Tours, le jeudi 19 septembre 1996
Très Saint-Père,
Voici que pour la sixième fois, la France a l'honneur et la joie d'accueillir sur son sol l'Héritier de Pierre, rassembleur du peuple chrétien et pasteur d'une Eglise sans frontières. En cette année où Vous allez fêter le cinquantième anniversaire de Votre ordination sacerdotale, Vous demeurez l'inlassable pélerin de l'absolu qui, sans cesse et partout, en appelle à l'homme, à sa dignité, à sa générosité, à sa grandeur, et qui travaille pour la paix.
Au début de cette année, c'est Vous, Très Saint-Père, qui m'avez accueilli à l'occasion de ma visite d'Etat au Saint-Siège. Ces instants, mon épouse, les membres de ma délégation et moi-même les gardons, je vous l'ai dit tout à l'heure, à jamais gravés dans nos mémoires.
Je Vous souhaite à mon tour la bienvenue chez nous, dans cette France que Vous connaissez bien pour y être venu à cinq reprises, en voyage pastoral. "C'est, aimez-Vous à dire, qu'il y a tant de lieux en France où le Pape doit aller, tant de Saints à honorer".
Déjà, à Paris, Saint-Denis et Lisieux, à Lourdes, à Lyon et dans la région lyonnaise, puis à Strasbourg et en Alsace-Lorraine, à la Réunion enfin, Votre Sainteté a rencontré la France chrétienne, son prestigieux passé, sa vitalité présente et l'ardente ferveur des Catholiques de mon pays.
Aujourd'hui, du bocage vendéen aux rudes landes bretonnes, des jardins de Touraine aux plaines de Champagne, d'autres visages jalonneront Votre route, d'autres expressions de notre itinéraire spirituel et de notre culture. Une autre France, différente mais fidèle à elle-même, à son passé, à son héritage, au message évangélique, viendra prier à Vos côtés.
Cet après-midi, Vous serez à Saint-Laurent-sur-Sèvre, en Vendée, terre de foi et de vocation qui donna tant de Saints à l'Eglise, de missionnaires, de fondateurs et fondatrices d'ordres et de congrégations.
Puis ce sera Sainte-Anne d'Auray, phare spirituel de la Bretagne, qu'un Pape, je vous le disais tout à l'heure Très Saint Père, visite pour la première fois et où s'assembleront en foule les forces vives de l'Eglise. La Bretagne dont la foi de granit a nourri des générations d'évangélisateurs autant que d'humbles Chrétiens.
Ici même, à Tours, Vous présiderez les cérémonies commémorant le XVIème Centenaire de la mort de Saint-Martin et ouvrirez l'"Année Martinienne". Martin, qui fut l'un des pères du monachisme d'Occident. Martin, évêque et apôtre des campagnes dont tant de villes et de villages de France portent le nom. Martin, l'homme du manteau partagé, emblème de la charité, de la générosité, de la fraternité chrétiennes qui inspirèrent, au long des siècles, tant de mes compatriotes, de Vincent-de-Paul à Frédéric Ozanam, de Monseigneur Rhodain à Raoul Follereau, de l'abbé Louis Roussel à Soeur Emmanuelle.
Ici à Tours, en mémoire de Martin, Votre Sainteté s'adressera aux "blessés de la vie". Elle leur apportera le message de la foi, de la compassion et de l'espérance.
Enfin, entouré des évêques de France, Vous célébrerez à Reims le 1500ème anniversaire du baptême de Clovis. Vous soulignerez ce que la conversion du roi païen allait signifier dans l'Histoire, scellant l'union des peuples franc et gaulois, et tissant des liens étroits entre l'Eglise et une France en devenir.
Des liens, un enseignement, des valeurs dont notre pays, sa culture, sa civilisation, son identité même se sont nourris au long du temps. Ainsi, la foi chrétienne devait-elle marquer de son empreinte nos comportements, nos structures, nos institutions éducatives, hospitalières, sociales. Nos villes et nos campagnes en portent l'admirable témoignage.
Oui, Très Saint-Père, par-delà les siècles, la France républicaine et laïque, la France de la Déclaration des droits de l'homme, respectueuse des croyances et des convictions de chacun, respectueuse de tous les cultes et de leur libre expression, mais la France aussi, vieille nation, façonnée par l'Histoire et par l'Esprit, demeure fière de ses racines. La France, dont tant de filles et de fils se reconnaissent aujourd'hui dans le message évangélique.
En me recevant, Vous aviez salué "l'action des fidèles, des communautés, des mouvements et des associations catholiques, au service de la nation, en vue du bien commun, pour plus de justice et de solidarité". Je souhaitais ici, devant Votre Sainteté, sa délégation et les représentants de l'Episcopat français, en remercier les Catholiques de notre pays.
Enfin, le Saint-Siège et la France, appelés l'un et l'autre à servir l'homme de par le monde, se retrouvent très souvent ensemble pour que l'emportent partout, et pour que s'ancrent dans les coeurs, la tolérance, la dignité, la justice et la paix. Voici quelques jours, ma visite en Pologne m'a permis d'exprimer une nouvelle fois ce message et de mesurer le rayonnement personnel immense de Votre Sainteté dans sa grande nation.
Très Saint-Père, les Français sont heureux et fiers de Vous accueillir aujourd'hui. Je me réjouis qu'à l'occasion de Son séjour, Votre Sainteté rencontre, une fois encore, l'âme profonde d'une France qui, forte de son passé, s'est engagée, chez elle, en Europe et sur la scène internationale, dans la construction d'un monde meilleur, d'un monde de paix et d'équité. Un monde où hommes et femmes pourraient mieux s'épanouir.
Mon épouse et moi-même formons les voeux les plus fervents pour Votre Personne et le succès de Votre visite. Très Saint-Père, bienvenue en France !
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