Rennes, Ille-et-Vilaine, le mardi 23 avril 2002
Monsieur le Président, Mon cher Josselin, Cher Alain Madelin, Cher Pierre Méhaignerie, Madame et Messieurs les Elus, Mes Chers Amis,
Je veux vous remercier, vous toutes et vous tous, amis de Bretagne, qui avez répondu nombreux, ce soir, à ce rendez-vous de la démocratie et des convictions partagées.
Je veux remercier toutes celles et tous ceux qui sont venus vers moi, dans toute la France, de Marseille à Rouen, de Bordeaux à Amnéville, de Poitiers à Avranches, de Lille à Bastia, en passant par la Corrèze.
Je veux saluer le formidable réflexe démocratique qu'exprime un si grand nombre de Français depuis dimanche. Nos compatriotes disent massivement leur attachement indéfectible à notre conception de l'homme, de sa responsabilité et de sa liberté.
La France veut défendre haut et fort l'honneur de la démocratie. Elle veut dire haut et fort que, par-delà toutes les différences entre les Français, par-delà l'opposition des projets entre la droite et la gauche, par-delà le nécessaire débat démocratique entre forces de l'alternance, tous, nous sommes réunis par la passion des droits de l'Homme, par l'amour de la République, par l'exigence morale de la tolérance et du respect de l'autre.
Tous, nous sommes réunis dans l'appartenance à la Nation française par le refus de l'extrémisme, du racisme, de l'antisémitisme et de la xénophobie.
Tous, nous refusons les solutions simplistes, brutales, qui débouchent toujours, un jour ou l'autre, sur la violence d'État.
Tous, nous voulons dire notre refus de quitter l'Europe, car l'Europe c'est la paix, l'Europe c'est la démocratie, l'Europe c'est la liberté, l'Europe c'est la prospérité.
Tous, nous voulons dire le refus de toute discrimination et notre volonté de renouveler et de renforcer notre modèle d'intégration républicaine.
Dimanche dernier, le premier tour de l'élection présidentielle a bouleversé le paysage politique.
La France est confrontée à une situation grave. Ce qui est en cause, c'est son âme, c'est sa cohésion, c'est son rôle dans l'Europe et dans le monde.
Mes chers amis,
La parole est au suffrage universel. Les Français diront leur volonté. C'est dans les bureaux de vote que se décide leur avenir. Dans douze jours, ils choisissent leur Président de la République. Dans un mois et demi, leurs députés. Ils le feront, comme toujours, en conscience, dans le calme et la dignité qui sont le propre des grandes démocraties.
Quels que soient les sentiments que chacun peut éprouver depuis dimanche, sentiment de dépit pour les uns, sentiment de responsabilité et même, j'en suis sûr, de regret pour d'autres, sentiment d'effroi pour de nombreux Français, chacun s'attachera à l'exigence démocratique dans son choix, et s'y conformera dans son comportement.
Aujourd'hui, j'aborde le deuxième tour de l'élection présidentielle avec pour seul souci de rassembler les Français, dans la force de nos convictions démocratiques.
Autant je comprends l'angoisse des Français devant la montée de la violence et de l'insécurité, autant je comprends l'inquiétude devant les excès de la mondialisation et les risques de délocalisations qu'elle entraîne, autant je comprends le désarroi et la colère devant trop d'inaction et d'impuissance, autant je m'oppose avec détermination à ceux qui ne partagent pas l'exigence républicaine et les valeurs de la démocratie.
Je m'oppose avec détermination à ceux qui ne respectent pas les valeurs humanistes et la vocation universelle de la France.
Je m'oppose avec détermination à ceux qui brandissent la menace de la rue, qui agitent les spectres de la force brute, de l'irrationnel et du mépris.
La République ne transige pas quand il en va de l'essentiel, quand il en va de l'esprit et du coeur de notre pays.
La République ne transige pas quand l'âme même du peuple français est en question.
Ce combat est le combat de toute ma vie. C'est un combat moral.
Je ne peux pas accepter la banalisation de l'intolérance et de la haine.
Face à l'intolérance et à la haine, il n'y a pas de transaction possible, pas de compromission possible, pas de débat possible.
Il faut avoir le courage de ses convictions, la constance de ses engagements. Pas plus que je n'ai accepté dans le passé d'alliance avec le Front national, quel qu'en soit le prix politique, je n'accepterai demain de débat avec son représentant.
