Pékin, Chine, le jeudi 15 mai 1997
Monsieur le Président du Conseil pour la promotion du commerce extérieur,
Monsieur le Président de la dynamique Chambre de commerce française de Pékin,
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,
Mes chers amis,
J’arrive en Chine et, une fois de plus, s’impose à moi la vision d’un pays fascinant.
La Chine éternelle, bien sûr, porteuse de la plus ancienne des civilisations vivantes, cette Chine qu’incarne, par exemple, au sud de Pékin, dans un grand parc aux arbres centenaires, ce Temple du Ciel dans lequel, au solstice d’hiver, l’Empereur, fils du ciel, venait rendre compte de son mandat et demander une bonne récolte.
Mais aussi la Chine d’aujourd’hui, forte et fière de son prodigieux développement et, peut-être surtout, la Chine de demain, celle qui, dans vingt ans, sera au premier rang dans le monde.
Et je voudrais que tous les Français partagent ma conviction : malgré l’éloignement géographique, la Chine doit être l’un de nos tous premiers partenaires.
Partenaire politique bien sûr, au service de la sécurité et de la paix dans le monde multipolaire que nous voulons organiser ensemble. Et c’est tout le sens de la déclaration politique que le Président Jiang Zemin et moi signerons demain.
Partenaire économique aussi et je suis heureux que ma première intervention me permette de m’exprimer devant les communautés d’affaires de nos deux pays.
Je veux d’abord remercier les organisateurs de ce déjeuner.
Je veux dire mon estime et mon amitié aux responsables économiques et aux entrepreneurs chinois qui ont su nouer avec mon pays des relations solides et prometteuses.
Je veux rendre hommage à la communauté d’affaires française de Pékin et, à travers elle, à tous ceux qui témoignent ici, en Chine, de la vitalité et de l’esprit de conquête de la France.
Je salue enfin les hommes d’affaires et industriels français qui m’accompagnent. J’ai souhaité qu’à côté des plus grands noms de l’industrie et de la finance française, les petites et moyennes entreprises soient présentes, au premier rang, prêtes à développer de nouvelles alliances avec leurs partenaires chinois. Elles sont le moteur principal d’échanges denses et diversifiés. C’est en grande partie sur elles que repose l’avenir de notre présence. Je suis donc heureux qu’elles soient nombreuses à participer à l’exposition française sur les hautes technologies que j’aurai le plaisir d’inaugurer samedi à Shanghai et qui sera l’exposition la plus importante jamais organisée par la France à l’étranger.
Oui, votre présence à tous aujourd’hui, à Pékin, témoigne du dynamisme de la France. De cette France qui se bat et qui gagne. De la France qui entend prendre sa part, toute sa part, dans le développement de l’économie mondiale.
C’est cette France que je suis venu présenter aux dirigeants chinois. Je suis venu leur dire ce que nous sommes et ce que nous pouvons faire ensemble. Je leur dirai que la France est un partenaire fiable et solide, un partenaire sur lequel les acteurs du formidable développement chinois peuvent compter, et qui possède les atouts indispensables pour établir avec la Chine une relation privilégiée.
Ce partenariat, la France et la Chine le construiront en développant avec détermination leurs liens économiques, commerciaux, financiers.
Comme la Chine, la France est un pays de tradition, de culture, d’art de vivre. Comme la Chine, la France veut préserver ses racines, son identité, son génie propre. Mais la France est aussi un pays innovant, résolument tourné vers l’avenir et largement ouvert sur le monde. Un pays qui veut entrer de plain-pied dans le XXIe siècle et qui, pour cela, entend poursuivre avec vigueur sa modernisation.
Le socle français est solide. Quatrième économie du monde, quatrième importateur mondial, la France est aussi le quatrième exportateur, le second pour les services qui jouent un rôle croissant dans les échanges. Le second également pour les produits agricoles qui occuperont demain une place majeure dans le commerce pour satisfaire les formidables besoins alimentaires de l’humanité.
Cette place de la France, que j’entends améliorer, s’appuie d’abord sur la présence dans le monde entier de nos entreprises, de nos sociétés de services, de nos banques, de nos compagnies d’assurances.
