Arras, Pas-de-Calais, le lundi 30 septembre 1996
Hier soir, le Président du Conseil Général, après m'avoir exposé les atouts et les problèmes du département, a souligné que le Pas-de-Calais avait une capacité à la fois grande et chaleureuse à créer des choses et qu'il fallait pour cela, -compte tenu des épreuves qu'il avait traversé dans le passé- qu'il soit m'avait-il dit, ou à peu près, aidé plus que d'autres non pas, parce qu'il mériterait plus que d'autres, mais parce qu'il y avait une espèce de devoir de solidarité qui c'était insuffisamment exprimé et qui était aujourd'hui nécessaire si on voulait lui redonner la possibilité d'exprimer toutes ces chances. C'est en gros ce que vous m'aviez dit Monsieur le Président.
Tout ce que j'ai entendu aujourd'hui et notamment ces très intéressantes expériences de projets qui ont été conçus, conduits, menés à bien, malgrè le "parcours du combattant" que j'évoquais tout à l'heure en portent témoignage. Je ne suis pas certain, qu'on aurait aussi facilement trouvé dans d'autres grands départements français autant de projets aussi intéressants et dynamiques.
La France nous l'avons dit tout à l'heure, a besoin de davantage de croissance. Le gouvernement conduit une action tendant à maitriser ses dépenses ce qui est un préalable indispensable, mais aussi redresser ses finances publiques. Elle engage des réformes qui ont été trop longtemps différées, dans les domaines de la protection sociale, de la fiscalité, de l'organisation des pouvoirs publics. La France n'est pas, par ailleurs dépouvue de chances. Notre inflation est heureusement maitrisée depuis un certain temps il n'y a pas de tendance à la reprise.
Nous avons un excédent commercial qui est devenu considérable y compris, c'est historique, sur l'Allemagne notre premier client et notre premier fournisseur, ce qui prouve -d'ailleurs je le dis en passant- que les entreprises françaises sont compétitives. Les taux d'intérêts ont sensiblement baissé ce qui veut dire dans un monde ouvert comme il l'est aujourd'hui, que les marchés font confiance d'une part, à la capacité de la France à redresser sa situation économique et financière et d'autre part, dans la capacité des français à conduire le redressement économique, l'amélioration de la production, la lutte contre le chômage.
Il faut naturellement faire davantage. Nous avons deux plaies qui restent béantes, qui sont le chômage et la précarité. D'autre part, nous avons un problème général qui est le développement hamonieux de notre territoire, qui nous impose dans ce monde où tout va si vite des efforts importants. Pour cela la mobilisation de tous est nécessaire.
Tout à l'heure, quelqu'un disait qu'il y avait une espèce de morosité paralysante et agaçante qui donne de notre pays, c'est vrai, -de façon tout à fait excessive-, une mauvaise image. Il se la donne à lui-même ce qui est décourageant, et il la donne à l'extérieur ce qui est handicapant. Je ne cesse d'entendre cela et naturellement de mettre en cause les médias. Je crois qu'il ne faut pas non plus exagérer sur ce point. Nous savons depuis M. LAZAREFF que seuls les trains qui arrivent en retard ont un intérêt. Je veux dire que sur le plan médiatique il doit y avoir du sang à la une, c'est comme cela, on peut le regretter, mais on ne le changera pas. C'est dans la nature même des médias que d'attirer des clients pour vendre du papier ou des images. Pour attirer les clients il faut avoir quelque chose d'un peu sensationnel, sinon cela ne marche pas. Chacun son métier, chacun ses containtes. Je n'accuserai personne, mais il est vrai que cette morosité entretenue en permanence est très agaçante pour les gens qui se donnent du mal et facheuse pour notre pays.
Ceci étant, il faut que l'Etat créé. Je le disais tout à l'heure, il nous faut un environnement favorable à l'éclosion de projets novateurs, nous en avons plein. Nous en avons eu aujourd'hui une douzaine mais il y en a des quantités, ici et ailleurs en France, pas seulement en France métropolitaine, cela est aussi vrai pour nos départements d'outre-mer dont on ignore trop souvent qu'ils créent deux fois plus d'emplois que nous n'en créons aujourd'hui en métropole. Bien sûr ils ont une démographie très supérieure à la notre et donc un chômage très supérieur.
