UNESCO, Paris, le lundi 7 décembre 1998
Madame le Haut Commissaire,
Monsieur le Directeur Général,
Monieur le Président de la Mission,
Mesdames, Messieurs,
Le Haut Commissaire l'a très bien dit : Défendre l'homme partout et sans cesse, est un devoir sacré. L'homme, ses droits, sa liberté, sa dignité.
C'est le choix que vous avez fait, vous tous qui, avec un courage exemplaire, consacrez votre vie à ce combat de chaque jour et de toujours. A l'invitation de Monsieur Federico Mayor, que je salue amicalement, vous êtes venus réfléchir, proposer, mais également témoigner et partager une expérience parfois nourrie d'épreuves et de souffrances.
C'est aussi le choix qu'a fait la France, depuis qu'en 1789, l'Assemblée Constituante proclama la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen.
En cette année 1998, c'est un autre anniversaire que nous célébrons, le cinquantenaire de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, née de la passion et de la conviction de quelques uns, réunis autour d'Eleanor ROOSEVELT et de René CASSIN. Oui, en 1948, à la charnière d'un siècle qui aura vu la chute du Mur de Berlin, l'éclatement de l'utopie communiste, l'avènement d'une Europe unie et pacifiée, mais aussi les guerres les plus sanglantes, les génocides, la Shoah, quelques femmes et quelques hommes de bonne volonté ont voulu que les Droits de l'Homme soient plus que jamais objet de conscience et idéal politique.
Mais les anniversaires ne valent que s'ils constituent des ponts jetés vers l'avenir. C'est l'ambition de cette année commémorative qui a vu se succéder des temps forts sous l'autorité et l'impulsion du Président BADINTER. Je sais que le colloque qui s'ouvre aujourd'hui sous l'égide de l'Unesco, et qui en est le point d'orgue, va contribuer à réveiller les consciences et à dessiner de nouveaux chemins.
Ce qui importe, en effet, dans la ligne des recommandations de la Conférence de Vienne de 1993, c'est de réfléchir ensemble sur les Droits de l'Homme au XXIème siècle, tels qu'ils doivent avancer, progresser. Ce qui importe, c'est de renforcer le socle humaniste sur lequel nous voulons bâtir le troisième millénaire.
La défense des Droits de l'Homme est un combat qui nous concerne tous, sur chaque continent, dans chaque pays.
L'un des tout premiers codes de lois de l'histoire de l'humanité, le code d'Hammourabi, commençait, il y a de cela 3800 ans , par ces mots : "J'ai établi ce code de lois pour la protection du faible devant le fort".
Mais que de luttes, que d'efforts ont été nécessaires pour que s'impose progressivement l'idée que chacun, sans considération d'origine ou de race, est titulaire de droits imprescriptibles. Des droits qui sont une part de notre humanité. Des droits auquels on ne peut porter atteinte sans porter atteinte à l'essence même de l'homme.
Ce combat de plusieurs siècles commence à porter ses fruits. S'ils ne sont pas encore devenus réalité pour tous, beaucoup s'en faut, les Droits de l'Homme constituent désormais une aspiration universelle, par-delà les différences d'histoire, de culture, de religion.
Aucun continent n'est resté à l'écart de ce mouvement de l'Histoire. En Inde, c'est la construction, dans le creuset d'une civilisation millénaire, de la plus grande démocratie du monde. En Afrique du Sud, c'est la lutte victorieuse contre l'apartheid, triomphe de l'égalité et de la liberté sur le racisme. L'Europe communiste, où la Déclaration universelle a brillé pendant de longues années comme une lumière d'espoir, a secoué le joug du totalitarisme. L'Amérique latine affirme, chaque année davantage, son choix de la démocratie.
Pour autant, soyons lucides. Les principes proclamés par la Déclaration universelle des Droits de l'Homme sont encore bafoués. On torture dans un Etat sur deux. Trop souvent, des opposants sont réduits au silence. La liberté d'expression est violée. L'administration de la justice reste arbitraire. Des minorités sont persécutées. Des guerres et des conflits armés font rage. Des dictatures tiennent sous leur férule des populations démunies et terrorisées. Dans bien des pays, l'égalité entre hommes et femmes n'est même pas reconnue.
Et que dire des peuples autochtones, ces peuples premiers qui rassemblent plus de 300 millions d'hommes, de femmes, d'enfants souvent chassés et dépouillés de leurs terres, tous menacés de disparaître dans le grand laminoir d'un progrès uniformisateur ?
