Buenos Aires, Argentine, le lundi 17 mars 1997
Monsieur le Président de la Nation,
Monsieur le Président de la Bourse de commerce,
que je voudrais remercier chaleureusement pour son accueil et pour m'avoir permis ainsi de parler devant un auditoire aussi éminent et aussi important.
Chère Amalia,
Ce matin j'ai eu le grand privilège de vous remettre la cravate de commandeur de la Légion d'honneur. Vous avez bien voulu dire que je vous avais dit des mots gentils, croyez bien que c'étaient à la fois ceux de l'estime et ceux du coeur, car vous êtes, sans aucun doute, l'une des plus prestigieuse ambassadrice culturelle de la France dans votre beau pays.
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,
Mes chers amis,
Je voudrais d'abord remercier les organisateurs de cette réunion et de ce déjeuner : les trois associations "Investir", "Exportar" et le "Club Europe Atlantique" . Je ne voudrais pas faire d'ingérence dans les affaires intérieures de l'Argentine, mon cher Carlos, pas du tout, mais quand même je vais faire une petite dérogation car j'ai le plaisir de dire que le responsable de l'un de ces trois clubs, Monsieur De Leccia, le directeur d'"Exportar", est papa d'une petite fille depuis une petite heure et je voudrais le féliciter chaleureusement et souhaiter à cette petite Argentine beaucoup de joie et beaucoup de bonheur dans la vie.
Mes chers amis, il y a trente-trois ans, le général de Gaulle posait cette question concernant les liens qui doivent unir l’Argentine et la France, il disait : " doit-on nous en tenir à un accord diffus et théorique ou nous faut-il entrer dans la voie d’une coopération plus et mieux déterminée?"
La réponse est aujourd’hui éclatante : oui, l’Argentine et la France sont aujourd’hui des partenaires importants et privilégiés. Oui, la coopération entre nos deux pays, notamment dans le domaine économique, atteint aujourd’hui un degré d’intérêt croisé considérable. Oui, nos deux pays, nos entreprises trouvent leur intérêt mutuel dans l’approfondissement de notre coopération. C’est le meilleur gage pour l’avenir.
L’importance des forces vives de nos deux nations rassemblées aujourd’hui ici, à la Bourse de commerce de Buenos Aires, témoigne de la solidité des liens qui nous unissent désormais ; elle témoigne de la vitalité des relations entre les deux rives de l'Atlantique.
Je salue nos entrepreneurs et nos hommes d’affaires argentins et français. Je les salue avec estime et avec amitié. Je souhaite rendre hommage à leur dynamisme, au rôle actif qu’ils jouent dans l'émergence de cette économie globale, gage de développement et de prospérité pour nos deux pays. Je les encourage à persévérer dans la voie de l'audace et de la créativité. Je salue aussi le dynamisme du Club d’hommes d’affaires Europe-Argentine, présidé du côté européen par notre ami François-Xavier ORTOLI, qui regrette, et moi autant que lui, de ne pas être présent aujourd'hui parmi nous.
Monsieur le Président de la Bourse, ce dynamisme réciproque de nos entreprises, de nos industriels, de nos commerçants, de nos communautés d’affaires tient d’abord à l'action qui a été celle du Président de la Nation argentine.
Monsieur le Président, vous avez su construire en quelques années une nouvelle Argentine. Une Argentine qui a surmonté avec énergie et succès ses handicaps passés. Une Argentine qui a conquis une place de premier ordre sur la scène économique mondiale.
Une Argentine qui a su trouver, avec ses voisins, le chemin d'une intégration régionale, qui garantit l'ouverture et l'essor économique pour tout le continent sud-américain, et avec laquelle l’Union européenne, première puissance économique du monde, veut nouer un partenariat amical, je dirais fraternel et privilégié.
C'est à cette nouvelle Argentine, à votre Argentine, Monsieur le Président de la Nation, que je voudrais d'abord rendre hommage.
Le redressement de votre économie constitue une entreprise de longue haleine que vous avez menée avec ténacité et avec efficacité.
Grâce aux réformes courageuses que vous avez mises en oeuvre, Monsieur le Président de la Nation, vous êtes venus à bout d'une inflation qui par son ampleur pervertissait toute votre économie.
Il était indispensable, comme ont dû le faire en leur temps les pays européens, de s'attaquer à ce fléau qui lamine les revenus des plus modestes, qui créé la misère et la pauvreté, qui menace les fondements mêmes des sociétés démocratiques. Mais c'est une entreprise difficile, c'est une entreprise courageuse, et votre succès à toute sa valeur d'exemple.
