Brasilia - Mercredi 12 Mars 1997
Monsieur le Président de la République,
Cher Fernando Henrique,
Monsieur le Vice-Président,
Mesdames et Messieurs,
Mes Chers Amis,
Je voudrais, Cher Président, vous dire d'abord ma joie. Ma joie d'être ici avec ma délégation aujourd'hui dans ce grand et beau pays que vous conduisez avec tant de sagesse et de détermination. Ma joie aussi d'être accueilli par vous, pour qui vous le savez, j'ai beaucoup d'estime et au fil des ans une amitié qui s'est sans cesse renforcée. Ma joie enfin, que nous partageons la même ambition celle de resserrer les liens entre nos deux pays, des liens qui sont naturels mais que l'Histoire avait quelque peu distendus. Ce sont les liens du coeur, ce sont les liens de l'intérêt, ce sont les liens de l'intelligence et de la culture. Tous des liens très forts dont vous avez profondément conscience.
Vous avez évoqué, en terminant votre propos dans des termes qui m'ont beaucoup touché, le courant naturel de sympathie, de compréhension, d'amitié qui s'est créé lors de notre premier entretien. Je voulais vous dire que c'était tout à fait réciproque et que j'ai vu que nous avions au total une vision à la fois de l'homme et du monde qui était tout à fait concordante et que nous étions au fond deux fils d'une même culture et d'une même civilisation.
Je me rappelle encore votre visite à Paris en mai dernier, nos entretiens à l'Elysée qui m'avaient beaucoup impressionné et qui m'avaient beaucoup apporté sur naturellement les problèmes de votre pays et de votre continent mais, aussi, plus généralement, sur les problèmes du monde et sur l'avenir des hommes sur la planète.
Et c'est pourquoi je me sens un peu en famille à nouveau, aujourd'hui, ici. Car au fond, vous-même, vous êtes de France également. Vous connaissez mieux que beaucoup de Français notre culture, notre langue, notre histoire, nos ambitions. Alors c'est vous dire pourquoi, je suis si heureux d'être pour la troisième fois en moins de dix-huit mois, en situation de vous retrouver, de partager avec vous nos réflexions et nos ambitions pour nos pays et de célébrer chaque fois un peu plus l'amitié franco-brésilienne, et nous réjouir au fond en quelque sorte de ces retrouvailles.
Alors qu'hier vos couleurs flottaient sur les Champs-Elysées, j'ai eu beaucoup d'émotion à voir aujourd'hui le drapeau tricolore aux frontons des édifices de Brasilia. Ces édifices dessinés par NIEMEYER, mais aussi ce Palais de l'ITAMARATY à Rio où je me rendrai demain, drapeau que l'on verra aussi au coeur de Sao Paulo d'après ce qu'il m'a été dit.
Vous savez, depuis des siècles, votre pays exerce sur nous, et vous avez évoqué quelques unes des personnalités françaises qui s'y sont tant investies, fascination et passion. Tandis que nos philosophes, nos penseurs, nos idées ont également, c'est vrai, accompagné, vous l'avez souligné, les vôtres dans beaucoup de domaines.
C'est en invoquant Rousseau qu'en 1789, les révolutionnaires de l'" Inconfidencia Mineira " secouèrent les premiers le joug colonial. Quand, au terme de longs et terribles siècles de déportations et de traitements inhumains, votre pays a émancipé ses esclaves, peu après le nôtre, Dom Pedro correspondait longuement avec Victor Hugo sur le thème de l'abolition. Quand le Brésil jeta les bases de son organisation politique, l'influence d'Auguste Comte fut importante. Sa devise, " Ordre et Progrès " figure désormais sur votre drapeau.
Nous sommes mutuellement fiers de tout ce que nous nous sommes apportés l'un à l'autre, car je le sais, la France vous doit beaucoup.