Monsieur le Directeur Général, vous nous avez remis tout à l'heure la Déclaration universelle des Droits de l'Homme traduite en quiché, cette belle langue maya de Rigoberta Menchu que je suis heureux de saluer ici. Eh bien, peut-être ce seul geste est-il plus important, et même certainement, que tous nos discours réunis.
Que dire, enfin, de ces maux endémiques, le racisme, la xénophobie, ferments de divisions et de haine, menace pour la cohésion et l'harmonie de sociétés souvent fragiles ?
Oui, le combat pour les droits de l'être humain, combat politique et moral, est toujours d'une violente actualité.
Mais ce combat est aussi un combat économique, tout simplement parce que les droits civils, politiques, sociaux, économiques, forment un tout indivisible.
Chacun sait que la pauvreté, le sous-développement sont des mauvais terreaux pour les libertés essentielles. La misère, qui touche encore un milliard et demi de personnes, est en elle-même une atteinte à la dignité humaine. Comment peut-on parler d'universalité des droits alors que le plus imprescriptible, le droit de manger à sa faim, reste inaccessible pour plus de 850 millions d'êtres humains ?
La misère engendre l'oppression. L'Organisation internationale du travail a dressé la liste implacable des serfs du XXème siècle : familles happées, de génération en génération, dans l'engrenage de la "servitude pour dette". Enfants condamnés dès leur plus jeune âge à travailler dans des mines, des chantiers, des ateliers clandestins, réduits à la mendicité ou à la criminalité. Jeunes filles vendues par leur famille, devenues des domestiques sans salaire. Garçons et filles livrés aux réseaux de prostitution. Autant de formes d'esclavage moderne qui sont le fruit de la pauvreté et du dénuement et qui ne diminuent pas.
Décidément, développement économique et démocratie, c'est vrai, vous l'avez dit, Monsieur le Directeur Général, vont de pair. C'est ce que confirment les recherches du nouveau prix Nobel d'économie, M. Amartiya SEN. Il estime en effet dans ses travaux, que les famines, au cours des cinq dernières décennies, ont frappé en premier lieu les Etats soumis à des régimes autoritaires, épargnant au contraire les pays, même les plus pauvres, dotés d'institutions démocratiques.
Ce douloureux constat dicte le sens de nos efforts. Beaucoup a déjà été fait au sein des instances internationales. L'oeuvre législative des Nations Unies est impressionnante : plus de 60 conventions et protocoles déjà en vigueur. Cette année encore, en créant la Cour pénale internationale, nous avons accompli un nouveau progrès. Recours ultime pour réprimer les crimes contre l'humanité lorsque les Etats ne veulent ou ne peuvent agir, la Cour sera dissuasive autant que répressive. Elle va contribuer, à côté des processus nationaux dont l'Afrique du Sud donne l'exemple, à affirmer les devoirs à l'égard des victimes, devoir de mémoire, devoir de réparation. Je souhaite que la Convention de Rome puisse être rapidement ratifiée par tous les Etats et d'abord bien sûr par la France.
Ainsi se construit peu à peu un nouvel ordre juridique mondial, où personne, pas même les chefs d'Etat, ne sera à l'abri de poursuites en cas de crime contre l'humanité.
Bien sûr, l'oeuvre à accomplir reste immense. Qu'est-ce qu'un droit qu'une partie seulement des Etats applique ? Ainsi, parmi les textes fondamentaux, le Pacte des droits civils et politiques n'est ratifié que par 136 Etats, celui des droits économiques et sociaux par 135 seulement. Et que dire de la Convention contre la torture, en vigueur dans 57 pays seulement ? Notre priorité est claire : c'est la ratification universelle et l'application réelle des conventions existantes.
Nous ne réussirons ni par la contrainte, ni bien sûr en nous érigeant en donneurs de leçons. La condamnation est nécessaire. Mais c'est aussi par le dialogue, fût-il critique, la coopération et l'assistance technique que nous progresserons.
Nous avancerons d'autant plus vite que nous saurons mieux prendre en compte la diversité des cultures. Loin de la contredire, l'universalité doit se nourrir d'une déclinaison des principes essentiels qui exprime la richesse du génie humain.
