Palais de l'Elysée, le lundi 6 novembre 2000
Monsieur le Premier Ministre, Messieurs les membres du Comité International Olympique, Messieurs les Présidents des Fédérations sportives, Mesdames, Messieurs les Champions, Et Chers Amis,
D'abord, bienvenue à tous : ma femme et moi nous sommes heureux de vous accueillir à l'Élysée avec le Premier ministre. Aujourd'hui, dans cette maison, c'est la France qui rend hommage à ses champions et qui célèbre avec eux leurs victoires.
13 médailles d'or, 14 médailles d'argent, 11 médailles de bronze, 38 médailles au total : c'est une superbe moisson que vous nous avez rapportée des Jeux olympiques de Sydney.
Les vingt-quatrièmes Jeux d'été, où vous êtes allés défendre les couleurs de notre pays, ont confirmé les talents français. Vous avez tenu votre part et nous retiendrons la magnifique leçon que vous nous avez donnée : grâce à votre volonté et votre persévérance, le sport a trouvé une nouvelle fois sa plus belle expression. Et les prestations de l'équipe tricolore aux Jeux paralympiques l'ont confirmé. J'aurai d'ailleurs, Cher André Auberger, la joie de l'accueillir à son tour dans quelques jours.
L'éloignement et le décalage horaire ne facilitaient pas le suivi des épreuves par les téléspectateurs que nous étions. Et pourtant, malgré la distance, la magie a opéré et nous nous sommes sentis immergés au coeur de la passion, au coeur de l'émotion. Tant est fort le pouvoir de fascination qu'exerce, même à plus de vingt mille kilomètres, la fête olympique.
J'avais eu l'occasion de rencontrer certains d'entre vous au printemps dernier. Vous m'aviez alors fait part de vos espoirs, de votre impatience aussi. Vous souhaitiez que tous les Français soient à vos côtés dans cette quête. Soyez assurés que nous vous avons suivis pas à pas, match après match pendant ces quinze jours de compétitions.
En accompagnant et en encourageant les équipes olympique et paralympique à Sydney, Madame la ministre de la Jeunesse et des Sports a rappelé l'entier soutien de l'État et des pouvoirs publics français, soutien apporté à chacun des sportifs tricolores engagés dans cette aventure.
Oui, l'événement est magique et l'imagination a pris le relais. C'était un peu comme si nous décryptions jour après jour, à travers l'espace et le temps, les hauts faits d'une chanson de geste dont vous étiez les héros.
Nous avons vécu avec vous les grands moments de ces Jeux ; nous avons aussi éprouvé vos joies et vos peines. La France a encouragé ses cyclistes, ses escrimeurs, ses judokas, lorsque ces trois disciplines ont montré qu'elles restaient toujours les places fortes du sport français. Un sport français qui a élargi ses gammes à Sydney : notre pays s'est ainsi découvert des taekwondoïstes, des pongistes et des joueurs de tennis étonnants, des tireurs d'élite, des nageuses éblouissantes, des boxeurs percutants, des gymnastes et des rameurs convaincants, des basketteurs dont le panache nous a subjugué et je pourrais multiplier les exemples.
Les Français croyaient bien connaître David Douillet. Pourtant celui-ci les a encore surpris : champion olympique pour la seconde fois, il est devenu l'athlète le plus titré de l'histoire du judo. On ne sait ce qu'il faut admirer le plus chez lui : son moral d'acier, sa volonté hors du commun, qui lui ont permis de traverser l'épreuve ou les "galères", ou bien la sérénité qu'exprimait le sourire rayonnant de notre porte-drapeau et son bonheur total sur le podium, après sa finale d'anthologie.
De la même manière, nous sommes tous restés, si j'ose dire, bouche bée devant la performance extraordinaire de Jeannie Longo qui a décroché en terre australienne sa quatrième médaille. Comment ne pas partager l'admiration et le respect que ses concurrentes lui portent ? Comment ne pas saluer ici son courage et ses efforts acharnés ? Notre Jeannie Longo est toujours insatiable : partie pour Mexico il y a quelques jours, elle vient de reprendre son record de l'heure. Au nom de tous, ici réunis, je lui adresse toutes mes félicitations pour ce nouvel exploit.
Et comment ne pas être touchés par la fougue de ces jeunes champions que nous avons découverts ? La fierté, le bonheur qu'ils éprouvaient pour eux, pour leur famille, pour leur pays, étaient si naturels, si spontanés qu'ils nous ont bouleversés.
De jeunes Français ont rencontré la gloire à Sydney ; des athlètes confirmés ont vécu là-bas le couronnement de leur carrière. Aucun sportif, aucun spectateur ne l'oubliera, car les Jeux, comme l'a fait remarquer Florian Rousseau, " c'est plus fort qu'un Championnat du monde. Ce sont les Jeux, et cela change tout ! ".
Ce sont ces exploits, ce sont ces héros que je suis heureux de récompenser aujourd'hui en vous remettant les plus prestigieuses de nos distinctions, décidées à titre exceptionnel en Conseil des ministres.