Comment d'abord ne pas évoquer ce que vous avez donné ici, sur votre terre à Paul CLAUDEL, à Darius MILHAUD, à Anatole FRANCE, première personnalité étrangère d'ailleurs à entrer à l'Académie brésilienne des lettres. Ce que vous avez donné en terme d'intelligence, de sensibilité, de compréhension à Blaise CENDRARS, à Santos DUMONT qui appartiennent à notre Panthéon commun.
Aujourd'hui, le Brésil inspire tout autant la France moderne qu'il a inspiré la France classique : votre musique, votre danse, votre littérature nous ont profondément séduits, vous le savez. Savez-vous, Monsieur le Président, que " L'Alchimiste " de Paulo COEHLO a obtenu en France le plus fabuleux succès de littérature de ces dix dernières années ? Pour ne prendre que cet exemple, j'aurais pu en citer bien d'autres.
Je pense aussi naturellement au football où deux de vos joueurs portent haut en Europe les couleurs d'un club cher à mon coeur, le Paris-Saint-Germain.
J'ai demandé à notre héros national, Michel PLATINI, co-président du Comité français d'organisation de la Coupe du Monde de football que la France aura l'honneur d'accueillir en 1998, de m'accompagner pour dire ici ce qu'est l'organisation, ce qu'est notre ambition, ce que doit être la très grande réussite en France de cette Coupe du Monde que je remercie encore le Président HAVELANGE d'avoir bien voulu accepter que nous l'assumions. Et notre rencontre tout à l'heure avec cet autre joueur de légende, ce mythe vivant, PELE, témoignera et témoigne de cette passion partagée et de notre volonté de faire de cette prochaine Coupe du Monde un très grand succès international. Je serai heureux, Cher Fernando Henrique, de vous y accueillir officiellement ou officieusement, mais j'y compte beaucoup.
C'est dire qu'au-delà de nos valeurs communes, nous avons en fait les mêmes passions, et les passions c'est la nature des choses et de l'homme. C'est cela qui compte, c'est la culture, c'est les racines. Ces passions nous les partageons et c'est ce qui justifie ou explique notre fraternité.
Cette intimité, Monsieur le Président, s'est construite à travers l'Histoire. Aujourd'hui, il nous faut donner un élan nouveau à nos relations qui s'étaient un peu apaisées pendant quelque temps. Nous devons devenir dans le monde moderne l'un pour l'autre un grand, un très grand partenaire.
Sous votre impulsion, Cher Président, un Brésil moderne, fort, légitimement ambitieux, est en marche. Vous y avez ancré la démocratie. Vous modernisez votre pays tout en recherchant à chaque instant une plus grande justice sociale. Vous connaissez l'engagement de la France pour affirmer et préserver, au sein de l'Union européenne, son modèle social. Là encore, nous avons la même ambition et d'ailleurs les mêmes difficultés. Sur ce continent, vous êtes, plus que tout autre, conscient du fait qu'il ne peut pas y avoir développement économique sans justice sociale et progrès humain.
Sous votre direction, le Brésil revient au tout premier rang des Nations du monde. Vous avez terrassé l'inflation, lancé des réformes ambitieuses, engagé les privatisations, voulu de grands programmes d'infrastructures. C'est dire combien, par votre action personnelle, le Brésil se prépare à entrer de plain-pied dans le monde du prochain siècle.
Pour tirer le meilleur parti de la mondialisation de l'économie, le Brésil a su anticiper les évolutions du monde. En créant le MERCOSUL, il a inscrit son histoire dans le grand mouvement irréversible d'intégration régionale qui marque notre temps.
Depuis six ans, les succès du MERCOSUL forcent l'admiration du monde. Vous êtes devenu le quatrième ensemble économique de la planète.Votre commerce interne explose littéralement. Les échanges humains se multiplient. Mais surtout votre projet commun ancre pour toujours, votre région, dans la paix et dans la démocratie.
Il était donc naturel que l'Europe, qui se construit, que l'Europe qui s'élargit, que l'Europe qui sera demain la première puissance économique du monde, établisse avec le MERCOSUL une relation privilégiée.