Mais, pour affirmer l'universalité de ces droits, nous avons besoin d'une construction internationale plus solide et plus homogène. La conférence de Vienne a permis un progrès important avec la nomination d'un Haut commissaire et le renforcement du Centre des Droits de l'Homme. Pour la France, ces transformations ne sont qu'une première étape. Il faut que les Nations Unies consentent davantage de moyens au Centre de Genève, et que l'ensemble des organisations onusiennes relaie son action.
Enfin, défendre les Droits de l'Homme, c'est agir résolument en faveur des plus faibles et des plus vulnérables. Notre Haut commissaire l'a dit très bien tout à l'heure. Le combat pour la dignité et les libertés doit s'accompagner d'une politique active et généreuse d'aide au développement et de lutte contre l'exclusion. Il n'est pas admissible que, dans un monde dont la richesse croît, l'écart ne cesse de se creuser entre les riches et les pauvres.
Protéger les plus faibles, c'est aussi respecter les peuples autochtones, en prenant les mesures nécessaires à l'épanouissement de leurs cultures. La Déclaration des Peuples autochtones sera l'occasion de mieux définir et faire respecter leurs droits, tels qu'ils résultent des principes universels de 1948.
Protéger les plus faibles, c'est lutter contre le racisme et les persécutions que subissent certaines minorités. La prochaine Conférence mondiale contre le racisme devra certes poursuivre un travail de mémoire mais, plus encore, se tourner vers l'avenir afin que nous soyons toujours mieux armés contre ce fléau.
Protéger les plus faibles, c'est contribuer à améliorer et à faire appliquer les dispositions légales élaborées pour eux.
Il est urgent qu'aboutisse la négociation d'application de la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.
Il est urgent qu'aboutissent les négociations des protocoles additionnels à la convention des droits de l'enfant, protocoles qui concernent les conflits armés et la prostitution.
Il est urgent que les Nations Unies se mobilisent, avec des moyens accrus, contre l'esclavage qui en réalité se développe dans le monde d'aujourd'hui.
C'est ainsi, en nous battant sur tous les fronts de l'action internationale, que nous ferons progresser l'humanisme.
Pour la France, historiquement et moralement engagée depuis des siècles dans la défense de la dignité et des libertés humaines, le combat pour les Droits de l'Homme ne se déroule pas seulement à l'extérieur de ses frontières. Il doit aussi, malheureusement, mais il faut le dire, se poursuivre sur notre sol, parce que rien n'est jamais acquis, et qu'en la matière, ne pas avancer, c'est déjà reculer.
Notre devise nationale "Liberté, égalité, fraternité", qui place très haut la barre de l'exigence morale et politique, est une bonne grille de lecture pour la situation des Droits de l'Homme en France.
Qu'en est-il de la liberté, alors qu'il existe dans notre pays des zones de non-droit, où certaines libertés élémentaires, celle d'aller et de venir à sa guise, celle d'exercer en paix son métier, celle de voir ses biens protégés, ne sont pas assurées ? Des zones où la violence se développe et gagne des bastions de la République longtemps préservés, comme l'école. Agir dans le domaine éducatif, s'efforcer de revitaliser l'économie de ces quartiers, prévenir et sanctionner sans faiblesse afin de faire reculer la violence, tout cela participe bien sûr de l'action politique. Mais cela relève aussi du combat pour les Droits de l'Homme car la sécurité est la première des libertés.
Qu'en est-il de la liberté quand la présomption d'innocence, pourtant inscrite à l'article 9 de la Déclaration de 1789 est quotidiennement bafouée ? Combien de personnes, aujourd'hui poursuivies ou même emprisonnées, en attente de leur procès, seront-elles reconnues innocentes par des décisions qui n'effaceront pas les immenses préjudices subis dans leur être et dans leur vie familiale ? Rétablir le principe de la présomption d'innocence est l'un des objectifs essentiels de la réforme de la justice que je veux réaliser, avec le gouvernement.
Qu'en est-il de l'égalité quand on songe aux droits des femmes ? Bien sûr, le chemin parcouru depuis 1944, date à laquelle les Françaises ont obtenu le droit de vote, est immense. Mais les inégalités persistent qui sont autant d'injustices et d'anomalies dans une société moderne. Je pense à la sphère du politique, où les femmes sont encore très loin d'occuper la place qui leur revient. Je pense aussi au monde du travail. Le principe "à travail égal, salaire égal", n'est toujours pas respecté, puisque les femmes gagnent en moyenne 15 % de moins que les hommes. Elles sont freinées dans le déroulement de leur carrière. Elles accèdent plus rarement à des postes de responsabilité. Là aussi, en France comme dans toutes nos grandes démocraties occidentales qui s'érigent si facilement en donneurs de leçons le chemin à parcourir est long, non pas tant dans les textes que dans les pratiques et les mentalités.
