Allocution du Président de la République lors du déjeuner offert en l'honneur de l'équipe de France de football championne d'Europe.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors du déjeuner offert en l'honneur de l'équipe de France de football championne d'Europe.

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Palais de l'Elysée, le jeudi 31 août 2000

Messieurs les Champions d'Europe, Messieurs les Champions du Monde, Mesdames, Messieurs,

Il y a deux ans exactement -c'était le 1er septembre 1998-, cette Maison de la République recevait les champions du monde. Et aujourd'hui, les Bleus sont de retour avec une nouvelle victoire à leur palmarès et surtout un doublé historique et émouvant.

Ce 2 juillet à Rotterdam, l'équipe de France a été sacrée Championne d'Europe des Nations. C'est un incroyable défi qu'elle a remporté là. Et les Bleus, en offrant à la France deux trophées, coup sur coup, ont atteint ce qu'aucune sélection française n'avait su ou pu conquérir jusque-là : le statut de meilleure équipe de football de la planète, en un mot : la référence.

Quelle leçon de vie ! Une équipe respectueuse des autres, fair-play, solidaire, qui ne renonce jamais, une équipe qui se bat jusqu'au bout, qui s'amuse et qui gagne ! Une équipe où tous ne font qu'un, les anciens et les nouveaux, les titulaires et les remplaçants, toujours à s'épauler, à venir à la rescousse, à pousser l'équipe vers l'avant, avec une extraordinaire générosité qu'on voit dans les gestes et qu'on lit dans les regards. Et en prime, des buts, des coups de théâtre, de la technique et de la virtuosité, de l'inspiration et du panache : des artistes et du spectacle, - de merveilleux artistes pour le plus beau des spectacles...

Mes pensées vont plus particulièrement, à l'instant, vers Didier DESCHAMPS et vers Laurent BLANC qui, hélas -c'est leur choix et nous le respectons tous- dans deux jours, mettront un point final à leur carrière tricolore. Et bien, permettez-moi, à l'un et à l'autre, de vous rendre hommage. Vous avez éclairé de tout votre talent, de tout votre génie le parcours d'une équipe fabuleuse, vous allez, dorénavant, vous consacrez à votre club. Et bien, cher Capitaine, cher " Président ", vous manquerez à l'équipe, c'est sûr, vous nous manquerez à tous, c'est évident, mais je suis certain que nous nous retrouverons sur quelques autres chemins de gloire auxquels, vous êtes, je n'en doute pas, promis.

Alors, merci, les Bleus !

Merci, messieurs et merci, Roger LEMERRE !

C'est vrai que le 12 juillet 1998 au soir, une chose était certaine : il ne serait pas facile d'assurer la relève. Il ne serait pas facile d'assurer la relève, il ne serait pas facile non plus de prendre le relais d'Aimé JACQUET. Et bien, vous l'avez fait de façon remarquable, en imposant votre style. Je me souviens, d'ailleurs, de ce style, parfois imagé, dont j'ai gardé un souvenir précis d'une amusante histoire, qui n'était pas venue absolument spontanément mais qui avait fait " tilt " et qu'entre nous, j'ai maintes fois répété, parfois, sans citer son auteur. Et bien, aujourd'hui, je le répète, vous avez imposé votre style, l'équipe des Bleus n'est ni tout à fait la même, ni tout à fait différente. Tout en conservant l'équipe qui gagne, vous êtes parvenu à la renforcer et à la bonifier en intégrant les jeunes, en mariant les âges et les tempéraments, en faisant jouer tout le groupe, un choix qui s'est révélé judicieux, pour l'enthousiasme collectif comme, on l'a vu en finale, pour la fraîcheur des joueurs.

Et le résultat est là : la nouvelle équipe de France pense désormais à la future coupe du Monde, dans deux ans, en Corée et au Japon où elle va défendre son titre, et avec le même panache, j'en suis sûr.

Je voudrais aussi saluer le rôle qu'ont joué les compagnes des Champions. Vous êtes, mesdames, naturellement, leurs premiers supporters. Votre présence, votre soutien, votre enthousiasme exercent, sans aucun doute, la plus grande influence sur le moral de vos compagnons, et j'ai vu avec quelle passion et quel charme, ils s'exprimaient dans les tribunes au cours des matchs, je peux en porter témoignage et c'était aussi quelque chose d'assez émouvant. Cela également, a impressionné le pubic, car l'exemple que vous donnez contribue, j'en suis persuadé, à canaliser sa ferveur. Alors, une part de cette victoire, c'est vrai, probablement, vous revient, c'est même certain.

Je voudrais également rendre hommage aux instances dirigeantes du football français et dire ma reconnaissance à Claude SIMONET, le Président de la Fédération.

Cette victoire est, une nouvelle fois, le fruit du travail effectué par les milliers et les milliers de bénévoles qui puisent dans leur temps, dans leur énergie, dans leur intelligence, pour donner, au sein des clubs, du rêve aux enfants, l'exemple et les moyens. C'est grâce à eux que le football français, qui compte plus de deux millions de licenciés, représente un cas unique au niveau international.