Tout au long de notre histoire, nous avons connu les virus de la division, nous avons connu l'engrenage de la violence et de la haine. Face à ces dangers, nous devons être vigilants, à l'écoute, ouverts au dialogue, ouverts au partage, soucieux de la souffrance des plus faibles, attentifs aux besoins des plus démunis, des exclus, de tous ceux qui ont le sentiment de ne pas être entendus et de ne pas trouver leur place dans la Nation.
Nous devons nous rassembler pour défendre notre bien commun, la démocratie, dans le respect des convictions de chacun, des sensibilités de chacun, des engagements de chacun.
Nous devons nous rassembler et nous devons aussi agir pour que reculent les causes même de la peur et de la violence, pour balayer le terreau sur lequel prospère l'intolérance.
Je veux que cette élection présidentielle ne soit pas confisquée par l'obscurantisme, la haine, le mépris. Je ne veux pas que la Nation française cède au vertige de la peur.
Les Français ont voulu exprimer un triple message.
Message de mécontentement face à l'inaction et à l'impuissance publique.
Message de rejet du système politique traditionnel, d'une manière trop lointaine de faire de la politique.
Message de désarroi.
Ce désarroi a bien des causes.
Doute sur la capacité de l'État à résoudre les graves problèmes qui se posent à la société française : la violence, le chômage, l'affaiblissement du lien social. Doute sur les marges de manoeuvre du politique, dans un contexte européen et mondialisé. Sentiment qu'éprouvent beaucoup de nos compatriotes et notamment beaucoup de jeunes, d'être abandonnés à leurs difficultés, d'être les oubliés du progrès. Appréhension face aux changements.
Voilà, parmi beaucoup d'autres, les impatiences, les exaspérations, les refus, mais également les préoccupations et les attentes exprimées dimanche dernier.
Il s'agit de répondre au désarroi par une action, par une action fondée sur des convictions, sur des valeurs, sur une ambition pour la France. Une ambition qui s'adresse à tous les Français.
Je crois aux idéaux de la France, berceau des droits de l'Homme, fer de lance de la démocratie, terre de générosité et de liberté. Je crois en notre Nation, en notre communauté nationale qui s'est enrichie au fil des siècles de femmes et d'hommes venus de partout.
Je crois en l'action politique pour tracer le chemin, permettre et accompagner les changements, faire vivre et faire respecter les principes qui fondent la Nation.
Il n'est pas vrai que les contraintes économiques de la mondialisation, la construction de l'Europe, l'affirmation des pouvoirs locaux rendent caduque l'action de l'État. Tout au contraire. Il revient au responsable public, à l'homme d'État, de dessiner une mondialisation à visage humain, de construire l'Europe que veulent les citoyens, d'organiser la démocratie de proximité, de rétablir l'État dans son autorité.
L'action politique est impuissante si elle nie la réalité, si elle se paye de mots, si elle confond idéologie et efficacité.
Mais l'action politique peut beaucoup quand elle est en prise directe sur les aspirations des femmes et des hommes, sur les besoins réels du pays et sur les évolutions du monde. Quand elle est tout à la fois audacieuse, cohérente, équilibrée, fraternelle.
En France, il revient au Président de la République de donner les grandes impulsions, de fixer le cap, d'incarner l'État et son autorité, de garantir les solidarités et la souveraineté, de défendre en toutes circonstances l'intérêt supérieur de la Nation, de porter dans le monde le message de la France.
Il lui revient aussi, dans ces temps troublés, d'incarner l'unité nationale, et les valeurs qui sont au coeur de notre République : la tolérance, le respect de l'autre, le combat contre toutes les formes de racisme, la laïcité, l'attachement à la patrie.
Enfin, dans un univers mondialisé, où les menaces et les enjeux sont planétaires, terrorisme international, dégradation de l'environnement, solidarité entre les peuples, il revient au chef de l'État de porter le message de la France et d'être entendu dans le monde.
Le temps de l'action est arrivé. C'est le temps du rassemblement, rassemblement pour défendre une certaine idée de l'homme, une certaine idée du débat politique, une certaine idée de la démocratie et de la République. Une certaine idée de la France.
Je me présente à vos suffrages avec un grand projet, une grande ambition, pour la France.
