Palais de l'Élysée, le lundi 25 octobre 1999
Monsieur le Président,
Madame,
C'est un grand honneur pour nous de vous accueillir ce soir.
A travers vos personnes, c'est la Chine qui est l'hôte de la France. La Chine d'aujourd'hui mais aussi la Chine de toujours. La Chine cinq fois millénaire, berceau de la plus ancienne civilisation vivante, mère d'un "Etat plus vieux que l'Histoire" disait le général de GAULLE, et la Chine moderne. Une Chine debout. Une Chine qui se transforme, qui réussit et dont vous avez célébré avec éclat, il y a quelques semaines, les cinquante ans.
Nous sommes heureux que vous ayez choisi de vous rendre en Europe, et plus particulièrement en France pour donner une nouvelle impulsion au partenariat global que nos pays ont institué il y a deux ans et demi lorsque vous m'avez si chaleureusement reçu à Pékin.
Votre séjour en France est riche de symboles. Vous êtes arrivé à Lyon qui, dès la Renaissance, nouait un commerce régulier avec la Chine, celui de la soie que rappelle d'ailleurs son jumelage avec Canton. C'est à Lyon aussi que fut accueillie dans les années 1920, pour des études et un premier travail, la génération des fondateurs de la nouvelle Chine, le Président DENG XIAOPING, le Premier ministre ZHOU ENLAI et le Maréchal CHEN YI. Aujourd'hui, nous avons repris, à travers toute la France, cette tradition d'accueil de vos étudiants, nous l'évoquions ce matin lors de notre séance de travail, étudiants qui feront partie, demain, des dirigeants de la Chine du XXIe siècle.
Ensuite, mon épouse et moi-même avons eu le plaisir de vous recevoir, ainsi que Madame WANG YEPING, dans notre département, la Corrèze. C'est une tradition, commune à nos deux cultures, d'accorder une grande importance à la qualité de l'hospitalité. L'un de vos plus illustres poètes, DU FU, la décrit dans "Un visiteur est arrivé" . Il dit :
"Sur l'allée fleurie aucun visiteur n'a encore marché,
Pour vous, le premier, s'ouvre la porte d'osier".
Ce moment privilégié nous a permis de mener en toute liberté les échanges approfondis dont nos deux pays ont besoin. Pour orienter les grands choix de leur politique dans le monde complexe où nous vivons. Pour organiser les nouvelles étapes de notre coopération.
Ici même à Paris, vous avez rencontré les hautes autorités de la République, les principaux chefs d'entreprises, la presse française et internationale ainsi que vos compatriotes. Ce soir, toutes les personnalités françaises qui vous entourent prolongent, chacune dans son domaine d'activité, l'acte historique que fut la reconnaissance de la République populaire de Chine par le général de GAULLE, il y a trente cinq ans. Toutes illustrent la volonté profonde de la France de s'engager dans un partenariat plus dynamique encore.
Ensemble, nous avons mesuré le chemin parcouru depuis deux ans et demi. Nous avons vérifié dans les faits que ce partenariat global correspondait à la réalité d'échanges de plus en plus diversifiés et dont la croissance est assez remarquable. Ce matin nous en avons parlé en détail et vous en avez parlé avec le Premier ministre. Qu'il me soit simplement permis, ce soir, de rappeler que près de 800 entreprises françaises, filiales ou sociétés mixtes, travaillent aujourd'hui en Chine. C'est près de quatre fois plus qu'il y a quatre ans. Le nombre de Français installés à Shanghai a sextuplé au cours des six dernières années. Plus de dix-mille Français vivent dans votre pays qui accueille désormais notre première communauté d'Asie.
Ce partenariat réussi, nous avons l'ambition d'en faire une pierre d'angle dans l'édification du monde multipolaire que nous voulons. Bien sûr les difficultés ne manquent pas dans cette entreprise. Et nous avons longuement évoqué, au cours de ces trois jours, les leçons qu'il convient de tirer de la crise du Kosovo. Ce moment difficile, dramatique même pour vous comme pour nous, a confirmé la nécessité impérieuse d'une concertation étroite entre nous. Grâce à cette concertation, nous avons pu imposer la seule solution appropriée, c'est-à-dire le règlement de la crise dans le seul cadre légitime, celui du Conseil de sécurité des Nations Unies. De cette leçon, nous avons su faire, ensemble, le meilleur usage lorsque la crise du Timor Oriental est survenue.