D'ores et déjà, certains rêvent de revanche. Les occasions ne manqueront pas. Notre pays accueillera de très nombreux événements mondiaux avant de tourner son regard vers Athènes. Nous avons tous à l'esprit qu'en juillet prochain sera choisie la ville organisatrice des Jeux de 2008. Je ne peux m'empêcher de voir dans les résultats que l'équipe de France vient de remporter à Sydney comme un formidable encouragement pour Paris. C'est un superbe projet que le Comité de candidature, placé sous la présidence efficace et dynamique de Claude Bébéar, défend avec enthousiasme et je lui apporte, naturellement comme les pouvoirs publics de notre pays et le Gouvernement, tout notre appui.
Pour ces grands rendez-vous, le sport français se devra d'être à son plus haut niveau et il est nécessaire que les fédérations aient les capacités de poursuivre le développement de leur politique sportive.
Car le sport évolue, nous en sommes tous conscients, mais nous avons aujourd'hui des difficultés à discerner les chemins sur lesquels doit s'engager le mouvement sportif. Ce sont, me semble-t-il, des chemins très divers et encore incertains. Le sport, dont la pratique remonte à la plus lointaine antiquité, doit conserver une place éminente dans notre société.
Pour le plus grand nombre, il s'agit d'assouvir une passion ; d'autres espèrent voir reconnus les efforts qu'ils ont consentis ; d'autres enfin, et c'est la marque de notre époque, souhaitent tirer profit de ces flux financiers importants engendrés par la médiatisation à l'échelle mondiale des événements sportifs. C'est un équilibre qu'il faut trouver.
Aujourd'hui, cet équilibre me paraît menacé car on voit bien les dérives auxquelles le sport est exposé. On voit bien aussi que certaines pratiques doivent être combattues. A ce titre, la lutte contre le dopage doit rester pour tous une priorité incontournable. Ce constat, que nul ne peut éluder à l'heure actuelle, nous conduit donc à nous interroger : quel devenir pour le sport ? Quelle évolution pour les structures du sport en France ?
Aux Jeux de Sydney comme aux Jeux d'Atlanta il y a quatre ans, la France a tenu son rang et se maintient au niveau des meilleures délégations mondiales. Mais, chacun a pu le constater, la compétition est devenue plus difficile pour elle : une grande nation sportive ne peut se satisfaire des résultats obtenus dans certaines disciplines phares du programme olympique.
Le dévouement des cadres fédéraux est exemplaire. Il a fait des prouesses. Mais force est de noter que ce qui est demandé aux bénévoles atteint la limite du supportable. L'Etat et les collectivités locales font naturellement beaucoup et il semble difficile de faire bien davantage.
Les résultats que j'évoquais tout à l'heure avec fierté montrent que notre pays a pris les bonnes initiatives et mis en place les dispositions pratiques nécessaires. Cependant, il reste à approfondir la réflexion sur le devenir du sport dans notre pays. Cette réflexion, j'en suis persuadé, c'est d'abord au mouvement sportif de la mener. Car c'est à lui de prendre l'initiative et de faire des propositions. Et je tiens à cet égard à encourager Henri Sérandour, qui a été élu récemment membre du Comité international olympique, à poursuivre la démarche qu'il a d'ores et déjà engagée.
Le sport français présente une structure originale, tout à fait particulière par rapport aux autres pays européens.
La pratique française s'appuie essentiellement sur l'activité des clubs -sans doute mériterait-elle de s'appuyer davantage sur le sport à l'école-. Mais on perçoit de plus en plus aujourd'hui les difficultés que les fédérations et les clubs sportifs rencontrent pour s'adapter, être capable de faire du "sur mesure" au niveau local, là où leur action est toujours plus nécessaire.
A l'opposé, au très haut niveau, de plus en plus, le sport de compétition crée ses propres réseaux, ses propres structures, à l'écart des organismes et des organisations établies, si ce n'est en concurrence avec elles.
Les fédérations, qui se sont construites avec le temps et qui sont les héritières de pratiques séculaires, ne semblent pas toujours en mesure de réagir efficacement à ces nouveaux enjeux. Il est nécessaire que les institutions sportives françaises soient armées pour, non seulement suivre cette évolution, mais aussi participer à celle-ci et l'encadrer. C'est précisément le mouvement sportif qui doit impulser les changements souhaitables et, en travaillant ensemble et de façon concertée, constituer une force de proposition susceptible de répondre à cette volonté affirmée.
La France exerce depuis juillet la Présidence de l'Union européenne. Je suis avec attention la réflexion engagée vers une reconnaissance de la spécificité du sport. Je sais d'ailleurs, que Madame la ministre de la Jeunesse et des Sports préside toute la journée d'aujourd'hui une réunion de l'ensemble de ses collègues européens, c'est la raison pour laquelle elle n'a pas pu venir et être des nôtres aujourd'hui, quelle que soit, naturellement, l'envie qu'elle en avait. J'ai confiance : ensemble, nous trouverons les bonnes solutions.
A tous les responsables sportifs qui doivent associer leurs efforts pour cet objectif, je renouvelle mes encouragements les plus vifs.
A nos champions à qui je vais remettre maintenant les insignes de leur grade dans nos deux Ordres nationaux, je veux adresser mes félicitations les plus chaleureuses et leur dire une nouvelle fois merci, merci pour tous ces beaux moments, pour tous ces grands moments qu'ils nous ont fait vivre. Permettez-moi de former un voeu : puissiez-vous, mes chers amis, nous en faire vivre d'autres, aussi fabuleux, aussi extraordinaires dans les années qui viennent, et notamment à Athènes en 2004 et à Paris en 2008.
|