Palais de l'Elysée, le jeudi 19 juin 1997
Jean-Pierre CHANGEUX
Membre de l’Institut, Professeur au Collège de France et à l’Institut Pasteur.
Cher Maître, vous êtes un biologiste qui a mené de front une double carrière de chercheur et de professeur.
Agrégé de Sciences Naturelles, vous serez préparateur de zoologie à Normale Supérieure, où vous vous spécialisez en neurobiologie moléculaire et vous entamez des recherches sur les médiateurs chimiques.
Docteur ès-Sciences, vous débutez votre carrière comme Maître-Assistant à la Faculté des Sciences de Paris en 1960.
En 1974, alors que vous vous intéressez au développement du système nerveux, vous êtes nommé Professeur à l’Institut Pasteur et l’année suivante, au Collège de France.
Vous n’avez pas 40 ans et vos travaux vous valent déjà une renommée internationale. Ces travaux seront couronnés bientôt des prix les plus prestigieux, des prix scientifiques les plus prestigieux, français et étrangers, parmi lesquels la médaille de l’Académie suédoise des Sciences et aussi la médaille d’Or du CNRS.
Vos principaux ouvrages : " l’Homme neuronal ", " Matière à Penser ", " Raison et Plaisir ", qui ont obtenu de très grands succès et qui sont d’autant de référence pour les spécialistes.
Votre notoriété vous désigne pour présider le Conseil Scientifique de l’INSERM en 1983.
En 1987, vous êtes nommé Membre du Conseil Supérieur de la Recherche et de la Technologie.
Et en 1988, élu à l’Académie des Sciences.
Enfin, depuis cinq ans, vous présidez le Comité Consultatif National d’Ethique pour les sciences de la vie et de la santé. Organisme qui joue un rôle essentiel pour que, comme il a été dit, science rime avec conscience.
Les rapports du Comité ont, et suscitent toujours, à juste titre, un très grand intérêt et sont un guide permanent pour ceux qui ont à réfléchir ou à décider dans des domaines où l’éthique peut être mise en cause.
Je voudrais, à nouveau, vous remercier de la qualité du rapport que vous avez remis, à ma demande, au Gouvernement et de la rapidité avec laquelle vous l’avez fait, en ce qui concerne le sentiment exprimé par le Comité pour l’interdiction du clonage humain.
J’avais pu observer d’ailleurs, qu’à l’occasion de la réunion du Sommet européen d’Amsterdam, avant-hier, la France a fait adopter des délibérations.A partir des arguments que vous aviez développés, les Quinze européens ont pris la même position.
Amateur de peintures anciennes, excellent organiste, les choses vont souvent ensemble : la science, la musique.
Vous présidez depuis 1989 la Commission interministérielle d’agrément pour la conservation du patrimoine artistique national.
Donc, c’est un chercheur de très haut niveau, un professeur éminent, mais aussi, un pédagogue éminent, ce qui n’est pas toujours le cas de tous les professeurs. Trop souvent, les grands scientifiques ne se donnent pas l’effort de sortir de leurs propos incompréhensibles pour chacun. Ce qui est une des faiblesses de la science aujourd’hui, et notamment, chez nous.
Vous avez, Cher Maître, cet art de dire, en termes clairs, ce qui est complexe mais doit être, tant que faire se peut, compris par une opinion publique à laquelle, de surcroît, les scientifiques demandent les moyens nécessaires pour poursuivre leurs recherches et qui, par conséquent, se doivent de lui expliquer les choses en termes compréhensibles. Je vous sais gré de cette qualité qui est la vôtre.
C’est pourquoi, Cher Maître, je suis heureux de vous remettre maintenant la cravate de Commandeur de la Légion d’Honneur.
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