Autre épreuve, la crise financière asiatique, pendant laquelle la Chine a adopté une attitude particulièrement responsable. Cette crise a été une occasion supplémentaire de renforcer notre coopération. Nous avions déjà mesuré notre accord profond lors de la visite du Premier ministre, M. ZHU RONGJI, à Paris en avril 1998. Reçu à son tour en Chine en septembre dernier, le Premier ministre français, M. Lionel JOSPIN, a signé une "déclaration franco-chinoise sur la coopération financière". Ce texte confirme notre engagement résolu en faveur de la stabilité, condition indispensable de la croissance de chaque pays et du développement des échanges internationaux. Nos consultations, désormais régulières, témoignent de notre détermination partagée à conduire jusqu'à son terme la réforme du système financier et monétaire international sur lequel nous portons le même jugement.
Au-delà, c'est un renforcement général des grandes institutions internationales que nous souhaitons. Elles sont les rouages indispensables d'une communauté mondiale diverse, qui doit pouvoir mieux coopérer dans un esprit de respect mutuel.
Notre effort doit porter en particulier sur les questions de sécurité. Les développements préoccupants de la période récente doivent nous conduire à tout faire, dans un esprit de grande responsabilité, pour préserver et renforcer le système de non prolifération, maintenir les équilibres stratégiques mondiaux et relancer la dynamique du désarmement.
Monsieur le Président,
Vous savez combien les Français suivent les transformations de la Chine avec attention, je dirais même avec fascination. C'était déjà le cas au temps de Montaigne, puis de Montesquieu et de Voltaire. Nous devons et nous voulons mieux connaître, mieux comprendre les immenses changements en cours dans votre pays.
Nous en mesurons les enjeux : la rencontre de l'économie et du droit, de l'Etat et du marché, de l'administration et de la société civile, de l'initiative individuelle et de la protection sociale. Nous constatons l'émergence du citoyen chinois dans un Etat de droit qui se forme peu à peu par la rencontre de vos traditions nationales et des principes universels qui ont vocation à s'appliquer partout et sans exception dans le monde. La poursuite de ce processus nous tient à coeur. Nous avons donc engagé, sur tous ces sujets, un dialogue constructif sur les droits de l'Homme qui a prouvé son utilité et qui se prolonge dans la coopération juridique et humanitaire.
S'ouvrir sur le monde en restant soi-même : telle est l'ambition qui nous anime et doit nous permettre de débattre de nos visions de l'Homme et de ses droits.
Je veux enfin souligner à quel point l'Europe est présente dans ce dialogue. Une Europe qui, pour moi, doit s'affirmer comme l'un des pôles majeurs du monde de demain. La Chine et la France sont appelées à être les pionniers du rapprochement entre l'Asie et l'Europe. C'est dans cet état d'esprit que, dans un an, je me rendrai, au titre de la présidence française de l'Union, à Séoul d'abord pour le sommet Europe-Asie, puis en réponse à votre invitation pour le sommet Europe-Chine qui doit, en l'an 2000, marquer avec éclat notre volonté de travailler ensemble à l'organisation du nouvel ordre international mondial. Vous le voyez, Monsieur le Président, le prochain siècle s'ouvre sur une page de concertation et de coopération entre la Chine et la France, entre l'Europe et Chine et je m'en réjouis profondément.
En levant maintenant mon verre, je forme les voeux les plus chaleureux pour vous-même, Monsieur le Président, et pour Madame WANG YEPING à qui je présente mes respectueux hommages. Pour le grand peuple chinois auquel je souhaite bonheur et prospérité. Pour la Chine éternelle qui a retrouvé sa place éminente dans le monde. Pour l'amitié et la coopération entre nos deux peuples et nos deux pays.
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