Tokyo, Japon, le mardi 19 novembre 1996
Monsieur le Premier Ministre,
Madame,
Mesdames et Messieurs,
Laissez-moi, Monsieur le Premier ministre, vous dire combien votre accueil et vos paroles m'ont touché. J'y vois la marque de l'estime et de l'amitié qui nous lient.
Monsieur le Premier ministre, et je vais être un peu moins protocolaire, mon cher Ryu, nous avons appris à bien nous connaître et je crois à nous apprécier. Ces superbes oeuvres que vous avez exposé me font un très grand plaisir, et je vous demande de bien vouloir exprimer aux autorités culturelles du Japon mes très sincères remerciements pour avoir sorti du musée des oeuvres de cette qualité exceptionnelle et d'ailleurs souvent publiées.
Lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois, c'était quelques semaines seulement après mon élection, nous avions passé à Halifax la réunion du G7 et j'avais également souhaité vous présenter, c'est vrai quelques oeuvres que le directeur général du musée Guimet avait bien voulu nous prêter.
Nous n'avons jamais cessé de développer une relation amicale, une relation confiante, une relation constructive, pour réfléchir ensemble aux problèmes de notre temps, au dialogue entre nos deux pays. A ce que nous Japonais et Français pouvons nous apporter, à ce qu'ensemble nous pouvons apporter au rapprochement nécessaire entre l'Asie et l'Europe, à ce qu'il nous est possible d'accomplir pour le développement et pour la paix dans le Monde.
Hier, à l'université Keio, devant la jeunesse japonaise - vos " cadets ", Monsieur le Premier ministre -, j'ai tenu à évoquer l'ancienneté, la richesse et l'avenir de nos échanges. J'ai rappelé l'admiration réciproque que se portent nos deux peuples, et qui va grandissante à mesure que s'intensifient notre dialogue et notre connaissance réciproque. Je me réjouis que l'Année du Japon en France, puis l'Année de la France au Japon soient l'occasion de mieux se comprendre et de mieux s'apprécier.
J'ai rappelé l'importance et les promesses de notre partenariat, notamment dans les domaines scientifique et technologique.
J'ai dit aussi la nécessité d'aller plus loin, d'approfondir encore notre coopération, de l'élargir à nos responsabilités mondiales. C'est notre intérêt et c'est notre devoir.
Il nous faut d'abord être plus ambitieux entre nous. Nos deux pays, à la pointe de la recherche et de l'innovation et qui disposent des hommes, des compétences, des instruments de la croissance, ont vocation à s'associer, à mettre ensemble leurs potentiels. Nous devons nous ouvrir l'un à l'autre, dans un esprit de vraie réciprocité. Nous devons développer notre commerce et nos investissements. J'appelle, une fois de plus, les entreprises françaises à plus d'audace et d'esprit de conquête.
L'équilibre du monde de demain commande que l'Asie et l'Europe nouent une relation à la mesure de leur puissance. La France, au coeur de l'Union européenne, et le Japon, pionnier de la croissance en Asie, doivent animer ce rapprochement. Notre dialogue, Monsieur le Premier ministre, sera l'un des moteurs de cette grande ambition euro-asiatique lancée à l'occasion du Sommet historique de Bangkok.
Vous aussi, vous partagez cette vision. Elle a guidé nos entretiens et inspiré nos décisions. Ces " vingt actions pour l'an 2000 ", que nous avons adoptées hier, donnent et donneront une dimension nouvelle à nos relations.
Elles traduisent notre volonté d'aborder côte à côte le XXIe siècle. De multiplier nos échanges de vues. D'unir nos efforts au sein des grands forums internationaux auxquels nous appartenons.
Il faut d'abord assurer la sécurité. Depuis la fin de la guerre froide, un monde nouveau se dessine, plus ouvert mais lourd aussi de menaces. Les temps d'incertitude sont aussi des temps de responsabilité.
Parce que le Japon et la France incarnent et défendent, chacun à sa manière, une haute idée de l'homme, de sa dignité, de sa place dans la société, et de la paix entre les nations. Parce qu'ils sont, l'un et l'autre, foyer de civilisation ancienne, brillante et généreuse. Parce qu'ils souhaitent peser de tout leur poids sur la scène internationale, nos deux pays, influents et écoutés, doivent contribuer ensemble à l'élaboration d'un ordre mondial plus juste, plus stable et plus humain.
Ils doivent explorer, chacun dans son environnement, les voies nouvelles de la sécurité, de la coopération et du rapprochement entre nations voisines. Et, pour cela, dépasser les querelles et les drames de l'Histoire.
Ils doivent assumer conjointement leurs responsabilités pour la paix. La France souhaite que le Japon accède rapidement, comme membre permanent, au Conseil de sécurité des Nations Unies.
Ensemble, le Japon et la France doivent aider au développement. Premier et deuxième bailleurs d'aide publique dans le monde, nos deux pays ont milité, ensemble lors du Sommet du G7 de Lyon, en faveur des pays les plus pauvres. Nous avons aujourd'hui décidé de renouveler publiquement notre appel.
Ensemble, nous devons travailler à instaurer un ordre commercial équitable et sûr, à fixer des règles multilatérales claires et reconnues par tous, à utiliser pleinement les mécanismes de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce. Nous devons aussi renforcer notre coopération en faveur de la stabilité et de la sécurité du système financier international.
Enfin, nos sociétés, si différentes, sont, à l'heure de la mondialisation, confrontées aux mêmes maux : le terrorisme, le crime organisé, le trafic de drogue, les grandes endémies. Elles sont exposées aux mêmes dangers, celui notamment de l'uniformisation culturelle. Elles sont également touchées par les atteintes à l'environnement. C'est donc ensemble que nos gouvernements doivent traiter ces problèmes de notre temps.
Je sais combien vous-même, mon cher Ryu, êtes sensible à ces questions. Je garde en mémoire votre participation marquante au dernier Sommet de Lyon, et tout particulièrement votre initiative remarquable, à laquelle j'ai tout de suite adhéré, sur le bien-être mondial et le problème du vieillissement.
Les Français m'ont confié la mission de conduire la France jusqu'en 2002. Pendant toutes ces années, soyez assuré que je travaillerai au renforcement continu des relations entre mon pays et le vôtre, ce Japon que j'aime et que j'admire.
C'est fort de cette volonté de construire, avec vous, l'avenir, un avenir qui nous soit commun, et confiant dans nos succès conjoints, que je vais maintenant, Mesdames et Messieurs, lever mon verre.
Je le lève à la santé de Leurs Majestés Impériales. Je le lève à votre santé, Monsieur le Premier ministre, et à la santé de Madame Hashimoto à qui je suis heureux de présenter mes très respectueux et très affectueux hommages.
Je bois à la santé des membres du Gouvernement du Japon présents ici ce soir, à la prospérité et au bonheur du grand peuple japonais. Je bois à la forte amitié franco-japonaise.
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