaie unique, réforme ses institutions et pense à s'élargir. Sa ligne d'horizon, c'est l'union politique, après tant et tant de siècles de rivalités et de déchirements. Le MERCOSUR, lui, s'est attaché d'abord à consolider la démocratie. En développant pour cela des solidarités entre nations démocratiques, en leur offrant un grand dessein de communauté continentale, en pratiquant entre elles l'ouverture économique et financière.
Cette intégration régionale conforte, dans les pays qui en sont membres, l'ancrage de la démocratie. L'appartenance à un même club qui respecte les mêmes valeurs, a comme conséquence d'éloigner les tentations de tout retour en arrière.
Aujourd'hui, l'Union Européenne et le MERCOSUR se tournent l'un vers l'autre. Leurs affinités, leurs intérêts communs les y invitent.
Tous deux partagent une même vision de l'intégration régionale, plaidant d'une même voix, dans les négociations internationales, pour un "régionalisme ouvert", respectueux des règles du commerce mondial.
Tous deux, profondément attachés à leurs cultures, à leurs traditions, à leurs valeurs de civilisation, à leurs langues dont certaines leur sont communes, se retrouvent ensemble pour défendre le droit à la diversité, à l'originalité, à la différence face aux dangers d'uniformisation culturelle qui menace le monde.
Tous deux enfin constituent ou constitueront, l'un pour l'autre, un partenaire économique majeur. L'Union Européenne n'est-elle pas déjà le premier partenaire commercial du "Cône sud" et le premier investisseur étranger dans la région ?
Oui, il était dans l'ordre des choses que l'Union Européenne et le MERCOSUR se rapprochent, multiplient leurs échanges et se concertent davantage sur les grandes questions de notre temps. Je pense à la réforme des institutions multilatérales. Je pense à la protection de l'environnement et à la mise en oeuvre des engagements de Rio. Je pense à la lutte contre ces fléaux modernes que sont le trafic de drogue et le crime organisé. Ces grands enjeux pour l'avenir et tant d'autres, c'est ensemble que nous devons désormais les aborder.
C'est dans cet esprit que la France, qui présidait alors l'Union Européenne, avait conduit les négociations qui ont abouti, le 15 décembre dernier, à la signature de l'Accord-cadre interrégional de coopération économique et commerciale de Madrid.
Cette voie nouvelle, riche de promesses, je souhaite que nous nous y engagions avec détermination.
Notre accord à peine signé, déjà se manifeste la volonté d'aller plus vite et plus loin, dans la libéralisation de nos échanges.
Mais apprenons aussi à mieux nous connaître. Mesurons pleinement nos atouts mais aussi nos contraintes et nos fragilités respectives. Sachons développer notre coopération tout en continuant d'avancer sur notre propre chemin, vers nos propres échéances, nos propres réalisations. Celle de l'union douanière pour le MERCOSUR. Celle des politiques communes pour l'Union Européenne.
Confrontons nos expériences. Il y a presque un demi-siècle, la Communauté Européenne faisait ses premiers pas. Que de chemin parcouru depuis ! Sans doute le MERCOSUR qui se construit à son tour, peut-il, s'il le souhaite, s'inspirer des difficultés, des épreuves comme des succès qui furent les nôtres. Il ne s'agit pas pour l'Europe de se poser en modèle mais de permettre au MERCOSUR de progresser à sa manière et à son rythme et d'éviter les erreurs de jeunesse que nous avons commises.
Jetons et multiplions les passerelles entre nos peuples, nos entreprises, nos établissements d'enseignement et de recherche, nos responsables politiques.
Et bien sûr nos capitales. Vous le savez, j'ai été Maire de Paris jusqu'à mon élection à la Présidence de la République. Je sais combien, par ses contacts avec les universités, le monde des affaires, celui des médias, les responsables gouvernementaux et les parlementaires installés dans sa ville, le Maire d'une capitale peut être le promoteur d'une active coopération internationale. Je sais aussi combien le développement des liens entre les capitales de nos pays peut admirablement seconder les politiques des Etats.
Au-delà des thèmes abordés par votre colloque -la préservation de l'environnement, celle du patrimoine, le développement économique- votre réunion se promet d'être le point de départ de nouveaux courants d'échanges humains, économiques, culturels, scientifiques, entre l'Union Européenne et l'Amérique Latine.
Je félicite donc le Maire de Paris de cette grande initiative de notre capitale " Ville d'accueil, lieu privilégié des rencontres, d'échanges et de réflexion ".
Je vous souhaite à tous une agréable et fructueuse session de travail mais aussi un très bon séjour à Paris et en France.
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