Ce grand projet, cette grande ambition, je veux les mettre en oeuvre. Je les ai développés avant le premier tour de scrutin. Je continuerai à les développer pour le second tour. Et je les développerai encore pour les élections législatives de juin prochain, qui concluront le grand débat électoral de 2002, ce débat déjà exceptionnel dans notre histoire par sa gravité, son ampleur et sa durée.
Ensemble, nous devons convaincre.
Je veux vous assurer aujourd'hui que la France restera une grande démocratie de l'alternance.
Elle veut le changement. Elle le veut profondément. Mais je tiens à ce que l'on sache, notamment à l'extérieur de nos frontières, que notre Nation est et restera foncièrement étrangère à toute forme d'extrémisme.
Son visage, c'est celui de la liberté, de la tolérance et de la mesure. Je crois en la force intacte de nos traditions républicaines, en la solidité de nos institutions, en la vigueur de notre état de droit.
Ensemble, nous devons nous engager pour la République, pour la France, pour l'Europe, pour une France forte et solidaire dans une Europe puissante. Une Europe qui nous aide à garantir nos valeurs, mais aussi nos intérêts, notre niveau de vie, nos emplois.
Tel est l'enjeu du 5 mai.
Je viens vers vous avec une volonté et une ambition.
Je veux rassembler la Nation.
Je récuse une vision éclatée de notre société. Pour moi, la France est une, et tous ses enfants concourent à son identité, à sa richesse, à sa force. Les Français sont riches de toutes leurs sensibilités, de toutes leurs appartenances, de tous leurs engagements. Mais il n'y a qu'une communauté française, qu'une Nation solidaire, avec sa terre, sa langue, sa culture, ses valeurs, et qui partage un même destin.
Je veux m'adresser à toute la France. À tous les Français qui, par-delà les vieux clivages, les vieilles habitudes, partagent les mêmes valeurs, qui sont celles de notre République. Tous les Français qui veulent voir rétabli, dans sa force, dans sa nécessaire diversité, dans son bon fonctionnement, le débat démocratique. Tous les Français qui sont attachés au respect de l'alternance démocratique.
Je veux rassembler pour agir.
Pourquoi agir ?
Parce que dans une époque où tout change, tout s'accélère, rien n'est pire que l'inaction qui brouille tous les repères. Qui provoque toutes les exaspérations. Qui instille, peu à peu, le poison de la facilité.
Nous devons agir pour que la France soit elle-même, une Nation forte de son histoire et de ses traditions, une Nation unie et généreuse, une Nation moderne, qui prend tous les tournants de l'avenir.
Le monde et l'Europe ne nous attendront pas. Si notre pays ne libère pas tout son dynamisme, son allant. S'il ne se donne pas les moyens d'être compétitif, une partie de nos talents partiront à l'étranger. Un nombre croissant de nos entreprises se délocaliseront. Les investissements se feront ailleurs que sur notre sol, et nous perdrons de la matière grise, des richesses et des emplois.
Je me fixe et je vous propose deux objectifs. D'abord, répondre aux besoins essentiels des Français, à commencer par la sécurité. Ensuite, libérer toutes les énergies de notre pays pour que chaque Français ait sa place, et pour que la France joue pleinement son rôle en Europe et dans le monde.
Nos concitoyens attendent que cesse l'impuissance publique. Impuissance face à toutes les violences, à toutes les fractures de notre communauté nationale. Impuissance à répondre à leurs inquiétudes. Impuissance à les protéger et à préparer leur avenir.
La première attente, c'est la sécurité des personnes et des biens. C'est le préalable à tout. À la cohésion des Français, à la confiance, au dynamisme, au déploiement des énergies. Elle exige l'autorité de l'État, la puissance de la loi, une loi qui s'applique sans faiblesse sur tout le territoire. Elle exige le respect des règles et le respect de l'autre.
Je ne m'étendrai pas sur un constat que tout le monde peut faire.
Nous sommes maintenant au temps de l'action. L'action pour des résultats.
Vous connaissez mes propositions. Elles sont fondées sur une double exigence : l'humanité et l'autorité.
