Cité de la Villette, Paris, le dimanche 8 décembre 2002
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Ministres, Monsieur le Président du Comité national olympique et sportif français, Mesdames et Messieurs les Présidents de Fédérations, Mesdames et Messieurs les athlètes prestigieux de notre pays, Mesdames, Messieurs, Chers amis,
Je suis heureux d'être parmi vous pour conclure ces Etats généraux du sport.
Le sport, c'est vrai, occupe dans nos vies une place toujours plus grande. Il mobilise des acteurs très nombreux : clubs et associations, fédérations, professionnels et amateurs, Etat et collectivités locales. Nous avions besoin que tous puissent se réunir pour évoquer, ensemble, les grands enjeux du monde sportif, dans leurs dimensions éthiques, sociales, financières et techniques.
Cette grande concertation, que pour ma part j'avais souhaité aussi, se concrétise aujourd'hui. Le Comité national olympique et sportif français et le ministère des Sports l'ont organisée avec beaucoup d'efficacité. Je voudrais les en féliciter. Je veux aussi remercier toutes celles et tous ceux, très nombreux, qui se sont mobilisés, partout en France, pour en assurer la réussite.
Avec ces Etats généraux, vous réaffirmez votre volonté de faire progresser la pratique sportive. Vous confirmez aussi votre attachement à une organisation originale. Une organisation qui permet d'associer le monde sportif aux pouvoirs publics pour assurer la promotion du sport, de son esprit et de ses valeurs, aussi bien au niveau amateur qu'au niveau professionnel.
La pratique du sport a beaucoup évolué. Autrefois réservée à une élite, elle est devenue un phénomène de société dont je souhaite que l'importance culturelle, économique et sociale soit pleinement et de plus en plus reconnue.
Le sport pour tous est une des plus belles évolutions des temps modernes. Si les Français vivent plus longtemps, s'ils sont aujourd'hui en meilleure santé, s'ils trouvent un meilleur équilibre de vie, c'est pour bien des raisons scientifiques et techniques, mais c'est notamment grâce au développement de la pratique sportive.
Plus profondément encore, le sport renforce les valeurs et les principes qui sont, hélas, trop souvent battus en brèche dans notre société et qui sont pourtant essentiels à la cohésion nationale. Valeurs individuelles de courage et de dépassement de soi qui contribuent à forger les caractères, mais aussi valeurs collectives de solidarité et de respect de l'autre, qui consolident la cohésion sociale d'un pays, d'une nation.
Bien sûr, le monde du sport est également soumis à des tensions qui reflètent certaines évolutions de notre société.
Il y a la nécessité de mobiliser des moyens financiers croissants, qui jouent un rôle positif pour renforcer le professionnalisme des athlètes et pour développer l'audience des compétitions, mais qui peuvent aussi altérer l'esprit du sport et qui impliquent donc un encadrement à la fois responsable et vigilant.
Il y a aussi hélas le dopage, véritable poison pour les athlètes et pour l'image du sport, et qui, hélas, gagne du terrain, au-delà même du monde professionnel. Le dopage n'est pas une dérive du sport, c'est l'anti-sport. Il salit les valeurs et les vertus du sport. Le dopage c'est le mensonge et la tricherie, vis-à-vis de soi-même, comme vis-à-vis des autres. C'est aussi courir des risques très graves, car tôt ou tard il menace la santé et bien souvent la vie de celles et de ceux qui s'y perdent.
Mais ces dangers, qu'il faut prévenir, qu'il faut combattre, ne doivent pas masquer l'influence extraordinairement positive du sport sur nos sociétés modernes et les perspectives qu'il offre à l'ensemble de nos concitoyens.
Ecole de l'effort, du plaisir d'apprendre et de se dépasser, le sport est aussi une expérience de la solidarité et il est également apprentissage de valeurs collectives.
C'est un lien très fort, en réalité magique, qui soude les membres d'une équipe. Et parce que le sport est un formidable vecteur d'images et de messages, il permet à un pays de se retrouver à l'unisson. De comprendre qu'à travers les succès de nos sportifs, comme durant la Coupe du Monde de football en 1998, c'est aussi un modèle français et une nation tout entière rassemblée derrière eux, qui réussit.
Nous savons la joie qu'il y a à soutenir un champion ou une équipe, le bonheur et la fierté qu'il y a à entendre retentir la Marseillaise à l'issue d'une compétition internationale.
