Saint-Cloud- Hauts-de-Seine, samedi 18 octobre 1997
Madame la Présidente, Monsieur le Directeur Général, Mesdames, Messieurs,
La Présidente a évoqué cette flamme claire qui, en aucun cas, doit disparaître et dont elle a été la promotrice. Je voudrais lui dire que c'est avec émotion que je m'apprête, avec elle, à allumer cette vasque, symbole d'engagement et de vie.
Comme vous l'avez rappelé, Madame la Présidente, il y aura bientôt trente ans, j'ai fondé en Limousin une association vouée à l'accueil de personnes ayant un handicap mental. Depuis plus de trente ans, j'ai fait mien leur combat et celui de leurs proches, pour surmonter les obstacles et pour une existence plus digne.
Cette Flamme est l'aboutissement de nos efforts communs, des efforts de toutes celles et tous ceux qui oeuvrent, jour après jour, pour que les droits des personnes handicapées soient totalement reconnus.
Comme chacun d'entre nous, les personnes handicapées ont des droits. Elles ont surtout un droit fondamental, inscrit dans la Déclaration universelle des Droits de l'homme, et qui est le droit à la dignité.
Le droit à la dignité, c'est d'abord l'attention portée à la personne handicapée. La qualité du regard que l'on porte sur elle.
Pour lui permettre, quel que soit son handicap, d'assumer pleinement sa condition de femme ou d'homme, nous devons l'écouter. Pour cela, nous devons aller à sa rencontre.
Comme le malentendant tend l'oreille pour mieux comprendre, nous devons tendre le coeur pour mieux l'accueillir.
Alors, dans ces regards que certains croient éteints, nous saurons lire l'espérance et un immense désir d'être. Nous sentirons que la vie dont ils sont emplis est aussi riche que la nôtre, qu'elle brûle des mêmes passions, qu'elle souffre des mêmes chagrins.
Le combat pour la dignité, c'est avant tout cela. Un combat du coeur. Un combat que nous menons tous ensemble depuis de longues années.
Nous avons déjà obtenu des résultats importants : l'infirme de jadis, enfermé dans la fatalité de son sort, n'est plus. Les personnes handicapées sont reconnues comme des citoyens à part entière. Les mentalités évoluent. Les préjugés tombent. Oh, il en reste encore ! Mais ils ont petit à petit tendance à s'effacer.
Mais bien des besoins liés au handicap mental demeurent insatisfaits. Beaucoup, c'est vrai, je l'ai entendu, là en arrivant, reste à accomplir pour que celles ou ceux qui ne peuvent se passer de l'aide d'un tiers puissent vivre dans la dignité.
Il manque des places dans les maisons d'accueil spécialisées, dans les CAT, dans les foyers de vie. Les services d'accompagnement, qui permettent pourtant le maintien à domicile, sont trop peu nombreux. Les cloisons entre les structures spécialisées, les écoles et les entreprises, demeurent trop étanches.
Les personnes qui souffrent d'un handicap mental ne trouvent pas toujours l'aide dont elles ont besoin pour les démarches de la vie courante. Elles ne savent pas toujours vers qui se tourner. Tout cela constitue autant d'obstacles à leur autonomie, à leur liberté, à leur dignité.
C'est pour cette raison que je soutiens, c'est vrai, la démarche de l'UNAPEI de création d'un pictogramme pour les personnes souffrant d'un handicap mental. Ce logo, à l'image de ce qui existe déjà pour les handicapés moteurs, et qui a bien réussi, leur permettra d'identifier les lieux où elles peuvent être accueillies et guidées. Il leur permettra de savoir où s'adresser dans les gares, les stations de métro, les services publics. Il facilitera tout simplement leur vie quotidienne.
Cette réalisation marquera une nouvelle étape sur le chemin de la reconnaissance et de la pleine insertion des personnes souffrant d'un handicap mental. Une nouvelle étape sur le chemin de la dignité.
Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs,
Nous sommes aujourd'hui des citoyens, des citoyens de la Cité de la dignité. Je souhaite que cet instant exceptionnel nous incite à faire tomber les barrières qui nous séparent.
Aujourd'hui, nous prenons conscience de ce que des personnes un peu différentes peuvent nous apporter, par-delà leur handicap, et souvent à cause de leur handicap.
Nous ressentons leur force de vie. Nous découvrons leur sensibilité, nous découvrons aussi quel courage et quelle volonté les habitent, lorsqu'elles accomplissent des prouesses sportives dignes des meilleurs athlètes. Nous nous remémorons avec émotion ces images des Jeux Paralympiques d'Atlanta, lors desquels notre équipe avait su, par ses exploits, faire vibrer la France tout entière.
Nous admirons leur créativité, leurs talents artistiques, qui témoignent tout simplement d'un autre regard posé sur le monde.
Par ce qu'elles sont capables de nous révéler de nous-mêmes, les personnes souffrant d'un handicap sont porteuses de toutes nos raisons de croire et d'espérer en l'homme. Elles méritent, c'est vrai, pour cela notre gratitude et surtout, surtout, notre respect.
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