Paris, le samedi 8 février 1997
Mesdames, Messieurs,
Le plus vieil allié des Etats-Unis pleure aujourd'hui la disparition d'un grand Ambassadeur. Il y a deux siècles, Benjamin Franklin puis Thomas Jefferson représentaient à Paris l'Amérique naissante.
En 1993, le Président Bill Clinton choisissait une personnalité d'exception qui s'inscrivait dans cette glorieuse lignée.
Pamela Harriman était le symbole même des liens intangibles entre l'Ancien et le Nouveau Monde, de cette communauté transatlantique pour laquelle elle a tant fait. Elle incarnait l'Angleterre par sa naissance dans l'aristocratie britannique et par son mariage avec le fils de Sir Winston Churchill, votre illustre grand-père, Monsieur le député. A ses côtés, elle a pris toute sa part des sacrifices du peuple anglais pour que survive la liberté.
Elle avait choisi la France, avant guerre, pour ses études en Sorbonne, puis, à la Libération, elle s'y était installée pour ses débuts de journaliste. Elle y fut le témoin sensible d'une France qui se redressait, grâce notamment au plan Marshall dont nous célébrerons dans quelques semaines le cinquantième anniversaire.
En 1959, elle quitte l'Europe pour les Etats-Unis. Cette traversée de l'Atlantique et sa rencontre avec le futur Président Kennedy marquent son engagement en politique. Un engagement qui ne se démentira pas : trois décennies durant, Pamela Churchill Hayward, devenue Pamela Harriman, fut une inspiratrice du parti démocrate au service duquel elle déploya toute son énergie à l'heure des épreuves comme à l'heure du succès.
Dès 1980, elle discerne dans le jeune gouverneur de l'Arkansas, Bill Clinton, l'une des étoiles montantes de son parti. Elle lui donne alors, et pour toujours, son amitié. En 1992, elle lui apporte un soutien décisif.
Et lorsque le nouveau Président dut choisir celui ou celle qui pouvait le mieux incarner à Paris l'amitié franco-américaine, très judicieusement, il songea à Pamela Harriman.
C'est peu dire qu'elle a, de façon exceptionnelle, représenté les Etats-Unis en France : elle a apporté à notre vieille alliance l'éclat et le rayonnement de sa personnalité. Elle était l'élégance même. Elle était la grâce.
Elle a mis au service de notre amitié l'affection profonde qu'elle éprouvait pour le peuple français, sa connaissance unique de notre pays, de sa culture et des créateurs de notre temps.
Cette grande dame fut aussi un diplomate hors pair. Dans les débats passionnés qui émaillent régulièrement notre amitié, elle fut, pour le Président Clinton comme pour moi, un irremplaçable interlocuteur, parfaitement à l'écoute de nos pensées, de nos attentes comme de nos contraintes respectives dont elle fut toujours l'interprète fidèle. Lors de nos très nombreux entretiens, elle sut souvent ouvrir les voies d'un accord. Elle le fit toujours avec son intelligence, son charme, sa générosité, sa finesse.
Aujourd'hui, la France perd une amie. Tous ceux qui sont rassemblés ici, qui l'ont aimée et qui ont tant apprécié de travailler avec elle, éprouvent une grande peine. Avec mon épouse, je partage leur chagrin et leur émotion.
Le Président Clinton et le peuple américain doivent savoir le respect et l'affection dont elle était entourée en France. Il y a un mois, dans mon bureau, je lui avais annoncé mon intention de lui conférer, au terme de sa mission, la plus haute de nos distinctions. Je regrette infiniment que cette cérémonie prenne aujourd'hui la forme d'un ultime adieu.
Pamela Harriman, au nom de la République française, nous vous élevons à la dignité de grand-croix de la Légion d'honneur.
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