Damas ( Syrie) le samedi 19 octobre 1996
Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,
C'est pour ma délégation et pour moi un très très grand plaisir d'être en Syrie, à Damas, au coeur même du monde arabe. Je suis heureux de répondre ainsi à l'invitation du Président Hafez El-Assad avec lequel j'entretiens depuis c'est vrai plus de vingt ans, un dialogue régulier et cordial.
Il y a plus de cinquante ans, dans un contexte différent, mais avec quelle prescience, le Général de Gaulle formait le voeu que s'établissent entre la France libérée et la Syrie indépendante - je le cite - : "une alliance solide et une indestructible amitié".
En regardant la situation du monde et celle de votre région, je mesure combien cette vision du Général de Gaulle était prémonitoire, combien une fois encore, il traçait le chemin à suivre. Je suis revenu chez vous pour renouer les fils d'une ancienne amitié et pour redonner à nos relations toute leur substance.
La France et la Syrie sont de vieilles nations. Il est peu de terre de plus haute et antique civilisation que celle de l'Oronte et de l'Euphrate. Nous avons les uns et les autres l'expérience des épreuves et le goût de l'accomplissement.
Nos deux pays se connaissent et s'estiment. Votre pays n'a cessé d'inspirer nos peintres, nos écrivains, nos artistes et beaucoup de nos grands voyageurs. La récente exposition sur la Syrie présentée à l'Institut du Monde Arabe à Paris a connu un succès extraordinaire.
Notre histoire partagée fut parfois marquée par des affrontements ou des conflits. Mais elle est faite surtout, depuis des siècles, d'une longue et éclatante suite de contacts. Contacts économiques avec les Echelles du Levant, avec l'installation à Alep d'un Consulat de France, il y a près de 400 ans, le premier dans cette région. Contacts intellectuels. Affinités politiques enfin, car c'est aussi dans nos universités parisiennes, qu'au début de ce siècle, le nationalisme arabe s'est affirmé.
Nous n'oublions rien de ce passé multiple et contrasté. Nous savons prendre la mesure de ce qui nous rapproche, de ce qui doit nous unir si nous voulons que la Méditerranée ne soit plus un obstacle entre Européens et Arabes mais un trait d'union, un espace de paix, d'échange de coopération, de développement.
Nous n'avons cessé de rêver, aux deux extrémités de cette mer, à une relation franco-arabe différente, à une entente politique conçue comme un partenariat entre grands égaux.
Aujourd'hui, la France et la Syrie veulent donner corps à ce rêve.
Car ce qui nous rapproche est en vérité essentiel.
C'est d'abord une même inquiétude, partagée par tant d'Etats de votre région, face aux menaces d'instabilité, aux risques d'explosion nés de situations internationales très mal maîtrisées.
C'est aussi un même sens du patriotisme, une même passion obstinée pour notre indépendance, pour notre entière autonomie de décision.
Ce partenariat amical et fécond entre la Syrie et la France doit être fondé sur l'égalité et sur la justice dans les rapports internationaux. Il doit tendre, au Proche-Orient, vers l'établissement d'une paix durable parce que juste et vers un développement économique harmonieux.
Cela signifie, pour les Palestiniens, le droit à l'autodétermination et à un Etat, cela signifie pour tous, le droit à la sécurité. Ce partenariat doit aussi être fondé sur le respect des aspirations arabes à l'unité.
C'est ainsi que seront désarmées les forces de l'intolérance, de la haine, du fanatisme, du terrorisme.
Nous savons que rien ne peut vraiment s'accomplir au Proche et au Moyen-Orient sans la Syrie et donc sans votre concours. La paix dans cette région est l'une des clés de la paix dans le monde. Nous voyons à quel point votre pays, sous votre haute direction, Monsieur le Président, doit remplir un rôle majeur afin, d'abord d'achever et de réussir la paix, ensuite de définir la configuration d'un Proche-Orient réconcilié avec lui-même.
Si nos politiques ont pu dans le passé parfois s'opposer, nous constatons aujourd'hui notre volonté commune d'agir pour la paix et la stabilité. Votre vision, votre sens élevé des responsabilités régionales de la Syrie, vous ont conduit, Monsieur le Président, il y a quelques années, à faire ce choix stratégique.
Vous vous êtes, en 1991, engagés dans la voie de la négociation en jouant un rôle majeur dans les conversations qui ont permis la Conférence de Madrid. La France a appuyé cette initiative, elle a apprécié la détermination syrienne.
