Hanoï, Vietnam, le mercredi 12 novembre 1997
Monsieur le Président de la République,
Au soir de cette première journée de ma visite d'Etat au Vietnam, je veux d'abord vous dire mon émotion et ma gratitude pour l'accueil que vous-même, le Premier Ministre et le gouvernement vietnamiens, le Secrétaire Général du Parti Communiste nous ont réservé. La délégation et moi-même, nous ne l'oublierons pas.
J'y vois la marque de nos destins mêlés, le legs de notre longue histoire partagée qui tantôt rapprocha nos deux peuples tantôt les déchira. J'y vois le témoignage de cette attirance profonde qui continue de nous porter l'un vers l'autre.
Il y a longtemps que Vietnamiens et Français se sont rencontrés. Au XVIIe siècle déjà, des érudits français ont entrepris de mieux connaître votre très ancienne civilisation et votre langue. Depuis, nos deux peuples ont tissé entre eux les liens les plus forts. Des liens qui ont résisté à tous les problèmes qui se sont posés et à notre long éloignement.
Ainsi, après que le temps a passé, après que les plaies de l'affrontement colonial se sont peu à peu refermées, après que le Vietnam a recouvré son indépendance et son unité, quand le monde, enfin libéré de la logique des blocs, s'est ouvert aux échanges, nos deux pays, Monsieur le Président, se sont naturellement tournés l'un vers l'autre. Le moment était venu de se retrouver.
Il y a quatre ans, mon prédécesseur, le Président François MITTERRAND scellait ici même la réconciliation entre nos deux peuples. Sa visite au Vietnam ouvrait une ère nouvelle pour nos relations.
Que de chemin parcouru depuis 1993 ! Dans tous les domaines, nos relations n'ont cessé de se renforcer et de s'élargir.
Nos relations politiques d'abord. Notre dialogue se développe, les rencontres entre dirigeants vietnamiens et français s'intensifient. Je vous renouvelle, Monsieur le Président, mon invitation à venir en France, afin d'approfondir encore nos échanges déjà si ouverts et confiants.
Nos relations culturelles bien sûr. Vietnamiens et Français ont en commun la même soif de découvrir et d'apprendre. Chez nous, le vietnamien est la langue dont l'enseignement a connu la plus forte croissance d'effectifs d'étudiants. Ainsi Paris est-il désormais, avec notamment l'Institut National des Langues et Civilisations Orientales, le premier centre mondial d'études de la langue et de la civilisation vietnamiennes. Avec le programme " Vent d'Est ", de plus en plus de jeunes Français, étudiants ou engagés dans la vie active, pourront se rendre dans votre pays, se familiariser avec votre langue, poursuivre leurs recherches, rencontrer vos compatriotes, vos traditions, votre culture, découvrir le Vietnam d'aujourd'hui.
Je sais aussi, Monsieur le Président, la place qu'a conservée le français dans votre enseignement et l'aspiration de nombreux jeunes Vietnamiens à l'apprendre et à le parler.
Eh bien, allons plus loin encore. Renforçons notre coopération linguistique, scientifique, médicale. Multiplions les programmes de soutien pédagogique et de formation universitaire. Créons toujours davantage de lycées et de classes bilingues. Développons ensemble de nouvelles filières éducatives, embrassant tous les secteurs de la vie économique, administrative, technologique. Je me réjouis que ma visite au Vietnam soit l'occasion de signer de nouveaux accords et d'inaugurer ensemble de nouveaux instituts de formation de cadres, de chercheurs, d'ingénieurs dont votre pays a besoin.
Nos relations juridiques aussi. Nous réfléchissons, notamment au sein de la Maison franco-vietnamienne du droit de Hanoï, aux instruments de l'état de droit. Avec l'adoption hier d'un Code Civil, aujourd'hui d'une loi en matière commerciale et demain d'un Code de Procédure Civile. La voie est ainsi ouverte à la négociation entre nos deux pays d'une convention d'entraide judiciaire en matière civile et commerciale.
Nos relations économiques enfin. Dans ce domaine, la politique de Doï Moï, de renouveau, engagée par le Vietnam a déjà donné des résultats spectaculaires. Votre pays, Monsieur le Président, est l'un de ceux qui, ces dernières années, ont le plus bénéficié du développement des échanges et de la croissance. Approfondir et élargir vos réformes, c'est assurer le progrès économique et social que souhaitent tous les Vietnamiens.
Et c'est un partenaire engagé qui vous le dit. La France est aujourd'hui le deuxième contributeur financier au plan bilatéral et le premier partenaire occidental du Vietnam pour le commerce et les investissements. Les accords signés aujourd'hui consolideront encore largement nos relations.
