Stockholm, Suède, le lundi 10 avril 2000
Sire,
Madame,
Mon épouse et moi vous remercions de tout coeur pour votre magnifique accueil dans ce Palais royal où tout témoigne de la grande et glorieuse histoire de la Suède. Ce Palais, qui est aussi le symbole éclatant de l’ancienne et profonde relation qui unit Suédois et Français. Partout ici, ornements et oeuvres d’art, nés du talent conjugué de nos créateurs, rappellent le dialogue noué par nos deux peuples voici bientôt quatre siècles.
En répondant, Sire, à votre invitation, j’ai d’abord voulu rendre hommage à la Suède. Saluer un peuple ardent et courageux, qui a su par son travail acharné, obstiné, vaincre les obstacles de la nature. Les rigueurs du climat. L’impénétrable immensité. L’eau, qui souvent sépare. Eh bien, cette nature, à force de volonté, les Suédois l’ont mise à leur main. Du grand désert vert et blanc, ils ont fait émerger, en moins d’un siècle, l’une des toutes premières puissances économiques de notre continent. Et cette nature, qui prend ici les visages les plus grandioses, les Suédois, qui savent tout ce qu’ils lui doivent, s’attachent à la respecter et à la préserver.
En cela, la Suède incarne une certaine sagesse des peuples. Sagesse que votre pays exprime aussi par ses longues traditions démocratiques et son organisation sociale. Ce souci constant de dialogue et de concertation, notamment dans le monde du travail, ce sens du bien commun manifesté par l’ensemble des acteurs des réformes, cela suscite l'admiration. Comme la volonté d’offrir les mêmes chances à tous, par l’éducation et par la protection contre les aléas de l’existence. Je n’oublie pas que la Suède a été un précurseur de l’égalité entre hommes et femmes.
Exemplaire, votre pays a su conquérir la paix. L’histoire de la Suède est celle d’une grande nation européenne qui, comme la nôtre, a dû souvent tailler son destin au fil de l’acier. Histoire singulière aussi, qui a vu un héros de la Révolution française, un grand chef de guerre, votre aïeul, Sire, monter sur le trône de la Suède et lui faire adopter cette neutralité à laquelle vous êtes restés attachés.
Exemplaire, votre pays l'est aujourd'hui en se portant aux avant-postes du combat pour la paix, le développement et les droits de l'Homme. Sa fidélité aux idéaux de la Charte des Nations Unies lui vaut respect et considération.
Exemplaire, la Suède l’est enfin en conduisant depuis longtemps un effort éducatif et scientifique remarquable. L’Europe vient de décider à Lisbonne d’investir la " société de l’information ". Et la Suède appartient à la petite poignée de ceux qui lui ont montré la voie. Depuis toujours, les Suédois ont la passion de la communication. Ils sont les plus grands lecteurs de journaux au monde. Et ils arrivent aujourd’hui, dans notre " village planétaire ", parmi les tout premiers utilisateurs d’internet.
Dans son ouverture résolue au monde, la Suède a su rester elle-même, fidèle à ses traditions, à sa culture, à ses racines. Cet attachement, ce souci de saisir résolument la chance de la mondialisation mais sans y perdre son âme, nous, Français, y sommes sensibles. C’est l’une de ces grandes questions où Suédois et Français se retrouvent et doivent s’engager ensemble, notamment au sein de l’Europe.
Le 1er janvier 1995, date de l’adhésion de votre pays à l’Union, donnait un nouveau souffle au partenariat suédo-francais. La levée des ultimes barrières permettait une accélération sans précédent de nos relations commerciales et de nos investissements. Cette solidarité économique mais aussi humaine -je pense à la densité de nos échanges d’étudiants et de chercheurs- s’enrichit aujourd’hui d’une même vision de l’Europe.
Une Europe plus proche des hommes, plus attentive à leurs aspirations. Une Europe sociale, attachée à son modèle et qui s’attaque résolument aux fléaux du chômage et de l’exclusion.
Et pour rallier le coeur de nos concitoyens, l’Europe doit avoir des projets qui suscitent leur fierté. Réussir son prochain élargissement. Défendre partout une idée généreuse de l’homme et du monde. Progresser vers une politique étrangère et une défense communes au service de la paix. Assumer son devoir de solidarité à l’égard des pays les plus pauvres.
Le 1er juillet prochain, la France prendra la présidence de l’Union européenne, et c’est la Suède qui lui succédera. Eh bien, nos deux présidences doivent être l’occasion de faire résolument avancer l’Europe. J’ai le sentiment qu’ensemble, nous pouvons lui donner plus de générosité, d’humanité, d’allant.
Et c’est fort de cette conviction, c’est confiant dans nos succès que je vais maintenant, Sire, lever mon verre. Je le lève en l’honneur de Sa Majesté le roi Carl XVI Gustaf de Suède et en l’honneur de la reine Silvia à qui je présente mes très respectueux hommages. Je le lève au grand peuple suédois, à sa prospérité et à son bonheur. Je le lève à notre amitié.
Vive la Suède !
Vive la France !
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