L'humanité, parce qu'il est indispensable de soutenir, d'accompagner, de prévenir, de réinsérer. Partout en France, je rencontre le même engagement, le même dévouement dans les quartiers en difficulté, pour améliorer le cadre de vie, tisser des liens entre les habitants, créer de l'activité et des emplois, faire échapper l'école au cercle vicieux de la violence. Je souhaite que soit mise en oeuvre une politique de la ville plus active. Il faut rétablir les zones franches urbaines pour attirer l'investissement. Assurer la présence des services publics auprès de tous nos concitoyens. Entreprendre un grand programme de reconstruction de logements pour donner aux quartiers un nouveau visage.
L'autorité, parce qu'il faut donner un coup d'arrêt à la violence. Mettre fin à l'impunité. Ramener les délinquants sur la bonne voie, celle de l'insertion. Ils doivent savoir qu'ils n'échapperont pas à une sanction. Pour cela, nous devons nous doter des moyens et des structures qui nous manquent.
Vous le savez, je me suis engagé à ce qu'un grand ministère de la sécurité coordonne l'action de l'ensemble des forces de l'ordre, police et gendarmerie, gendarmes qui conserveront leur statut militaire. Deux grandes lois-programme seront votées d'ici la fin de l'année pour donner à la justice et aux forces de l'ordre les moyens de leur efficacité. Des mesures fortes seront prises. Création, sur tout le territoire de Groupements opérationnels d'intervention chargés de démanteler les réseaux mafieux. Création de centres fermés pour les jeunes délinquants multirécidivistes. Mise en place, dans toute la France, d'une justice de proximité, pour apporter à chaque violence, à chaque agression, une réponse prompte et adaptée.
Mais au-delà de l'action et des décisions, c'est un état d'esprit qui doit changer.
Il revient à chaque citoyen d'incarner et de transmettre les valeurs de civisme et de respect de l'autre sans lesquelles il n'y a plus de vie en société. Chacun, à sa place, est un peu responsable de la sécurité de tous.
Il nous revient à tous, et d'abord à l'État, de conforter les forces de l'ordre. Leur tâche est de plus en plus difficile et dangereuse. Je sais que gendarmes et policiers l'accompliront d'autant mieux qu'ils se sentiront respectés, compris, soutenus, qu'ils verront leur travail pleinement reconnu. Pour beaucoup c'est une question de reconnaissance et d'estime.
C'est ainsi, grâce à une volonté politique forte et à une mobilisation nationale que nous ferons reculer la violence.
Nous ne le ferons pas en attisant les forces de haine. En dressant les Français les uns contre les autres. En appelant au repli sur soi, au rejet, à l'exclusion.
Nous le ferons en respectant notre âme, en défendant notre identité et nos valeurs, en restaurant l'autorité, et d'abord celle de l'État.
Mais vous attendez davantage que la sécurité des personnes et des biens. Vous voulez que d'autres sécurités, également essentielles pour votre vie quotidienne, soient mieux assurées.
Sécurité alimentaire, dont nous mesurons tout le prix alors que nous sortons à peine de la crise de la vache folle. Vigilance et protection contre les dangers industriels, dont la tragédie survenue à Toulouse nous a rappelé l'ampleur et les conséquences possibles. Prévention de certains risques naturels, comme les inondations. Protection du littoral à laquelle vous attachez, à juste titre, une très grande importance en Bretagne. Éducation à l'environnement, qui doit être une part essentielle de l'éducation civique.
Sur tous ces sujets, vos attentes sont réelles.
Je me suis engagé à ce que des décisions concrètes soient prises dans le cadre d'une loi d'orientation qui fixera nos priorités d'action pour cinq ans. Je me suis engagé à placer la sécurité face à tous les risques au coeur d'une Charte de l'environnement adossée à la Constitution. Elle imposera à tous, à commencer par les pouvoirs publics, des principes essentiels, en particulier le principe de précaution, trop souvent oublié.
Et puis il y a les questions que vous vous posez, pour lesquelles vous voulez des réponses, des assurances.
Vous vous interrogez sur l'école. L'égalité des chances n'est pas convenablement assurée dans notre pays. Malgré tous ses efforts, l'école publique ou privée, ne permet pas à tous nos enfants de maîtriser la lecture, l'écriture et le calcul à l'entrée au collège. Au siècle de l'internet, l'illettrisme frappe autant qu'il y a cinquante ans, interdisant à près de 10 % de la population tout accès à des emplois qualifiés. L'échec scolaire au collège conduit chaque année 60 000 jeunes de 16 ans à quitter l'Éducation nationale sans aucune qualification.