C’est vrai dans le domaine aéronautique et spatial avec Ariane et Airbus, dans le domaine de l’énergie avec une industrie nucléaire de pointe. C’est vrai aussi dans le domaine ferroviaire avec le train à grande vitesse ou le métro, dans le domaine des infrastructures, de la gestion des services collectifs ou de l’environnement. C’est vrai dans l’agriculture et dans l’industrie agro-alimentaire.
Les atouts de la France, ce sont ses savoir-faire, ses hommes et ses femmes hautement qualifiés, ce sont ses chercheurs, ses laboratoires, ses technologies.
Je souhaite que nous soyons plus innovants encore. Que nous libérions davantage nos énergies. Que nous misions davantage sur l’avenir.
C’est pourquoi, j’appelle à un nouvel élan. Pour l’emploi. Pour nos entreprises. Pour garantir notre place et notre rang dans le monde.
Ce n’est pas le moment de marquer une pause. Le monde bouge, il se transforme vite, comme en témoigne d'ailleurs ici la vitalité de la Chine d’aujourd’hui.
Pour la première fois depuis plus d’un siècle, la Chine, qui n’est plus menacée à ses frontières, connaît la stabilité et une croissance exceptionnelle. Ses succès, elle les doit à des racines indestructibles, à son unité, au courage de son peuple. Sa réussite, sa renaissance, elle les doit à l’effort de toute une nation, confiante dans son avenir. Elle les doit aussi aux réformes entreprises, à son ouverture, qui lui ont permis de devenir une très grande puissance économique et d’attirer les investissements du monde entier.
Les besoins de son développement sont considérables, qu’il s’agisse des infrastructures, de l’énergie ou des capitaux. Dans tous les secteurs, la Chine sera l’un des principaux moteurs de la demande mondiale.
La France souhaite participer pleinement à cette évolution. Elle est particulièrement bien placée car les points forts de son économie répondent parfaitement aux besoins de la Chine.
Depuis quelques années, les échanges franco-chinois se développent rapidement : l’année dernière, la France a exporté vers la Chine, en deux semaines, autant qu’elle avait exporté en un an, il y a 25 ans.
Signe de l’ouverture de notre marché, ce sont nos importations qui ont progressé le plus vite. Mais nous ne sommes encore que le treizième fournisseur de la Chine. Ce n'est pas admissible pour nous. C’est dire que nos échanges ne sont pas, et de loin, à la hauteur du poids respectif de nos deux économies. Nous avons un effort considérable à faire. Cet effort repose pour une large part entre vos mains.
J’ai confiance dans l’avenir. La plupart de nos grands groupes, et maintenant beaucoup de nos petites et moyennes entreprises, ont aujourd’hui intégré la Chine dans leur stratégie de développement international.
Certains d’entre vous sont déjà présents avec dix ou quinze sociétés conjointes, réparties sur plusieurs provinces chinoises. Les investissements directs français ont triplé en cinq ans. Au total, déjà près de 300 coentreprises franco-chinoises sont implantées ici.
Je me réjouis qu’à l’occasion de ma visite de nouveaux accords de coopération entre nos deux gouvernements soient conclus dans des domaines de haute technologie, tels que l’espace, la santé, l’environnement, l’énergie nucléaire.
L’énergie nucléaire est, depuis près de quinze ans, l’exemple même de ce que Chinois et Français peuvent entreprendre et réussir ensemble.
En témoignent la centrale de Daya-Bay, entrée en fonctionnement il y a deux ans, et le déroulement harmonieux du projet de Ling-Ao, dont la première pierre sera posée très prochainement.
L’accord intergouvernemental pour le développement des utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire, qui va être signé, ouvrira la voie à un partenariat stratégique dans le domaine du nucléaire civil.
Dans ce secteur clé de l’énergie, d’autres coopérations sont envisagées. Dans l’hydraulique, avec le barrage des Trois Gorges, mais aussi dans les technologies du gaz naturel liquéfié et dans celles de la combustion propre du charbon.
