Allocution du Président de la République devant la communauté française à Budapest, Hongrie.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, devant la communauté française de Hongrie.

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Budapest, Hongrie, le jeudi 16 janvier 1997

Mes Chers Compatriotes,

C'est une grande joie pour moi de vous saluer, de vous remercier d'être venus ce soir à l'occasion de mon passage. Je vous remercie surtout pour ce que vous faites quotidiennement, je l'espère pour votre avantage, mais également pour le service de la France car c'est la vocation de tous les Français de l'étranger, également, d'être porteurs d'une image de notre pays et de servir ses intérêts dans les différents domaines économiques, sociaux, culturels, financiers.

Je suis là avec le ministre des Affaires étrangères, M. de Charette, et le ministre de l'Intérieur, M. Debré. Il devrait y avoir, mais je crois qu'on l'a un peu perdu, le ministre du Commerce extérieur, M. Galland et je remercie notre Ambassadeur pour la bonne organisation de ce voyage. Je remercie également son épouse, parce que j'ai remarqué qu'un ambassadeur, cela marche vraiment bien quand il y a une bonne épouse.

J'ai eu le grand plaisir d'être accompagné, mais elle n'est pas là, on l'a perdue tout à l'heure mais elle va arriver, par Mme Raymond Barre qui, comme vous le savez, est née à Budapest. J'ai remarqué que tous nos hôtes, et en particulier le Président Göncz, avaient été particulièrement heureux de la voir ici, aujourd'hui, avec moi. Je pense qu'elle va venir, mais je me demande si elle n'est pas allée faire une visite familiale.

Je voudrais saluer d'abord une communauté, qui est une communauté importante, on le voit ici, mais elle l'est plus encore, qui, me dit-on, a quadruplé en sept ans, ce qui est très encourageant et qui comporte près de 2 000 Français répartis sur l'ensemble du territoire national hongrois.

Je voudrais les saluer. Saluer les anciens, ceux qui ont connu la Hongrie des temps difficiles. Saluer la première vague de celles et de ceux qui sont arrivés à partir de 1989, et en particulier nombre d'enseignants et de coopérants, les enseignants venant à l'appel de la Fondation franco-hongroise pour la jeunesse, les jeunes retraités de l'Association Agir, les jeunes diplômés des Français de langue étrangère. Enfin, toutes celles et tous ceux qui exercent leur fonction dans des conditions parfois difficiles, souvent loin de la capitale, et qui le font avec beaucoup de courage et au service en particulier de la langue française et de la culture de notre pays.

Enfin, bien entendu, toutes celles et tous ceux qui sont installés ici au titre des activités de toute nature d'ordre économique, social, culturel notamment et qui sont l'armature de la présence croissante et qui ne peut aller qu'en augmentant de notre pays en Hongrie.

Chacun sait que nous sommes le troisième investisseur. Nous nous en félicitons, moi je trouve, qu'on pourrait être le second, il n'y a pas de raison de ne pas progresser. Chacun sait aussi que si nous avons, sans aucun doute, amélioré très sensiblement nos échanges économiques, notre commerce, puisque je crois comprendre qu'il augmente environ de 30% par an en ce moment, il n'en reste pas moins insuffisant et il faut agir davantage.

Je n'ai d'ailleurs pas caché au Président de la République, pour qui j'ai beaucoup d'estime et de respect, à qui j'ai d'ailleurs conféré, ainsi qu'à un certain nombre de ses compagnons de révolte de 1956, notre Ordre national en témoignage de respect et de reconnaissance, - je ne le cacherai pas demain au Premier ministre -, notre désir d'être, je dirais, plus encore considérés lorsqu'il s'agit des grands contrats qui peuvent être passés par ce beau pays hongrois à l'extérieur.

J'ai fait remarquer aux autorités de ce pays, avec beaucoup d'amitié vous l'imaginez, une amitié et une estime d'ailleurs que je ressens profondément, donc je n'ai pas eu besoin de me forcer, que la Hongrie était le grand pays du monde, le seul grand pays du monde, où la France n'avait passé aucun grand contrat dans la période récente et que j'y voyais comme quelque chose se rapprochant de l'anomalie, et que j'espérais que les semaines et les mois qui viennent permettraient de redresser une situation qui ne peut que l'être.

J'encourage toutes celles et tous ceux qui, ici, travaillent pour les entreprises françaises petites, moyennes ou grandes à redoubler d'esprit de conquête et à partir du principe, que la technologie française, l'excellence française en matière de production de biens ou de services, peut nous permettre et justifier toutes les ambitions.

Alors, pourquoi je suis venu ? D'abord, pour rencontrer les autorités hongroises, ce que j'ai fait avec beaucoup de plaisir. La dernière visite présidentielle avait été celle que mon prédécesseur, le Président François Mitterrand, avait faite il y a sept ans, au moment où il s'agissait d'accompagner le mouvement de démocratisation et de modernisation engagé par la Hongrie. Je dois dire que, depuis lors, des progrès fantastiques ont été faits dans ces différents domaines : privatisation, démocratisation, modernisation. La Hongrie peut se targuer d'un bilan indiscutablement positif.