L'Etat ne doit pas être une espèce de tuteur omniprésent. Je le dis en m'adressant notament aux hauts fonctionnaires qui sont ici. Il doit en réalité se mettre de plus en plus à la disposition du dynamisme.Il doit faciliter la libération des initiatives. Il doit privilégier une culture de responsabilité et non pas comme on le fait trop souvent, une culture d'assistance qui ne peut conduire qu'à la décadence. C'est, me semble-t-il, la voie choisie par le Gouvernement dans le cadre de la réforme de l'Etat qui commence. Mais tout cela ne sera perceptible qu'au bout d'un certain temps par la réforme de la fiscalité, par le plan des PME, la création de la banque des PME, les sociétés de capital-risques, donc toute une série de mesures. Les français sont sceptiques, à juste titre, lorsqu'on leur parle de réforme et de fiscalité, parce que "chat échaudé craint l'eau froide". Je crois que petit à petit ils verront que les choses progressent dans le sens de la libération des contraintes excessives.
Ceux qui veulent aujourd'hui créer, investir, développer, innover, disposent sans aucun doute d'un environnement favorable. Mais il ne suffit pas d'attendre une amélioration. Il faut la traduire concrètement sur le terrain. Il faut l'accompagner. Il faut l'enrichir et tout ceci ne peut se faire que sur le plan local, sur la base de l'initiative personnelle.
Au niveau local, les préfets ont pour mission de relayer l'action du Gouvernement en s'appuyant sur les services de l'Etat. Ils leur revient dans le cadre d'un partenariat moderne, souple avec tous les acteurs institutionnels ou financiers du développement local, d'offrir un service global et performant à ceux qui veulent entreprendre.
Naturellement ce n'était pas le travail des préfets il y a vingt, ou quarante ans. C'était une autre responsabilité, une autre organisation. Il y avait la croissance. Il y avait l'inflation. Il y avait l'Etat. Il y avait la centralisation. Les préfets avaient une toute autre vocation, de même que les directeurs départementaux.
Aujourd'hui, ils doivent avoir la vocation d'encourager, d'impulser, de faciliter le développement économique. Ils doivent communiquer cette foi, cette ardeur, ce changement de culture à leurs collaborateurs, aux directeurs départementaux, ceci dans le cadre d'une déconcentration dont je sais que l'Etat à l'intention de la conduire, et dont je souhaite qu'elle soit conduite le plus rapidement possible.
Il ne faut plus que trop d'initiatives dépendent de l'agrément d'un bureau parisien quelle que soit la qualité de celui qui le dirige. Mais il est, par essence dans un monde complexe où tout va si vite, incompétent pour trancher des problèmes locaux.
Je voudrais dire à tous les représentants de l'Etat, quelles que soient leurs responsabilités qu'il faut faire preuve d'esprit d'entreprise, d'adaptation aux exigences d'aujourd'hui, qu'il faut apporter ce qu'il y a de positif, d'aider et de ne pas paralyser par une conception trop tatillonne de la réglementation.
Tout projet innovant a ses chances et ne doit donc pas être ignoré. De la même façon toute entreprise en difficulté doit faire l'objet d'une espèce de solidarité, qui s'exprime spontanément pour essayer de tout faire pour la sauver. Petit ou grand, local ou à vocation exportatrice, chaque projet contribue à amorcer une sorte de cercle vertueux de la croissance et de l'empoi. L'emploi c'est ici, sur le terrain que cela se passe.
La croissance ne peut être que le fruit de la mobilisation de tous, celle des grandes entreprises naturellement qui exportent et doivent de plus en plus être présentes, s'impliquer sur les grands marchés s'émergeant dans le monde, avec leurs technologies, leur savoir-faire. Il appartient aux pouvoirs publics, à l'Etat, au Président de la République, de se mettre à leur service, là aussi les choses ont changé par rapport au passé, pour faciliter les grands contrats et les moins grands, ainsi que l'exportation.