Vous avez mis fin, Monsieur le Président, à l’instabilité des changes, facteur d’incertitude et qui brouille les repères dont les entreprises et les ménages ont besoin. En défendant résolument, parfois dans des conditions difficiles, les lois de convertibilité qui lient le peso au dollar, vous avez montré qu'il ne saurait y avoir de croissance économique durable sans une monnaie forte ce qui est l'évidence.
Vous avez su ouvrir votre pays aux avantages du commerce international. Vous avez su résister aux tentations du protectionnisme mettant ainsi l’Argentine en mesure de bénéficier du puissant mouvement de globalisation des économies du monde.
De récents chocs extérieurs ne vous ont pas épargné. Mais la crise est aujourd’hui derrière vous. Vous retrouvez, depuis l'année dernière, le chemin d’une croissance vigoureuse. La France avait raison de vous faire confiance et elle ne doute pas de la qualité et de l'intelligence de la politique de réforme que vous menez ici.
Nous devons cependant tirer les leçons des difficultés du passé. Nous devons porter une attention accrue à notre système financier international. Nous devons renforcer nos capacités à maîtriser d’éventuelles crises financières. La France a fait des propositions en ce sens au sommet du G7, l'année dernière, à Lyon. Avant de faire ces propositions, j'avais consulté par un envoyé spécial le Président de la Nation argentine qui avait bien voulu me faire part de ses préoccupations, de ses analyses et de ses propositions dont je me suis largement inspiré dans mes propres propositions au G7 car en réalité Argentins et Français nous poursuivons des objectifs communs.
La vigueur de votre politique de réformes, l’ampleur de votre programme de privatisations, l’accueil favorable aux investisseurs étrangers vous ont apporté ce bien si précieux qu’est la confiance : les entreprises et les investisseurs français ont su vous témoigner cette confiance.
Certes, nos entreprises ont une tradition de présence ancienne dans votre beau pays : certaines d’entre elles sont presque des centenaires en Argentine. Mais je suis heureux de constater que nos entreprises et nos industriels ont su saisir l’opportunité qu’offraient les transformations profondes et nécessaires de votre pays. Ils vous ont accompagné dans l’édification de cette nouvelle Argentine. Depuis plusieurs années maintenant, la France est le premier investisseur dans votre pays et je m’en réjouis beaucoup, pour des raisons économiques, pour des raisons politiques, mais aussi pour des raisons du coeur qui ne sont jamais absentes dans nos relations. Ceci c’est le résultat de votre dynamisme et de votre persévérance.
A vous tous qui avez su vous tourner vers l’Argentine, je vous adresse aujourd'hui ma reconnaissance et surtout mes chaleureuses félicitations.
Aujourd’hui, la présence française est désormais très diversifiée. Elle couvre des secteurs aussi variés que la gestion des services collectifs tels que l’eau, l’électricité ou le téléphone, mais aussi l’industrie du pétrole ou du gaz, l'agro-alimentaire, la grande distribution, les industries de luxe bien d'autres encore.
Laissez-moi vous faire part de deux sujets de satisfaction plus particuliers. D’abord pour souligner la présence aujourd’hui de nombreuses PME françaises en Argentine. Un certain nombre de leurs représentants m’ont accompagné. Leur intérêt pour votre pays témoigne de la maturité de nos relations.
Ensuite, pour me réjouir du développement d’un vrai partenariat qui se traduit par la constitution d’investissements conjoints entre entreprises argentines et françaises. Le développement du MERCOSUR devrait naturellement renforcer ce mouvement, entre autres avantages de l'intégration régionale.
Il me semble que les relations qui se construisent ainsi entre nos deux pays sont de plus en plus exemplaires.
Exemplaires par le climat de confiance dans lequel elles s'épanouissent.
Exemplaires aussi par leur qualité et par leur diversité. Elles constituent à mes yeux la meilleure illustration de ce que peuvent être les relations entre deux grandes puissances économiques, entre deux économies développées.
Monsieur le Président de la Nation,
Mesdames et Messieurs,
Vous le constatez, la France est de retour sur le continent sud-américain qu'elle avait peut-être trop délaissé dans les décennies passées. Elle s'emploie à renforcer ses liens avec tous les pays de la zone et notamment, bien sûr, avec les membres du MERCOSUR et les pays qui lui sont associés.
Ce nouveau grand marché, le MERCOSUR, dont vous aviez eu, Monsieur le Président de la Nation, l'intuition le premier, a su en un temps record obtenir une place déterminante dans le domaine de l'économie sur la scène mondiale, quatrième puissance économique du monde et, demain, la troisième sans aucun doute.