Avec cette coupe d'Europe, est également reconnu le travail de la Fédération, en liaison étroite avec la Ligue, qui réunit les pratiquants et les clubs professionnels autour du même objectif, un rôle délicat car la politique du football exige de plus en plus de moyens en encadrement, en éducateurs, en bonnes volontés, en un mot, de plus en plus de passion. Le mot vient de vous.

Ces difficultés ne sont pas un phénomène typiquement français. La situation de notre pays est même très honorable, en ce qui concerne non seulement le football, mais également tous les sports. Cette situation, qui peut engendrer une satisfaction légitime, laisse espérer les meilleurs résultats au plus haut niveau. Henri SERANDOUR, Président du C.N.O.S.F, que je salue amicalement, ne me démentira pas, j'en suis sûr, et, à quelques jours de l'ouverture des Jeux de Sydney, vous me permettrez de former au nom de tous, du fond du coeur tous nos voeux pour que l'équipe de France olympique remporte en Australie une moisson de médailles équivalente et, pourquoi pas, supérieure à celle récoltée, déjà brillante, il y a quatre ans à Atlanta.

Tous les Français souhaitent naturellement que nos équipes tricolores soient toujours au mieux de leur forme.

Pour cela, de très nombreux paramètres entrent en jeu, qu'il s'agisse des moyens donnés aux structures professionnelles ou des questions de réglementation du sport au niveau de chaque état européen. J'ai conscience de ces problèmes, comme j'ai conscience de leur complexité. Il n'existe pas, il ne peut exister de solution globale immédiate, et cela nous le savons tous.

L'identité des clubs est forte et légitime, mais elle s'appuie sur un système de gestion très différent d'un pays à un autre. Il me paraît nécessaire d'agir vite et de protéger par exemple la formation des jeunes joueurs et d'aider les clubs qui s'investissent dans cette démarche à préserver leur savoir-faire.

Un groupe de travail, au niveau des ministres européens des sports, a été créé pour réfléchir à une meilleure prise en compte de la spécificité du sport dans le cadre européen, et cette spécificité était encore soulignée hier par le Président SAMARANCH, venu me porter le résultat des délibérations du CIO. Nous attendons de lui, de ce groupe de travail, qu'il définisse les grandes lignes de l'évolution qui lui paraît souhaitable. Au-delà du football, tous les sports sont concernés, en France comme en Europe, et une telle tâche s'inscrit forcément dans la durée.

Si les gouvernements se penchent à l'heure actuelle sur ce sujet sensible et complexe, l'évolution des règles ne se fera pas sans le mouvement sportif. Lui qui représente les vrais acteurs doit participer à la réflexion, à la recherche des solutions, il doit constituer une vraie force de proposition. Pour cela, il lui faut avancer de concert sur tous les sports, malgré des problématiques différentes d'une discipline à une autre, car l'existence d'un sport à deux vitesses ne serait évidemment pas acceptable.

Le mouvement sportif sait bien que seul, il ne pourra rien face à ceux qui souhaitent le transformer en un secteur uniquement commercial. Les fédérations sportives sont certainement les mieux à même d'appliquer les règles à venir.

Nous avons tous conscience que le sport se trouve aujourd'hui en pleine évolution. Il vit sur une pratique créée à la fin du siècle dernier, réservée alors à une élite constituée de passionnés qui, depuis, s'est considérablement élargie. Il entre désormais dans une autre époque. Il lui faut pour cela trouver appui sur les Etats qui, eux-mêmes, ont besoin du relais que constitue par excellence le mouvement sportif. Toutes les conditions sont réunies pour réexaminer, dans la transparence, ces relations réciproques et envisager le développement d'un partenariat qui, en évitant toute mise sous dépendance, s'appuierait sur des règles claires et valables pour tous les pays, sur tous les continents.

Je souhaite que les six mois de présidence française à la tête de l'Union européenne permettent de poursuivre le processus qui portera cette évolution à son terme : je sais que c'est le souhait du mouvement sportif et nous essayerons, les autorités françaises s'efforceront, naturellement de seconder ces efforts.

De cette transformation, qui est inéluctable, dépend l'avenir du sport, vous avez raison de le dire. Il est de la responsabilité, il est du devoir des gouvernements comme du mouvement sportif de préserver cet avenir pour les jeunes générations. Et aussi pour "cette belle génération" - Didier Deschamps ne m'en voudra pas si je lui emprunte son expression -, pour " cette belle génération, celle de la France qui gagne ".

C'est ce que nous vous souhaitons, au moment où d'autres grandes et belles aventures vous attendent, pour vous et pour nous. Les Bleus, je le sais, ont un appétit insatiable de victoires. Tous les Français y ont pris goût eux aussi. Et vous pouvez être assuré, naturellement, de leur soutien.

Alors, merci, Messieurs, pour cette ambition, merci pour cette image de la France que vous portez si haut. Merci pour cette magnifique leçon de volonté et de courage que vous nous donnez, bravo et merci.





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