Qu'en est-il de la fraternité et de sa traduction moderne, la solidarité, quand cette autre forme de discrimination, l'exclusion, se diffuse insidieusement dans notre société ? Chômage. Difficultés matérielles. Repli sur soi. Sentiment d'inutilité. L'exclusion est un fléau qui s'attaque aux fondements mêmes de notre société. Comment accepter sans révolte de telles situations de détresse humaine dans un pays globalement prospère ? La lutte contre l'exclusion est une responsabilité collective. C'est toujours aujourd'hui un espace de conquête pour les Droits de l'Homme.
Qu'en est-il de la fraternité et de l'égalité ensemble quand le racisme, la xénophobie s'insinuent dans le débat public ?
Bien sûr, les Français ne sont pas et n'ont jamais été un peuple raciste. Ils l'ont simplement et amplement démontré par le passé, y compris aux heures les plus sombres de leur histoire. Mais les vieux démons, surgis par exemple au moment de l'affaire Dreyfus, ne sont jamais complètement morts. La tentation de l'extrémisme, les fantasmes xénophobes se nourissent de la peur de l'avenir, de l'inquiétude face à des changements que l'on ne maîtrise pas, de la crainte diffuse que le train de la modernité et du progrès vous laisse sur le bord de la route. Il revient au politique de prendre en compte ces craintes, et d'y répondre. Il lui revient, ainsi qu'à l'ensemble du corps social, de rester vigilant. En matière de racisme, l'intransigeance doit être la règle. Il n'y a pas d'accommodement possible lorsque la tolérance, le respect de l'autre, la dignité humaine sont en jeu.
Le combat pour les Droits de l'Homme se confond avec le combat pour les valeurs de notre République qui sont, depuis plus de deux siècles, les valeurs de la France.
Combat au présent, pour faire vivre notre héritage moral et politique, les Droits de l'Homme sont aussi un combat pour l'avenir. Un combat pour les générations à venir.
Il serait dangereux de croire que la mondialisation et les progrès de l'économie, de la science et des techniques garantissent à eux seuls l'évolution de nos sociétés vers un monde plus fraternel, plus respectueux des droits et des libertés.
Marquée par un développement sans précédent des échanges, la mondialisation se déploie aujourd'hui dans un espace sans loi. Un espace autonome qui échappe largement à la souveraineté des Etats. Un espace dans lequel règne la liberté la plus radicale.
Mais la liberté sans la loi, c'est le pouvoir absolu du fort sur le faible. Laisser se développer la mondialisation sans le droit, c'est prendre le risque de l'uniformisation culturelle et économique et, par réaction, du cloisonnement et de la confrontation.
Il s'agit bien, encore, des Droits de l'Homme. Seule une mondialisation maîtrisée et civilisée permettra l'émergence d'une société internationale respectueuse des cultures et des identités, des hommes et des pays. Une société internationale où les échanges ne se feront pas au seul profit de quelques uns, mais pour le bénéfice de tous.
Il incombe à la communauté internationale d'élaborer les règles de ce nouvel ordre mondial. Règles économiques, bien sûr, la crise financière en a montré l'urgence. Règles sociales, pour garantir les droits des travailleurs. Règles pénales aussi, pour lutter contre le terrorisme, le trafic de drogue et le crime organisé.
Nous devons agir sans attendre et d'abord nous entendre sur une vision commune, inspirée de la Charte des Nations Unies. Je suggère au Secrétaire général de l'ONU de réfléchir dès à présent à un Agenda pour la mondialisation, qui serait soumis à l'Assemblée du Millénaire.
Manifestation emblématique de cette mondialisation qui pulvérise les frontières, l'essor des nouvelles technologies de l'information ouvre de nouveaux espoirs aux peuples persécutés. La liberté de parole, la diffusion mondiale de l'information, la transparence qui en résultent rendront impossible la loi du silence. Dès que l'information circule, la cause que nous défendons tous commence à triompher.
