Discours du Président de la République à l'occasion de la remise de la galette des rois.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la remise de la galette des rois par la Confédération nationale de la boulangerie.

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Palais de l'Elysée, le jeudi 10 janvier 2002

Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Présidents, Mes chers amis, Mesdemoiselles, Messieurs les Lauréats, Mes chers Amis,

Tout d'abord, Monsieur le Président, je voudrais vous remercier très sincèrement de vos voeux, exprimés comme vous savez le faire avec humour et détermination. Ces voeux m'ont touché, beaucoup touché et je vous en remercie et à travers vous je remercie toutes celles et tous ceux qui vous entourent et qui s'y sont associés.

Je suis, naturellement une fois de plus, très heureux de vous accueillir, comme chaque année, dans cette maison de la République et de tous les Français. Je me réjouis de vous voir réunis pour ce moment à la fois traditionnel et amical.

J'adresse à chacune et chacun d'entre vous mes voeux très sincères et cordiaux que ma femme et moi-même vous exprimons pour cette nouvelle année et au-delà de vous-même à vos familles et à celles et ceux qui vous sont chers.


Permettez-moi, Cher Président, de saluer quelques-uns de nos hôtes, que je connais plus particulièrement. Tout d'abord Gérard DELESSARD, le Président d'honneur de votre Confédération, un vieil ami à moi, et aussi vos adjoints, Jacques MABILLE et Jean-Claude CHOQUET. Je voudrais également saluer tous les Présidents de fédérations départementales présents ce soir.

Je salue aussi le Président de la Confédération nationale de la pâtisserie, François CARTRON et le Président de la meunerie française, Michel DELOINGCE.

Je félicite, bien entendu, très chaleureusement, les lauréats des concours des meilleurs jeunes boulangers et jeunes pâtissiers de France. Je leur exprime, ainsi d'ailleurs à tous les jeunes qu'ils incarnent et représentent et qui se préparent à l'un des plus beaux métiers du monde, mes souhaits de réussite et d'épanouissement professionnel et personnel. Des voeux très sincères à chacun d'entre eux.

J'adresse aussi mes meilleurs voeux, ceux de mon épouse, aux élèves de 6e et de 5e de la Maison de la Légion d'Honneur des Loges ainsi qu'aux jeunes filles de seconde de la Maison de Saint-Denis. Je salue Madame la Surintendante des Maisons d'Éducation de la Légion d'Honneur et ses collaboratrices ainsi que les professeurs qui les accompagnent.

Je voudrais enfin féliciter et remercier l'artiste Rémy POTEY et tous ceux qui l'ont aidé dans l'élaboration de ces deux splendides galettes que vous avez apportées aujourd'hui et je note, me semble-t-il, qu'elles sont chaque fois plus belles, plus brillantes, peut-être plus grandes et en tous les cas appétissantes. C'est une forme de réussite exceptionnelle qui fait honneur aussi à votre grand métier.


Cette semaine, dans chaque famille de France, entre amis, entre collègues, entre voisins, on se réunit pour l'Épiphanie, comme nous le faisons aujourd'hui.

Avec ces galettes, nous allons célébrer l'une des très anciennes coutumes, qui symbolise, en fait à mes yeux, le partage et l'amitié. Notre société a besoin aujourd'hui de ces traditions qui expriment et renforcent les liens sociaux, les liens de solidarité.

Le partage des galettes préparées par les boulangers renvoie au partage quotidien du pain. Le pain est un élément fondateur de notre culture. C'est l'aliment par excellence, issu d'un travail de transformation, par les hommes, des dons de la nature. Il en reste quelque chose d'un peu sacré, même si ce n'est plus comme autrefois l'aliment de base. Il reste l'aliment symbole, symbole de la perfection.

J'ai noté avec beaucoup de satisfaction que sa consommation est repartie à la hausse depuis quelques années. Je m'en réjouis car cela démontre que les Français sont conquis par les efforts considérables de qualité qu'ont fait les boulangers depuis une génération. Vous leur apportez, dans un contexte où la sécurité alimentaire est un sujet de vigilance extrême, des garanties totales sur les ingrédients et sur les processus de fabrication. Les Français, à juste titre, vous sont reconnaissants et vous font confiance.

Et plus encore, ils vous sont redevables. Car le pain français participe de l'image et du prestige de notre pays, chacun le sait. Il est très apprécié de nos visiteurs étrangers et le succès grandissant de nombreux boulangers français qui se sont expatriés, dans le monde entier, témoignent de cet intérêt.


Avec les Français, vous l'avez évoqué en parlant notamment des boulangères, élément essentiel de votre activité, de votre profession, vos relations sont quotidiennes. Vous entretenez avec eux un lien de confiance et de convivialité et vous avez un rôle irremplaçable de création de lien social, notamment dans le monde rural et aussi dans les quartiers.

