Discours du Président de la République lors de la présentation des voeux du Corps diplomatique

Discours de M. Jacques CHIRAC Président de la République lors de la présentation des voeux du Corps diplomatique (Palais de l'Elysée)

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Palais de l'Élysée, mercredi 7 janvier 1998

Monsieur le Premier Ministre, Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Monsieur l'Ambassadeur,

Les paroles que vous venez de prononcer, au nom de votre doyen, m'ont touché et je vous en remercie. Je vous adresse à mon tour tous mes voeux et je vous prie de transmettre au Nonce mes souhaits de prompt rétablissement. Par son intermédiaire aussi, j'adresse au Saint Père les sentiments déférents et affectueux du peuple français.

Il y a quatre mois, c'est vrai, à Paris, le Saint Père allait à la rencontre d'un million de jeunes. Ils venaient de tous les cantons de la France et de l'univers entendre avec ferveur son message. Ce fut l'un des temps forts de l'année 1997, un moment privilégié de confiance, de fraternité et d'espoir.

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Au moment de tourner ensemble la page de l'année écoulée, notre rendez-vous annuel nous invite à distinguer les signes qui éclairent notre présent et nous aident à mieux construire notre avenir.

Dans le foisonnement de l'actualité internationale, deux tendances encourageantes se sont affirmées en 1997.

Il y eut d'abord le renforcement de la coopération multilatérale.

Malgré des difficultés financières persistantes, l'ONU a bien engagé sa réforme à l'exception, préoccupante, de celle du Conseil de sécurité. Avec fermeté et sagesse, l'Organisation a joué tout son rôle dans la crise irakienne, obtenant le respect des résolutions du Conseil sans avoir besoin de recourir à la force. Il faut poursuivre dans cette voie, en montrant clairement le chemin d'une sortie de crise strictement conforme à ces résolutions qui sont en réalité notre loi commune.

Le Fonds monétaire international, renforcé lors de son assemblée de Hong-Kong à l'automne, a lui aussi rempli pleinement sa mission lorsque de brutales secousses ont ébranlé les économies des pays de l'Asie du sud-est et de la Corée. Il appartient maintenant à ces pays d'appliquer avec détermination les accords conclus, et je leur fait pour ma part toute confiance.

Signe des temps, le règlement de ces crises a associé les pays du G7 et plusieurs pays émergents. La France, qui s'est beaucoup engagée dans ce sens depuis le sommet de Lyon, prendra de nouvelles initiatives pour que les nécessaires règles du jeu de la mondialisation soient élaborées et mises en oeuvre dans un réel esprit de partenariat entre tous les acteurs concernés.

Mais la marque la plus originale de 1997 se situe ailleurs : à Ottawa et à Kyoto. Interdire les mines anti-personnel, c'est sauver des centaines de milliers de vies innocentes. Réduire les émissions des gaz à effet de serre, c'est travailler pour les générations à venir.

Ces deux négociations considérables ont abouti, grâce à l'action énergique de coalitions nouvelles associant la majorité des pays du nord et du sud, épaulées par une mobilisation importante des opinions publiques. Je suis heureux que les États de l'Union européenne aient joué un rôle important, peut-être même décisif, dans ces deux négociations.

Il faut maintenant prolonger ces succès. Donnons une portée réellement universelle à l'interdiction des mines anti-personnel. Ratifions rapidement le protocole de Kyoto, afin d'en assurer une application stricte et contrôlée, avant de franchir les nouveaux pas qui seront sans aucun doute nécessaires.

Enfin, il faut souligner la portée des récents sommets ibéro-américain et francophone. Ils ont illustré la volonté de grands espaces linguistiques de s'organiser et d'affirmer leur dimension politique. Cette orientation est porteuse d'avenir, car elle répond à une nécessité fondamentale, vitale pour l'humanité : défendre le pluralisme culturel du monde.

Ces coopérations multilatérales novatrices ont été accompagnées de progrès encourageants vers un monde multipolaire harmonieux. C'est la seconde tendance positive de 1997, que deux événements majeurs ont illustrée.

Le premier fut la signature le 27 mai, dans cette salle d'ailleurs, de l'Acte fondateur entre la Russie et l'OTAN. En effaçant la ligne de fracture de Yalta, il a mis fin à un demi-siècle d'ordre bipolaire en Europe. Il a ouvert la voie à une nouvelle organisation de la paix et de la sécurité sur l'ensemble de notre continent. La France est heureuse de voir que la Russie, grande nation s'il en est; progresse dans ses réformes et prend l'initiative sur la scène internationale.

Le second événement concerne la Chine. 1997 fut un peu son année, avec le retour réussi de Hong-Kong et des échanges de visites importantes qui ont consacré la place éminente de la Chine dans les affaires du monde, et la France s'en réjouit.


Dans ce contexte annonciateur d'une nouvelle configuration planétaire, où le Japon, l'Inde, l'ASEAN, le MERCOSUR, l'Afrique occuperont également toute la place qui doit leur revenir, 1998 sera d'abord l'année de l'Union européenne.