A l'âge de l'information, les réseaux de communications permettent de mieux comprendre l'autre, dans sa différence, dans sa complexité, dans son humanité. Ils doivent faire progresser la fraternité, la tolérance, le respect mutuel.
Positives lorsqu'elles placent l'homme au coeur de leur fonctionnement, ces technologies ne sont pas sans grands dangers. Utilisés par les terroristes et les trafiquants, lieux d'expression de messages attentatoires à la dignité humaine, sources potentielles de manipulations, les réseaux connaissent les dérives criminelles d'un espace sans loi ni maître.
Le développement pose aussi la question du respect de la vie privée et de la liberté de chacun. Alors que s'élaborent des fichiers de plus en plus sophistiqués, des méthodes d'investigation de plus en plus efficaces, il est nécessaire d'assurer la confidentialité des données personnelles, de prévenir les atteintes à la liberté individuelle et de garantir la protection des enfants.
Sans entraver la libre diffusion de l'information et les échanges entre les hommes, le moment est venu de fixer des règles du jeu inspirées des droits qu'énonce notre Déclaration.
J'en appelle d'abord aux fournisseurs et aux utilisateurs des nouvelles technologies, pour qu'ils établissent ensemble, dans un esprit de responsabilité, des chartes de bonne conduite et qu'ils les fassent appliquer.
Mais il faudra aussi, là où l'autorégulation atteint ses limites, légiférer par des traités. Ils devront rassembler le plus grand nombre d'Etats possible, afin d'éviter la création de " paradis informatiques " abritant ceux qui utilisent les réseaux pour nuire à l'humanité.
Les menaces qui pèsent sur l'environnement sont un autre danger pour les droits des hommes. Il est temps de fonder sa protection sur une règle éthique.
Le droit à l'environnement, c'est le droit des générations futures à bénéficier de ressources naturelles préservées. C'est la déclinaison, sur un mode nouveau, du droit de tout être humain à la vie, à la liberté et à la sûreté.
Les Nations Unies, notamment la commission du développement durable et la commisson du droit international, doivent compléter les conventions existantes par l'élaboration des principes généraux du droit à l'environnement.
Riches de promesses, les progrès des sciences du vivant comportent eux aussi des dangers pour l'intégrité humaine et pour le droit des hommes. Je pense notamment aux techniques de clonage et aux expérimentations sur l'embryon humain.
Voilà que devient possible un nouvel eugénisme. Cette effrayante faculté tente de se parer des mobiles les plus nobles. Mais ne nous y trompons pas : elle peut générer des dérives incontrôlables.
La France, comme d'autres pays, a très tôt légiféré. Il serait vain, cependant, d'avoir ici interdit par la loi des pratiques que la conscience universelle réprouve si ces pratiques peuvent se développer librement ailleurs dans le monde.
Le Conseil de l'Europe, puis l'UNESCO ont montré qu'ils avaient conscience des dangers. Mais un accord régional et une déclaration universelle sans force juridique contraignante ne suffiront pas.
Je souhaite que les organisations internationales concernées se dotent d'une commission consultative indépendante d'éthique. Je souhaite que chaque Etat mette en oeuvre les dispositions de la déclaration et que nous engagions, dans le cadre des Nations Unies, l'élaboration d'instruments juridiques contraignants permettant, sur les points les plus importants, d'encadrer efficacement l'évolution des sciences du vivant.
Mesdames, Messieurs,
Les anniversaires ne sont pas seulement des moments forts où s'accomplit le devoir de mémoire. Leur célébration nous engage, nous oblige. Ce fut le cas pour le 150ème anniversaire de l'Abolition de l'esclavage. C'est le cas, en cette année 1998, pour le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle.
Le combat pour les Droits de l'Homme, combat magnifique, exigeant, pour lequel certains perdent la vie ou la liberté, nous le mènerons ensemble, avec l'appui des peuples, car la pression des citoyens, la puissance de l'opinion publique sont les armes les plus efficaces contre l'oppression.
La Déclaration de 1948 a donné aux hommes l'instrument dont ils ont besoin pour dire quelle est la Loi à ceux qui la bafouent. Manifestation d'une conscience universelle, elle place le droit au-dessus des Etats et l'homme au coeur du politique. A l'aube du XXIème siècle, elle est le socle du nouvel ordre juridique mondial qu'il nous revient de construire, pour que puissent exister désormais des citoyens du monde, libres et égaux.
Je vous remercie.
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