Les entreprises françaises, les grandes comme les petites ou moyennes, qui ont les savoir-faire de la croissance et qui sont prêtes à les partager avec vous, se tiennent naturellement à votre disposition. J'appelle nos responsables économiques, nos chefs d'entreprise, nos investisseurs, dont un certain nombre sont ici, aujourd'hui, à poursuivre leurs efforts dans votre pays, à s'y engager plus nombreux et à saisir les multiples opportunités offertes par le Vietnam.
La France les y encourage. Et je sais, Monsieur le Président, votre volonté de favoriser la présence et l'investissement étrangers.
Mais, au-delà de nos relations bilatérales, notre dialogue s'étend à l'Asie, aux relations de l'Asie avec l'Europe, et plus généralement au monde.
Depuis longtemps, la France s'est faite l'avocat le plus ardent de votre pays sur la scène mondiale. Elle a soutenu la signature d'un accord de coopération entre le Vietnam et l'Union européenne. Dans les grandes enceintes de négociation comme dans les institutions multilatérales, la France a milité sans relâche pour apporter son soutien à votre pays.
Naturellement, nous nous sommes réjouis de votre adhésion à l'ASEAN. Comme en Europe il y a quarante ans, les pays de l'Asie du Sud-Est, réconciliés, en paix, se sont engagés dans ce grand mouvement d'intégration régionale qui parcourt le monde. L'ASEAN vient de célébrer son 30e anniversaire. Elle achève son élargissement avec aujourd'hui le Laos et la Birmanie, demain je l'espère, le Cambodge. Elle s'affirme comme un pôle de stabilité, de coopération et de développement. Elle demeurera, malgré les difficultés du moment, un moteur essentiel de la croissance mondiale.
Comme en Europe, la levée des barrières douanières, l'harmonisation des règles juridiques et fiscales, la création d'un vaste marché signifieront plus de croissance, de prospérité, de richesses et d'emplois. Comme en Europe, de nouvelles solidarités, une communauté de destins, et c'est là l'essentiel ancreront la sécurité et la paix.
Il y a un an et demi, l'Asie orientale et l'Union européenne ont entrepris leur rapprochement. En mars 1996, à Bangkok, un grand Sommet, le premier de l'Histoire, à l'initiative de Singapour et de la France, a réuni les chefs d'Etat et de gouvernement d'Europe et d'Asie. Il a jeté les bases d'une ambitieuse coopération économique, commerciale et industrielle. Le Vietnam et la France, qui ont joué un rôle majeur dans cette négociation, doivent continuer d'agir ensemble pour que notre nouveau partenariat Euro-asiatique tienne toutes ses promesses.
Au moment où votre région traverse d'importantes turbulences économiques et financières, je tiens à réaffirmer ma confiance en l'Asie. Les fondements de la croissance demeurent. Ce sont le dynamisme et la capacité de travail et d'épargne de vos peuples, et d'abord de votre jeunesse. Ce sont chez vous, Monsieur le Président, le talent, le courage, le génie des Vietnamiens, leur détermination à poursuivre leur développement, leur capacité à lever les obstacles à la croissance.
Enfin, Vietnamiens et Français doivent se concerter sur toutes les grandes questions de notre temps.
Nous avons, Monsieur le Président, cette chance d'appartenir à la grande famille francophone. Nous pouvons y discuter librement et en confiance des problèmes qui nous tiennent à coeur et nous pouvons ensemble y apporter des solutions.
Espace de dialogue, de tolérance, de solidarité, où se croisent, en se respectant, nos cultures, nos traditions, nos identités respectives, la Francophonie doit désormais s'affirmer comme un acteur à part entière des relations internationales. Pour faire valoir dans le monde une certaine idée de l'homme, de sa dignité, de sa richesse.
Dans trois jours, nous aurons élu notre Secrétaire général. Ce moment d'Histoire, il est heureux qu'il se tienne au Vietnam, qui est l'un des pères fondateurs de la Francophonie.
Monsieur le Président, le monde change et votre pays change. Depuis quelques années, un nouveau Vietnam se dessine, moderne, ouvert. Un Vietnam dont le développement impressionne. Un Vietnam résolu à occuper toute sa place dans le monde et d'abord dans ce Sud-Est asiatique qui se rassemble et qui s'organise. Votre pays, Monsieur le Président, auquel nous rattachent l'Histoire, les liens de l'esprit et du coeur, une volonté partagée d'aborder ensemble l'avenir.
C'est confiant dans notre amitié, dans notre détermination à être l'un pour l'autre des partenaires privilégiés, que je voudrais maintenant lever mon verre.
Je le lève, Monsieur le Président, en votre honneur et en l'honneur des hautes personnalités vietnamiennes et françaises qui nous font ce soir l'amitié de leur présence.
Je le lève en l'honneur du Vietnam et du peuple vietnamien, notre ami, auquel je souhaite bonheur et prospérité. Je bois à la grande amitié entre le Vietnam et la France.
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