Pour la jeunesse, pour la société tout entière, nos athlètes, en portant au plus haut les valeurs du sport, sont de véritables modèles. Derrière un titre olympique, un exploit individuel ou un succès d'équipe nationale, chacun mesure ce qu'il a fallu de talent, mais aussi de travail, de discipline et d'exigence personnelle. Derrière ces réussites éclatantes, il y a toujours une aventure individuelle ou collective. Il y a la volonté de ceux qui ont réussi grâce au sport. Il y a aussi le courage et l'humanité de ces sportifs qui ont su, dans la solitude et parfois la détresse, surmonter un échec ou une grave blessure, pour revenir au plus haut niveau. Il y a enfin tout simplement, dans le succès comme dans la défaite, l'amitié et la solidarité.
Dans ces moments privilégiés, le sport est véritablement l'affaire de tous. Le sport est ouvert à tous et cela est essentiel, car il joue un rôle éducatif primordial.
Dans la pratique du sport, le plaisir du jeu et l'épanouissement personnel sont inséparables de la rigueur et de la patience. C'est une école de tolérance et de démocratie. Il n'y a pas de chemin plus direct vers la véritable liberté, qui est aussi, qui est d'abord, la responsabilité.
En cela, le sport est un puissant instrument d'insertion des jeunes. Je ne veux pas dire que tous les problèmes se trouveront résolus grâce à lui. Je dis seulement que le sport, parce qu'il exprime une volonté d'être ensemble, peut contribuer fortement à la cohésion sociale. Là où le sport progresse, l'agressivité et la violence reculent.
C'est pourquoi il est indispensable de promouvoir la pratique sportive, notamment dans les quartiers en difficulté. Des initiatives existent, mais elles sont souvent éparses, fragiles et peu coordonnées. Pour renforcer leur efficacité, il faut qu'elles puissent bénéficier de l'appui des clubs sportifs. Elles pourront ainsi atteindre leur pleine dimension éducative, sociale et citoyenne.
De cette mission, qui relève naturellement d'une responsabilité partagée, l'Etat, les collectivités locales, le mouvement sportif et les clubs, doivent tous être partie prenante.
C'est pourquoi j'ai souhaité, qu'en liaison étroite avec le Centre national de développement du sport, une "Fondation du sport" soit créée. Elle financera en priorité les projets valorisant le rôle éducatif et social du sport. Son action permettra de démultiplier celle des pouvoirs publics et des associations, en mobilisant notamment des financements privés.
Elle pourra apporter son concours au développement des clubs de quartier et des équipements de proximité en zone rurale. Elle pourra également contribuer à développer des projets de reconversion pour les sportifs de haut niveau ou encore des actions de valorisation de l'éducation par le sport.
Les entreprises, je le sais, s'impliqueront au sein de cette fondation en accompagnant concrètement ces projets. Elles y exprimeront leur dynamisme en même temps que leur générosité.
La "Fondation du sport" donnera au mécénat sportif un sens nouveau, une dimension éthique, en apportant un soutien aux bénévoles, qui sont, chacun le sait, la richesse même du mouvement sportif.
Ce sont ces bénévoles qui, chaque jour, avec un dévouement admirable, se consacrent, au sein des clubs, à initier, former, faire progresser les sportifs. Ils donnent leur énergie, leur temps, et ils le font sans compter. Leur action doit être mieux reconnue, mieux valorisée. Je souhaite que le Gouvernement mette en place, dès 2003, une politique active de soutien au bénévolat et à la vie associative, notamment en prenant en compte naturellement les besoins aujourd'hui couverts par les emplois-jeunes.
Je tiens à ce que toutes les pistes soient examinées afin de trouver les mesures qui s'adapteront aux nécessités du terrain, car chacun est animé par la même volonté, celle d'aboutir rapidement à un résultat concret.
Les collectivités locales jouent, elles aussi, un rôle majeur, par l'octroi de subventions mais aussi par la mise à disposition d'équipements sportifs.
Ces équipements doivent faire l'objet d'une vigilance particulière. En ville comme dans les zones rurales, les infrastructures sportives sont parfois vieillissantes ou mal adaptées. Il appartient aux collectivités d'identifier les besoins et de mettre en oeuvre les projets d'aménagement nécessaires. A leurs côtés, l'Etat doit prendre la part de responsabilité qui lui revient, notamment pour veiller à une couverture équilibrée de l'ensemble du territoire.
