Palais de l'Elysée, le jeudi 9 janvier 1997
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames, Messieurs,
Je suis naturellement content de vous accueillir conformément à une tradition ancienne et républicaine pour ce rendez-vous de début d'année.
Comme à l'habitude, votre présence ici revêt une forte portée symbolique. Je reçois en effetès-qualités à l'Elysée aujourd'hui les forces vives de la nation, celles et ceux qui les représentent, les corps intermédiaires, la société civile.
Le rôle que joue chacune et chacun d'entre vous est tout à fait essentiel pour la vitalité de notre démocratie et pour l'équilibre de notre pays, car chacune et chacun d'entre vous tient entre ses mains une part de la solution des problèmes de la France, et donc une part de notre avenir.
C'est aux partenaires sociaux -syndicats et organisations professionnelles- qu'incombe en effet la lourde tâche de faire vivre la politique contractuelle et ce n'est pas toujours facile en France. Cette tâche est d'autant plus fondamentale que le contrat, fondé bien sûr sur le dialogue et la concertation, doit être et doit être de plus en plus l'expression privilégiée de nos relations sociales.
Les associations quant à elles symbolisent cet élan vers l'autre, cette solidarité généreuse qui anime un grand nombre de nos concitoyens et sans laquelle il n'y a pas d'équilibre de notre société ou de cohésion de notre société. Elles apportent la chaleur, la dimension humaine, l'imagination qui font parfois défaut aux administrations. Et en cela, elles sont irremplaçables. La part qu'elles ont prise, pour prendre un exemple, dans le programme national d'action en faveur de l'enfance maltraitée, pour prendre ce qui s'est passé le plus récemment, en est un exemple fort. Et comment ne pas souligner aujourd'hui le rôle admirable que jouent les associations dans l'accueil et la prise en charge des plus malheureux d'entre nous, victimes en particulier des rigueurs du froid.
Le mouvement familial si dynamique dans notre pays, les groupements, coopératifs ou mutualistes, représentent pour leur part les différentes composantes du corps social. Ils constituent pour les pouvoirs publics des interlocuteurs nécessaires, éclairés, attentifs.
Vous avez tous en commun la force des convictions et aussi le sens de l'engagement.
S'il ne m'est pas possible de rendre aujourd'hui l'hommage qu'ils méritent à l'action militante, au combat que mène chacune et chacun d'entre vous, vous comprendrez, j'en suis sûr, que j'évoque aujourd'hui la mémoire de Jean Bornard, qui vient de nous quitter et qui incarnait, à sa manière, cet engagement humaniste et solidaire au service des autres.
Malgré la vitalité des réseaux qui irriguent aujourd'hui la société française, nous le voyons bien, les crises qui secouent parfois notre pays témoignent d'un profond déficit du dialogue social.
Sans doute ce constat n'est-il pas nouveau. Tocqueville observait déjà que l'incapacité de la société française à se réformer l'incitait à privilégier l'affrontement pour surmonter ses contradictions.
Un siècle et demi plus tard, ce diagnostic hélas conserve toute sa pertinence. Comme si notre société ne pouvait évoluer qu'au prix de soubresauts, souvent de violents soubresauts. Comme si l'épreuve de force était un préalable nécessaire pour permettre le dialogue et la solution concertée des problèmes sociaux.
La France doit être une démocratie moderne, et à ce titre, capable d'anticiper les changements nécessaires et de les mener à bien dans le dialogue et la sérénité.
Cela suppose d'abord, des partenaires forts et responsables, prêts à oeuvrer pour la modernisation permanente de notre pays : des syndicats, bien sûr, conscients de leurs responsabilités ; des organisations professionnelles ouvertes au dialogue et à la négociation ; des associations, des mutuelles, des coopératives, des mouvements qui expriment les attentes de nos concitoyens.
Ensuite, cela suppose un respect mutuel, car il n'y a pas de négociation sans respect de l'autre. Et le respect de l'autre, c'est notamment le respect de la parole donnée et des accords conclus.
