Belgrade, Yougoslavie, le samedi 8 décembre 2001
Monsieur le Ministre des Finances, Cher compatriote, Monsieur le Ministre des Affaires étrangères, Monsieur l'Ambassadeur,
Je suis heureux de saluer la présence de notre médiateur de la République et de nos parlementaires qui ont des liens particuliers avec votre pays, Monsieur FOURCADE, Monsieur DUPUY, Madame BOISSEAU. Je suis heureux de saluer celles et ceux qui ont bien voulu venir pour l'inauguration du Centre culturel français, à l'occasion de notre passage ici, à Belgrade. Et je voudrais vous dire combien je suis touché, sensible, heureux, ému, d'être depuis hier dans cette capitale en paix et démocratique. Cela a été une immense joie pour notre pays comme pour l'Union européenne de voir la République fédérale de Yougoslavie prendre, avec d'autres pays autour d'elle, avec lesquels elle améliore chaque jour davantage ses relations, ce qui est bien souhaitable, le chemin qui la conduira tout naturellement à l'Union européenne. C'est-à-dire à un processus qui, en Europe, veut enraciner la démocratie, la paix, et permettre le meilleur développement possible sur le plan économique et donc sur le plan du progrès social. Alors, je remercie chacune et chacun d'entre vous et je sais la part que beaucoup, ici, ont pris dans cet élan extraordinaire qui a permis au peuple de Belgrade d'affirmer son attachement à la démocratie et de retrouver pour ce beau pays, avec lequel nous avons des liens si anciens, la tradition, le respect des droits et de la dignité humaine. Ce qui me conduit à remettre la plus haute distinction de la République française, la Croix de Chevalier de la Légion d'honneur, à quelques Belgradois et j'en suis particulièrement heureux. C'est un hommage que nous voulons rendre, que la France veut rendre à quelque uns de ceux qui ont combattu avec courage et détermination pour le droit, pour la liberté, pour la liberté, pour la paix, pour les droits de l'Homme. Et bien entendu, d'autres auraient pu également mériter cette distinction. Mais il faut toujours choisir. Et, au-delà de la personnalité des cinq récipiendaires, je voudrais m'adresser à toutes celles et à tous ceux qui, à un titre ou à un autre, ont combattu pour la liberté.
Je voudrais commencer par Madame Svetlana VELMAR-JANKOVIC.
Madame, vous avez maintenu, dans vos oeuvres et aussi dans vos actes, la grande tradition des écrivains serbes. Vous avez dit votre attachement aux racines dans des romans qui ont touché un vaste public ici et ailleurs, et notamment en France où vous bénéficiez d'une réputation flatteuse. Dans le même temps, vous avez toujours veillé à préserver les valeurs humanistes qui vous unissent, vous et votre pays, au reste de l'Europe. Votre opposition au précédent régime a été claire, nette, entière, marquant bien la vraie tradition de votre patrie qui est une tradition de respect de l'homme et de liberté. Vous continuez à servir votre pays dans la Commission Vérité et Réconciliation dont vous êtes membre. Nous connaissons aussi votre attachement à la culture de notre pays, dont vous parlez si bien la langue comme j'ai pu l'observer hier, et nous vous en sommes très reconnaissants. C'est la raison pour laquelle je suis heureux maintenant de vous remettre cette décoration. Au nom de la République française, nous vous faisons Chevalier de la Légion d'honneur.
Madame Borka PAVICEVIC,
Madame, votre courage et votre détermination sont connus de tous, ici et ailleurs. Vous êtes une intellectuelle engagée, vous avez refusé, sans aucun compromis, les slogans nationalistes et les entraînements bellicistes. Votre Centre pour la décontamination culturelle a été, à Belgrade, une oasis de dialogue et de tolérance, alors que prévalaient la haine et le refus de l'autre. Malgré toutes les difficultés, vous avez maintenu avec les intellectuels de France et aussi du monde entier des échanges qui nous ont permis de ne jamais perdre espoir pour la liberté et la démocratie dans votre pays et dans cette région. C'est la raison pour laquelle je suis également très heureux de vous remettre cette Croix de Chevalier de la Légion d'honneur. Au nom de la République française, nous vous faisons Chevalier de la Légion d'honneur.
Monsieur Ivan COLOVIC,
Monsieur le Professeur, à travers vous, nous voulons distinguer ces intellectuels qui, dès les débuts d'un nationalisme insensé, se sont mobilisés pour éviter le pire. Votre oeuvre de sociologue, d'anthropologue, de philosophe, n'a cessé de chercher à comprendre. Elle n'a cessé également de dénoncer les absurdités des guerres fratricides. Vous avez été aussi, comme éditeur et comme traducteur, un exceptionnel passeur d'idées. Je voudrais rendre hommage ici au Cercle de Belgrade, dont vous avez été l'un des fondateurs, pour ce qu'il a tenté de faire afin de soutenir et d'encourager les échanges entre intellectuels. Votre contribution au maintien de ce dialogue séculaire entre Français et Yougoslaves, au service de la liberté, a été vitale pour les relations entre nos deux pays. C'est pourquoi je suis heureux de vous remettre maintenant cette Croix de Chevalier de la Légion d'honneur. Au nom de la République française, nous vous faisons Chevalier de la Légion d'honneur.
Monsieur Vojin DIMITRIJEVIC,
Monsieur le Professeur, l'engagement de votre vie est un engagement pour le droit. Vous l'avez étudié, enseigné, défendu, non seulement dans des enceintes prestigieuses comme celle de la Commission des droits de l'Homme des Nations Unies, mais aussi, de manière la plus concrète, dans ce Centre belgradois pour les droits de l'Homme, dont vous êtes le Président et aussi le fondateur. Nous admirons profondément l'activité inlassable que vous y avez menée aux jours les plus sombres de l'histoire de votre pays. Vos conseils, vos analyses, mais aussi votre voix, ceux d'un juriste respecté et écouté entre tous dans le monde entier, ont fait beaucoup pour qu'enfin, le droit l'emporte sur la force. C'est pourquoi je suis heureux de vous remettre cette Croix de Chevalier de la Légion d'honneur. Au nom de la République française, nous vous faisons Chevalier de la Légion d'honneur.
Monsieur Radomir KONSTANTINOVIC,
Monsieur le Professeur, en vous, je souhaite saluer particulièrement ceux qui ont voué leur existence à l'étude de notre langue et de notre littérature. L'humanisme français leur appartient car ils ont, comme vous, permis à de nombreuses générations d'aimer le français et la culture française. Professeur à l'Université de Belgrade, vous avez joué, durant de longues années, un rôle de premier plan pour la formation de générations de francophones. Et vous continuez à le faire en coordonnant la mise en place de la chaire de Français de Podgorica, au Monténégro. Vous avez ouvert également au public serbe les oeuvres de Vercors, de Prévert, de Baudelaire et de beaucoup d'autres aussi, en les traduisant dans votre langue. Et je voudrais vous remercier pour la détermination avec laquelle, au coeur de la période la plus noire, vous avez sauvé, avec vos étudiants, les livres de cette bibliothèque, qui est aujourd'hui deux fois la vôtre. Et je suis heureux de vous remettre pour cela la Croix de Chevalier de la Légion d'honneur. Au nom de la République française, nous vous faisons Chevalier de la Légion d'honneur.
Je voudrais, naturellement, vous adresser à tous et à toutes mes félicitations et vous dire combien je suis heureux, mais aussi fier, d'avoir pu apporter cette reconnaissance de la France à cinq intellectuels qui ont beaucoup fait pour le droit et pour la paix. Je vous remercie.
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