Palais de l'Elysée, le mercredi 3 janvier 2001
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie, Monsieur le Président, des voeux que vous venez de me présenter en votre nom et au nom du Conseil constitutionnel. À mon tour, je voudrais vous souhaiter, à vous ainsi qu'à tous les membres de votre collège, à leurs familles et à leurs proches, une bonne et heureuse année 2001.
Ce n'est évidemment pas sans raison, Monsieur le Président, que le Conseil constitutionnel a conquis la place éminente qu'il occupe aujourd'hui. Il répond en effet à deux nécessités profondes de notre équilibre institutionnel, toutes deux en rapport avec ce que la Ve République a apporté de plus novateur à notre vie politique.
Le Conseil est d'abord le garant du respect des libertés fondamentales. La Ve République n'a pas seulement mis fin à ce que l'on appelait le régime des partis et à l'instabilité qui le caractérisait. Elle a aussi, d'une manière entièrement inédite, consacré la prééminence absolue des principes fondamentaux de notre ordre constitutionnel.
Jamais, dans notre histoire, nos institutions ne sont allées aussi loin dans l'affirmation de l'état de droit. Aujourd'hui, la légitimité du pouvoir, si forte soit-elle, ne peut aller contre les droits de l'Homme et du citoyen tels qu'ils ont été proclamés en 1789, enrichis par les lois de la République et encore étendus par le Préambule de la Constitution de 1946.
Sans doute ces droits étaient-ils intégrés depuis longtemps au patrimoine intellectuel et moral des Français. Mais votre Conseil leur a donné une autorité nouvelle et forte en les inscrivant au coeur même de notre vie politique.
Au moment où nous nous apprêtons à célébrer le centenaire de la loi de 1901, chacun mesure, par exemple, le prix d'une jurisprudence qui, il y a trente ans, a imposé le respect de la liberté d'association, décidant dans le même temps de soumettre l'activité législative aux principes fondamentaux de la Constitution.
À côté de ce rôle de défenseur des libertés essentielles, le Conseil constitutionnel est désormais un facteur d'équilibre des pouvoirs et de modération du débat politique.
Le mérite de la Ve République est d'avoir concilié l'idéal républicain et le principe de continuité. La stabilité gouvernementale qu'elle nous a apportée et qui nous avait jusqu'alors fait défaut n'a jamais été remise en cause.
La capacité d'action ainsi reconnue au pouvoir exécutif doit, bien sûr, s'accompagner de limites.
La première vient de ce que la France est devenue, comme toutes les grandes nations démocratiques, un pays d'alternance.
La seconde tient à la fonction de vigilance qu'exerce le Conseil constitutionnel, notamment depuis la réforme de 1974 qui a ouvert sa saisine à l'opposition parlementaire.
Vous marquez les bornes que notre loi fondamentale interdit de franchir. Vous assurez la séparation des pouvoirs et vous défendez les prérogatives du Parlement. Vous rappelez chacun au respect de la règle de droit, de l'égalité et des libertés.
L'importance des missions qui vous sont dévolues, la rigueur avec laquelle vous les assumez, font du Conseil constitutionnel un rouage essentiel de nos institutions. Son rôle, son influence, son prestige continueront à s'affirmer sans pouvoir être affectés par des polémiques parfois indignes.
Dans toute démocratie, la liberté d'expression et de critique est indispensable à la formation de l'opinion de chaque citoyen. Elle doit s'exercer sans contrainte. Les démocrates préféreront toujours tolérer les abus qui en sont faits plutôt que de la restreindre ou de l'entraver. Mais ils ont aussi le devoir de manifester dignement leurs convictions pour défendre la République et ses institutions lorsqu'elles sont injustement attaquées.
Le Conseil constitutionnel est la plus haute de nos juridictions. Son indépendance est garantie par son statut. Il doit être respecté et défendu par tous ceux qui croient en la République et en ses valeurs.
L'engagement démocratique commence en effet par la soumission aux règles constitutionnelles, par le respect du droit, qu'il plaise ou non, et par le respect de ceux qui sont chargés de le dire.
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
Vous exercez, au coeur de la République, la mission de juger la constitutionnalité de la loi et des traités et de contribuer au fonctionnement régulier de nos institutions.
Je sais que rien ne peut entamer votre détermination à faire prévaloir une règle indépendante, avec la hauteur de vue et l'équanimité qui siéent à un juge.
Je souhaite donc à chacune et à chacun d'entre vous de poursuivre cette tâche si éminente, vous-mêmes ou vos successeurs, de le faire dans la sérénité qui vous caractérise, et je voudrais à nouveau, en terminant, vous redire tous les voeux que je forme à votre intention et à celle du Conseil.
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