Aujourd'hui, Monsieur le Président, ensemble, nous devons remettre le processus de paix sur les rails, nous devons permettre sa réussite. Il faut d'abord que le sang cesse de couler, que les fils de Palestine, d'Israël et du Liban ne tombent plus dans des combats d'un autre âge.
La paix ne sera possible que sur la base des acquis de la négociation conduite depuis quatre ans. Je comprends les besoins de sécurité de tous les peuples de la région, et notamment d'Israël, dont l'existence même a été si longtemps contestée.
Mais il n'y aura pas de sécurité sans paix. Le principe de l'échange des territoires contre la paix demeure la base de tout accord. C'est vrai pour le territoire syrien du Golan et je le dirai demain en Israël. C'est vrai aussi pour le Liban. En application de la résolution 425, ce pays doit retrouver sa pleine souveraineté sur tout son territoire. C'est dans cet esprit que nous avons trouvé, en avril dernier, avec l'aide de la Syrie et avec les autres parties, les voies d'une solution à la crise du Sud Liban.
Relancer la négociation, c'est d'abord restaurer la confiance. C'est partager une même volonté d'aboutir. C'est aussi sans doute améliorer une méthode et un cadre de discussion, qui hélas, depuis quelques mois, ont montré leurs limites.
La France et l'Europe doivent être présentes aux côtés des parties, en amis, comme forces de proposition, et pas seulement comme partenaires de la reconstruction. L'Europe doit aujourd'hui co-parrainer ce processus, c'est l'intérêt de tous.
Portant sur l'ensemble des questions de la paix, notre dialogue politique est dense il doit encore, Monsieur le Président, nous l'avons dit tout à l'heure, se renforcer. Au-delà, mon ambition, comme la vôtre, est de donner un nouvel élan à des relations bilatérales qui sont déjà fortes.
Aujourd'hui, nous avons décidé ensemble d'avancer d'un pas plus rapide. Il nous faut développer notre coopération. Dépasser nos contentieux quand ils existent encore. Amplifier nos échanges notamment dans le domaine économique et commercial.
Il doit s'agir d'un nouveau départ. J'ai demandé à nos entreprises d'être davantage présentes et plus actives sur le marché syrien, je leur ai demandé de contribuer au développement prometteur de votre économie.
Dans le domaine culturel, nos chercheurs, nos enseignants, nos artistes, nos universitaires travaillent ensemble et multiplient les projets. La France sera heureuse d'accueillir prochainement de grandes manifestations culturelles syriennes à la fois à Paris et en province.
Enfin, si vous le souhaitez, Monsieur le Président, la France est disposée à recevoir vos cadres, vos élites, vos responsables de demain, afin de participer à leur formation.
Cette coopération bilatérale trouvera son prolongement dans la grande ambition des prochaines années : la construction d'un authentique partenariat euro-méditerranéen.
Avec vous, nous avons ouvert ce grand chantier de l'espace méditerranéen. La Conférence de Barcelone, à laquelle la Syrie a participé activement, en a jeté les bases. Mais, pour réussir, il nous faudra beaucoup de ténacité.
Evitons les risques d'une simple structure technique. Sachons donner à cette grande ambition toute sa dimension économique, culturelle mais aussi politique et de sécurité.
Bâtissons le cadre dans lequel 400 millions de riverains de la Méditerranée vivront ensemble demain et en paix.
La France et l'Europe construiront ainsi un avenir de coopération avec un Proche-Orient pacifié, stable, prospère, libéré des menaces de la guerre, de la prolifération, du terrorisme. Un Proche-Orient où toutes les nations auront obtenu leur souveraineté et leur indépendance, où tous les Etats auront recouvré leur intégrité territoriale. Un Proche-Orient où la paix fera progresser le développement, la démocratie, la liberté.
Aujourd'hui, ce Proche-Orient peut paraître un peu lointain c'est vrai. L'incertitude et l'angoisse sont le quotidien des enfants de Jérusalem, de Galilée ou du Sud Liban. Le processus de paix est en danger. Notre responsabilité commune, Monsieur le Président, est de tout faire pour que cette paix tant attendue devienne enfin une réalité. Dans cette grande entreprise, la Syrie et la France doivent être côte à côte.
Je lève mon verre à votre santé, Monsieur le Président, à votre bonheur personnel et au bonheur de tous ceux qui vous sont chers.
Je lève mon verre à la santé du peuple de Syrie.
Je lève mon verre à l'amitié entre la Syrie et la France .
Je lève mon verre à la paix.
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