Cette politique d'équipement doit faire toute leur place aux personnes handicapées qui souhaitent pratiquer un ou plusieurs sports et qui doivent pouvoir disposer des mêmes conditions d'entraînement et d'encadrement que les autres sportifs. Certes, on a fait des progrès. Ils en restent beaucoup à faire. Les clubs handisport ou de sport adapté font preuve d'un dynamisme très grand que les collectivités doivent accompagner et soutenir. Elles participeront ainsi à cette priorité nationale qu'est l'intégration des personnes handicapées dans notre société. Je souhaite vivement qu'à l'horizon de 2007, toutes les infrastructures sportives de France soient accessibles aux personnes handicapées.
Je n'oublie pas bien sûr le rôle des fédérations. Un rôle primordial.
Ce sont elles qui incarnent l'unité du mouvement sportif. L'Etat doit continuer à leur donner tout son soutien aussi bien sur le plan financier que sur le plan technique, en mettant à leur disposition des cadres de qualité.
Ces cadres, sous statut d'Etat, jouent un rôle très important, essentiel. Il est indispensable d'accompagner le déroulement de leur vie professionnelle et d'assurer, dans la durée, la pérennité de leur action et de leur mission.
De même, il importe de mieux assurer l'avenir de nos sportifs de haut niveau. Lorsqu'ils quittent la compétition où ils ont investi tout leur talent, leur énergie et leur temps, leur intelligence, ils se trouvent souvent mal préparés pour réussir leur entrée dans la vie professionnelle. Nous devons en prendre conscience et assumer les responsabilités de la société à cet égard en les aidant bien davantage.
Je souhaite que nous puissions explorer toutes les pistes nouvelles qui s'ouvrent pour la reconversion des sportifs. Je pense notamment aux partenariats entre les entreprises et le monde sportif. Je pense aussi au développement des technologies de l'information qui permettent de concilier plus facilement la préparation d'une carrière professionnelle avec les exigences du sport de haut niveau.
A côté de cet objectif de formation, les fédérations ont le devoir de maintenir et de renforcer la solidarité entre sport professionnel et sport amateur. C'est leur raison d'être. C'est un principe fondateur, si l'on veut préserver l'originalité de l'organisation du sport en France.
Vous savez à quel point je suis pour ma part attaché à ce modèle. J'ai d'ailleurs tenu, sous la présidence française de l'Union européenne, à ce que la spécificité du sport soit juridiquement reconnue en Europe. Il a fallu convaincre nos partenaires européens, afin qu'ils acceptent de consacrer le rôle éducatif et de solidarité du sport. Nous y sommes parvenus et je crois nécessaire de continuer dans cette voie. Pour ma part, je veillerai à ce que la spécificité du sport soit explicitement prise en compte par la Convention sur l'avenir de l'Europe.
C'est également au niveau européen et international que doit être menée la lutte contre le dopage. Il ne pourra être combattu qu'à travers une véritable harmonisation des politiques nationales. Les contrôles, comme les sanctions, doivent placer tous les sportifs bien sûr sur un pied d'égalité. Je souhaite que la France joue un rôle moteur dans l'élaboration du Code mondial antidopage.
Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi, avant de conclure, d'aborder une question qui est dans l'esprit de tous les sportifs. Dans la perspective d'une candidature de la France pour les Jeux olympiques d'été de 2012, Paris est sans doute la ville la mieux placée. Cette décision appartient naturellement au maire de Paris et à la municipalité de Paris. Nous examinerons avec eux les conditions dans lesquelles cette candidature pourrait être envisagée et le soutien que les pouvoirs publics pourront et devront lui apporter. Ce serait une chance, une chance pour nos champions, une chance pour le sport, une chance pour notre pays. Pour ma part, vous n'en doutez pas, j'appuierai cette candidature.
A tous, participants à ces Etats généraux du sport, je veux dire aussi que vous êtes par excellence les garants des valeurs sportives, valeurs d'accomplissement de soi, de discipline, de tolérance et de responsabilité. Chacun de vous remplit, dans ses fonctions, une mission d'intérêt général. La clarification des compétences qui s'est dégagée de vos travaux dont on m'a rendu compte, transmettra au modèle français une certaine vocation et lui permettra de gagner en force et en efficacité.
En nouant un dialogue entre tous les membres de la grande famille sportive, ces Etats généraux ont permis de définir un projet d'avenir. Et, vous le savez, je fais confiance à Jean-François LAMOUR, à qui je veux dire toute mon estime et tout mon soutien, pour le mettre en oeuvre avec vous.
Notre société s'en trouvera plus solidaire, plus humaine et aussi plus juste et naturellement plus forte. Vous pouvez compter sur ma détermination et sur l'appui des pouvoirs publics.
Je vous remercie.
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