Je le dis avec force, cette situation n'est pas acceptable dans un grand pays comme le nôtre. Elle fait le lit de la violence à l'école et dans la rue. Elle gâche les talents de beaucoup de jeunes qu'on n'a pas su aider à trouver leur voie. Je veux faire du collège unique le collège pour tous en individualisant les parcours scolaires, en soutenant les élèves en grande difficulté et en leur permettant d'accéder plus précocement à l'apprentissage d'un métier.
Je veux aussi permettre à tous les jeunes qui rencontrent des difficultés pour trouver leur premier emploi de bénéficier d'un contrat sans charges pour trouver leur place dans les entreprises.
Voilà comment nous leur mettrons le pied à l'étrier. C'est cela qu'il faut faire : aider, inciter, faciliter, et non pas enfermer les jeunes dans une assistance démotivante, désespérante.
Vous vous inquiétez aussi, à juste titre, de la crise que traverse la santé, des hôpitaux publics jusqu'aux médecins de famille. Pour l'éteindre, j'ai fait le choix de la responsabilité, en écartant les sanctions globales, injustes et inefficaces, en jouant la carte de la confiance avec toutes les professions de santé et en aidant l'hôpital à surmonter l'épreuve du passage improvisé aux 35 heures.
Enfin, je veux faire en sorte que tous les Français puissent avoir une mutuelle. Bien souvent, les petits salariés, les petits retraités ont des revenus trop élevés pour avoir droit à la CMU, et trop faibles pour qu'ils puissent s'offrir une assurance complémentaire. Il faut corriger cet effet de seuil, qui pénalise les travailleurs modestes. Je le ferai par une exonération fiscale.
Vous vous interrogez aussi sur l'avenir de vos retraites.
Je m'engage à préserver la retraite par répartition, clé de voûte de tout notre système. Elle sera garantie par un effort national dont l'État prendra toute sa part.
Mais je veux aussi que tous ceux qui le souhaitent puissent compléter leur retraite par une épargne volontaire non imposable. Seuls les fonctionnaires aujourd'hui peuvent le faire. Demain, tous les Français bénéficieront de la même aide fiscale.
C'est en répondant concrètement aux besoins essentiels des Français que l'on rétablira la confiance dans l'action politique, la confiance dans la démocratie. Et c'est ainsi que la France et les Français pourront jouer avec audace, optimisme, et panache la carte de l'intelligence et des talents !
Je veux libérer les énergies de la France.
Depuis un an, la croissance marque le pas et le chômage est reparti à la hausse. Nous avons pourtant des atouts considérables : un bon système de formation, des services publics de qualité, une recherche innovante, une vie locale et associative d'une grande richesse. Nous avons surtout des femmes et des hommes créatifs, entreprenants, désireux de s'investir dans leur travail, dans leurs projets. La preuve, c'est que nous avons la quatrième économie mondiale, et que nous exportons nos talents, nos produits, nos services, nos savoir-faire !
Nous sommes seconds dans le monde pour nos exportations agricoles, premiers pour l'agro-alimentaire. Les Bretons, qui ont pris une place éminente dans l'agriculture française, savent comment, par quel effort, ces résultats ont été obtenus.
Mais dans le même temps, nous nous obstinons à freiner nos efforts, à entraver notre marche, à jouer contre nous-mêmes, en multipliant les contraintes bureaucratiques, en accroissant toujours plus le poids de l'État, ce qui entraîne l'augmentation des impôts et des charges, obstacle à notre activité et à notre compétitivité !
C'est un cercle vicieux que nous devons absolument briser.
Il faut baisser les impôts et les charges, parce que c'est un coup d'accélérateur donné à la croissance. Parce que c'est notre meilleure arme contre le chômage. Les réductions de charges décidées en 1993 et 1995 ont créé près de 500 000 emplois. C'est la mesure la plus efficace contre le chômage. Il faudra la mettre en oeuvre rapidement.
Baisser les impôts, c'est permettre aux Français, non pas à quelques-uns, à quelques privilégiés, mais à 16 millions de foyers, de profiter des fruits de leurs efforts, d'épargner, de consommer, de créer à leur tour de la richesse. C'est aussi reconnaître pleinement la valeur que notre société attache au travail.