Nous autres Européens, instruits par l'expérience, savons qu'il n'est pas toujours facile de dépasser les préoccupations nationales pour mettre sur pied une union d'Etats solide et harmonieuse, seule capable d'enraciner, non seulement, la démocratie et la paix, mais de permettre également le développement économique et la croissance, donc de dégager les moyens du progrès social et de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Nous apprécions beaucoup la performance qui est celle des pays du MERCOSUR.
L'Union européenne et le MERCOSUR ont tout à gagner d'un rapprochement permanent, constant et d'une coopération active. Les deux ensembles ont signé un accord important en décembre 1995. Il s'agit du premier accord interrégional liant l'Union européenne à une autre union douanière. Cet accord fixe clairement le cadre des progrès qui devront être accomplis dans les années qui viennent pour faciliter les transactions et les échanges.
L’Argentine est au coeur du MERCOSUR. La France est un des acteurs majeurs de l’Union européenne. Nous sommes donc faits pour nous entendre et pour être le fer de lance du rapprochement de nos deux grands ensembles.
La France veut être le partenaire privilégié de l'Argentine. Elle dispose pour cela d’atouts importants : une démographie favorable par rapport à celle de tous ses voisins européens, une inflation maîtrisée, une monnaie stable qui inspire aujourd'hui confiance, une main d’oeuvre hautement qualifiée, des entreprises compétitives et innovantes, une recherche importante comme un certain nombre de développements technologiques en témoignent. Je pense au TGV, à Airbus, à Ariane ou à NAHUELSAT. Elle a su séduire, elle aussi, les investisseurs étrangers. Savez-vous que le tiers de la production industrielle française est réalisé par des groupes à capital majoritairement étranger. Vous le voyez, la France, comme vous, a fait le choix de l’ouverture.
Mais, il n’y a pas d’économie forte sans finances saines. C’est pourquoi, en France, nous remettons en ordre nos finances publiques, nous entreprenons les réformes structurelles nécessaires pour libérer l’esprit d’initiative et améliorer le rapport coût-efficacité de nos finances publiques. Déjà ces efforts portent leurs fruits. Nous avons réduit les déficits publics permettant ainsi une baisse considérable, historique des taux d’intérêt. Nous avons renforcé la solidité de notre monnaie et cette action, j’entends bien la poursuivre.
Comme vous, la France s’est engagée dans des réformes structurelles. Elles sont nécessaires, elles sont inéluctables pour stimuler la création de richesse, pour accroître la part du secteur marchand dans l’économie. C’est pourquoi, nous aussi, nous privatisons les entreprises qui relèvent par nature du secteur concurrentiel. Nous modernisons nos services publics pour le bénéfice de tous les Français. Nous ouvrons nos marchés à la concurrence. Nous réformons notre protection sociale pour la rendre plus efficace, plus humaine, et surtout, pour garantir son avenir et notre modèle social européen.
Vous le voyez, la France comme l'Argentine change, elle se réforme même si cela choque, et c'est naturel, un certain nombre de conservatismes, de traditions, d’habitudes ancrées mais le cap de la réforme, comme ici, sera maintenu.
Je vous invite, industriels et entrepreneurs argentins, à participer à la modernisation de la France. Vous y avez votre rôle et votre place. Nous voulons créer une Europe unie et forte. Le 1er janvier 1999, nous aurons une monnaie unique. C’est un grand projet que nous construisons avec tous nos partenaires européens. Nous créerons ainsi plus de croissance et plus de bien-être. L’Europe que nous construisons se veut une Europe ouverte et forte, socialement avancée, économiquement dynamique. Je vous invite, industriels et entrepreneurs argentins, à venir participer, aussi en France, à cette grande aventure, comme nous participons à la vôtre.
Monsieur le Président de la Nation,
Mesdames et Messieurs,
L'Argentine et la France ont su établir des relations chaleureuses et confiantes. Elles ont su tirer parti de leurs affinités culturelles, de cette latinité qui tisse entre elles des liens subtils mais solides, pour jeter les bases d'une coopération qui dépasse le strict domaine économique.
J'ai la conviction que nous saurons développer ces échanges fructueux, pour le plus grand profit de nos peuples. Pour cela, je compte sur vous, qui représentez les forces vives, les forces de la création et qui tenez entre vos mains les instruments de la croissance et donc de la prospérité et du progrès social dans nos pays.
A vous d'encourager les initiatives. A vous de saisir les occasions qui se présentent. A vous de faire vivre la coopération fructueuse, naturelle, spontanée entre l'Argentine et la France.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie.
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