Ce matin, j'ai présenté au Parlement brésilien, et ce fut pour moi une grande joie, un grand honneur, les objectifs de ce partenariat, l'ambition qui doit nous animer, ma vision du monde multipolaire qui est en train de se dessiner. Mais au sein de ces deux ensembles, l'Union européenne et le MERCOSUL, nos deux pays, le Brésil et la France, doivent donner un nouvel essor à leur coopération. C'est leur intérêt, c'est l'intérêt de nos grands ensembles.
Dans le domaine politique, Brésiliens et Français doivent se mobiliser pour la paix et aussi pour le développement. Votre action dynamique au sein des Nations unies, notre volonté partagée d'une réforme ambitieuse de cette organisation, notre concertation régulière sur les grands dossiers traités notamment par le G7, appellent, entre nous, un dialogue politique plus nourri, un dialogue économique, un dialogue culturel, un dialogue social plus fourni.
Ces échanges étroits, amicaux, confiants doivent inspirer l'ensemble de notre nouvelle relation, de la renaissance de notre relation traditionnelle et naturelle.
Notre relation culturelle bien sûr, où tant d'affinités nous rapprochent. J'inaugurerai tout à l'heure, au musée des Beaux Arts de Rio, une remarquable exposition consacrée à Claude MONET. Il nous faut développer encore nos échanges culturels. Il nous faut encourager l'enseignement du français au Brésil et du portugais en France. S'inscrivant dans notre longue tradition de coopération universitaire que vous-même, Cher Fernando Henrique, avez si brillamment illustrée, les rencontres entre nos enseignants, nos étudiants, nos chercheurs doivent se multiplier.
C'est aussi dans le domaine des sciences que de nombreux projets doivent voir le jour. L'espace où nous coopérons déjà, doit nous permettre d'aller plus loin et d'accomplir ensemble de nouveaux progrès.
Enfin, la France, quatrième économie du monde, souhaite renforcer sa présence au Brésil, puissance technologique et économique de premier plan et qui demain fera partie des cinq grandes puissances économiques de notre planète. Demain, je ne dis pas, après-demain.
Déjà, de brillants succès illustrent l'ambition française. Je pense à nos investisseurs qui sont présents chez vous, vous en avez rencontré tout à l'heure un certain nombre. Je pense à la grande exposition " França 2000 " qui a fait connaître ici la riche palette de nos industries de pointe.
C'est à une mobilisation générale que j'appelle nos acteurs économiques dont les plus grands noms, brésiliens et français, j'ai été heureux de les saluer, sont présents ici aujourd'hui.
Après votre visite d'Etat à Paris, Cher Ami, après ma visite d'Etat dans votre pays, décidons ensemble, dès aujourd'hui, que le souffle nouveau imprimé à nos relations, parce que c'est dans la nature des choses, parce que vous et moi, nous le voulons, sera porté par l'action de nos gouvernements, de nos hommes de culture, de nos scientifiques, de nos entrepreneurs, mais aussi et surtout de nos jeunesses.
Sachons faire vivre et prospérer ce qui a toujours été, ce qui doit être plus que jamais une grande amitié. S'il est vrai, comme l'écrivait la grande poétesse brésilienne Cecilia MEIRELES, que " la vie n'est possible que lorsqu'on la réinvente ", je vous invite, Monsieur le Président, à réinventer sans cesse notre relation pour explorer ensemble tous les champs du possible et Dieu sait qu'ils sont nombreux.
C'est fort de cette volonté, c'est confiant dans notre avenir commun que je voudrais maintenant, après vous avoir dit un grand merci, celui du coeur et celui de l'esprit, lever mon verre.
Je le lève, Cher Ami, en votre honneur. Je le lève en l'honneur de la prospérité du grand peuple brésilien, grande nation, ami du peuple français et je bois à l'amitié entre le Brésil et la France.
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