Palais de l'Élysée, le mardi 5 février 2002
Je suis heureux de pouvoir m'adresser aujourd'hui à vous tous qui avez choisi de réfléchir à cette question importante et complexe qu'est la lutte internationale contre le terrorisme.
Je connais bien SOS ATTENTATS et je sais que bon nombre de ses membres comptent parmi leurs proches des victimes du terrorisme. Je rends hommage à votre mission d'alerte et de vigilance.
Je sais également que la contribution de ce colloque international aux progrès du droit pénal international est éminente.
C'est donc avec un intérêt particulier que je prendrai connaissance de vos discussions et de vos conclusions.
Après le 11 septembre, nous nous sommes engagés dans un nouveau combat de longue haleine contre le terrorisme. La France y est en première ligne et y prend toute sa responsabilité. Bien sûr, la lutte contre le terrorisme constitue depuis longtemps un axe majeur de notre action internationale. Mais l'ampleur de la tragédie, le nombre des victimes, les conséquences en chaîne qu'elle a déclenchées ont conduit à intensifier nos efforts. Déjà, ils ont abouti à de grands succès qui démontrent que nous ne sommes pas désarmés, loin de là. Les démocraties ont les moyens de vaincre le terrorisme.
En pleine solidarité avec les États-Unis, la France a participé aux opérations militaires et continue à coopérer au démantèlement des réseaux d'Al Qaïda. C'est en bonne voie.
À l'initiative de la France, deux résolutions du Conseil de sécurité ont dénoncé le terrorisme comme une menace pour la paix et la sécurité internationales et ont permis de mettre au point un dispositif obligatoire de coopération.
La France a insisté dès le mois de novembre pour que le GAFI, instrument de la lutte contre le blanchiment de l'argent sale, étende sa compétence au domaine si sensible de la lutte contre le financement du terrorisme.
Avec le Gouvernement, j'ai également veillé à ce que l'Union européenne surmonte résolument les blocages de toute nature qui s'opposaient depuis des années à la mise en place du mandat d'arrêt européen. C'est chose faite aujourd'hui.
Il est désormais établi partout, sans l'ombre d'une ambiguïté, que le terrorisme est hors la loi.
Je regrette qu'il ait fallu tant de morts, tant de drames pour y parvenir. Mais il est aujourd'hui universellement reconnu que rien ne justifie ce crime. Que les terroristes doivent être traqués et châtiés. Que les États qui les aident ou les protègent sont également coupables.
Poursuivre et juger les terroristes et leurs complices constitue une nécessité politique. Pour prévenir et réprimer efficacement ce fléau, il faut en effet affirmer, de la façon la plus claire, qu'ils ne peuvent espérer nulle part l'impunité.
C'est aussi un devoir impérieux à l'égard des victimes et de leurs proches. Rien ne compensera jamais la tragédie que constitue une vie mutilée ou un assassinat. Mais nous devons à la mémoire des victimes de poursuivre et punir les coupables et nous savons que le devoir de justice est aussi, pour leurs proches, une des conditions du deuil.
Chacun dans ce contexte s'interroge à juste titre sur la place de la justice pénale internationale.
Nous avons fait depuis dix ans d'immenses progrès dans ce domaine. Les tribunaux pénaux internationaux établis pour juger les crimes commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda ont fait leurs preuves. La Cour pénale internationale est enfin sur le point de voir le jour. Elle constituera l'instrument ultime pour juger les responsables de génocides, de crimes contre l'humanité, de ces crimes qui révoltent la conscience humaine et resteraient sans elle impunis. Ainsi se met en place progressivement un ordre public international fondé sur le droit et la justice.
Faut-il pour autant que le terrorisme relève d'une juridiction pénale internationale ?
Sur cette question, qui en entraîne bien d'autres, nous devons réfléchir et nous ouvrir à l'expérience de toutes celles et de tous ceux qui participent à la lutte anti-terroriste et à la construction du droit pénal international.
C'est pourquoi vos travaux seront pour nous tous une source précieuse de réflexion et je félicite celles et ceux qui ont pris l'initiative de ce colloque international.
Je vous remercie.
Jacques CHIRAC
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