Prague, République Tchèque, le mercredi 2 avril 1997
Monsieur le Président de la République,
Madame,
Monsieur le Président du Parlement,
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs,
Monsieur le Président, cher Ami, vos paroles d'amitié et d'accueil si chaleureux nous ont profondément touchés. En donnant à ce dîner un éclat particulier, vous m'honorez, mais surtout vous honorez la France. Ces moments, mon épouse, ma délégation et moi-même les garderons dans nos coeurs.
J'y vois la marque de l'ancienne et puissante amitié entre nos deux peuples. Ce magnifique Château de Prague, où vous nous recevez ce soir, est indissociable de l'image de votre capitale, du passé de votre nation et de l'histoire de l'Europe. Il évoque pour nous la continuité de nos relations, de la Bohême médiévale, alliée du royaume de France, à l'âge d'or de l'amitié franco-tchèque sous votre première République.
Une amitié qui a résisté aux épreuves subies par votre peuple.
Je pense à la honteuse démission des démocraties à Munich, qui devait précipiter l'Europe dans la guerre. Je pense à 1948, à votre élan démocratique et à votre rêve européen, brisés. Je pense au Printemps de Prague écrasé par la force et l'invasion étrangère. A ce drame que vous avez décrit, Monsieur le Président, je vous cite ; comme" les abîmes de la désespérance " du peuple tchèque.
Ces événements ont été vécus par mes compatriotes avec intensité et avec une profonde sympathie pour votre peuple. Le combat pour la liberté et la démocratie, dont vous étiez devenu alors le porte-parole, a ému le monde. Et c'est votre " Révolution de velours ", autant que la chute du mur de Berlin, qui a ouvert une nouvelle ère en Europe. Vous vous êtes adressé alors à vos compatriotes en leur annonçant, je vous cite encore : " Votre gouvernement est rendu à son peuple ". Quelle plus belle définition de la démocratie ?
En cet instant, Monsieur le Président, je me souviens de votre première visite officielle à Paris, en 1990.
Vous veniez tout juste, avec vos amis, de rétablir ici les libertés. En même temps, vous faisiez, et je vous cite à nouveau du " retour à l'Europe " une priorité pour votre pays.
Deux ans plus tard, j'ai eu le plaisir de vous accueillir à l'Hôtel de Ville de Paris, alors que vous veniez de prononcer un remarquable discours à l'Institut de France. Vous aviez eu alors cette jolie formule, éloge de la confiance et de la patience : " J'ai voulu, disiez-vous, faire avancer l'Histoire de la même manière qu'un enfant tire sur une plante pour la faire pousser plus vite et vous ajoutiez, je crois, qu'il faut apprendre à attendre comme on apprend à créer ".
Monsieur le Président, le rameau de la " Révolution de velours " a porté de magnifiques bourgeons puis il a poussé, bénéficiant de la terre et du génie tchèques, de la détermination des dirigeants de votre pays et des aspirations de votre peuple à la démocratie, au progrès et à la paix, en un mot, à l'Europe.
La France s'est réjouie de votre entrée au Conseil de l'Europe, dès 1991. Je vous invite à Strasbourg, en octobre prochain, au sommet de cette organisation, la seule qui rassemble toutes les nations démocratiques de notre continent. Ce sera l'occasion de préparer l'avenir de cette institution protectrice des Droits de l'homme.
La rénovation économique, remarquablement conduite par votre Premier ministre, M. Vaclav KLAUS, que je suis heureux de saluer ce soir, a fait de votre pays, en moins de sept ans, un exemple de transition réussie.
Aujourd'hui, l'Union européenne et l'Alliance atlantique vous ouvrent leurs portes et leurs bras. Je suis venu à Prague pour vous renouveler notre soutien sans réserve à la démarche qui est la vôtre. Soyez assuré, Monsieur le Président, que la France se tient à vos côtés.