Dans moins d'un an, l'euro sera créé. Ce sera un événement sans précédent dans l'histoire. Une étape décisive de l'unification européenne. Facteur de croissance et d'emploi, j'en suis sûr, la monnaie unique nous conduira à un rapprochement progressif de nos politiques économiques. Cette démarche doit aller de pair avec l'affirmation d'un modèle social européen. Nous voulons une Europe compétitive et humaine. Ces deux dimensions ne sont pas incompatibles. Elles sont même complémentaires.

L'euro, monnaie de l'Union européenne, l'Union européenne elle-même première puissance économique du monde, apportera aussi une contribution majeure à un meilleur équilibre du système monétaire international. Sa naissance, la naissance de cette monnaie, sera, j'en suis sûr, un heureux événement pour tous vos pays.

Renforcée, l'Union va également engager, dans quelques semaines, son élargissement le plus ambitieux. Progressivement, c'est toute la famille européenne, forte de près de 500 millions de femmes et d'hommes, qui va enfin se rassembler. Pour la première fois dans l'histoire, cette union de nos nations, respectueuse de leurs diversités, ne s'écrit pas dans le sang. Autour de l'entente franco-allemande, elle établit pour toujours la paix. Elle confirme le retour de l'Europe en tant qu'acteur essentiel sur la scène du monde.

Le moment est en effet venu, pour l'Union européenne, d'assumer progressivement ses responsabilités internationales et de défense. Parce que c'est l'intérêt de tous, elle doit le faire sans complexe, dans un partenariat équilibré et renouvelé avec son grand allié, les États-Unis. Le renforcement des industries européennes de défense, décidé par la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, rejoints par l'Italie et l'Espagne, contribuera à ce meilleur équilibre.

Mais l'Alliance atlantique, qui demeure un élément fondamental de notre sécurité, doit aussi aller jusqu'au bout de sa réforme et poursuivre son élargissement, notamment à la Roumanie et à la Slovénie. Le nouveau concept stratégique, que l'Alliance doit adopter lors de son Sommet de 1999, devra constituer l'un des fondements de cette nouvelle Charte transatlantique que j'ai proposée il y a deux ans devant le Congrès des États-Unis.

Sur le terrain, l'OTAN doit continuer, avec ses partenaires, à assurer, en Bosnie, une paix fondée sur la réconciliation et la justice. Les Européens y assument la plus grande part de l'aide économique et de l'effort militaire. Le moment est venu de décider, avec nos partenaires américains, les modalités de la poursuite de notre mission. La France en prendra toute sa part dès lors que ses alliés confirmeront, à due proportion, leur engagement. Elle est prête à examiner l'implication, pour la première fois, du Corps européen. Au-delà, je souhaite que l'Union européenne contribue mieux à la stabilisation de l'ensemble du sud-est de notre continent.

Avec la même détermination, l'Union doit développer le processus de Barcelone en Méditerranée, processus qui doit renforcer la compréhension entre nos civilisations et faire reculer la violence. Cette violence qui frappe de manière barbare l'Algérie et son peuple. Et je tiens à exprimer devant vous la profonde émotion de tous les Français devant ces massacres d'innocents. Et dans cette épreuve, la France se sent solidaire de l'Algérie à laquelle elle souhaite apporter aide et coopération.

L'Europe doit aussi s'engager davantage au Proche-Orient. Et la France y veillera. Face au danger de mort qui menace le processus de paix, les Européens devront rester en initiative et assumer toutes leurs responsabilités, en liaison bien sûr avec les États-Unis.

Enfin, l'Union européenne doit renforcer ses liens avec ses grands partenaires dans le monde : ceux d'Asie lors du prochain sommet de l'ASEM, ceux d'Amérique latine lors de notre premier sommet l'an prochain, et naturellement ceux d'Afrique. La France, je vous l'indique, sera, sur ce dernier point, particulièrement attentive aux conditions du renouvellement de la convention de Lomé. L'Europe s'honore d'être, et de loin, le premier donneur d'aide au monde. Elle doit le rester.

Il est un dernier domaine, mais il est évidemment essentiel, où les Européens doivent se mobiliser : celui des grandes questions de société. La capacité de notre Union à répondre aux préoccupations quotidiennes de nos peuples déterminera leur attachement à son égard. Oui, l'Europe doit s'engager davantage dans la lutte contre le crime organisé, contre la corruption, contre la drogue, contre le sida, pour la préservation de notre environnement ! Oui, l'Europe doit promouvoir avec imagination les droits de l'Homme et marquer avec éclat, cette année, les cinquante ans de la Déclaration universelle !

Vous le voyez, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, avec ses partenaires européens et tous les pays que vous représentez si bien à Paris, la France entend apporter toute sa contribution à l'organisation d'un monde plus juste, plus équilibré, plus sûr et plus solidaire.

C'est ce message que je vous demande de transmettre, avec mes voeux personnels les plus chaleureux, à tous vos chefs d'État. A l'intention de chacune et de chacun d'entre vous, à l'intention de tous vos peuples, je formule les souhaits les plus sincères et les plus cordiaux.

Bonne et heureuse année à tous ! Bonne et heureuse année à tous vos pays !





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