Mais pour que le dialogue soit fructueux, il faut aussi qu'il soit confiant. Nous devons apprendre à nous parler davantage et à nous écouter davantage. Nous devons retrouver le chemin de l'échange et de la concertation, c'est un problème de culture, un problème de comportement.
En 1996, les partenaires sociaux nous ont montré la voie en consolidant les régimes de retraite complémentaire et en signant une nouvelle convention d'assurance-chômage, un progrès.
C'est ainsi dans cet esprit que nous pourrons faire l'économie des blocages et des affrontements qui nous coûtent si cher. C'est ainsi que nous progresserons vers des relations sociales plus modernes et plus apaisées.
Dans cet esprit, je demande au Gouvernement d'engager une réflexion, qui pourrait être conduite par le Conseil économique et social, qui a dans ce domaine une grande expérience, sur le rôle nouveau de la médiation dans les conflits sociaux.
Car les chantiers qui nous attendent, à l'aube de cette nouvelle année, sont immenses.
Il y a naturellement et d'abord l'emploi des jeunes.
J'ai souhaité que l'année 1997 soit l'année de l'emploi des jeunes. Pour cela, la mobilisation de tous est indispensable : celle du Gouvernement, celle du service public de l'emploi et de l'ANPE, celle des collectivités locales, celle des partenaires sociaux et surtout celle des entreprises, petites, moyennes ou grandes.
Il y a ensuite la loi de cohésion sociale que le Gouvernement vient de soumettre au Conseil économique et social et qui sera bientôt discutée par le Parlement. Ce texte traduit une ambition : concevoir une politique globale s'attaquant aux racines de l'exclusion dans tous les domaines, l'emploi, le logement, la santé, la culture.
Il s'agit de passer d'une culture d'assistance à une culture de responsabilité en reconnaissant à chacun ses droits et en redonnant à chacun ses chances.
Mais une fois la loi votée, il faudra bien sûr la faire vivre sur le terrain. C'est là que le concours des associations, de toutes celles et de tous ceux qui chaque jour se dévouent au service des plus démunis, sera une fois de plus tout à fait irremplaçable.
Il nous faudra également ouvrir en 1997 le chantier de la formation tout au long de la vie. Désormais, la véritable sécurité de l'emploi, c'est la capacité qu'auront les salariés de changer d'emploi en fonction de leurs aspirations et au rythme des évolutions économiques et technologiques. Nous devons consacrer un droit individuel à la formation continue et permettre la validation, au même titre que les diplômes, des acquis résultant de l'expérience professionnelle et de la formation continue.
Nous devons enfin engager une réflexion spécifique sur la place des retraités, dans notre société. Je suis heureux de saluer ici leurs représentants. En un siècle, la durée de la formation a doublé, celle de la retraite aussi. Il nous faut tirer les conséquences de cette situation. Le poids du fonctionnement et de l'animation de la société ne peut reposer exclusivement sur une frange de plus en plus réduite d'actifs prise entre deux groupes grandissants : celle des jeunes et celle des retraités.
Plus nombreux, plus jeunes, plus dynamiques, il nous faut donc trouver le moyen d'associer plus encore les retraités, à l'édification de la France de demain, notamment dans le domaine de l'insertion professionnelle, de la culture, de la lutte contre l'illettrisme et d'autres choses encore qui relèvent de la solidarité et de la formation. Ils pourront ainsi mettre leur expérience au service des jeunes générations et au service de l'avenir de notre pays.
Mesdames et Messieurs, c'est tous ensemble que nous réussirons à concevoir et à faire vivre les réformes nécessaires pour adapter ce qui est inéluctable notre pays à son temps. C'est à cette tâche que je vous convie en formant en ce début d'année des voeux croyez-le très chaleureux et très sincères pour chacune et chacun d'entre vous pour les causes que vous défendez, pour ceux qui vous sont chers et proches, bref une bonne et heureuse année.
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