New York, États Unis d'Amérique, le lundi 23 juin 1997
Monsieur le Président,
Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
La modernité, pour notre planète, modernité qui se confond peut-être avec sa maturité, c'est la capacité à se juger elle-même, à penser le progrès et la croissance, à maîtriser les avancées technologiques pour qu'elles profitent d'abord aux hommes.
Cinq ans après Rio, cette session extraordinaire des Nations Unies est un nouveau rendez-vous que notre planète se donne à elle-même. Il s'agit d'évaluer les menaces qui continuent à peser sur elle. Il s'agit de mesurer le chemin parcouru. Il s'agit de définir celui qui reste à effectuer pour parvenir à un développement durable. Un développement harmonieux qui conjugue croissance économique, progrès démocratique et respect de l'environnement.
Rio a marqué le début d'une prise de conscience. Elle était essentielle mais elle demeure insuffisante. Certaines convictions anciennes, rendues caduques par le XXe siècle, sont encore trop présentes dans les esprits.
Ainsi, il est faux de prétendre que la nature a la capacité de guérir toutes les blessures que l'homme lui inflige. Des espèces animales ou végétales ont disparu pour toujours. D'immenses espaces forestiers ne pourront jamais être reconstitués, car les sols ont disparu avec les arbres.
Ainsi, il est présomptueux de croire que l'intelligence de l'homme lui permettra toujours de réparer les erreurs commises au nom du progrès. Personne ne sait comment reconstituer la couche d'ozone. Personne ne saurait corriger le réchauffement climatique provoqué par l'effet de serre.
Instruits par l'expérience, nous sommes désormais conscients que le principe de précaution doit s'imposer partout. Nous en sommes conscients. Mais cinq ans après Rio, constatons ensemble, avec lucidité et modestie, que beaucoup reste à faire pour que ce principe inspire décisions et actions.
Ce qui importe donc aujourd'hui, c'est de nous fixer des objectifs simples, concrets mais ambitieux, pour les cinq ans à venir.
Parachevons d’abord l’édifice des règles internationales qu’impose le principe de précaution.
En décembre à Kyoto, mettons-nous d’accord sur les objectifs et les modalités de notre lutte commune contre l’effet de serre. La France et ses partenaires de l’Union européenne ont montré la voie.
Engageons, avant la fin de l’année, la négociation de la convention nécessaire à la protection de nos forêts. Mon ami le chancelier Helmut Kohl vient de s’exprimer avec force sur ce sujet. Je souscris sans réserve à son plaidoyer.
Précisons enfin nos engagements concernant les conventions sur la diversité biologique et sur la lutte contre la désertification.
Pour appliquer ces textes, contrôler leur mise en oeuvre, faire progresser partout le respect de l’environnement, les Nations Unies doivent disposer d’institutions rénovées, plus efficaces, regroupées autour de deux pôles : Nairobi et Genève.
Elles doivent aussi disposer de moyens suffisants. Créé à l’initiative de la France et de l’Allemagne, le Fonds pour l’environnement mondial joue un rôle central. Je souhaite qu’en septembre à Paris, les pays contributeurs s’accordent sur une reconstitution équitable de ses ressources. La France, troisième donneur mondial d’aide publique au développement, y apportera toute sa part.
Monsieur le Président, parmi toutes les questions liées à la lutte contre la pauvreté et à la protection de l’environnement, il en est une qui me tient particulièrement à coeur, c'est la question de l’eau.
Un risque majeur de pénurie d’eau douce menace l’humanité. La consommation augmente deux fois plus vite que la croissance démographique. Elle double tous les vingt ans. Au tournant du siècle, la quantité d’eau douce disponible par habitant ne sera plus que le quart de ce qu’elle était en 1950 en Afrique, le tiers en Asie ou en Amérique latine. Source de vie, l’eau risque de devenir source majeure de conflits.
De plus en plus rare, l’eau douce est de plus en plus menacée par les pollutions. Selon l’OMS, chaque année, 25 millions d’êtres humains, dont 4 millions d’enfants, meurent de maladies liées à l’eau polluée.
La France, soutenue par toute l’Union européenne, a présenté devant la Commission du développement durable des propositions qui, je l’espère, déboucheront sur des programmes concrets et un partenariat à l’échelle du monde. Il est urgent de mobiliser nos moyens autour de quelques grands projets !
Décidons ensemble que, dans dix ans, chaque village du Tiers-Monde, et notamment d’Afrique, devra être doté d’un puits ou d’un accès à l’eau potable.
Décidons ensemble de réduire de moitié, en dix ans, le nombre des foyers urbains qui n’ont pas accès à l’eau potable ou qui ne sont pas raccordés à des réseaux d’assainissement.
Décidons ensemble d’élaborer et de diffuser partout dans le monde, dans les campagnes et dans les villes, des règles simples de gestion économe de l’eau.
Pour préciser nos objectifs et mobiliser davantage toutes les ressources nécessaires, la France, qui accueille à Marseille le Conseil mondial de l’eau, propose de recevoir, au début de l’an prochain, une conférence réunissant tous les acteurs d’une politique de l’eau : gouvernements, collectivités locales, organisations internationales, associations, entreprises. Cette conférence s’inscrirait dans le cadre de l’élaboration du plan d’action que la Commission du développement durable devrait adopter lors de sa prochaine session, au printemps 1998.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,
La capacité d'invention de l'homme, le pouvoir qu'il s'est donné de modifier l'environnement, appellent, en contrepartie, une exigence : c'est l'esprit de responsabilité.
Notre responsabilité, aujourd'hui, c'est de protéger notre planète. L'efficacité de notre action dépendra d'abord de notre volonté commune, de l'impulsion qu'ensemble nous donnerons à ce grand dessein. L'urgence est forte. Porter atteinte à la nature, c'est porter atteinte à l'humanité.
Je vous remercie.
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