Il faut assouplir les réglementations, à commencer par les 35 heures. Elles doivent rester l'horaire légal, mais ne pas fonctionner comme un couperet qui empêche ceux qui veulent gagner plus de travailler plus. Je souhaite que les partenaires sociaux ajustent la mise en oeuvre des 35 heures aux exigences des différentes activités et à la diversité des attentes des Français.
Je veux libérer l'État de ses carcans.
La réforme de l'État est nécessaire. Elle est possible, si l'on agit avec pragmatisme, en concertation avec tous les partenaires sociaux et tous ceux qui sont concernés, comme les associations de consommateurs ou d'usagers.
L'État doit renoncer à sa prétention de tout régenter. Il doit renoncer à ses habitudes de centralisation qui sont une forme d'absolutisme républicain. Il doit en revanche mieux assurer ses missions essentielles de sécurité, de solidarité, de souveraineté et renforcer l'efficacité des grands services publics dont il a la charge, à commencer par l'hôpital et l'éducation nationale.
Chaque ministre devra s'engager devant le Parlement sur un plan de modernisation de ses services. Le budget de son administration dépendra des engagements pris et des résultats obtenus.
Je veux aussi libérer les énergies locales.
Il est temps de rompre définitivement avec le centralisme jacobin qui veut que chaque problème ne puisse trouver sa solution qu'à Paris. Que de lourdeurs, que de temps perdu, que de découragement pour les citoyens, que de déresponsabilisation pour les services locaux !
Dès 1998, je me suis exprimé ici, à Rennes, sur cette question essentielle au renouveau de la démocratie.
Ce que je souhaite, c'est une démocratie de proximité où les décisions seront enfin prises avec la participation des citoyens eux-mêmes, là où elles doivent s'appliquer. Je le constate partout où je vais, il y a, sur le terrain, une envie de faire, d'expérimenter de nouvelles méthodes, d'imaginer de nouvelles réponses qui font de la vie locale un vrai laboratoire de la citoyenneté. C'est une chance pour la France. Cette chance a été étouffée par un mouvement de recentralisation qui, peu à peu, a coupé les ailes des collectivités locales.
Je veux mettre en place une nouvelle architecture des pouvoirs pour libérer la démocratie locale d'une emprise excessive de l'État. Cette réforme appellera une importante révision de la Constitution pour interdire la recentralisation, consacrer l'existence des régions, aux côtés des communes et des départements, enfin créer ce droit à l'expérimentation que les élus de Bretagne ont depuis longtemps imaginé.
Je veux une société de dialogue et de confiance. Dialogue entre les citoyens, dialogue entre l'État et les collectivités locales. Dialogue entre l'État et les partenaires sociaux. Trop souvent réduits au silence depuis cinq ans, placés devant le fait accompli, comme on l'a vu, par exemple, avec la loi sur les 35 heures, ils doivent retrouver tout leur rôle. La richesse démocratique, c'est aussi la démocratie sociale !
Voilà la France des libertés à laquelle je veux donner toutes ses chances.
Cette France confortée dans ses valeurs. Cette France plus confiante, plus sûre d'elle. Cette France plus allante. Cette France plus libre, plus active, plus riche, aura les moyens de ses ambitions et de son message.
La France n'a pas vocation à être un petit pays enfermé dans ses frontières. Crispé sur des nostalgies, sur des peurs, sur des refus.
La France n'est la France que si elle est ouverte, ouverte sur l'Europe, ouverte sur le monde, décidée à y jouer tout son rôle, à y prendre toute sa place.
Pour cela, elle a besoin d'une défense nationale forte. Dans ces temps incertains, marqués par des menaces nouvelles, nous devons être en situation d'assurer notre sécurité extérieure, de défendre nos intérêts et nos valeurs.
Vous savez que j'ai décidé, en 1996, de professionnaliser nos armées, afin qu'elles répondent aux besoins d'une grande nation moderne. À Saint-Malo, avec Tony BLAIR, j'ai ouvert la voie à l'Europe de la Défense. Dès l'an prochain, nous pourrons projeter jusqu'à 60 000 hommes à l'extérieur des frontières de l'Union.
Mais rien ne peut se faire sans moyens, sans un effort collectif de la Nation. Année après année, les crédits militaires ont été rognés. Le résultat, ce sont des programmes retardés, une condition militaire dévaluée, une armée souvent démoralisée.