Elle plaidera, lors du sommet de l'Alliance à Madrid, en juillet prochain, en faveur de l'engagement des négociations d'adhésion de la République tchèque à l'OTAN. Oui, votre pays doit occuper une place éminente dans la future architecture européenne de sécurité. Nous devons écarter définitivement toute survivance de la vieille politique des zones d'influence qui a fait tant de mal à notre continent. Il nous faut rassembler l'Europe et que chacun puisse y dialoguer et y coopérer librement, sans exclusive, sans fracture, sans privilège pour certains et sans contraintes pour d'autres.
Au sein de l'Union européenne, nous ne ménagerons aucun effort pour que la Conférence intergouvernementale aboutisse, je vous le disais cet après-midi, dès le mois de juin. Assurée de mieux fonctionner à l'intérieur et de mieux agir à l'extérieur, l'Union pourra ainsi engager, dès le début de 1998, les négociations d'élargissement.
La République tchèque sera l'un des premiers Etats à la rejoindre, je le souhaite et je l'espère. La France souhaite en effet que ce soit dès l'an 2000. Voilà pourquoi je m'adresse d'ores et déjà à vous, non pas comme à un pays candidat, mais comme à un pays partenaire.
Nos affinités, Monsieur le Président, doivent nous conduire à partager et à défendre une même vision de l'Europe. Une Europe dotée d'institutions plus démocratiques et plus efficaces. Une Europe renforcée par la monnaie unique. Une Europe plus solidaire et plus humaine. Une Europe qui tienne toute sa place dans notre monde multipolaire. J'aurai demain l'occasion de faire part aux parlementaires tchèques de cette grande ambition qui, j'en suis sûr, nous sera commune.
Dès à présent, nous pouvons préparer, avec vous, votre accueil dans cette Europe qui vous tend les bras. Nos deux délégations sont convenues, cet après-midi, d'orienter davantage notre coopération dans le sens de la préparation de la République tchèque à l'Europe en jetant les bases de la Fondation franco-tchèque. Sa mission sera d'aider à la formation des cadres dont la République Tchèque a besoin mais aussi d'apprendre aux forces vives de nos deux pays à travailler ensemble davantage.
Dans la perspective des grandes échéances européennes, nous devons aussi donner un nouvel essor à l'enseignement de la langue française dans votre pays, déjà si proche du nôtre par l'esprit et par le coeur.
La République tchèque et la France ont bâti, au long des temps, une puissante tradition de coopération universitaire et scientifique qui connaît, depuis sept ans, un nouvel élan. Développons davantage encore les échanges entre nos jeunes. Multiplions les passerelles entre nos grands instituts d'enseignement et de recherche.
Lorsque vous êtes venu à Paris, Monsieur le Président, je vous ai présenté l'Association du Pont-Neuf, créée en 1989 par mon épouse, et qui a précisément pour vocation d'organiser ces échanges et notamment l'accueil en France de lycéens, d'étudiants, de médecins, de chercheurs tchèques.
C'est ainsi, par la rencontre, en allant vers l'autre, que nos jeunesses cimenteront l'union entre nos peuples et qu'elles construiront l'Europe.
Une coopération renforcée, ce sont aussi des relations économiques fortes et confiantes. J'aurai demain l'occasion d'encourager nos hommes d'affaires tchèques et français à aller plus vite et plus loin dans la construction d'un partenariat économique et commercial ambitieux, dans l'intérêt de la République tchèque et de la France.
Monsieur le Président, mon cher Ami, nous avons, lors de nos entretiens, marqué notre volonté commune d'aborder ensemble les grandes échéances des prochains mois et des prochaines années. Notre détermination à bâtir, sur le socle de notre amitié, une relation exceptionnelle.
Permettez-moi de lever mon verre en votre honneur, Monsieur le Président, et à notre ambition commune pour l'avenir de l'amitié tchéco-française et pour l'avenir de l'Europe.
Je le lève en l'honneur de Madame HAVLOVA, à qui je présente mes respectueux et amicaux hommages, et en l'honneur des hautes personnalités tchèques qui nous entourent ce soir. Je bois à la prospérité et au bonheur du grand peuple tchèque, ami de toujours du peuple français.
Vive la République tchèque !
Vive la France !
Et vive notre amitié !
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