Il faut souligner aussi notre grande ambition dans l’aéronautique. La Chine et la France sont les promoteurs de l’alliance naissante entre les industries européenne et chinoise. La décision de développer en commun, pour le marché mondial, un nouvel avion de cent places en est le point de départ. L’accord entre le consortium Airbus et l'entreprise chinoise AVIC, à laquelle s'associe l'industrie de Singapour, consacre une coopération technologique à long terme qui s’élargit déjà à d’autres projets et à d’autres acteurs.
Mais je veux mentionner aussi d’autres secteurs dont on parle moins souvent comme les télécommunications, la chimie, la pétrochimie, la sidérurgie, la métallurgie, l’automobile, les matériaux de construction, d'autres encore. Dans tous ces secteurs, les alliances franco-chinoises ont été nombreuses dans la période récente et elles peuvent se développer considérablement.
Nos établissements financiers, qui disposent déjà de près de quarante implantations, contribuent aux côtés de leurs homologues chinois à la croissance du pays. Ils ne demandent qu’à renforcer leur présence et leur activité.
Nos compagnies d’assurance sont désireuses, à leur tour, de construire un partenariat équilibré, plus particulièrement dans le secteur de l’assurance vie.
Il en va de même de nos cabinets d’avocats qui prennent pied en Chine et appuient le développement de nos entreprises.
Enfin la Chine et la France sont deux grands pays agricoles. Là encore, nos échanges ont naturellement vocation à croître. Je pense notamment aux céréales, aux échanges dans le domaine de la recherche agronomique, à l’industrie agroalimentaire bien sûr.
Je pourrais évoquer bien d’autres activités mais je voudrais conclure sur la formation des hommes. C’est essentiel. L’Etat français y prend sa part en accueillant dans nos universités et nos centres de recherches des milliers de jeunes Chinois. Nous devons en accueillir beaucoup plus et je lance aussi un appel à nos entreprises pour qu’elles proposent, chacune, la formation d’un certain nombre de jeunes cadres chinois. C’est un geste de solidarité et c’est un excellent investissement.
Ce partenariat qui s’instaure jour après jour entre nos deux pays, je souhaite qu’il s’élargisse aux relations entre l’Europe et la Chine, entre l’Europe et l’Asie.
L’Europe, avec ses quinze Etats membres et ses 350 millions d’hommes et de femmes, est déjà la première puissance économique du monde, le marché le plus important et aussi le plus ouvert sur le monde. Savez-vous que l’Union européenne importe aujourd'hui deux fois plus que l’Amérique du Nord ?
Le 1er janvier 1999, l’Union européenne créera sa monnaie, l’euro, qui sera l’autre grande monnaie mondiale à l'égal du dollar. Ainsi, l’Europe sera l’un des pôles les plus stables et les plus dynamiques de la planète.
Il est dans l’ordre naturel des choses que la Chine et l’Union européenne se tournent aujourd’hui davantage l’une vers l’autre. Mais c’est aussi avec l’Asie orientale tout entière que l’Europe entend construire une relation privilégiée. Le sommet historique de l’ASEM à Bangkok, l’an dernier, a marqué une étape décisive dans le rapprochement entre nos deux ensembles. Chinois et Français y ont joué un rôle moteur.
Mais c'est à l'échelle du monde que la Chine, qui est déjà un très grand acteur du commerce international, doit trouver toute sa place.
Dans cet esprit, la France, et avec elle l’Europe, soutient la candidature de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce. Cette organisation établit des règles claires, transparentes, fixées et acceptées par tous, et qui assurent l’égalité de traitement et la sécurité dans les échanges commerciaux internationaux.
Ensemble, nous devons nous adapter aux évolutions qu’impose la mondialisation, lutter contre les pratiques abusives ou déloyales, mieux protéger les droits de la propriété intellectuelle.
Vous l’avez compris, l’Asie et d’abord la Chine dessinent le nouvel horizon de l’action extérieure de la France.
Augmenter considérablement notre présence, développer nos alliances, concevoir de nouveaux projets, telles doivent être nos ambitions. C’est d’abord vous, décideurs et entrepreneurs chinois et français, qui portez cette ambition. C’est vous qui la ferez vivre et grandir. Et je vous fais toute confiance.
Mesdames et Messieurs, je vous remercie.
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