Pour mettre fin à cette dérive, je m'engage à rétablir nos crédits militaires, à effectuer une remise à niveau, dès la prochaine loi de programmation, et à appliquer le plan Armées 2015. C'est ainsi que nous doterons la France d'une Défense conforme à son statut de grande nation.
La France a vocation à être le moteur de l'Europe. De grands rendez-vous nous attendent, notamment la réforme des institutions et l'élargissement de l'Union. Pour réussir ces rendez-vous, la France doit être puissante, unie, reconnue. Elle doit pouvoir faire entendre sa voix. C'est ainsi que nous pourrons poursuivre la construction d'une Europe proche des citoyens. Une Europe sociale. Une Europe de l'Education, de la recherche, de la culture. Une Europe de la sécurité. Une Europe soutenant une agriculture écologiquement responsable et économiquement forte. Une Europe attentive à la politique de la pêche. Bref, une Europe respectueuse des travailleurs de la terre et de la mer.
Enfin, notre pays a vocation à défendre une certaine éthique. Humaniser la mondialisation. La réguler, pour que les riches ne soient pas de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres. Pour que les fruits du progrès, scientifique, médical, soient mieux partagés et qu'ainsi les grands équilibres de notre planète soient mieux préservés. Lutter sans relâche pour les droits de l'Homme, les droits des femmes, les droits des enfants, la dignité de tous. Combattre pour la liberté, la tolérance et l'idéal démocratique. Promouvoir le dialogue des cultures, pour que les hommes se comprennent mieux, se respectent davantage.
Voilà les idéaux humanistes qui sont au coeur de notre identité française et républicaine. Donnons-nous les moyens de les défendre ! Rassemblons-nous pour les servir !
Seule une France moderne, qui occupe toute sa place dans le mouvement du monde, pourra faire vivre la singularité de son message.
Mes chers amis,
Je prends devant tous les Français des engagements qui seront tenus. Dès l'élection du 5 mai prochain, si vous me faites confiance, j'engagerai la bataille des élections législatives pour la gagner. Je demanderai à nos compatriotes d'envoyer à l'Assemblée nationale des députés décidés à soutenir mon action. Le Gouvernement que je désignerai rendra compte chaque année au Parlement de l'exécution des objectifs que je lui assignerai. Chaque année, il mettra en jeu sa responsabilité devant l'Assemblée nationale sur la réalisation de ces objectifs.
Dès le mois de mai, un ministre de la sécurité sera nommé. Je réunirai le Conseil de sécurité intérieure. Les lois de programme pour la Justice et les forces de l'ordre seront élaborées en vue d'être adoptées au cours d'une session extraordinaire du Parlement, réunie dès l'été. Au cours de la même session, la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu payable en 2002 sera actée, ainsi que la première étape de la baisse des charges pour l'emploi.
Les grandes négociations sociales auxquelles je veux donner l'impulsion s'engageront dans le même temps, pour l'assouplissement des 35 heures, pour l'égalité professionnelle des femmes et des hommes, pour la mise en place de l'assurance-emploi et du compte personnel de formation.
Dans la concertation, le gouvernement engagera la nécessaire réforme pour la sauvegarde de nos régimes de retraite par répartition.
Voilà le calendrier de l'action pour les prochains mois.
Mes chers amis,
Toute élection nationale est une rencontre du pays avec lui-même. A fortiori l'élection présidentielle, qui est aussi la rencontre d'un homme et d'un peuple.
Je sais que beaucoup de Français ont été traumatisés par les résultats du premier tour.
Nombreux sont ceux qui, aujourd'hui, à gauche peuvent se sentir orphelins du débat démocratique.
D'autres Français qui voulaient faire entendre leur colère, faire comprendre les difficultés de leur vie sont troublés par un résultat qui dépasse leur intention.
D'autres encore ne savent pas comment se situer dans ce cadre inédit.
À tous, je veux dire que les solutions existent, que l'avenir est grand ouvert à la France.
Si nous nous rassemblons autour de l'essentiel : la volonté de résoudre vraiment les problèmes de nos compatriotes. L'autorité et l'action. La solidarité. La libération de nos forces. La confiance en nous-même. La défense de nos valeurs, celles de la démocratie, celles de la République, celles de la Nation, nous trouverons le chemin.
Tel est mon combat pour la France.
La France de la liberté.
La France de l'égalité.
La France de la fraternité.
Vive la République ! Vive la France !
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