C'est pourquoi, il n'est pas étonnant, vous l'avez souligné et vous avez eu raison de le faire, que vous ayez été aux avant-postes, les boulangères et vous, de l'entrée de l'euro, dès le premier janvier au matin. L'arrivée de l'euro est un événement historique et pour beaucoup de Français, leurs premiers pas avec l'euro, c'est avec vous qu'ils les ont faits. Grâce à la relation de confiance que vous avez avec nos compatriotes, jour après jour, les Français ont commencé à se créer de nouveaux repères de prix, à apprendre à connaître les nouvelles pièces, à avoir confiance dans cette nouvelle monnaie, symbole tangible de notre appartenance à un ensemble de nations qui ont choisi un destin commun de paix et de prospérité. Au nom de tous nos concitoyens, je voudrais remercier -il ne s'agit pas là simplement d'un propos diplomatique, mais de l'expression d'une vraie conviction-, tous les commerçants de France, et tout particulièrement, ceux qui ont été aux avant-postes dans cette opération, les boulangers et les pâtissiers, et naturellement leur conjoint qui était généralement encore devant ces avant-postes, pour leur patience, leur gentillesse et leurs efforts afin de rendre l'arrivée de l'euro plus facile, notamment pour saluer ceux qui avaient un peu plus de mal pour s'habituer ou un peu plus d'inquiétude pour pratiquer ces nouvelles pièces. Car je sais que le travail de préparation a été souvent très ardu -c'est le soir dans des conditions difficiles, et bien au-delà des 35 heures- afin de pouvoir être prêt au moment voulu pour rendre un service qui n'est pas naturel pour un boulanger, c'est-à-dire celui du change. Encore une fois, vous avez démontré la vitalité du commerce français, son importance et son enracinement dans notre vie économique et sa fonction essentielle sur le plan social.


Le 1er janvier 2002 correspondait aussi à un autre changement notable pour vous, que vous avez évoqué, comme je le disais tout à l'heure avec humour mais avec une grande détermination, c'est celui du passage aux 35 heures pour les petites entreprises. Vous avez exprimé dernièrement et publiquement vos craintes sur cette échéance. Je les connaissais bien, vous les avez rappelées.

Dans vos métiers, c'est vrai la réduction de la durée du travail se pose, de façon évidente, d'une manière spécifique. Elle doit prendre en compte vos réalités. Elle doit tenir compte de ce que les Français souhaitent : voir dorer une tartine de pain frais et la tremper dans leur café au lait du matin, généralement de bonne heure. C'est pourquoi d'ailleurs devant vous, l'an passé, j'appelais de mes voeux un assouplissement de la législation, en privilégiant le dialogue entre les partenaires sociaux. Les problèmes ne se résoudront pas par la voie réglementaire. Le problème doit se résoudre par la voie du dialogue social. Une étape a été franchie pour l'ensemble des petites entreprises. Il faut s'assurer désormais, vous avez raison, que cette étape soit adaptée aux caractéristiques spécifiques de certains métiers, au premier rang desquels c'est bien volontiers que je place la boulangerie et la pâtisserie.

Il ne faudrait pas, vous l'avez évoqué Monsieur le Président, décourager les jeunes d'embrasser la profession de boulanger ou de pâtissier. L'image des professions artisanales n'est pas assez valorisée auprès d'eux. Notre système d'orientation scolaire doit faire toute leur place aux métiers de l'artisan afin que les jeunes soient mieux informés de l'intérêt du travail indépendant et afin de leur donner réellement le goût de ces nobles métiers, s'il en est. Nous devons mieux faire connaître les réussites d'une profession qui a su concilier tradition et modernité, jusque dans les pays les plus lointains. Nous devons tout faire pour adapter les réglementations nécessaires aux réalités de la vie quotidienne.

Nos jeunes lauréats des concours des meilleurs boulangers et pâtissiers, ici présents, participent à cette recherche permanente de l'excellence de leur profession. Je le leur dis de tout coeur, ils peuvent en être fiers, et nous sommes fiers d'eux.

J'ai dit mon souhait que 2002 soit une année de mise en chantier des grandes réformes nécessaires pour la société et pour l'État, pour que le travail et les efforts des Français ne soient plus entravés, trop souvent de manière excessive ou artificielle et pour que l'avenir de notre système de sécurité sociale soit assuré.

Les artisans, et j'évoque ce point parce que nous en avions parlé notamment l'année dernière, ont souhaité une loi d'orientation. Je vous l'ai dit l'année dernière, à la même époque, j'y suis très favorable. 2002 doit maintenant être l'année d'une concrétisation de ce projet, qui doit être à la hauteur de vos aspirations, dont certaines, c'est vrai, sont très anciennes.


Monsieur le Président, Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs, je vous remercie une nouvelle fois pour ces merveilleuses galettes que vous apportez et vous invite, maintenant à les partager et à les déguster ensemble.

Avant, si vous le voulez bien, je propose que, conformément à la tradition, nous fassions, tant qu'il n'y a pas trop de désordre autour de la table des galettes, tant que la ruée n'a pas commencé vers la galette des rois, les photos avec toutes celles et tous ceux qui sont autour de nous, et après, seulement, nous serons récompensés par l'accès à la table des rois mages.

Je vous renouvelle, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, du fond du coeur, mes voeux, et ceux de mon épouse, pour une très bonne et très heureuse année.





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