La croissance c'est au moins autant les promoteurs d'initiatives locales, que les projets à taille humaine. Je sais que le Gouvernement -M. RAFFARIN l'a évoqué tout à l'heure- veut s'attacher à apporter tout son soutien à ces initiatives. Cela ne se décrètera pas une fois encore, de PARIS. Ce n'est pas seulement un problème de lois, ou de réglements. C'est aussi un problème de comportement des uns et des autres, je veux dire de tous ceux qui, à un titre ou à un autre, représentent les pouvoirs publics doivent vraiment se connaître s'associer, travailler ensemble et au service de ceux qui innovent, qui créent, qui investissent, qui travaillent.
Je crois au fond qu'il y a quelques principes qu'il faut avoir présent à l'esprit. Il faut refuser la fatalité. Il n'y a pas de fatalité. Vous avez entendu, tout à l'heure, les expériences de ceux qui les ont évoquées.
L'une des conclusions communes à l'ensemble de ces expériences était le refus de la fatalité, la volonté de créer, d'adapter, ou de rénover. C'est ensuite de sortir des sentiers battus. On ne peut pas rester sans bouger dans un système qui bouge énormément. Trop souvent les dirigeants, qu'ils soient professionnels, syndicaux, politiques, etc, beaucoup moins les associatifs que les autres, sont enfermés dans leurs certitudes, leurs expériences, leur passé et ont beaucoup de mal à sortir des sentiers battus. C'est une tendance générale qui comporte heureusement beaucoup d'exceptions. Il faut sortir des sentiers battus. Il faut agir sur le terrain, parce que c'est là que se passent les choses. Je le répète à nouveau, l'impérieuse nécessité de faire en sorte que les décisions soient prises aussi près que possible de ceux qu'elles concernent.
Enfin, il ne faut jamais oublier : c'est l'embauche des handicapés que l'on évoquait tout à l'heure qui m'y fait penser, c'est aussi le taux du chômage et de l'exclusion dans ce département, c'est la visite que j'avais faite il y a quelques temps au Père LEON que me rappelle la présence de M. BARRAS, c'est que rien, ne peut se faire dans une vieille civilisation comme la notre, sans cohésion sociale, donc sans solidarité.
La cohésion sociale, est une exigence morale naturellement, mais c'est aussi une exigence économique. Nous sommes dans un pays d'intégration. Nous ne sommes pas les Etats-Unis encore que ceux-ci peuvent avoir des surprises désagréables dans l'avenir. Nous sommes dans un pays d'intégration. Nous sommes dans un pays où la cohésion sociale est un élément capital de la force. Si notre société peu ou prou éclate, alors elle sera prise par tous les démons que l'on imagine et que l'on voit déjà à l'oeuvre dans bien des quartiers difficiles, des zones plus particulièrement maltraitées. ll faut avoir présent à l'esprit en permanence, notamment au niveau des responsables des pouvoirs publics, des entreprises, des associations, que tout ce qui est fait pour renforcer la cohésion sociale est conforme à la morale bien sûr, mais est également conforme à l'intérêt national, à la puissance de notre économie et à la grandeur de notre pays, c'est évident.
Voilà les quelques réflexions que je voulais faire Mesdames, Messieurs, en disant à chacune et à chacun d'entre vous toute mon estime. Jai été très impressionné, et je voudrais dire à toutes celles et tous ceux qui vont demain contribuer au développement du Pas-de-Calais et donc de la France toute ma confiance.
Je termine en disant que je souhaite beaucoup, que ce quatuor informel qui a accepté de se constituer avec M. le Préfet, avec le Président de l'Association des Maires de France, avec M. Dominique ROQUETTE et M. René BARRAS, qu'ils veuillent bien essayer d'être un peu l'âme et l'impulsion de ce département au bénéfice de toutes les initiatives qui peuvent apparaître.
Je suis tout à fait certain, que si ces quatre personnes si différentes les unes des autres, mais qui ont à la fois du coeur et de l'intelligence, peut-être plus que d'autres et de l'expérience, veulent bien mettre cette expérience, ce coeur et cette intelligence au bénéfice d'une implusion dans l'ensemble du département, eh bien on en verra les résultats.
Voilà simplement les quelques réflexions que je voulais faire, je vous remercie.
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