New York, États-Unis d'Amérique, le jeudi 7 septembre 2000
Monsieur le Président,
La paix est notre objectif premier et c'est ici, au Conseil de sécurité, qu'elle doit être assurée. Depuis la fin de la guerre froide, les conditions sont réunies pour que notre Conseil puisse jouer tout son rôle. Pourtant, malgré une très grande activité au cours des dix dernières années, son bilan est mitigé. A côté d'indéniables réussites, les Nations Unies sont hantées par des échecs et par l'image de soldats de la paix pris en otage ou humiliés. Le Conseil de sécurité est l'objet de critiques et les opérations de maintien de la paix d'une évaluation parfois sévère, mais indiscutablement juste.
Que peut-on, que doit-on faire, pour permettre au Conseil de mieux assumer la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales que lui confie la Charte ? Je vois quatre orientations :
Première orientation : nous devons tirer toutes les conséquences des changements intervenus dans la nature des conflits qui, de plus en plus, sont d'origine interne.
Trop souvent, des violations massives des droits de l'Homme, des drames humanitaires secouent des régions entières. Il faut que le Conseil soit en mesure de réagir.
Comment prévenir les conflits ? La communauté mondiale doit agir sur leurs causes. Et lorsqu'ils ont pour origine le sous-développement, l'insuffisance de démocratie, d'Etat de droit ou de respect des droits de l'Homme, le Secrétaire général doit pouvoir attirer l'attention du Conseil et exercer son pouvoir de mobilisation.
Il convient aussi de s'attaquer à tout ce qui finance et alimente les conflits : exploitation illégale et pillage des ressources naturelles, comme on le voit dans la région des Grands Lacs, trafic de drogue, accumulation de petites armes. Renforcer l'efficacité des embargos est devenu une nécessité. Il faut notamment créer au secrétariat un organe permanent de contrôle des trafics de diamants et probablement aussi des trafics de métaux précieux et rares.
Enfin, il nous faut être attentifs à la consolidation durable de la paix. Cela suppose que l'application des accords de paix s'appuie sur des stratégies de reconstruction de l'Etat et de l'économie, mises en oeuvre par les institutions multilatérales.
Deuxième orientation : nous devons améliorer les moyens d'action dont dispose le Conseil de sécurité. Au cours des années 1990, le Conseil a eu recours aux sanctions comme jamais auparavant. Soyons lucides : l'expérience n'est pas concluante. Elle nous enseigne qu'il faut faire meilleur usage de ces mesures restrictives : il faut les réserver à des situations exceptionnelles ; mieux définir les objectifs poursuivis ; prévoir une durée limitée et renouvelable. En outre, les sanctions doivent être proportionnées à leur objet et ne pas avoir comme on le voit parfois aujourd'hui de conséquences moralement inacceptables ; leur application doit être rigoureuse, sans entraîner d'effets secondaires inhumains et inacceptables.
Au cours de cette même décennie, notre Conseil a été conduit à décider de nombreuses opérations de maintien de la paix. La nature et les missions de ces opérations se sont considérablement diversifiées. La plupart ont été marquées par de nombreuses difficultés. Comme M. BRAHIMI, dont j'approuve totalement le rapport, j'en tire quatre leçons :
D'abord les préoccupations budgétaires ne doivent pas être a priori une contrainte paralysante. La situation financière de l'organisation doit être assainie. Tous les pays doivent régler leur dû et les charges doivent être équitablement réparties.
Ensuite, nous devons veiller à l'adéquation entre les objectifs poursuivis, le mandat de l'opération et les moyens qui y sont consacrés. Cela signifie qu'une concertation entre le Conseil, le Secrétariat et les pays contributeurs de troupes doit être organisée très tôt.
De plus, les Etats doivent mettre à la disposition des Nations Unies le personnel et le matériel nécessaires, en quantité et en qualité. Lorsque des pays en développement contribuent par l'envoi de troupes, ils doivent pouvoir bénéficier de l'appui des pays développés qui disposent de moyens de formation ou d'équipement.
Enfin, nous sommes de plus en plus confrontés au problème des chefs de guerre ou des Etats qui refusent de tenir les engagements quand ils les ont pris lors des accords de paix. Des accords de paix crédibles et respectés sont la clef d'une intervention efficace de l'ONU. Il est inadmissible que notre organisation puisse être l'otage de conflits. Il est anormal que ceux qui bafouent leur parole continuent à recevoir l'aide internationale. Et je pense, là encore, à la région des Grands Lacs.
Troisième orientation : le renforcement du partenariat entre le Conseil de sécurité, le Secrétariat et les organisations ou initiatives régionales. Certains progrès ont été faits. Mais une concertation plus étroite et plus précoce est indispensable lorsqu'il est envisagé de faire appel aux Nations Unies pour faciliter la mise en oeuvre d'un accord ou prendre le relais d'une action régionale.
Enfin, quatrième et dernière orientation : la réforme du Conseil de sécurité. Pour conserver toute son autorité, le Conseil doit mieux refléter la réalité du monde. La France est favorable à un élargissement du Conseil dans les deux catégories de membres, permanents et non permanents, ainsi qu'à une meilleure représentation des pays du sud.
Monsieur le Président,
En décidant aujourd'hui la réforme des opérations de maintien de la paix, le Conseil de sécurité rend aussi hommage à tous ceux qui ont donné leur vie pour elle. Je pense notamment aux trois membres de l'ONU assassinés hier au Timor, aux soldats tombés sous la bannière bleue, notamment aux soldats français, à tous ceux qui servent ou ont servi l'ONU en Bosnie, au Kosovo, au Liban ou ailleurs. Nous engageons l'ONU dans une tâche nécessaire et de longue haleine. La France soutient cet effort. Elle assumera toutes ses responsabilités, pour la paix.
Je vous remercie.
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