Les sujets qui sont au coeur des préoccupations exprimées par les dirigeants hongrois sont naturellement ceux du destin européen de leur pays. Et j'ai dit à nos hôtes que la France appuyait avec une très grande détermination l'ambition de la Hongrie, d'une part, d'entrer dans l'OTAN et dans l'architecture européenne de sécurité et qu'elle appuyait également, avec la plus ferme détermination aussi, l'ambition de la Hongrie d'entrer, et je l'espère pour l'an 2000, dans la première vague d'intégration dans la construction européenne, dans l'Union européenne.

Je leur ai dit qu'il s'agissait là d'une grande aventure qui supposait que l'on relève un certain nombre de défis : celui de l'Union économique et monétaire, celui de la modernisation des institutions de cette Union européenne qui ne peut pas fonctionner demain à vingt-cinq comme elle fonctionne aujourd'hui à quinze. Il faut démocratiser et rendre plus efficaces les institutions. Le défi aussi d'une politique extérieure et de sécurité commune, le défi enfin, de la défense, d'un modèle social européen auquel nous sommes tous profondément attachés et qui ne doit pas céder devant ceux qui imaginent que la mondialisation et la globalisation supposent je ne sais quelle lâcheté à l'égard de ce qui représente le modèle social européen et dont la France, en tous les cas, se considère comme l'un des garants sur notre continent.

Ceci étant, cette intégration aura lieu parce que chacun comprend que, même si elle exige des disciplines, elle correspond à une nécessité pour deux raisons. D'abord, parce que c'est le seul moyen d'assurer durablement la paix sur notre continent que de le construire ensemble dans un système qui, par définition, élimine toute tentation ou toute tentative de violence. Et deuxièmement, parce que c'est le seul moyen d'appartenir à ce qui sera demain le premier pôle de puissance et de rayonnement du monde. D'un monde qui devient de plus en plus multipolaire et où l'Europe, une Europe de cinq cents millions d'habitants, pourra réellement compter. Donc, j'ai tout à fait rejoint les préoccupations de nos hôtes dans ce domaine.

Enfin, je voulais établir ou renforcer considérablement un partenariat franco-hongrois qui me paraît aller dans la nature des choses, dans l'évolution de l'Europe telle que l'on peut l'imaginer. Un partenariat politique par un dialogue beaucoup plus constant, approfondi, confiant et qui s'intègre dans la volonté de la France d'être présente, active dans tous les pays de l'Europe de l'Est et de l'Europe centrale et orientale et donc, notamment, dans cette grande nation qu'est la Hongrie.

Un partenariat économique, je l'ai évoqué tout à l'heure, qui suppose que la Hongrie est consciente de la nécessité de garantir un certain nombre de droits et de situations pour les investisseurs ou les commerçants étrangers et que la France a vocation à être l'un des tout premiers partenaires de ce pays. Sa compétence, sa fiabilité, sa technologie lui permettent d'avoir cette ambition, il nous appartient ensemble avec les Hongrois de relever, là encore, ce défi.

Et puis un partenariat naturellement social, culturel, technique, technologique, j'ai insisté sur l'importance que nous attachions à l'enseignement du français en Hongrie. On m'a expliqué que nous étions la troisième langue étrangère et qu'après l'anglais et l'allemand, arrivait le français, cela ne m'a pas satisfait, parce que je trouve que le nombre d'enfants qui apprennent le français est très insuffisant par rapport à ce qu'il devrait être.

Je reconnais que j'ai eu tout de même un peu de baume au coeur lorsque je suis allé tout à l'heure devant deux mille ou deux mille cinq cents jeunes Hongrois auxquels je me suis adressé, dans le cadre d'une journée de la francophonie, qui étaient tous très enthousiastes, je me suis exprimé devant eux et j'ai eu l'impression qu'ils comprenaient et donc je me suis dit que tout de même le français n'était pas tout à fait absent. D'ailleurs, le Président de la République m'a dit que la Hongrie serait volontiers candidate à la francophonie et voudrait dans le cadre de l'espace francophone qui comprend déjà cinquante et un pays, s'intégrer aussi à ce mouvement que nous allons définitivement constituer au Somment de Hanoï au Vietnam dans quelques mois.

Je me suis réjouis aussi de nos échanges culturels, et en particulier de la décision que nous avons prise de faire au début du siècle prochain la première année, une saison de la Hongrie en France qui va marquer l'importance que nous attachons à la culture de ce pays à laquelle nous voulons rendre hommage et que nous voulons voir sans cesse mieux connue chez nous.

Voilà les raisons qui m'ont conduit à venir aujourd'hui avec grand plaisir en Hongrie et qui justifient ma présence parmi vous ce soir. C'est une joie pour moi que de saluer celles et ceux sur qui reposeront, dans les mois et les années à venir, l'impulsion que je souhaite vraiment donner par ce partenariat renforcé entre nos deux pays aux échanges de toute nature entre la Hongrie et la France.

Alors, j'espère que vous y trouverez à la fois avantage et intérêt. Je suis sûr que la France en sera satisfaite et cet effort, j'en ai bien conscience, pour une très large part, il repose sur chacune et sur chacun d'entre vous. C'est pour cela que je vous remercie et comme nous sommes encore en tout début d'année, je profite de cette occasion pour adresser à chacune et à chacun d'entre vous mes voeux très sincères, très chaleureux, permettez-moi de le dire, nous sommes à l'étranger, très affectueux, de très bonne et très heureuse année.





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